Monsieur Le Bohec, vous avez raison, la culture de l'égalité femmes-hommes se transmet dès le plus jeune âge. L'appréhension que les hommes ont des femmes, et inversement, est vraiment liée à l'éducation. Nous nous projetons tous dans des stéréotypes de genre, dès notre plus jeune âge. C'est d'ailleurs pourquoi les députés ont proposé un amendement encadrant plus strictement l'accès des enfants aux sites pornographiques dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de Mme Bérangère Couillard et de M. Guillaume Gouffier-Cha. À juste titre, vous avez considéré que cela contribue à la formation de représentations de domination violente des hommes sur les femmes dès le plus jeune âge.
À l'heure actuelle, un module de formation initiale et continue sur l'égalité femmes-hommes et la prévention des violences sexistes et sexuelles est obligatoirement suivi par tous les personnels de l'éducation nationale – enseignants, personnels d'éducation, cadres etc. Nous diffusons également à tous les établissements scolaires un document unique de signalement, accompagné d'un guide d'utilisation, afin que les personnels soient dotés d'outils leur permettant de mieux repérer et signaler les violences intrafamiliales, et de mieux protéger les élèves victimes.
Dans le cadre du service national universel (SNU) et des cités éducatives, afin de toucher toute une classe d'âge, le Premier ministre l'a annoncé, les jeunes devront aussi suivre un module sur l'égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences conjugales.
En outre, des experts reconnus – comme Ernestine Ronai ou le Haut conseil à l'égalité (HCE) – ont créé à notre demande une « roue des violences ». Elle n'a pas vocation à régler tous les problèmes – je le dis pour les gens qui nous suivent sur les réseaux sociaux : non, le Grenelle n'est pas devenu une roue ! Mais elle constitue un support pédagogique et permettra aux personnes révoltées par les violences sexistes et sexuelles, qui ne sont pour autant pas experts et n'ont pas été formées, de se repérer. Ainsi, si vous êtes surveillant et qu'un élève vient vous dire « on m'a touché contre mon gré » ou si vous êtes un élu local chargé de l'attractivité économique du territoire ou de l'urbanisme et qu'une femme vous avoue « j'ai été confrontée à la volonté d'exciser ma petite-fille », il n'est pas toujours facile de savoir comment répondre. Cette roue constitue un support de dialogue et, avec des mots très simples, permet de comprendre comment réagir si, par exemple, « il contrôle ma tenue ou les gens que je fréquente ». Elle liste les violences psychologiques, économiques, physiques, ainsi que les violences sexistes et sexuelles. Je remercie les experts qui ont effectué ce travail. Au dos de la roue figurent le numéro d'appel 3919 et les informations concernant le module de signalement.
Dès le plus jeune âge, elle permettra de prendre conscience de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas. Lors de mes interventions dans les écoles, collèges ou lycées, je m'aperçois en effet que les jeunes filles pensent qu'il est normal qu'un jeune homme énervé les gifle, qu'il est normal qu'il les méprise ou les humilie devant leurs amis, qu'il est normal qu'il les coupe de leur entourage – « ils sont tous comme ça ». Non, ce n'est pas normal ! Il est important de le rappeler, sans rentrer dans la vie privée des uns des autres. Il s'agit de principes sains de respect mutuel. À cet égard, les dispositifs adoptés dans le cadre de l'examen de la proposition de loi susmentionnée sont très importants.
Monsieur Cinieri, concernant la retraite des femmes, nous prenons cette question très au sérieux et elle fait partie des sujets de préoccupation. J'ai rencontré des syndicats et des manifestantes, mobilisées. Nous devons être plus lisibles car nos explications sont encore considérées comme trop floues. Pourtant, je rappelle que le congé maternité sera toujours pris en compte à 100 % dans le calcul – auparavant par trimestre, désormais par points. Pour les parents au foyer, le dispositif reste également le même.
Point positif pour les femmes : le seuil à 1 000 euros. Actuellement, 38 % des femmes touchent moins de 1 000 euros par mois à la retraite. Avec la réforme, ce ne sera plus possible. Elles sont beaucoup plus touchées que les hommes – quel que soit leur niveau de vie au cours de leur vie active – car beaucoup d'entre elles s'arrêtent pour élever leurs enfants ou travaillent pour leur conjoint dans l'ombre, sans être déclarées ou rémunérées.
Nous devons laisser le choix aux femmes, vous avez raison. Cela peut faire partie des éléments de discussion lors du débat parlementaire qui suivra l'examen du projet de loi en conseil des ministres le 24 janvier.
Madame Bazin-Malgras, les écoutants du 3919 sont des professionnels de l'accompagnement formés à l'écoute. Ils travaillent en groupe – les appels les plus difficiles à gérer pouvant faire l'objet d'une double écoute. Comme pour les autres associations, un bilan annuel très détaillé nous est remis – nature des appels, proportions, répartition géographique, etc. Certaines associations se plaignent dans la presse que nous leur demandions des comptes, mais les subventions qu'elles reçoivent sont de l'argent public ; il est normal qu'elles justifient leur utilisation.
Vous évoquez la « satisfaction ». Le 3919 n'est pas une baguette magique – il n'arrête pas les violences… C'est un numéro d'écoute, d'accompagnement, qui permet de connaître ses droits, de mettre des mots sur les violences subies, le cas échéant, de trouver un hébergement d'urgence et de savoir comment déposer plainte. En cas d'urgence, il faut appeler le 17. La communication gouvernementale doit peut-être être plus claire.
Sur le refus des femmes de porter plainte, vous avez tout à fait raison. Même si ce n'est pas notre rôle, mon cabinet et moi-même menons aussi ce travail de conviction. C'est extraordinairement difficile, mais il faut aboutir. Vous le savez, nous allons proposer que les médecins puissent procéder à des signalements. Plus largement, chaque personne qui a connaissance de violences conjugales peut les signaler à la police ou à la gendarmerie. La justice peut également décider de se saisir, mais les signalements sont un préalable.
L'essentiel est de lever les craintes : souvent, on ne veut pas déposer plainte car on est encore sous emprise, on ne peut pas faire de mal à l'homme – pourtant bourreau –, on ne connaît pas les circonstances, etc. En outre, les écoutants du 3919 ne recommandent pas à une femme qui habite encore sous le même toit que son mari de porter plainte car les conséquences peuvent être dramatiques.
Un quart du financement des centres d'accueil et d'accompagnement des auteurs de violences conjugales devrait être pris en charge par les collectivités. Plusieurs collectivités pourront participer conjointement, ainsi que d'autres partenaires, comme c'est le cas à Arras. L'État mettra énormément de fonds.
Madame Chapelier, vous avez raison, en matière de diplomatie féministe, la France joue un rôle très important à l'ONU. J'ai d'ailleurs présidé un conseil de sécurité Femmes, Paix et Sécurité de l'ONU. Nous prenons la résolution très au sérieux et nous travaillons sur le plan triennal, comme vous l'avez indiqué.