Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du mardi 4 février 2020 à 15h00
Débat sur la politique maritime de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Comme plusieurs ici, siégeant sur divers bancs, j'apprécie le fait qu'une question longtemps considérée comme exotique soit désormais devenue assez courante pour que tous les partis politiques de notre pays s'y intéressent et que cela ait permis de dégager des connaissances politiques et une capacité à en discuter. Je ne dirai rien de vraiment différent de ce qui a été dit avant moi car, comme l'a dit quelqu'un, nous sommes souvent d'accord et, pour une fois, il ne s'agit pas d'un accord au rabais, mais d'un accord sur des points relevant de l'exigence la plus élevée.

Nous rappelons souvent, et je veux le faire ici à mon tour, une réalité que les Français méconnaissent : la France est une puissance maritime, qui possède le deuxième territoire maritime du monde. Ce fait est établi par les organismes internationaux, parce que nous avons été capables de faire la démonstration, dans le cadre du programme EXRAPLAC – extension raisonnée du plateau continental – et au moyen de navires équipés des instruments scientifiques de haut niveau dont nous avions besoin, que la France avait une continuité territoriale en mer. Le territoire s'est ainsi accru de 10 %, soit de 600 000 kilomètres carrés, sans que nous ayons tiré un coup de fusil ! C'est la première fois dans notre histoire qu'une telle extension du territoire national s'opère dans des conditions pacifiques et reconnues par la communauté internationale.

Cette puissance, sur laquelle j'ai tenu à insister, est, à la vérité, fort mal garantie, car nous disposons en tout et pour tout, pour la surveiller, de l'équivalent de deux voitures de police pour tout l'Hexagone ! Or, s'il est question de surveiller et de garantir, c'est parce que la mer et les sols sous-marins sont devenus un enjeu qui ne tolère plus la moindre naïveté. De fait, 90 % du commerce mondial passe par la mer, mais celle-ci contient aussi 85 % de la biodiversité et de fabuleuses richesses qui sont un multiple de toutes celles qui sont disponibles sur la « terre ferme ».

Devant la rareté d'accès à ces matières premières, il est à peu près certain que c'est en mer que se joueront les grandes confrontations entre les puissances. À mesure que la glace recule et que de nouvelles routes maritimes s'ouvrent au pôle Nord, on voit déjà commencer la dispute pour savoir à qui appartient ce qui se trouve dessous et, évidemment, ce ne sont pas des petits bras qui jouent cette partie, mais la Russie, les États-Unis d'Amérique et la Chine. Tout le monde s'en mêle, de telle sorte qu'aux enjeux traditionnels que sont ceux de l'accès aux matières premières s'ajoutent à présent ceux, moins traditionnels, de la surveillance et de notre capacité à assurer ce que nous installons en mer.

Je pense en particulier ici aux câbles sous-marins, par lesquels transitent 100 % des informations qui vont d'un endroit à un autre de la planète. Il n'y a pas d'autre issue pour la France que d'être la puissance marchande qui agit pour que se crée du droit international. Créer du droit international, c'est créer de la communauté humaine, car c'est le droit qui crée la communauté humaine, et nous avons intérêt à ce qu'il existe du droit international à propos des grands fonds. Nous ne saurions nous contenter de la commission des Nations unies qui attribue le droit de faire des trous dans le fond de la mer sans qu'on sache ni qui en assume les conséquences ni, d'ailleurs, quelles en sont les conséquences exactes.

Je ne m'éloigne pas pour autant des problèmes plus spécifiquement liés à la puissance française, en particulier celui du pavillon français. Est-il normal que si peu de navires battent pavillon français ? Est-il normal qu'on ait ouvert à l'international ce qui était autrefois un monopole – le cabotage d'un port français à un autre – , si bien qu'une liaison entre Marseille et la Corse se déroule dorénavant sous pavillon maltais ? Je tiens cela naturellement pour une mauvaise plaisanterie.

De la même manière, il ne peut être question que durent plus longtemps les exercices de pêche clandestine, au large de la Guyane, contre lesquels, à de multiples reprises, nous avons protesté en demandant aux autorités d'intervenir. Il est temps de procéder dorénavant manu militari, comme nous l'avons fait dans le passé, au large des côtes françaises, à propos des sardiniers espagnols.

De même, il est temps de mettre fin au recours au travail détaché dans la profession de marin, non seulement à bord mais aussi à terre. Cela nous épargnerait certainement des scènes telles que l'empoisonnement collectif que nous venons de vivre à Marseille, mais cela permettrait surtout de garantir aux marins la dignité qui est celle de leur métier plutôt que de laisser leurs droits obéir à la règle du moins-disant.

Si nous avons bien compris les problèmes posés par l'acidification de la mer, je conclus par une mise en garde en vous demandant, madame la secrétaire d'État, de nous conforter dans l'idée que nous avons une responsabilité particulière en raison du réchauffement de la mer Méditerranée, ouverte sur l'océan mondial par seulement 13 kilomètres. Le risque de pénurie existe. À Chypre, on commence à se battre pour l'exploitation du gaz. Les risques liés au plastique existent également. Nous autres, Français, sommes capables de maîtriser cette situation en observant la mer à partir du ciel : 50 % des contrôles étant effectués depuis l'espace, nous avons les moyens de surveiller ce qui se passe chez nous.

Je vous remercie, tout en regrettant de n'avoir disposé que de cinq minutes et trente-cinq secondes pour parler d'un sujet qui occupe toute une vie.

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