Concernant la question de l'attractivité de l'OTAN, elle existe, puisque nous en avons un exemple et un symbole au travers de la demande de la Macédoine du Nord de vouloir intégrer l'alliance. Cela est notamment vrai et fort dans l'est européen et dans cette zone tourmentée des Balkans, qui a connu des milliers de morts dans le cadre des conflits au cours de ces dernières décennies, suite à l'éclatement de la Yougoslavie. L'OTAN est perçue comme un élément de stabilité, un pivot auquel nombre de pays ont voulu adhérer. Même s'ils ne veulent pas y adhérer, ils se réfèrent à l'OTAN, c'est le cas notamment de la Serbie.
Concernant la Macédoine du Nord, l'adhésion est l'objet d'un consensus national très fort, majorité et opposition. La perspective d'adhésion à l'OTAN a été un facteur très important pour inciter les acteurs de la région, la Macédoine du Nord au premier chef, à résoudre les contentieux avec les pays voisins, notamment la Bulgarie où il y avait un passif historique quand même assez lourd. Je crois que cela est un point important.
Sur la réforme de l'OTAN, il s'agit d'un sujet éminemment important. Mon intime conviction est que l'OTAN a une force et une réalité qui sont tout à fait prégnantes. En revanche, il est clair qu'aujourd'hui, elle est un peu déboussolée. La politique incarnée par le Président des États-Unis est une politique qui déstabilise les alliés à bien des égards. Elle va à contre-courant d'une vision multilatéraliste que les Américains ont portée avec d'autres pendant longtemps. Nous avons désormais ce schéma plus unilatéraliste et de repli sur soi, qui entraîne un certain nombre de conséquences sur l'alliance elle-même.
Sur la question budgétaire, il est vrai que tous les pays de l'Europe doivent faire un effort en matière budgétaire et financière concernant les questions de défense. Au travers du vote de la dernière loi de programmation militaire, la France s'est incluse dans cet objectif et s'est mise en situation de ne pas être l'objet de reproches de la part de ses alliés. Les 2 % ne sont pas un dogme, mais une nécessité. Nous ne pouvons pas prétendre assurer la défense de notre continent et ne pas nous en donner les moyens.
Sans vouloir donner raison au Président américain ou aux administrations américaines successives, le fait notamment que les États-Unis regardent de plus en plus vers le Pacifique, n'a pas commencé avec Trump ; c'est Obama qui a dit : « Je suis le Président d'un pays tourné vers le Pacifique ».
Pour la Macédoine, l'effort de défense va passer d'un budget de 100 millions d'euros à une perspective de 200 millions d'euros à terme. Cela est assez modeste, d'autant plus que nous voyons poindre la perspective que les Américains, comme ils le font souvent dans de telles occasions, fassent des donations de matériels de seconde main pour pouvoir équiper ces pays et ces nouveaux entrants. Notamment pour notre industrie de défense, il pourrait y avoir peut-être quelques éléments, mais ils devraient être modestes, d'une part, en raison de la faiblesse des sommes en jeu, et d'autre part, en raison de la présence des Américains pour aider les pays comme la Macédoine du Nord. Il faut que nous soyons tout à fait réalistes et conscients de cela. Cela étant, un nouvel entrant, par définition, doit mettre deux fois plus d'ardeur que ceux qui y sont, pour essayer d'atteindre son objectif.
Sur la perspective d'avoir une base de l'OTAN en Macédoine du Nord, il y a déjà des bases de l'OTAN en Grèce. Le fait d'installer une base de l'OTAN en Macédoine du Nord, objectivement, aurait une plus-value stratégique assez limitée. Cela étant, la réalité d'aujourd'hui n'est peut-être pas celle de demain. Nous ne pouvons pas exclure tout cela, d'autant plus que nous avons un cadre positif de dialogue et d'échange qui se développe avec la Serbie.
Concernant les éléments développés par M. Joaquim Son-Forget, à ce stade, il ne faut pas opposer l'OTAN à l'Union européenne. Il va falloir essayer de développer des éléments de complémentarité entre ces deux structures. Avoir une défense très intégrée au niveau de l'Union européenne dépendra avant tout de notre capacité à avoir une politique étrangère très intégrée à ce même niveau, parce que la défense n'est que l'outil de la diplomatie. Force est de constater qu'à ce jour, il y a des perspectives de progrès relativement fortes et importantes à faire en matière de diplomatie européenne.
Sur la radicalisation et les perspectives, il est vrai qu'il existe une minorité musulmane en Macédoine du Nord qui représente essentiellement des albanophones et près d'un tiers de la population. Il y a un phénomène migratoire relativement fort, c'est-à-dire que les minorités albanophones de Macédoine du Nord ont une tendance à l'immigration relativement forte, mais avec une dynamique démographique sans doute plus importante que celle des autres populations, qui sont des slaves orthodoxes. Ils ont connu un phénomène de radicalisation avec environ 150 départs, notamment pour la Syrie. Ils se trouvent face aux mêmes enjeux et aux mêmes problèmes que nous connaissons à l'égard des éventuels retours de ces radicalisés.
Sur le rôle de l'OTAN, je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est tout l'enjeu de la stabilisation des Balkans. L'OTAN peut être un facteur important de stabilisation.
En ce qui concerne tous les musulmans de Macédoine du Nord, ils se considèrent plus comme Albanais que comme musulmans. Ils sont Macédoniens, Albanais et musulmans, dans le cadre de l'échelle des valeurs qui sont les leurs.