Madame Cariou, s'agissant du non-recours aux prestations sociales, les choses se sont améliorées. Dans un souci de sincérisation budgétaire, près de 800 millions d'euros supplémentaires ont ainsi été ouverts au titre de la prime d'activité par la loi de finances rectificative et les caisses d'allocations familiales (CAF) ont renforcé leurs dispositifs, notamment grâce à de nouveaux équivalents temps plein (ETP).
Notre politique contre le non-recours passera aussi par la mise en place du revenu universel d'activité (RUA). Il faudra prévoir ce coût, même si, à l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'évaluation précise.
Par ailleurs, le ministère de l'action et des comptes publics a largement contribué à lutter contre le non-recours en instaurant le prélèvement à la source. Auparavant, de nombreux contribuables qui ne déclaraient pas leurs revenus, non par fraude ou par phobie mais parce qu'ils étaient éloignés de la vie administrative, ne touchaient pas certaines aides, comme le chèque énergie, qui ne sont allouées qu'aux personnes non imposables. De même, ceux d'entre vous qui ont été élus locaux ou qui rencontrent leurs électeurs savent que, pour obtenir un tarif réduit dans les transports, par exemple, tout citoyen doit justifier qu'il est non imposable. Si la personne n'a pas effectué sa déclaration de revenus, elle doit la faire avant d'obtenir le justificatif des impôts. Cela prend du temps.
Depuis l'année dernière, 133 000 contribuables, fraudeurs ou éloignés de la vie administrative, ont créé leur taux d'imposition. L'existence de l'impôt à la source et l'obligation de disposer d'un taux conduisent donc à améliorer le taux de recours. Dans une ville étudiante comme Poitiers, plus de 40 % des personnes qui se rendent dans les centres des finances publiques demandent à bénéficier de l'exonération de la taxe d'habitation. Cela n'est possible que si les demandeurs sont connus comme étudiants. L'éloignement de la vie administrative est souvent responsable du non-recours.
Outre le RUA et la sincérisation, le prélèvement à la source a donc très largement contribué à améliorer le taux de recours. Les montants alloués au titre du chèque énergie ou de l'exonération de taxe d'habitation le montreront.
Pour ce qui concerne le déficit public, il était de 3,4 % du PIB en 2017. Nous l'avons ramené à 2,5 % en 2018. Cette année, le taux de 3,1 % est dû à la transformation du CICE en baisse de charges, pour 0,8 point. Retraité de cet effet, il serait donc plutôt de l'ordre de 2,3 %. Tous les éléments montrent que nous avons non seulement tenu nos prévisions mais aussi ramené le déficit à son plus bas niveau depuis 2001.
Votre question était de savoir comment s'expliquait la différence entre les prévisions et l'exécution. J'ai ici un tableau, que je pourrai vous fournir, de l'ensemble des écarts constatés, qui explique comment nous passons de 107,7 à 92,7 milliards d'euros. En matière de dépenses, j'ai déjà évoqué la réduction d'un milliard de la norme de dépenses pilotables et la baisse de la charge de la dette – baisse de 1,8 milliard d'euros pour l'année 2019. Pour les recettes, j'ai mentionné la hausse du produit de l'impôt sur le revenu, ainsi qu'une augmentation des recettes non fiscales de 1,5 milliard. Figurent également dans ce tableau l'évolution du solde des comptes spéciaux, notamment des prêts à des États étrangers, pour 3 milliards d'euros, et la hausse du prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales, pour environ 300 millions.
Bref, ce tableau montre comment un État, qui gère des centaines de milliards d'euros, passe d'un déficit de 107,7 milliards à 92,7 milliards par un système de tuyauterie complexe où se mêlent les effets techniques et les actions volontaires.
Nous avons déjà communiqué des éléments sur les instruments de lutte contre la fraude. Les conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP) ont rapporté 530 millions, ce qui me permet de dire à M. Coquerel que je ne partage pas son opinion sur le rapport de la Cour des comptes. La Cour a noté que l'État, quel qu'ait été le gouvernement, avait adopté de nombreuses dispositions réglementaires en matière de fraude, que le Parlement avait beaucoup légiféré et qu'il était désormais temps d'appliquer ces mesures, sans déstabiliser notre ordonnancement juridique. Cette temporisation expliquerait en partie, selon elle, que nous n'obtenions pas encore pleinement les résultats des dispositions votées.
S'agissant des effectifs dédiés au contrôle fiscal, le nombre des vérificateurs chargés des contrôles sur place a augmenté de 7 %, comme l'indique le rapport de la Cour des comptes, tandis que, de mémoire, le budget pour 2019 comporte une hausse de plus de 30 millions des moyens informatiques alloués à la direction générale des finances publiques. Je m'étonne d'ailleurs que M. Coquerel puisse reprocher au Gouvernement de ne pas disposer de suffisamment de moyens, alors qu'il ne vote pas les dispositions permettant de les lui donner. Il préfère sans doute expliquer sur les réseaux sociaux que tout va mal, plutôt que de donner aux services fiscaux les moyens d'attaquer les fraudeurs.
Contrairement à ce que vous dites, le contrôle fiscal a notamment permis d'augmenter les encaissements de façon significative. Au 31 octobre 2019, ils sont supérieurs de 1,7 milliard d'euros aux prévisions. C'est le dernier chiffre porté à notre connaissance – il faut toujours un peu de temps pour que les fraudeurs paient. J'indique donc à Mme Pires Beaune et à M. Coquerel que ce montant représente une augmentation de 40 % par rapport à l'année précédente des sommes fraudées payées et remboursées à l'État. L'effondrement que vous évoquez pour le budget de 2019 est donc assez peu probable. Nous attendons également 800 millions d'euros de plus liés au recouvrement de l'impôt sur les sociétés (IS) et de gros dossiers ont été réglés, tel celui de Google. L'année 2019 aura donc été bonne pour les recettes fiscales et il y a fort à parier qu'avec la totalité des résultats, la hausse sera plus importante encore. Nous pouvons certainement nous en réjouir ensemble.
Quant à la diminution des charges financières évoquée par M. de Courson, elle n'est pas « tombée du ciel », et je ne comprends pas bien votre démonstration. Elle relève pour partie d'une opportunité, vous l'avez dit, car les taux bas sont une opportunité pour beaucoup. Pourtant, dans une même zone économique et monétaire, certains pays empruntent plus cher que d'autres. Il est par exemple plus risqué de prêter à l'Italie qu'à la France. M. Requin, le directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), a dû vous expliquer la spécificité de la politique d'émission de la France, qui réalise des adjudications tous les mois, en expliquant les politiques et les réformes structurelles menées, ce qui fait que la « signature France » permet d'emprunter moins cher que les pays voisins, il est vrai dans un contexte de taux bas.
Le fait d'emprunter à des taux négatifs ou très réduits a peut-être également pour origine, plus que l'opportunité, la démonstration que nous faisons de nos réformes structurelles. Le jour où la France ne réalisera plus de réforme, il y a fort à parier que les taux augmenteront car il sera plus risqué de prêter à notre pays.
M. Requin, qui réalise un travail formidable à l'AFT, emprunte des montants importants sur les marchés financiers, avec le souci de bien gérer notre dette. Je partage cependant votre avis sur le fait qu'il faille s'efforcer de la réduire.
Pour répondre à Mme Louwagie, la différence qui existe entre la France et l'Allemagne sur ce sujet pose effectivement problème. Les Allemands gèrent plutôt des excédents, quand nous gérons des déficits, ce qui conduit le ministre du budget allemand à se faire également houspiller, non pas parce qu'il retire des moyens, mais parce qu'il n'en donne pas assez. Cela revient à peu près au même.