Le projet ignore complètement la pénibilité. À l'image de la novlangue de 1984, de George Orwell, d'aucuns voudraient bannir le mot pénibilité car « cela donne le sentiment que le travail serait pénible ». Mais je l'affirme avec force : pour un grand nombre de nos concitoyens, oui, le travail est pénible. La retraite apparaît parfois comme la fin d'une souffrance ; elle est souvent synonyme de soulagement, elle marque le début d'une nouvelle vie.
Le principal argument avancé pour justifier l'allongement de la durée du travail est l'augmentation de l'espérance de vie. Il ne manque qu'une chose pour finir cette phrase : « en bonne santé » ! La dernière étude de l'INSEE, publiée en 2018, est implacable sur le sujet : l'espérance de vie en bonne santé stagne depuis dix ans aux alentours de 63 ans. L'objectif d'une retraite est de pouvoir en profiter !
Alors comment expliquer que, demain, les actifs ne cotiseront quasiment plus à la retraite par répartition au-delà de 10 000 euros de revenus mensuels ? À l'heure de la recherche de financements, cela représente une perte de 60 milliards d'euros sur la période 2025-2040. Pour plus de solidarité et pour financer la retraite, il faudrait maintenir le taux de cotisation à 28,1 % jusqu'à 27 000 euros de revenus mensuels, mais également mobiliser des ressources complémentaires, comme les fonds de réserves. Il n'est pas trop tard pour revoir le projet de fond en comble et en faire une véritable avancée sociale.
Je comprends mieux pourquoi le Gouvernement a renoncé à dire clairement qui sont les gagnants et les perdants de cette réforme : c'est simple, votre réforme des retraites universalise les perdants ! Il faut revoir la copie.