Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence d'Olivier Dussopt, retenu, comme vous le savez, par la conférence de financement des retraites ; il nous rejoindra peut-être au cours de nos travaux. Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi visant à interdire le cumul d'une pension de retraite et d'une indemnité d'activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l'État.
Avant d'entrer dans le coeur du sujet, je tiens à remercier sincèrement le groupe UDI, Agir et indépendants d'avoir choisi d'inscrire, dans le créneau qui lui est imparti, un texte relatif à la déontologie à l'ordre du jour de l'Assemblée. Je veux saluer également votre engagement constant, monsieur le rapporteur – vous l'avez vous-même rappelé – , en faveur de l'exemplarité dans notre vie publique. Je connais votre exigence en la matière, particulièrement vis-à-vis de ceux qui ont la charge des plus hautes responsabilités. Le Gouvernement la partage entièrement.
Vous l'avez dit, ces questions sont au coeur de notre pacte républicain. À l'heure où des interrogations émergent et où des craintes se manifestent, cette transparence et cette exemplarité vis-à-vis de nos concitoyens sont non seulement légitimes mais nécessaires et saines.
Le Gouvernement est très attentif à la structuration, à la gestion et au niveau des rémunérations dans les instances publiques, notamment pour les personnes relevant des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Je note que nous avons à ce sujet de véritables points de convergence.
Vous avez déposé, il y a maintenant près d'un an, la proposition de loi que nous examinons maintenant ; beaucoup de chemin a été parcouru depuis lors.
En effet, soucieux de l'exemplarité des présidents d'AAI et d'API, le législateur – vous l'avez également rappelé – s'est engagé dès l'été dernier dans la voie de l'encadrement et de la clarification de leurs rémunérations, en adoptant la loi de transformation de la fonction publique qu'Olivier Dussopt a eu l'honneur de défendre devant votre assemblée. Son article 38 pose le principe de la limitation des rémunérations perçues par les membres des autorités indépendantes qui perçoivent par ailleurs une pension de retraite. C'est une grande avancée ; je veux saluer ici l'ensemble des parlementaires qui ont contribué aux débats et ont permis d'oeuvrer en ce sens. Je pense notamment à M. Fabien Matras et à M. Olivier Marleix, qui ont conduit la mission d'information sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts, à Mme Émilie Chalas, rapporteure du projet de loi de transformation de la fonction publique, ou encore à Mme Laurence Vichnievsky.
La loi a prévu que les modalités d'application de la mesure seraient fixées par un décret. Comme nous nous y étions engagés, je vous confirme que le Gouvernement a transmis le projet de décret au Conseil d'État le 24 janvier. Nous attendons l'avis de la section de l'administration ; ayant pris connaissance de vos débats en commission, je sais combien il est attendu parmi vous également.
Tout en respectant la séparation des pouvoirs – vous le comprendrez – et le travail du Conseil d'État, je veux vous dire un mot du dispositif proposé par le Gouvernement, afin d'éclairer nos débats.
Conformément à la loi, le décret d'application viendra préciser les conditions dans lesquelles le montant des retraites sera déduit de la rémunération des membres exerçant leur activité à titre exclusif. S'agissant des membres des AAI et des API, le montant des traitements perçus sera ainsi diminué à due concurrence du montant réel de la ou des pensions de retraite perçues par l'intéressé. De plus, le décret permettra d'aborder dans un seul et même texte les conditions de rémunération de l'ensemble des membres d'AAI et d'API, ce qui garantira la cohérence des rémunérations de chaque dirigeant tout en tenant compte du niveau de responsabilité associé à chaque autorité.
Je rappelle que le défenseur des droits et les membres du Conseil constitutionnel relèvent d'une loi organique. Ce sera chose faite puisque l'article 4 du projet de loi organique relatif au système universel de retraite, que nous étudierons dans les prochaines semaines, tend à instaurer un même mécanisme en limitant le cumul d'une ou plusieurs pensions de retraite avec les rémunérations des membres des autorités indépendantes.
Je sais que nous avons le même objectif, et que députés et Gouvernement ont pris toute leur part à ces différents travaux.
Je le répète, entre le dépôt de la présente proposition de loi et son examen aujourd'hui, dix mois se sont écoulés. Dans l'intervalle, la loi du 6 août 2019, dont le rapporteur a cité les termes, a été promulguée, et le décret d'application de son article 38 sera bientôt publié, comme je viens de vous l'indiquer. Il traduit la position du Gouvernement, conforme à votre volonté d'aller vers plus de clarté concernant la rémunération des plus hauts responsables de la sphère publique. Nous pouvons donc raisonnablement nous entendre, monsieur le rapporteur, sur le fait que l'article 1er est satisfait.
Quant à l'article 2, à ce stade, il prévoit que les membres des autorités indépendantes ne peuvent percevoir une rémunération supérieure à celle du Président de la République. Nous entendons cette idée. Cependant, nous considérons que cette référence à l'indemnité du Président de la République apporte plus de confusion dans notre débat qu'elle n'offre de solution effective pour encadrer les rémunérations des dirigeants des autorités indépendantes. Je sais d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que vous avez d'ailleurs évolué au cours de votre réflexion. J'appelle à la plus grande prudence : des postures trop strictes dans ce domaine pourraient entraîner in fine des conséquences que nous ne souhaitons pas. Pour l'exercice de missions impliquant un haut niveau de responsabilité, l'État se doit en effet d'avoir, lors des recrutements qui le concernent, un haut niveau d'exigence s'agissant des compétences attendues, et c'est d'autant plus vrai des dirigeants des autorités indépendantes qui exercent leurs fonctions dans des secteurs stratégiques.
Ainsi, fixer un plafond pour toutes les présidences des AAI et API sans prendre en compte la diversité et les spécificités des postes conduirait les autorités indépendantes à se priver de la capacité d'attirer des talents reconnus, des dirigeants dotés d'un haut niveau d'expertise pour élaborer et mettre en oeuvre des politiques publiques cruciales ou encore pour exercer des missions de contrôle. Face à la concurrence, réelle, du secteur privé, la question du niveau des salaires des dirigeants publics renvoie donc d'abord à celle de l'attractivité des postes à pourvoir.
Je le dis d'autant plus aisément que je considère que ces rémunérations élevées doivent faire l'objet d'un contrôle poussé et d'une exigence de transparence, attendus par nos concitoyens. C'est tout l'objet de l'article 3 de la proposition de loi, qui dispose que le Parlement est informé des rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives ou publiques indépendantes et des agences de l'État. Vous l'avez tous signalé lors de vos débats en commission : cette disposition a déjà été satisfaite par l'article 95 de la loi de transformation de la fonction publique. C'était une avancée essentielle pour une clarté totale de la rémunération des dirigeants exerçant leurs fonctions dans la sphère publique.
Je tiens à rappeler que c'est grâce à votre initiative, monsieur le rapporteur, et à celle de l'ensemble des parlementaires que cet article a pu être adopté. Ainsi, conformément à notre objectif de transparence des rémunérations, le Gouvernement remettra chaque année au Parlement un rapport précisant le montant de celles des membres nommés au Conseil constitutionnel ainsi que dans les autorités administratives et publiques indépendantes et les agences de l'État. Ce dispositif correspond à la volonté du Gouvernement de rétablir la confiance de nos concitoyens envers les responsables publics et de rendre plus transparentes les rémunérations des membres des AAI et des API.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement considère le présent texte comme une contribution utile à ce débat qui nous rassemble. L'encadrement des rémunérations au sein des autorités indépendantes et leur lisibilité pour nos concitoyens sont des conditions essentielles de la sauvegarde de la légitimité et de l'efficacité de l'action des pouvoirs publics.
Néanmoins, grâce aux ajustements normatifs déjà adoptés et à ceux qui interviendront dans les jours à venir, et dans le contexte que je vous ai exposé, le Gouvernement estime que les évolutions du cadre législatif et réglementaire sont de nature à satisfaire ces exigences de transparence.