Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 13 novembre 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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Notre ordre du jour appelle l'examen pour avis de deux projets de loi. Le premier concerne deux accords de coopération en matière de défense, l'un avec la République d'Albanie, l'autre avec la République de Chypre. Nous avons nommé Mme Aude Bono-Vandorme comme rapporteure pour avis. Mme Bono-Vandorme est par ailleurs vice-présidente du groupe d'amitié France-Chypre.

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Il me revient ce matin de vous présenter le projet de loi autorisant l'approbation de deux accords de coopération en matière de défense, l'un avec la République de Chypre et l'autre avec celle d'Albanie, afin que notre commission émette un avis sur ce texte, dont nos collègues des Affaires étrangères se saisiront mercredi prochain.

Permettez-moi, en préambule, de vous dire combien il importe à mes yeux que notre commission se saisisse pour avis de ce type d'accords. Non que la commission des Affaires étrangères ait jamais manqué d'y accorder une attention soutenue, bien au contraire, mais je crois que ces accords méritent également un examen sous un angle de vue quelque peu différent de celui des Affaires étrangères.

Je crois sincèrement qu'il y a une spécificité « défense » dans l'approche de ces questions et qu'il est de notre responsabilité d'y travailler, en complément de l'approche générale, « tous azimuts » des Affaires étrangères.

Une analyse des accords de coopération militaire au prisme des enjeux de défense me semble d'autant plus importante que, d'une part, la coopération est au coeur de notre posture de défense et que, d'autre part, elle se résume de moins en moins au jeu des grandes alliances, des grands blocs. Je ne veux pas empiéter sur ce que notre collègue Philippe Folliot dira de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), bien entendu, ou sur les débats de nos tables rondes des 20 et 27 novembre. Cela étant, il me semble, schématiquement, que l'évolution du monde appelle notre pays à tisser des partenariats bilatéraux ou régionaux diversifiés, et entretenir des relations privilégiées de coopération avec nombre de partenaires différents.

Tel est le cas avec Chypre comme avec l'Albanie. Sans qu'il faille y voir de ma part le signe d'une préférence ou la marque d'une préséance, je commencerai par l'accord franco-chypriote.

Cet accord est somme toute de facture classique. Il se substitue à un précédent accord datant de 2007, et comporte des clauses assez habituelles dans ce genre d'instruments. Son intérêt tient plutôt à ce qu'il marque une volonté de resserrement du partenariat franco-chypriote dans un contexte stratégique de plus en plus tendu. Le principal facteur de tension, ce sont évidemment les pressions turques qui se traduisent notamment par des manoeuvres navales d'intimidation autour des plateformes pétrolières offshore au large de l'île.

En effet, d'importants gisements gaziers ont été découverts au large de Chypre, ce qui a contribué à une modification des équilibres géostratégiques en Méditerranée orientale. Chypre a privilégié, pour l'exploitation de ces gisements, deux partenaires : la France et l'Italie, pour lesquelles Total et ENI ont obtenu des concessions.

L'existence de telles richesses a conduit les Turcs à faire du droit international maritime une lecture très personnelle, et contestable, arguant que les îles telles que Chypre n'ont pas de plateau continental, donc pas de zone économique exclusive (ZEE).

De surcroît, la lecture faite par la Turquie du droit de Montego Bay comporte un paradoxe. Tout en déniant à Chypre le droit de revendiquer une ZEE, les Turcs estiment que la zone qu'ils occupent depuis 1974 au nord de l'île, et qu'ils sont les seuls à reconnaître sous le nom de République turque de Chypre du Nord (RTCN), aurait le droit de revendiquer des droits souverains sur une ZEE qui mord sur celle de Chypre.

C'est ainsi que la marine turque a tenté, en juillet 2017, de contraindre un navire de Total à faire demi-tour, alors qu'il se rendait dans une zone de prospection offshore qui a été concédée aux Français. Une frégate française croisant aux alentours a su prendre les mesures nécessaires pour que ce soient les Turcs qui fassent demi-tour. Plus récemment, ce sont cinq navires turcs qui ont entrepris la même manoeuvre d'intimidation à l'encontre d'un navire italien, qui a dû céder.

De telles manoeuvres violent le droit international et compromettent nos intérêts. Ne serait-ce qu'à ce titre, notre marine doit pouvoir opérer dans la zone pour protéger les intérêts de la France.

D'ailleurs, l'accès aux installations militaires chypriotes est de la plus grande utilité dans l'ensemble de nos opérations en Méditerranée orientale. Tous les ans, notre marine y fait escale et notre armée de l'air utilise des bases chypriotes.

En outre, la géographie de l'île, qui est montagneuse, présente moult intérêts pour l'appui de nos opérations en Méditerranée orientale, au Levant et même au-delà.

L'accord ouvre des voies d'approfondissement de cette coopération. Il a en effet l'originalité de mettre l'accent sur l'apport de facilités opérationnelles et de soutien logistique. Les Chypriotes sont d'ailleurs les premiers Européens à avoir assuré le transport de munitions françaises, ce qui constitue une application concrète de l'accord, appelé à se renouveler. La position de Chypre en fait en outre un point d'appui incontournable pour les opérations d'évacuation de nos ressortissants dans cette région en cas de crise. Nous nous souvenons tous de la crise libanaise en 2006, quand la France avait dû évacuer en urgence 78 000 ressortissants. Il faut bien sûr espérer que de telles opérations n'aient plus à être conduites dans cette zone à l'avenir, mais il serait à mes yeux très imprudent de ne pas s'y préparer.

En outre, l'accord franco-chypriote prévoit des actions de formation ainsi que d'échange de connaissances et d'expérience en matière de sécurité énergétique, de sûreté maritime, d'alerte précoce et de gestion de crise. De façon générale, la coopération devrait permettre de soutenir la constitution de forces chypriotes projetables, et stimuler l'engagement des Chypriotes à nos côtés, en opération.

Notons d'ailleurs, sans que cela ait bien entendu de liens directs, que Chypre est également un client important de l'industrie française. Pour 2020, les prospects sont évalués à 250 millions d'euros. C'est ainsi que la coopération est « gagnant-gagnant ».

Concernant maintenant l'accord franco-albanais, si l'on s'en tient à sa lettre, son niveau d'ambition est moindre que par exemple, celui de l'accord franco-chypriote. En apparence, il s'agit surtout d'une mise à jour d'un premier engagement technique franco-albanais de coopération militaire conclu en 1996, notamment pour tenir compte de l'adhésion de l'Albanie à l'OTAN en 2004.

L'accord prend davantage de sens si on le lit à l'aune de l'évolution géopolitique des Balkans occidentaux, comme un levier au service d'une stratégie de réinvestissement de notre pays dans la région. En effet, notre stratégie interministérielle pour les Balkans occidentaux comprend un volet militaire, certes modeste, qui se traduit par exemple, par un retour de nos armées dans la mission Althea.

Globalement, si les Albanais ne disposent pas de forces armées considérables, ils développent résolument des capacités crédibles. L'Albanie est ainsi passée en 20 ans du statut de « consommateur de sécurité » à celui de « fournisseur de sécurité ». Cette évolution ouvre des possibilités nouvelles de coopération, dans lesquelles il est de notre intérêt que notre pays ait toute sa part.

Or pour l'heure, dans les engagements de leurs forces, les Albanais mettent clairement l'accent sur leur relation avec les États-Unis et sur les opérations de l'OTAN, plutôt que sur celles de la France ou de l'Union européenne. Ainsi, l'Albanie a déjà engagé ses forces spéciales dans la coalition américaine en Syrie et en Irak, et s'apprête d'ailleurs à engager quelques effectifs dans la mission de l'OTAN en Irak.

De même, alors que l'industrie française a eu une part importante dans les acquisitions albanaises d'armement, notamment avec un contrat d'achat d'hélicoptères Cougar pour près de 80 millions d'euros qui reste le plus important jamais conclu par l'Albanie, l'industrie américaine prend une place grandissante à notre détriment.

Par exemple, les États-Unis fourniront à l'Albanie trois hélicoptères Black Hawk à titre vraisemblablement gratuit, ce qui conduirait logiquement les Albanais à ne plus employer leurs Cougar pour des missions de sécurité civile. Pourtant, avec 300 000 locuteurs du français sur trois millions d'habitants, l'Albanie est plus francophone que nombre d'autres pays des Balkans. Les Albanais sont clairement demandeurs de coopération avec la France. Sur le plan militaire en particulier, les voies d'approfondissement de la coopération pourraient être les suivantes. D'abord, la pleine mise en oeuvre de l'accord, qui prévoit que des plans d'action seront établis tous les ans. Les premiers envois d'observateurs militaires français sont ainsi prévus dans moins d'un an. Ensuite, les forces albanaises sont tout à fait aptes à engager des contingents dans certaines des opérations que nous soutenons, et pourraient trouver un intérêt à le faire par exemple dans la force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) ou dans la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Enfin, à plus long terme, la France pourrait trouver une place dans certains cadres de coopération régionale, notamment la Defence cooperation initiative que les Italiens ont mise en place avec plusieurs pays des Balkans.

Voilà en quoi cet accord de défense peut contribuer à relancer et à nourrir une coopération franco-albanaise à laquelle nous trouvons mutuellement intérêt. Naturellement, l'opposition exprimée par la France à l'ouverture de négociations d'adhésion de l'Albanie à l'Union européenne ne constitue pas l'élément de contexte le plus porteur qui soit. Je tire cependant de mes travaux le sentiment que les Albanais en ont bien compris les ressorts, et que la coopération en matière de défense peut aider à « aller de l'avant ».

En ce surlendemain du 11 novembre, je tiens à rappeler, avant de conclure, qu'un cimetière militaire français se trouve dans la ville albanaise de Korça, regroupant 640 tombes de soldats de l'armée française tombés en Albanie entre 1916 et 1918. À nos morts, le salut de notre commission.

Pour conclure, c'est bien sûr un avis favorable que j'émets à l'adoption du projet de loi, tout en souhaitant attirer votre attention sur un point de vigilance, qui vaut pour Chypre comme pour l'Albanie, et pour bien d'autres de nos partenaires.

La coopération, notamment dans le domaine militaire, est aussi une affaire d'homme à homme. Elle n'est jamais aussi fructueuse que lorsque les militaires se connaissent, partagent des références et une culture militaire commune.

Or en raison de l'impécuniosité de la Défense pendant de longues années, nous avons considérablement réduit le nombre de places de stagiaires offertes à des officiers étrangers dans nos écoles militaires. J'entends par là non seulement le centre des hautes études militaires (CHEM) et l'École de guerre, mais aussi Saint-Cyr, l'École navale et l'École de l'air, ainsi que les écoles d'application.

À moyen terme, le résultat est assurément « perdant-perdant » : d'une part, nos jeunes officiers perdent des occasions de fréquenter leurs homologues, alors même qu'ils sont appelés à opérer de plus en plus en format interallié ; d'autre part, nous asséchons ainsi un vivier d'officiers francophones et francophiles, et perdons ipso facto un réseau précieux.

Bien entendu, tout cela ne se perd pas du jour au lendemain, mais cela fait aujourd'hui une dizaine voire une quinzaine d'années que cette mécanique est à l'oeuvre et nous commençons aujourd'hui à en payer le prix.

Il y a certainement là un sujet de travail pour notre commission. D'ailleurs, notre commission gagnerait tout à fait à se déplacer en Albanie et à Chypre pour y prendre très concrètement la mesure des enjeux de défense, d'influence et de coopération.

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J'entends tout à fait vos préoccupations et le sens de ce que vous venez de dire s'agissant de la coopération militaire. Je crois que rien ne remplace les relations humaines, et que nous devons absolument maintenir des occasions de les favoriser.

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Y a-t-il un pendant européen à l'accord franco-chypriote dont la ratification nous est demandée, notamment pour ce qui concerne les forages dans la ZEE chypriote ?

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L'accord avec l'Albanie participe à la stabilisation des Balkans, souhaitée par tous, et démontre la volonté de notre pays d'y contribuer. L'accord avec Chypre est lui aussi le bienvenu dans le contexte actuel que vous avez rappelé. Vous avez évoqué le caractère montagneux de l'île ; en quoi ce caractère montagneux est-il intéressant pour nous ?

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Nous sommes maintenant trente ans après la chute du mur de Berlin, et il demeure un mur en Europe qui divise l'île de Chypre et sa capitale, Nicosie. Il est appelé « la ligne verte » ‒ les Turcs l'appellent « ligne Attila » ‒ et il sépare deux entités : les 200 000 Chypriotes turcs au nord et les 700 000 Chypriotes grecs au sud. Quelle peut être l'effet de l'accord franco-chypriote dans cette situation géopolitique ?

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J'ai une question sur l'Albanie. Le point commun entre ces deux accords est finalement que nous sommes aux confins de l'influence de l'Union européenne, là où la question se pose de savoir si l'on veut devenir européen, ou si l'on veut le rester. Parmi ces perspectives, néanmoins, je vois une sorte de contradiction entre la beauté d'accords bilatéraux signés et les derniers signaux envoyés.

Je regrette la décision du président Emmanuel Macron, lors du dernier Conseil européen, d'opposer son refus à l'ouverture de négociations d'adhésion à l'Union avec l'Albanie et la Macédoine du Nord. Cette décision a été très mal prise en Albanie. S'il s'agit d'une perspective d'ouverture des négociations sous de meilleurs auspices, je veux bien. Cela étant, il y a une sorte de discrepancy, comme on dit en anglais, entre, d'une part, les efforts faits pour coopérer plus avec l'Albanie ainsi que le fait de le dire et, d'autre part, le sentiment que l'Europe ferme ses portes. De même que nous parlons d'influence turque à Chypre, je pense que nous pouvons parler aussi de l'influence turque dans les Balkans occidentaux. Demain, la question se posera de savoir quel rôle pourront jouer la France et l'Union européenne dans ces pays, si nous ne poursuivons pas des efforts de coopération étroite.

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Madame Bureau-Bonnard, Chypre étant un État membre de l'Union européenne, ce pays et l'Union n'ont pas à conclure d'accord spécifique en matière de défense. Quant aux conditions d'exploitation des ressources d'une ZEE, elles sont fixées par le droit maritime international.

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Merci de votre réponse ; pourriez-vous préciser quelle est la position des autres Européens sur les questions de défense intéressant Chypre ?

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L'Union européenne soutient notre lecture du droit maritime international et pas du tout celle de la Turquie. Plus largement, d'ailleurs, une motion de soutien à Chypre a été adoptée lors de la dernière session de l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Les choses ont été dites clairement.

Concernant, Monsieur Bazin, le caractère montagneux de l'île de Chypre, j'indiquerai simplement que le massif du Troodos culmine à 2 000 mètres environ. Les Chypriotes y ont installé des radars, et les Britanniques aussi.

Vous avez raison, Madame Gipson, on oublie trop souvent que, trente ans après la chute du mur de Berlin, il reste une seule ville qui est divisée en deux par un mur, c'est Nicosie. Les discussions nord-sud se poursuivent depuis très longtemps, que ce soit directement ou sous les auspices de l'Organisation des Nations unies (ONU), qui maintient des casques bleus à Chypre depuis près de quarante-cinq ans. Le but est évidemment une réunification du nord et du sud, de la partie turque et de la partie chypriote. Cela étant, soyons réalistes, la Turquie n'y semble pas du tout prête.

Monsieur Son-Forget, en ce qui concerne les Albanais, ils ont compris qu'ils ont encore des progrès à faire pour envisager une adhésion à l'Union européenne. Mais, dans leurs relations avec les Européens, ce n'est pas « tout ou rien », adhésion ou exclusion ; en effet, même sans ouverture de négociations d'adhésion, nous pouvons coopérer de façon fructueuse. Les échanges que nous avons eus avec l'ambassadeur d'Albanie étaient d'ailleurs très constructifs ; nous sommes sur la bonne voie, il faut travailler encore et toujours, mais il n'y a pas de tension particulière.

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Notre commission est réunie pour émettre un avis qui doit éclairer le vote de notre Assemblée en séance publique sur ce projet de loi de ratification, et je voudrais dire avant tout que, si la commission des Affaires étrangères est saisie de ce texte sur le fond, je trouve extrêmement intéressant que la commission de la Défense s'en saisisse elle aussi, puisqu'effectivement les angles de vue de nos deux commissions sont extrêmement complémentaires. Par ailleurs, cette saisine nous permet de réaliser un travail de fond sur la coopération avec l'Albanie et avec Chypre, d'avoir des échanges à ce sujet et d'ouvrir ainsi de nouvelles perspectives pour nos travaux.

Ma question portera davantage sur la République de Chypre, qui est membre de l'Union européenne, qui a une position territoriale géostratégique extrêmement intéressante à l'est de la Méditerranée, qui possède des gisements énergétiques et entretient des relations étroites notamment avec la France et l'Italie. Il faut rappeler que le droit maritime ne règle pas tout et que beaucoup de relations se régulent également par la force. Cela rejoint d'ailleurs nos propres préoccupations, que ce soit pour la protection de notre vaste ZEE ou pour la défense de nos intérêts en haute mer. Notre marine, à cet égard, joue un rôle de première importance dans la défense de nos intérêts.

À l'occasion d'un embarquement sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, j'ai d'ailleurs eu l'occasion de voir comment le centre de renseignements de la force navale travaillait pour analyser d'une manière extrêmement fine l'ensemble des positions des navires de tous pavillons.

Par ailleurs, je rejoins tout à fait, Madame la rapporteure pour avis, ce que vous dîtes de la nécessité de renforcer les échanges de stagiaires dans les écoles militaires. J'ai été frappé de voir à quel point ces échanges étaient des préalables aux coopérations de défense, notamment lorsque j'ai travaillé sur l'accord franco-belge de coopération dans le domaine de la mobilité terrestre, dit « capacité motorisée » (CaMo). En effet, la conclusion de cet accord de partenariat a été rendue possible par une relation de confiance étroite et profonde qui existe entre la Belgique et la France. Or, depuis une quinzaine d'années, les réductions budgétaires ont conduit à « optimiser » le fonctionnement de nos écoles militaires, y compris en réduisant le nombre de places offertes à des stagiaires étrangers. Il s'agit vraiment d'une mauvaise décision ; il conviendrait d'avoir une vision de plus long terme des enjeux de la coopération à tous les stades de la formation.

Vous avez parlé de ce que contenait cet accord : facilités opérationnelles, soutien logistique, formations, échanges. J'aimerais savoir comment a été évalué l'impact pour nos forces de la mise en oeuvre de cet accord. Qu'est-ce que cet accord va changer pour nos forces ? Quelles armées vont y contribuer ?

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Avez-vous des données récentes permettant d'apprécier la place faite aux Albanais dans nos écoles militaires ?

D'ailleurs, puisque l'Albanie est membre de l'OTAN, y a-t-il des formations communes aux différentes armées de l'Alliance ? La culture professionnelle commune dont vous souligniez qu'il importe de la cultiver ne peut-elle trouver dans l'OTAN un cadre propice à son développement ?

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En tant que cheffe de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OSCE, où tant Chypre que l'Albanie siègent depuis longtemps – Mme Bono-Vandorme est d'ailleurs vice-présidente de la même organisation – je peux témoigner de l'intérêt que nous avons à approfondir, y compris via la diplomatie parlementaire, les relations que nous entretenons avec des pays qui ne font pas partie du bloc européen actuel, notamment pour encourager l'adoption de bonnes pratiques par exemple sur le plan des règles électorales. De telles relations permettent en effet d'aller au-delà de l'aspect purement formel des choses : on peut très bien créer des structures donnant les apparences d'une démocratie, mais ne pas en faire un usage véritablement démocratique. L'accompagnement de nombre de pays suppose un suivi étroit, suivant une feuille de route jalonnée d'étapes progressives, à chacune desquelles correspondent des objectifs et des moyens. C'est ainsi progressivement, une fois de telles étapes franchies, que peuvent s'envisager des modalités raisonnables d'association à certaines organisations internationales.

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Ces deux accords peuvent paraître de la même nature. Toutefois, les implications de chacun diffèrent très nettement.

Le premier, passé avec l'Albanie, s'inscrit dans la logique d'élargissement de l'OTAN à l'est. L'Albanie est membre de l'OTAN depuis 2009. De ce fait, les accords que nous signons avec l'Albanie s'inscrivent pleinement dans le cadre de l'Alliance. Bien évidemment, c'est la raison pour laquelle nous n'y sommes pas favorables. Je m'interroge réellement sur l'objectif final de notre coopération avec l'Albanie. Cet accord n'est-il pas lié à un objectif de contrôle de l'immigration clandestine ? N'est-ce pas un peu du bâton et de la carotte que nous jouons avec l'Albanie, en faisant miroiter une possible adhésion à l'Union européenne ? C'est pour cela que nous sommes opposés à cet accord.

À l'inverse, l'accord avec Chypre est totalement différent. Tout d'abord, Chypre étant d'ores et déjà membre de l'Union européenne, il n'entre pas dans notre relation la perspective d'une course à l'adhésion. De la même manière, Chypre n'est pas membre de l'OTAN, étant donné qu'elle est plutôt considérée comme un adversaire, au moins par la Turquie d'Erdogan qui, elle, est membre de l'OTAN. Il y a d'ailleurs une sorte de contradiction interne au sein de l'OTAN, où certains membres sont considérés comme des ennemis potentiels, tandis que certains non-membres sont des alliés.

Chypre représente un enjeu stratégique majeur en Méditerranée orientale. La France a d'ores et déjà déployé des frégates pour patrouiller dans le secteur et se prémunir d'une potentielle agression turque. Nous sommes donc favorables à cet accord.

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Il y a quinze jours, le Premier ministre a annoncé vingt mesures pour une meilleure politique d'immigration, d'intégration et d'assimilation. Parmi ces mesures, figurait l'idée d'améliorer nos instruments bilatéraux de coopération avec nos partenaires et avec les pays de provenance. Ma question concernera donc l'Albanie. Sans qu'il remplace notre dispositif d'aide au développement, évidemment, comment cet accord peut-il peser sur la délivrance de passeports consulaires pour les Albanais qui sont aujourd'hui sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français ?

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Vous avez évoqué la coopération entre l'Albanie et les États-Unis en matière d'armement, notamment dans le domaine des hélicoptères. Je voudrais savoir quelles perspectives de coopération l'accord franco-albanais pourrait ouvrir dans le domaine de l'armement. Je trouve en effet assez inquiétant que les pays de l'est de l'Europe se tournent de façon privilégiée avec les Américains pour leurs fournitures en équipements militaires.

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Monsieur Gassilloud, nous sommes tout à fait d'accord : une analyse des accords de défense au prisme des intérêts de la défense nationale est tout à fait important dans ce genre de projets de coopération. C'est tout le sens de notre saisine pour avis ; je pense aussi qu'il est important que nous attachions à suivre la mise en oeuvre de ces coopérations.

Nous sommes tout à fait d'accord également pour ce qui concerne la coopération militaire dans le champ de la formation ; il faut vraiment que l'on travaille sur la coopération à l'échelle d'« homme à homme ». En outre, l'ouverture de nos écoles à des stagiaires étrangers est particulièrement importante pour les militaires de pays avec lesquels la France n'a pas de frontière. Pour l'anecdote, Nicosie est plus à l'est qu'Ankara.

Quant à l'impact qu'aura l'accord franco-chypriote pour nos forces, il s'agit principalement d'un accès que nous accordent les Chypriotes à leurs bases navales et aériennes et ce, je le souligne, à titre gracieux. Or ces bases ont une position stratégique très intéressante pour nombre de nos opérations ; la coopération franco-chypriote est donc fondamentale pour nos armées en Méditerranée et au Levant.

Madame Trastour-Isnart, concernant la formation d'officiers albanais, l'offre française est très limitée ; elle représente à peu près une place tous les quatre ans à l'École de guerre. Cela est trop peu. Je dois cependant souligner que, l'été dernier, la France a réouvert un poste d'attaché de défense à Tirana ; c'est une petite avancée.

Quant à savoir si des formations au niveau de l'OTAN pourraient pallier la réduction de l'offre française, je crois vraiment qu'elles ne peuvent pas remplacer un cadre bilatéral. À l'OTAN, en effet, un Albanais ne se fera que des amis américains. or, comme je le disais, c'est par les relations d'homme à homme que nos armées peuvent tisser des liens, et cela est fondamental.

Messieurs Lachaud et Blanchet, l'immigration n'entre pas dans le champ de l'accord dont nous sommes saisis et, franchement, je ne crois pas qu'il y ait d'arrière-pensée dans la conclusion de cet accord. Certes, à chacun son opinion. Mais, fondamentalement, de quoi parlons-nous ? D'observateurs français à des manoeuvres militaires albanaises, cela ne va pas plus loin. Tout au plus la relance de la coopération militaire permet-elle d'« aller de l'avant » après le refus d'ouvrir des négociations d'adhésion de l'Albanie à l'Union européenne. Ne cherchons pas d'intentions cachées là où il n'y en a pas.

Madame Mauborgne, je suis tout à fait d'accord avec votre approche des choses. Nous y travaillons. J'en profite pour saluer le travail qui est fait à l'assemblée parlementaire de l'OSCE, à votre initiative et grâce à votre implication. L'approche que vous décrivez en matière de coopération politique fait davantage écho à la stratégie interministérielle que la France met en oeuvre aux Balkans occidentaux qu'à l'accord qui nous est soumis aujourd'hui.

Monsieur Blanchet, le sort des Albanais faisant l'objet en France d'une obligation de quitter le territoire est hors du champ de cet accord.

J'en viens à la question de Monsieur Trompille concernant les perspectives d'exportations françaises d'armement vers les deux pays dont nous parlons ce matin. Cette dimension n'est pas au coeur des deux accords, mais je peux vous indiquer, concernant Chypre, que les 250 millions d'euros de prospects que j'évoquais pour 2020 englobent un ensemble de marchés : des radars, des missiles Exocet et Mistral 3, ainsi que des missiles moyenne portée (MMP).

Concernant l'Albanie, vous soulignez à très juste titre les effets pervers de la diplomatie du don de matériel américain. Elle a un côté pernicieux et nuit à ce que nous pouvons faire, mais c'est à nous qu'il tient d'agir et de contrer l'influence de l'industrie américaine à nos frontières. Notez cependant que les Albanais nous achètent quand même des matériels militaires ; par exemple, les canons de leurs patrouilleurs sont de fabrication française. En outre, je crois qu'ils sont conscients de la plus grande dimension capacitaire que pourrait revêtir de notre coopération.

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Nous allons mettre aux voix ce projet de loi, avec un avis favorable de la rapporteure.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

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Nous allons passer à l'examen du deuxième projet de loi. Ce second projet de loi concerne l'accession de la République de Macédoine du Nord à l'alliance Atlantique.

Notre rapporteur pour avis est Philippe Folliot, vice-président de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OTAN, qui est également au sein de cette assemblée parlementaire, président du groupe Méditerranée et Proche-Orient. Il était donc particulièrement qualifié pour cette fonction.

Je voudrais vous rappeler que nous aurons le mercredi 27 novembre une audition commune avec la commission des Affaires étrangères, ouverte à la presse, sur l'avenir de l'alliance Atlantique. Nous auditionnerons, M. Camille Grand qui est secrétaire général adjoint de l'OTAN ; l'ancien chef d'état-major des armées, le général Henri Bentégeat ; ainsi que Jean-Pierre Maulny, le directeur adjoint de l'institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Nous avons prévu trois heures d'audition de neuf heures trente à douze heures trente. Cela nous permettra d'avoir tout loisir d'exprimer nos avis sur cette question de l'avenir de l'alliance Atlantique.

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Il me revient de vous présenter le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'adhésion de la République de Macédoine du Nord.

La Macédoine du Nord est le nom désormais adopté par l'ancienne République yougoslave de Macédoine. Celle-ci revendiquait le nom de « Macédoine », ainsi que dans le texte même de sa constitution, une vocation à la protection de la minorité macédonienne établie en Grèce – toutes choses inacceptables pour nos alliés grecs. Les deux gouvernements sont parvenus le 17 juin 2018 à un accord dit « accord de Prespa », au terme duquel, d'une part, les dispositions contestées de la constitution macédonienne ont été supprimées, et d'autre part, le nom « de Macédoine du Nord » a été reconnu.

On pourrait penser qu'il ne s'agit que de symboles sans grande prise sur la vie des peuples, mais les symboles politiques ont leur valeur et pour pouvoir s'appeler « Macédoine du Nord », l'ancienne République yougoslave de Macédoine a fait de sages concessions.

De même, la Macédoine du Nord s'est attachée à résoudre les contentieux qui l'opposaient depuis son indépendance avec d'autres de ses voisins. Avec la Bulgarie, rivale historique, un traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération a été signé le 1er août 2017. Les relations avec la Serbie ont pu être difficiles depuis l'éclatement de la Yougoslavie ; celles avec l'Albanie ont pu être compliquées par la proximité existant entre Tirana et la minorité albanaise de Macédoine du Nord, à peu près un tiers de la population, impliquée dans des tensions intercommunautaires vives entre 2014 et 2017, mais là encore, les relations sont aujourd'hui apaisées.

L'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN est la suite directe de cet effort de règlement des différends régionaux, notamment avec la Grèce. En effet, les membres de l'alliance Atlantique ont invité la Macédoine du Nord à entamer des pourparlers d'adhésion moins d'un an après la signature de l'accord de Prespa. Ces pourparlers ont abouti le 6 février dernier. Une fois le protocole d'adhésion dûment ratifié, la Macédoine du Nord sera le trentième État membre de l'alliance Atlantique.

L'adhésion de la Macédoine du Nord a ainsi un sens au moins aussi politique que militaire. Militairement, en effet, il serait très exagéré de soutenir que l'adhésion de la Macédoine du Nord se traduira par un apport déterminant pour la capacité de l'alliance à remplir ses missions de défense collective. En effet, la Macédoine du Nord est un pays de deux millions d'habitants environ avec une armée de 8 000 soldats équipés de matériels soviétiques ou yougoslaves, qui ne sont pas interopérables avec ceux des autres États membres.

Cependant, je ne voudrais pas laisser penser que l'apport militaire de la Macédoine du Nord à l'OTAN serait nul. Même si le pays ne dispose pas de capacités militaires de premier rang, il a démontré sa volonté de s'engager aux côtés de ses alliés. Ainsi, Skopje a projeté une quarantaine de militaires en Afghanistan et quelques personnels au sein de l'opération EUFOR Althea. À l'avenir, quelques compétences de niche ou quelques appuis ponctuels pourraient être utiles aux opérations occidentales.

D'ailleurs, la Macédoine du Nord a fait savoir qu'elle était désireuse de participer à des opérations de maintien de la paix. Elle pourrait, dans cet ordre d'idée, contribuer à certaines de nos opérations en Afrique.

Il n'en demeure pas moins que le sens de cet élargissement de l'OTAN est avant tout politique. À cet égard, il est double. D'une part, comme je le disais, l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'Alliance marque la reconnaissance de son attachement à coexister en bonne intelligence avec ses voisins, c'est-à-dire à s'inscrire pacifiquement dans le concert des Balkans.

D'autre part, cette adhésion vise aussi à ancrer la Macédoine du Nord dans le bloc euro-atlantique. Je ne sais pas si cela est du goût de tout le monde, mais je note que l'adhésion à l'OTAN fait l'objet d'un véritable consensus politique en Macédoine du Nord. À l'exception d'un parti expressément pro-russe, Macédoine unique, qui recueille moins de 5 % des voix, toutes les formations politiques du pays sont favorables à ce processus d'adhésion à l'OTAN.

En s'élargissant ainsi, je crois que nous pouvons dire que l'alliance remplit l'une de ses fonctions historiques. En effet, rappelons qu'après les crises des années 1990, l'adhésion à l'OTAN a constitué pour la plupart des pays des Balkans, un horizon stratégique, un cap, un grand but politique national qui les a incités à s'engager dans un processus de stabilisation, puis de coexistence pacifique et enfin, de coopération.

D'ailleurs, selon nos informations, c'est bien ainsi que l'OTAN reste vue dans les Balkans, même par les États qui, comme la Serbie, n'ont pas l'intention d'en devenir membre : une force qui a oeuvré à la stabilisation des Balkans après les crises dramatiques des années 1990. Dans ce cadre, je voudrais rappeler qu'au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, la Serbie est membre associé et nos collègues Serbes participent activement aux travaux de l'assemblée parlementaire.

Certains m'objecteront que l'OTAN est loin d'être vue ainsi partout. Il n'est nullement dans mon intention d'éluder le sujet. Oui, il est vrai que l'OTAN traverse une crise. Plus précisément, l'Alliance se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. En disant cela, je pense plutôt à l'Alliance elle-même qu'à l'organisation qui n'est que l'outil militaire, certes très puissant, au service d'une alliance politique euro-atlantique. Chacun a en tête certaines formules employées par le Président de la République très récemment, dans un entretien à un quotidien économique britannique.

Dans le fond, ces formules ne disent pas autre chose que le constat que nous faisons, nous, députés membres de l'assemblée parlementaire de l'OTAN : oui, l'OTAN traverse une crise. Je voudrais saluer tous les collègues membres de cette Assemblée parlementaire qui s'impliquent particulièrement positivement, pour faire entendre la voix de la France et du Parlement français dans cette instance internationale.

Que l'on se rassure – mais peut-être certains ne trouveront-ils pas cela rassurant – l'alliance a déjà traversé des crises, des crises majeures, et s'en est remise. Le retrait américain du théâtre syrien, que nous regrettons très vivement, et l'invasion turque d'une partie de la Syrie ont ouvert une crise. Nous ne faisons que mettre un nom sur une réalité en le disant, mais des crises, il y en a eu d'autres.

Notre collègue Aude Bono-Vandorme en évoquait d'ailleurs une tout à l'heure. Rappelons-nous, en 1974, lorsque la Turquie, État membre de l'OTAN, envahit illégalement un tiers de l'île de Chypre, État très étroitement lié à la Grèce, elle-même membre de l'OTAN, ce n'est que de justesse que l'on évite une guerre entre la Grèce et la Turquie, deux États membres de l'OTAN. Le premier s'est retiré des instances de l'OTAN pendant six ans en signe de protestation.

L'alliance surmontera-t-elle la crise actuelle ? Nous sommes nombreux à le souhaiter, et je crois qu'elle le fera. Reste néanmoins qu'elle est aujourd'hui à la croisée des chemins. Pour que l'alliance ne devienne pas une coquille vide de tout sens politique, il y a un travail politique à accomplir. Je crois d'ailleurs que nous, Français, sommes bien placés pour poser ces questions. En effet, nous sommes à la fois un allié de poids, la deuxième puissance militaire de l'alliance derrière les États-Unis, et un allié qui a toujours su défendre un point de vue original, indépendant, quitte à dire des vérités qui ne plaisent pas à nos grands partenaires, que ce soit sous les présidents de Gaulle, Mitterrand ou Chirac.

Je crois également que nous, parlementaires, avons un rôle particulier à jouer dans cette situation. À l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, notre statut spécifique nous donne une certaine liberté de parole et d'action. C'est ainsi que nous avons pu faire le choix de nous réunir prochainement, pour notre session annuelle de 2020, à Kiev, choix d'une portée symbolique. Les exécutifs auraient peut-être hésité à le faire. À nous d'être à la hauteur des enjeux. Pour l'heure, j'émets un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

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Ma question est liée à vos recommandations d'évolution pour cette organisation qui reste, 70 ans après sa naissance, attractive, comme nous le montre le projet d'accession que nous examinons aujourd'hui. Il est incontestable que l'intérêt géopolitique de l'accession de la Macédoine du Nord est clair. Au-delà de l'apport de stabilité de la partie nord, cet accord peut aussi favoriser l'apaisement des tensions entre ce pays et la Bulgarie, déjà membre de l'alliance, en offrant un cadre de dialogue supplémentaire.

Toutefois, nous savons que cette organisation est assez critiquée depuis la fin de la guerre froide, qui a remis en question sa raison d'être ; elle reste toutefois pour beaucoup un outil unique de par sa vocation strictement militaire et ses moyens. Nous ne pouvons pas nous en passer pour notre sécurité collective.

Le Président de la République a même utilisé des termes particulièrement forts et qui traduisent cette nécessité de repenser l'OTAN ou ce qui pourrait être amené à lui succéder. Ces réflexions seront au coeur du sommet de Londres qui se tiendra dans un mois. Elles animeront également les réflexions de notre commission, puisque nous recevrons avec la commission des Affaires étrangères ce mois-ci, les personnalités de cette organisation. Pourriez-vous partager vos pistes de réformes envisageables pour cette organisation ?

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La contribution financière de la Macédoine du Nord au budget de l'alliance sera modeste, puisque je crois qu'elle sera de l'ordre de 1,7 million d'euros par an. D'ailleurs, il en est de même de son budget de la défense qui s'élève à 101 millions d'euros en 2018, soit un peu plus de 1 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Cela étant, il est vrai qu'intégrer l'OTAN requiert des objectifs à poursuivre. Ainsi, le budget de la défense de ce pays devrait être augmenté de 0,2 % par an jusqu'en 2024, et tendre ensuite vers l'objectif des 2 %. Selon vous, est-ce que cet effort sera suffisant pour permettre à ce pays de moderniser ses forces armées qui sont terrestres pour l'essentiel, et surtout de renouveler leurs équipements qui sont totalement obsolètes ?

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Ce petit pays qui est l'équivalent de trois départements français en taille, avec deux millions d'habitants, est meurtri par l'histoire. Des frontières avec des voisins parfois belliqueux ont fait que ce pays a été malmené par l'histoire et qu'il a connu le totalitarisme communiste. C'est aujourd'hui la force du symbole qu'il faut y voir avec son entrée dans l'OTAN. À cet égard, nous avons vu qu'il avait fait oeuvre de sagesse et de conciliation avec ses voisins, pour réparer l'histoire en quelque sorte. Je voulais savoir si cela pouvait avoir un effet d'entraînement sur la Serbie, par rapport à l'OTAN, et également s'il y avait un projet d'installation au coeur des Balkans, en Macédoine du Nord, d'une base de l'OTAN.

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Je suis favorable à cette entrée de la Macédoine du Nord. Il ne faut pas s'y tromper : pour eux, c'est quelque chose d'important parce que cela va dans le sens d'une accession à la construction européenne. D'autant plus qu'ils viennent de se faire fermer la porte transitoirement.

En revanche, au niveau de l'OTAN, je ne peux qu'exprimer les mêmes doutes que le rapporteur et que l'ensemble de mes collègues. Je m'interroge réellement sur le devenir de ces structures, avec un partenaire qui envahit unilatéralement un pays, qui abrite des éléments terroristes ex Daesh, ex al-Nosra, et de l'autre côté un autre partenaire qui fait les choses unilatéralement et que nous sommes contraints de suivre dans son retrait. Le retrait n'est d'ailleurs pas complet, sinon nous aurions vu des vidéos des brave soldiers qui rentraient au pays. Or nous ne les avons pas vues, cela veut dire qu'ils sont encore là-bas.

Techniquement, que faisons-nous là-dedans ? À qui pouvons-nous faire confiance entre ces deux extrêmes ? Il faut vraiment s'interroger si nous voulons une armée européenne. Il faut lui donner les moyens, parce que pour le moment, c'est vrai que via l'OTAN, il y a des moyens qui ne peuvent pas être substitués, y compris dans les interactions entre nos états-majors.

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Concernant la question de l'attractivité de l'OTAN, elle existe, puisque nous en avons un exemple et un symbole au travers de la demande de la Macédoine du Nord de vouloir intégrer l'alliance. Cela est notamment vrai et fort dans l'est européen et dans cette zone tourmentée des Balkans, qui a connu des milliers de morts dans le cadre des conflits au cours de ces dernières décennies, suite à l'éclatement de la Yougoslavie. L'OTAN est perçue comme un élément de stabilité, un pivot auquel nombre de pays ont voulu adhérer. Même s'ils ne veulent pas y adhérer, ils se réfèrent à l'OTAN, c'est le cas notamment de la Serbie.

Concernant la Macédoine du Nord, l'adhésion est l'objet d'un consensus national très fort, majorité et opposition. La perspective d'adhésion à l'OTAN a été un facteur très important pour inciter les acteurs de la région, la Macédoine du Nord au premier chef, à résoudre les contentieux avec les pays voisins, notamment la Bulgarie où il y avait un passif historique quand même assez lourd. Je crois que cela est un point important.

Sur la réforme de l'OTAN, il s'agit d'un sujet éminemment important. Mon intime conviction est que l'OTAN a une force et une réalité qui sont tout à fait prégnantes. En revanche, il est clair qu'aujourd'hui, elle est un peu déboussolée. La politique incarnée par le Président des États-Unis est une politique qui déstabilise les alliés à bien des égards. Elle va à contre-courant d'une vision multilatéraliste que les Américains ont portée avec d'autres pendant longtemps. Nous avons désormais ce schéma plus unilatéraliste et de repli sur soi, qui entraîne un certain nombre de conséquences sur l'alliance elle-même.

Sur la question budgétaire, il est vrai que tous les pays de l'Europe doivent faire un effort en matière budgétaire et financière concernant les questions de défense. Au travers du vote de la dernière loi de programmation militaire, la France s'est incluse dans cet objectif et s'est mise en situation de ne pas être l'objet de reproches de la part de ses alliés. Les 2 % ne sont pas un dogme, mais une nécessité. Nous ne pouvons pas prétendre assurer la défense de notre continent et ne pas nous en donner les moyens.

Sans vouloir donner raison au Président américain ou aux administrations américaines successives, le fait notamment que les États-Unis regardent de plus en plus vers le Pacifique, n'a pas commencé avec Trump ; c'est Obama qui a dit : « Je suis le Président d'un pays tourné vers le Pacifique ».

Pour la Macédoine, l'effort de défense va passer d'un budget de 100 millions d'euros à une perspective de 200 millions d'euros à terme. Cela est assez modeste, d'autant plus que nous voyons poindre la perspective que les Américains, comme ils le font souvent dans de telles occasions, fassent des donations de matériels de seconde main pour pouvoir équiper ces pays et ces nouveaux entrants. Notamment pour notre industrie de défense, il pourrait y avoir peut-être quelques éléments, mais ils devraient être modestes, d'une part, en raison de la faiblesse des sommes en jeu, et d'autre part, en raison de la présence des Américains pour aider les pays comme la Macédoine du Nord. Il faut que nous soyons tout à fait réalistes et conscients de cela. Cela étant, un nouvel entrant, par définition, doit mettre deux fois plus d'ardeur que ceux qui y sont, pour essayer d'atteindre son objectif.

Sur la perspective d'avoir une base de l'OTAN en Macédoine du Nord, il y a déjà des bases de l'OTAN en Grèce. Le fait d'installer une base de l'OTAN en Macédoine du Nord, objectivement, aurait une plus-value stratégique assez limitée. Cela étant, la réalité d'aujourd'hui n'est peut-être pas celle de demain. Nous ne pouvons pas exclure tout cela, d'autant plus que nous avons un cadre positif de dialogue et d'échange qui se développe avec la Serbie.

Concernant les éléments développés par M. Joaquim Son-Forget, à ce stade, il ne faut pas opposer l'OTAN à l'Union européenne. Il va falloir essayer de développer des éléments de complémentarité entre ces deux structures. Avoir une défense très intégrée au niveau de l'Union européenne dépendra avant tout de notre capacité à avoir une politique étrangère très intégrée à ce même niveau, parce que la défense n'est que l'outil de la diplomatie. Force est de constater qu'à ce jour, il y a des perspectives de progrès relativement fortes et importantes à faire en matière de diplomatie européenne.

Sur la radicalisation et les perspectives, il est vrai qu'il existe une minorité musulmane en Macédoine du Nord qui représente essentiellement des albanophones et près d'un tiers de la population. Il y a un phénomène migratoire relativement fort, c'est-à-dire que les minorités albanophones de Macédoine du Nord ont une tendance à l'immigration relativement forte, mais avec une dynamique démographique sans doute plus importante que celle des autres populations, qui sont des slaves orthodoxes. Ils ont connu un phénomène de radicalisation avec environ 150 départs, notamment pour la Syrie. Ils se trouvent face aux mêmes enjeux et aux mêmes problèmes que nous connaissons à l'égard des éventuels retours de ces radicalisés.

Sur le rôle de l'OTAN, je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est tout l'enjeu de la stabilisation des Balkans. L'OTAN peut être un facteur important de stabilisation.

En ce qui concerne tous les musulmans de Macédoine du Nord, ils se considèrent plus comme Albanais que comme musulmans. Ils sont Macédoniens, Albanais et musulmans, dans le cadre de l'échelle des valeurs qui sont les leurs.

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Il y a quelques jours, Emmanuel Macron a annoncé la mort cérébrale de l'OTAN. Dès lors, devons-nous ratifier ce protocole visant à l'accession de la République de Macédoine du Nord à l'OTAN ? N'est-ce pas de l'acharnement thérapeutique de vouloir élargir l'OTAN, alors que l'alliance est en mort cérébrale ? Peut-être est-ce pour être plus nombreux, même si les Macédoniens ont une petite contribution, à payer la couronne mortuaire de l'OTAN. Que pensez-vous de cette contradiction au sein de l'exécutif ?

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Si nous avons un débat sur les enjeux otaniens dans 15 jours, pourquoi n'attendons-nous pas pour voter ce texte ? Savoir si la Macédoine a sa place dans l'OTAN n'est pas vraiment la question. La vraie question est : quand allons-nous prendre la décision en France, de dire que nous n'avons plus vraiment notre place dans l'OTAN ? Je ne m'attendais pas à ce soutien de poids du Président de la République, qui a dit que l'OTAN est en état de mort cérébrale. C'est ce que nous disions de manière un petit peu moins violente, un petit peu moins extrémiste, de manière un petit peu plus objective, lorsque nous disions que c'était une organisation obsolète, aux objectifs confus, ou plutôt insincères et à la composition hétéroclite.

Rajouter la Macédoine, n'est-ce pas un peu rajouter à cela ? Quel va être réellement l'objectif de l'intégration de la Macédoine, si ce n'est pour renforcer le sentiment d'encerclement autour de la Russie ? D'ailleurs, le choix de Kiev pour la prochaine assemblée parlementaire n'est-ce pas aussi aller titiller la Russie ? N'est-ce pas l'objectif contraire de la politique du Président Macron aujourd'hui ? Il faudrait vraiment qu'au sein du groupe parlementaire et avec l'Élysée, vous vous mettiez d'accord sur l'OTAN.

L'objectif de cet accord n'est-il pas d'ouvrir un marché supplémentaire pour les armes américaines, certes modeste, mais quand même un marché supplémentaire ? Vous l'avez dit, ce sont des armes soviétiques ou yougoslaves, il faut qu'elles soient interopérables. Vont-ils acheter des armes françaises, des armes européennes ? Vont-ils opter, comme la majorité des pays de l'Union européenne qui sont membres de l'OTAN, pour des armes américaines ?

En fin de compte, intégrer la Macédoine du Nord à l'OTAN, c'est mobiliser une grille d'analyse géopolitique forgée pendant et pour la guerre froide. L'OTAN est clairement l'organisation qui véhicule l'hégémonie états-unienne en Europe. Intégrer la Macédoine est une nouvelle prise, ni plus ni moins, pour l'OTAN. Dans ces conditions, le groupe de la France insoumise n'est pas favorable à l'entrée de la Macédoine du Nord dans l'OTAN.

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La chose qui m'intéresse est la problématique du matériel soviétique que nous avons pour la Macédoine du Nord. Est-ce que nous allons être sur des armes américaines, des armes européennes, des armes françaises ?

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Nous pouvons tous saluer l'existence de ces accords de Prespa qui ont été un élément important dans la désescalade sur le théâtre balkanique. Au-delà des questions sur la mort cérébrale de l'OTAN et sur l'acharnement thérapeutique, j'entends le signe que nous devons donner à nos amis Macédoniens, qui ont fait un effort pour cette désescalade.

Je rejoins les préoccupations sur les exportations d'armement. Cela concerne des sommes dérisoires par rapport aux grands marchés ; cela dit, il y a quand même l'importance d'une présence européenne. Quelles espérances pour les entreprises françaises d'armement ? Il est important d'être présent pour la base industrielle et technologique de défense (BITD) France, et présent aussi en termes d'influence. Est-ce que vous avez un regard un peu plus précis à nous donner là-dessus ?

Deuxième question, nous savons que la Macédoine du Nord a réglé son contentieux territorial avec la Grèce et qu'elle a signé un accord de coopération avec la Bulgarie. En revanche, nous connaissons les relations tendues avec la minorité albanaise. Nous savons qu'en 2015, il y a eu des affrontements qui ont causé des morts à Koumanovo, avec une dizaine de morts lors d'affrontements entre l'armée macédonienne et une guérilla albanaise. Quels risques géopolitiques pensez-vous qu'il peut exister, avec la possibilité d'y être éventuellement mêlés, dans les relations avec l'Albanie ?

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Vous avez signalé que la part macédonienne à l'OTAN était limitée avec 8 000 soldats et des matériels non interopérables. Cette adhésion n'est pas anodine, puisque du fait de l'article 5, il y a une solidarité qui va s'installer aujourd'hui en cas d'agression externe de ce pays. Par ailleurs, il a été signalé que l'adhésion de la Macédoine était un signe d'attractivité de l'OTAN. Pour relativiser un peu sur ce sujet, vu que le coût de cette adhésion est de l'ordre de 1,7 million d'euros par an, cela représente in fine moins d'un euro par an et par habitant, ce qui est un coût assez dérisoire pour une assurance-vie, surtout quand il existe des voisins proches assez imprévisibles.

Nous avons vu précédemment que l'accord de défense avec l'Albanie faisait suite à l'adhésion de l'Albanie à l'OTAN. Qu'en est-il de nos accords de défense avec la Macédoine du Nord ? La décision intervient à un moment où nous nous posons des questions sur les objectifs de l'OTAN. Est-ce que Monsieur le rapporteur pourrait nous donner un aperçu de l'adhésion des différents pays des Balkans à l'OTAN ?

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Sur cette notion de mort cérébrale, je ne suis ni chirurgien, ni urgentiste, mais quand vous avez quelqu'un qui est en état de mort cérébrale apparente, vous avez deux options : soit vous l'achevez, soit vous essayez de provoquer un électrochoc pour le réanimer. Je pense que nous sommes plus dans cette deuxième perspective. Ce qui me paraît essentiel n'est pas de regarder uniquement ce qui a été repris par la presse, mais la totalité de l'interview du Président de la République. Cette interview, je recommande à chacun des membres de la commission de la Défense de la lire. Elle est structurée, elle est posée, bien pensée, réfléchie.

Je ne vais pas revenir sur la notion de « couronne mortuaire », parce qu'objectivement nous ne sommes pas du tout dans cet objectif-là et surtout, n'oublions pas que le Président de la République a tenu des mots et des propos très forts par rapport à la perspective d'Europe de la défense. Il s'agit d'un enjeu essentiel. Nous en parlons souvent au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. C'est ce pilier européen de l'alliance Atlantique qu'il a lieu de structurer, d'organiser et au niveau duquel il y a lieu de mettre une certaine consistance.

Monsieur Bastien Lachaud, vous vous servez du Président de la République pour apparaître comme modéré. Ceci nous va droit au coeur. Ce n'est pas forcément l'écho que nous avions eu par rapport à vos propos sur ce sujet, comme sur d'autres. Après tout s'il faut vous donner un certificat de modération, nous allons vous le donner avec grand plaisir, mais cela ne nous empêchera pas d'avoir un certificat de conviction. Au regard de ce que vous avez dit, oui, nous assumons le fait qu'il est important de ratifier cet accord, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, sur les 29 membres de l'OTAN, puisqu'il faut qu'il y ait une ratification unanime de tous les pays, nous sommes le 26ème, c'est-à-dire qu'il y en a 25 qui ont déjà ratifié. Dans ce cadre, nous ne sommes pas dans une perspective d'attente pour devenir le dernier à ratifier. Le signal politique qui serait donné à la Macédoine du Nord en reportant cette adhésion ne serait pas un bon signal, d'autant plus que cette question fait l'objet d'un consensus au niveau macédonien. De ce fait, puisque seule l'extrême droite est contre cette ratification, il n'y a pas de difficulté.

Sur l'aspect budgétaire, il y a des enjeux qui sont limités. Nous l'avons vu au travers de la faiblesse des budgets consacrés, des moyens, de la situation économique et financière de ce pays. Cela sera un enjeu mineur au regard d'autres enjeux plus globaux. En tout état de cause, il me paraît essentiel de dire que notre pays et les attachés de défense que nous avons vont oeuvrer pour faire en sorte d'avoir une petite part. Cela serait un bon signal. Par le passé, nous avons critiqué le fait que certains pays de l'Europe orientale, adhérents à l'OTAN et adhérents à l'Union, demandaient d'un côté de l'aide à l'Union et puis d'un autre côté, allaient acheter des matériels uniquement américains. Nous ne pouvons pas faire ce reproche à la Macédoine puisqu'elle n'est pas adhérente à l'Union européenne.

Sur les éléments de certains marchés, nous avons Thales qui est en perspective pour un marché radio comme certains autres pays.

Concernant les accords de défense, à ce stade, je ne pense pas que nous ayons des accords de défense en perspective entre la Macédoine du Nord et la France.

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Je m'interrogeai sur la temporalité entre l'adhésion à l'OTAN et la perspective future d'un accord de défense. En effet, à la lumière de l'analyse du précédent cas de l'Albanie, nous avons bien vu qu'il s'est passé plusieurs années entre l'adhésion de l'Albanie à l'OTAN et la signature d'un accord de défense. Cette temporalité est à apprécier pour qu'il ne reste pas que « les miettes » à notre arrivée, alors que peut-être d'autres ont noué des accords un peu plus importants. Il serait peut être judicieux d'engager la phase d'accord défense immédiatement après l'adhésion à l'OTAN.

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Pour l'Albanie, l'accord de défense était antérieur à l'adhésion à l'OTAN. Il n'y a pas forcément un lien de cause à effet, mais c'est un élément de perspective. Il est vrai que si notre accord de défense intervient après la modernisation de la petite armée macédonienne, cela serait peut-être dommage. Il vaudrait mieux que cela intervienne un peu plus en amont.

De la même façon, concernant les différentes étapes d'élargissement de l'OTAN, je rappelle le calendrier : en 1999, c'est la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ; en 2004, la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie ; en 2009, la Croatie et l'Albanie ; en 2017, le Monténégro ; en 2019, la Macédoine du Nord ; et puis il y a l'Ukraine et la Géorgie qui ont fait une demande d'adhésion à l'OTAN qui n'est pas encore ratifiée.

Sur les minorités albanaises, elles représentent à peu près 30 % de la population. Il y a eu des heurts avec des morts et des émeutes dans la partie albanophone de la Macédoine. Aujourd'hui, les choses sont stabilisées. La perspective de l'adhésion à l'OTAN a été un facteur de désescalade, puisque l'Albanie est membre de l'alliance depuis 2009, et qu'ensuite la perspective d'adhésion a permis de dire aux Macédoniens : « Vous réglez vos problèmes en interne et vous réglez les problèmes avec vos voisins ». Cela a été fait. Nous pouvons dire que la perspective d'adhésion à l'OTAN a été un facteur de désescalade dans la crise interne et de pacification de la situation interne en Macédoine vis-à-vis de la minorité albanophone.

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La Macédoine du Nord a une population qui n'est pas supérieure à celle de la ville de Paris. Ce n'est pas un enjeu absolument considérable en termes de puissance pour l'OTAN, mais c'est néanmoins la preuve que l'OTAN n'est pas morte et qu'elle inspire encore des pays qui souhaitent y adhérer. D'ailleurs, quand on entend la déclaration du Président de la République, on devrait entendre aussi les réactions de certains gouvernements. Il y a une attente, il y a un besoin pour leur sécurité. Tous les pays d'Europe de l'Est ressentent encore cette nécessité pour leur sécurité.

Aujourd'hui, l'OTAN est en crise, probablement parce que le Président Trump a une position qui est illisible ou inacceptable pour un certain nombre d'États. Cela étant, le Président Trump n'est pas éternel, et l'OTAN survivra probablement au Président Trump. Les perspectives de l'OTAN seront différentes après le Président Trump. Les structures restent, mais les hommes changent.

Ce petit pays des Balkans souhaite adhérer à l'Europe et à l'OTAN en même temps. Est-ce que cela veut dire qu'ils n'envisagent pas l'Europe comme un facteur de sécurité, mais simplement comme un facteur de stabilité et de progrès démographique, économique et politique ? C'est peut-être le message qu'il faut entendre, celui de l'inexistence de l'Europe de la défense, en tout cas, l'absence de perception de cette perspective par un pays qui souhaite nous rejoindre et qui a envie d'Europe.

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Pour filer un peu plus la métaphore de la survie, il y a une troisième voie : le prélèvement d'organes. Sur la Macédoine du Nord, j'ai eu la chance d'être observatrice des élections aux dernières présidentielles. Au mois de juin, j'ai passé deux semaines en Macédoine du Nord et j'ai rencontré le ministre des Affaires étrangères. Je suis ravie que vous ayez pointé du doigt que la France était le 26ème pays à ratifier définitivement l'entrée de la Macédoine du Nord dans l'OTAN, parce que les Macédoniens ne le vivent pas très bien. En effet, la France a été l'un des premiers pays à accepter cette inclusion sur le papier. Il était important que nous relevions le niveau de cet engagement.

Si l'Europe avait besoin de faire la preuve de son efficacité et de son efficience, l'attitude de Tsípras en Grèce vis-à-vis du traité signé avec la Macédoine du Nord en témoigne, puisque même si cela ne lui a pas été très bénéfique par la suite d'un point de vue électoral ; en tout cas, nous pouvons saluer le grand engagement dont il a fait preuve pour faire aboutir cette négociation. Si certains s'inquiètent du marché d'approvisionnement des armes, pendant longtemps la Macédoine du Nord a été plutôt au coeur des débats au sein de l'OSCE, sur la lutte contre la prolifération, notamment des armes de poings. Koumanovo est un bastion tenu par des familles, où effectivement la prolifération des armes de poing a été un vrai sujet pendant très longtemps, et où finalement la désescalade, notamment grâce aux traités qui ont été signés au sein de l'OSCE sur la non-prolifération des armes de poing, a sans doute aussi participé à cette baisse de la violence.

Enfin, l'immigration est un vrai sujet en Macédoine du Nord. On estime que c'est à peu près 20 à 25 % de la population qui vit dans la zone régionale périphérique et qui ne vient pas forcément en Europe de l'Ouest. Sur le plan de la croissance et des forces vives de ce pays, aujourd'hui, il y a de vrais sujets autour du vieillissement de la population et d'une génération sacrifiée par le travail dans la zone économique qui l'entoure.

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Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe à écarter d'une part, la perspective d'une adhésion à l'Union européenne de la Macédoine du Nord, et d'autre part, à l'accepter dans l'OTAN ?

Sur la question des armements américains, nous savons que l'administration américaine a décidé d'accorder des subventions à six pays européens – plutôt des petits pays – pour les inciter à se débarrasser des armements russes. Skopje en fait partie. Il s'agit d'un programme qui a un an et qui s'appelle European recapitalization incentive program (ERIP). C'est un programme d'armement américain sur différents matériels de seconde main en partie, mais pas seulement, qui vise à désengager certains pays de leur arrimage, au moins sur le plan capacitaire industriel, et à initier un désarmement d'armes d'origine soviétique ou russe. Quelque part, ne poussons-nous pas des pays comme la Macédoine du Nord à aller vers un tropisme nord-américain, à pousser vers une OTAN de l'industrie de défense américaine, quant au même moment nous disons « oui » à l'adhésion à l'OTAN et « non » à l'adhésion à l'Union européenne ?

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L'adhésion de la Macédoine du Nord dans l'alliance Atlantique va permettre de conforter la stabilité des Balkans occidentaux. Les Balkans ont été en permanence affectés par des soubresauts, des oppositions et des tensions ; il est donc indispensable de créer un espace de paix. En revanche, la Macédoine du Nord espère entrer dans l'Europe alors même que nous voyons qu'il n'est pas prêt pour cela : il y a encore beaucoup de corruption, beaucoup de trafic. Cette entrée dans l'OTAN ne va-t-elle pas donner à la Macédoine du Nord un faux espoir, alors que l'Europe n'est pas prête à l'accueillir ?

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Monsieur Furst, je suis d'accord sur l'analyse et la perspective dressée par l'expérimenté parlementaire que vous êtes, notamment sur ce que j'appellerai « l'ode au temps long ». Quelles que soient les foucades des personnes qui ne pensent qu'à coup de tweets, on peut impulser et construire la politique d'un pays sur le moyen terme, le temps long étant ce qu'il est. Je ne sais pas quel sera le résultat des élections américaines l'année prochaine, mais il y a une grande probabilité que l'OTAN survive à celui qui est l'un de ses principaux détracteurs, pas que dans les mots, mais aussi dans les faits. Les grands analystes de l'OTAN avaient prévu tous les scénarios, sauf celui qu'un certain nombre de coups serait porté du coeur même du système, c'est-à-dire de la Maison-Blanche, et qu'à partir de là, cela allait entraîner un certain nombre de réactions et d'interrogations.

Concernant l'adhésion de la Macédoine du Nord, il existe un intérêt politique et militaire. Et ce n'est pas l'apport de 8 000 soldats supplémentaires, puisque c'est essentiellement une armée de terre. Il n'y a pas d'armée de l'air, juste quelques hélicoptères. Ce sont essentiellement des forces terrestres. De par la situation géographique, il n'y a pas de marine macédonienne.

Sur la question de l'OTAN et de l'Union européenne, cet élément de perspective est un peu tronqué par la Macédoine du Nord qui souhaite entrer dans l'Union européenne, mais qui doit avant faire un certain nombre de réformes et d'efforts. Derrière tout cela, il y a un enjeu interne, qui n'est plus du tout le nôtre, un enjeu propre à l'Union européenne : l'enjeu de l'approfondissement ou de l'élargissement. C'est une question qui n'a jamais été traitée. À l'échelle européenne, s'il y a un certain nombre de nos concitoyens qui sont en phase d'interrogation sur l'Europe, c'est peut-être aussi parce que nous n'avons pas traité cette question comme il le faudrait.

Concernant le fait que nous soyons le 26ème État à ratifier, temporiser encore plus par rapport à cette ratification n'est certainement pas la meilleure façon de marquer des points en matière d'influence. Il est bien d'avoir rappelé le rôle de la Grèce et de l'ancien Premier ministre grec. Même si la Macédoine a fait beaucoup de concessions pour arriver à cet accord, il était important que ces deux pays puissent régler ensemble ce contentieux du Nord.

Concernant l'OTAN et l'Union européenne, cette adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN a une signification aussi politique que militaire. Le fait d'arrimer la Macédoine du Nord dans le bloc occidental démocratique est une bonne chose. La perspective d'adhésion à l'Union européenne est un autre débat, dans un autre cadre. Pouvoir adhérer à l'OTAN avant d'espérer engager le début de la procédure de discussion et d'échange pour une éventuelle adhésion à l'Union européenne, était peut-être un préalable pour eux. Les choses doivent être traitées étape par étape. Par rapport aux enjeux de paix, de stabilité et de sécurité, il est préférable que la Macédoine fasse partie de l'OTAN, au regard des tensions internes, des difficultés et des problèmes qui ont été soulevés. Il s'agit d'un point important par rapport aux enjeux de paix et de stabilité.

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Ce projet de loi a déjà été adopté par le Sénat, après l'engagement d'une procédure accélérée. Il doit passer pour un examen en commission des Affaires étrangères la semaine prochaine. Il me paraissait utile de nous saisir de ce sujet pour avis. Je vais désormais mettre aux voix ce projet de loi, avec un avis positif du rapporteur.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission donne un avis positif à l'adoption de ce projet de loi.

La séance est levée à onze heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Louis Aliot, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Philippe Folliot, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Sereine Mauborgne, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Jean-François Parigi, Mme Natalia Pouzyreff, M. Gwendal Rouillard, M. Thierry Solère, M. Joachim Son-Forget, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Travert, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau, M. Patrice Verchère

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Xavier Batut, M. Sylvain Brial, M. Luc Carvounas, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, Mme Marianne Dubois, M. Richard Ferrand, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Benjamin Griveaux, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre, M. Jacques Marilossian, M. Franck Marlin, Mme Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, Mme Sabine Thillaye, M. Charles de la Verpillière

Assistait également à la réunion. - Mme Patricia Mirallès