Intervention de Sophie Panonacle

Séance en hémicycle du mardi 4 février 2020 à 15h00
Débat sur la politique maritime de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Panonacle :

Je me réjouis que cette semaine de contrôle permette un débat sur la politique maritime de la France. C'est une initiative très attendue après un trop long silence à ce sujet dans l'hémicycle. En effet, il faut remonter à juin 2016 pour retrouver un temps fort de la vie parlementaire consacré à l'économie de la mer, à savoir l'adoption, à l'unanimité, de la loi pour l'économie bleue.

La mise en application de cette loi a fait l'objet en décembre 2017 d'un rapport d'information que j'ai corédigé avec notre collègue Sophie Auconie. Il contenait trente-six propositions. Certaines ont été reprises ; d'autres, plus complexes, restent en suspens, ce qui justifierait un tome 2 de la loi sur l'économie bleue.

Le débat qui s'ouvre, je l'ai demandé et espéré, car je sais combien sont grandes les attentes des acteurs publics et privés. Ces derniers sont regroupés au sein du comité France maritime, coprésidé par Denis Robin, secrétaire général de la mer, et par Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster maritime français, qui accomplissent ensemble un travail remarquable. Ils assistent à cette séance et je sais qu'ils seront attentifs à tous nos échanges.

Le présent débat intervient peu après deux événements majeurs : le discours de cadrage prononcé par le Président de la République à Montpellier, en décembre dernier, et dont on doit retenir la formule selon laquelle « le XXIe siècle sera maritime » ; et les mesures arrêtées par le Comité interministériel de la mer – le CIMer – en 2019, qui nous fixent pour cap d'embrasser pleinement notre destin maritime. Dire que notre siècle sera celui de la mer, c'est reconnaître que l'océan constitue, à bien des égards, un facteur décisif face aux enjeux économiques, sociaux, environnementaux ou encore stratégiques que connaît notre pays.

En la matière, nous ne partons pas de rien. Rappelons-nous que l'économie de la mer a généré un chiffre d'affaires de 91 milliards d'euros en 2019 ; que le transport maritime représente 90 % du commerce mondial ; que les ports français acheminaient 376 millions de tonnes de marchandises en 2018 ; et que l'autorisation d'engagements de l'État au service de la politique maritime s'élève pour 2020 à 2,143 milliards d'euros, répartis entre douze ministères.

Avec près de 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, ou ZEE, l'espace maritime français est le deuxième plus vaste au monde – nous le répétons à l'envi. Cette deuxième place, nous la devons à nos territoires ultramarins. Il nous faut donc nous interroger sur l'efficience de nos projets maritimes outre-mer.

Je suis profondément convaincue que nous vivons un temps dans lequel économie et écologie ne peuvent plus être pensées séparément. Les ambitions de la stratégie nationale portuaire pour la période 2020-2025 en matière de transition écologique et de numérisation doivent permettre de consolider le rôle des ports français et de renforcer leur compétitivité. Car il ne peut y avoir de politique maritime ambitieuse sans grands ports maritimes français compétitifs.

Les activités liées aux EMR – énergies marines renouvelables – , au verdissement du transport maritime et aux biotechnologies bleues inspirent déjà de nombreux projets. Ne faudrait-il pas accélérer les procédures pour nous conformer aux objectifs de la loi relative à l'énergie et au climat en portant à un gigawatt par an, d'ici à 2024, le rythme d'attribution des capacités d'éolien en mer ?

De leur côté, les armateurs français conçoivent des projets innovants en ayant recours au GNL – gaz naturel liquéfié – ou à la propulsion vélique pour décarboner le transport maritime. Ne faut-il pas lever les contraintes administratives et réglementaires auxquelles ils sont confrontés ?

L'activité maritime représente 355 000 emplois directs. Ce chiffre pourrait atteindre 1 million à l'horizon 2030. Pourtant, les filières maritimes souffrent d'un réel manque d'attractivité, de recrutement et de formation. Il est de notre responsabilité, partagée avec les régions, de relever au mieux les défis de l'emploi maritime et d'inspirer une envie de mer à nos concitoyens. J'y contribuerai en organisant, le 2 avril prochain, un colloque sur l'emploi maritime à l'Hôtel de Lassay.

Enfin, dans les mers et océans du globe, la marine nationale doit pouvoir continuer de faire respecter la liberté de navigation et de garantir l'accès aux détroits essentiels au commerce mondial. Le dernier CIMer a aussi prévu des mesures visant à approuver puis à mettre en oeuvre le schéma directeur du modèle français de la fonction garde-côtes. Nous serons attentifs au respect de cet engagement.

Je vous ferai enfin part d'une certitude : l'océan n'est pas seulement une ressource à fort potentiel économique, une réserve de biodiversité, un bassin d'emploi, un objet de recherche, ou encore un théâtre d'influence stratégique – il est tout cela à la fois. C'est ce qui fait son inestimable richesse et son extraordinaire fragilité.

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