Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du jeudi 30 janvier 2020 à 9h00
Inscription d'office sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Tout l'intérêt des accords de Matignon de 1988 qui ont scellé le retour de la paix civile en Nouvelle-Calédonie, prolongés par l'accord de Nouméa en 1998, est de faire en sorte que les Calédoniens, quelle que soit leur origine, puissent décider de leur destin commun, au sein ou en dehors de la République, dans le cadre d'instances de dialogue partagées – bref, de faire que la décision leur revienne.

Ce cadre est celui du comité des signataires de l'accord de Nouméa, qui réunit à intervalles réguliers, sous l'égide de l'État français, les représentants des forces politiques indépendantistes et non indépendantistes. C'est au sein de ce comité que sont notamment discutées les modalités d'organisation des consultations de la population sur l'accession à la pleine souveraineté. La première de ces consultations a eu lieu en 2018 ; deux autres devraient suivre, dont la prochaine le 6 septembre 2020.

La proposition de loi organique qui nous est soumise aujourd'hui concerne la délicate question de l'inscription d'office sur les listes électorales spéciales pour cette consultation. À l'instar de ce qui existe pour les Kanaks, elle propose l'inscription d'office des résidents de statut commun, qu'ils soient originaires d'Europe, de Wallis-et-Futuna, de Polynésie ou d'autres parties du monde, dès lors qu'ils sont natifs du territoire et qu'ils justifient d'une durée de résidence de trois ans, actuelle ou passée.

Selon les auteurs de cette proposition de loi organique, le XIXe comité des signataires de l'accord de Nouméa du 10 octobre 2019 entérine une rupture d'égalité de traitement entre Calédoniens de statut coutumier et Calédoniens de statut de droit commun en ne reconduisant pas, pour le deuxième référendum, cette procédure d'inscription d'office. Les indépendantistes se sont opposés au renouvellement de ce dispositif, qui ne devait être qu'exceptionnel, car ils ne souhaitaient pas une nouvelle révision de la liste électorale par loi organique, comme cela avait été le cas pour le premier référendum.

S'il y a eu désaccord sur ce point lors de ce comité des signataires, force est de constater que celui-ci a finalement abouti à une décision commune sur la globalité des modalités d'organisation de la deuxième consultation.

M. le rapporteur nous a dit à maintes reprises que toutes les formations non indépendantistes siégeant au congrès de la Nouvelle-Calédonie étaient contre la non-reconduction de l'inscription d'office des électeurs de droit commun. Ce n'est pas ce que j'ai entendu. Ces formations ont validé la décision du XIXe comité des signataires dans laquelle figurait cette non-reconduction. Je cite l'exposé des motifs de la proposition de loi : « Enfin, une partie des non-indépendantistes a décidé d'abandonner la défense de la procédure d'inscription d'office des natifs de droit commun contre un deuxième référendum avancé de quelques semaines – 6 septembre 2020 au lieu du 3 novembre 2020 – , eu égard aux engagements qu'ils avaient pris sur le sujet lors de la campagne électorale provinciale. » Ils remettent donc en cause leur propre accord, ce qui est un peu curieux.

Nous comprenons donc qu'il y a eu, comme dans toute négociation, des concessions de part et d'autre, pour aboutir à un compromis permettant que tout le monde, bon an mal an, chemine dans la même direction. Cela ne rend pas acceptable le fait que l'une des parties cherche à revenir sur un point qui ne lui convient pas, en prenant à témoin l'Assemblée nationale pour détourner un compromis local de son sens.

Le groupe Libertés et territoires est foncièrement attaché au respect des accords de Matignon et de Nouméa et à la nécessité d'un traitement totalement impartial de la part des institutions françaises de la question de l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Les décisions du XIXe comité des signataires, réuni le 10 octobre 2019, ne doivent pas déroger à cette règle.

Que l'accord conclu entre indépendantistes et non-indépendantistes ne convienne plus à une partie de ces derniers n'est pas une raison suffisante pour remettre en cause le processus décisionnel quant à l'organisation d'une deuxième consultation, qui ne pourrait du reste pas se tenir. Le vote d'une telle proposition de loi organique serait un signal négatif envoyé à la population de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'une entorse à la lettre et à l'esprit des accords, ce qui ne manquerait pas d'être relevé au niveau international, tant le scrutin est observé sur ce territoire classé par l'ONU comme « territoire à décoloniser ».

Nous trouvons d'ailleurs assez dangereuse l'entreprise qui serait menée par le biais de cette proposition de loi organique dans le but de délégitimer le résultat du futur scrutin. Il est vrai que le score relativement élevé du vote pro-indépendantiste a surpris beaucoup de monde, surtout les formations politiques non-indépendantistes qui espèrent que cette dynamique ne se confirmera pas en septembre prochain.

Faut-il que l'Assemblée nationale revienne sur un accord local avec l'aide du Gouvernement, ce qui ne manquerait pas d'être interprété par un grand nombre de Calédoniens comme une ingérence inacceptable ? Cette décision dangereuse remettrait le feu aux poudres.

Il faut respecter de la manière la plus impartiale possible le processus politique en cours afin de donner le moins de prise possible à une éventuelle contestation, ce qui impose de se conformer aux décisions prises lors des comités des signataires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.