Présidence de M. Éric Woerth, Président
La commission entend M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur les résultats de l'exercice 2019.
Mes chers collègues, en recevant cet après-midi le ministre de l'action et des comptes publics, nous entamons nos travaux concernant la préparation du budget pour l'année 2021.
Nous examinerons le programme de stabilité mi-avril, et nous consacrerons les mois d'automne au projet de loi de finances pour 2021.
Nous commençons par nous intéresser à l'exécution de l'exercice 2019, une séquence qui nous conduira jusqu'en mai et juin, avec le printemps de l'évaluation et la loi de règlement pour 2019.
Nous disposons des premières données sur le seul périmètre du budget de l'État ; les éléments relatifs à la sécurité sociale et aux collectivités locales viendront plus tard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous présenter les premiers éléments dont vous disposez sur l'exécution du budget de l'État pour 2019.
Monsieur le président, c'est toujours un plaisir de vous revoir. Je salue le nouveau rapporteur général de votre commission ainsi que l'ancien, et j'adresse à tous les membres de cette commission mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Je précise tout d'abord que mon propos se limitera aux comptes de l'État et ne portera pas sur ceux de toutes les administrations publiques, les comptes de la sécurité sociale et des collectivités locales n'étant pas clos.
Le Gouvernement a tenu ses objectifs, ce qui prouve la sincérité des inscriptions budgétaires. Le mérite en revient évidemment au Parlement mais aussi à la façon dont le Gouvernement a travaillé avec lui. Malgré la crise des gilets jaunes, les mesures d'urgence économiques et sociales (MUES) et le Grand débat, les grandes orientations des comptes publics ont été tenues.
Nous avons respecté l'engagement pris par le Premier ministre en décembre 2018 de réaliser un milliard d'euros d'économies sur les dépenses pilotables afin de financer une partie des mesures d'urgence économiques et sociales.
Quant au recouvrement des recettes fiscales, il a été plus dynamique que prévu dans la loi de finances rectificative (LFR) pour 2019 : il rapporte 2,1 milliards d'euros de plus que prévu, essentiellement en raison de la bonne tenue de l'impôt sur les sociétés (IS) – malgré les grèves que nous avons connues depuis le mois de septembre – et des droits de mutation – ce qui montre le dynamisme du marché immobilier.
Par ailleurs, l'année 2019 a vu l'encaissement du produit de la privatisation de La Française des jeux pour 1,9 milliard d'euros. Le déficit budgétaire sera plus faible que prévu : 92,8 milliards d'euros, soit une baisse de 4,9 milliards par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative.
Ces bons résultats confortent le Gouvernement dans sa prévision de déficit public pour 2019. Même si l'on ne dispose pas des chiffres des autres administrations publiques, selon toute vraisemblance la France tiendra son objectif de déficit à hauteur de 3,1 % du produit intérieur brut (PIB) et peut donc envisager de ramener ce déficit à 2,2 % en 2020, ce qui serait le plus bas niveau de déficit depuis 2001. Je rappelle que ce déficit public de 3,1 % est dû pour 0,8 point à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de charges. Nous avons donc tenu les objectifs que nous avions présentés à la Cour des comptes, à la Commission européenne et à vous-mêmes.
Je ne reviens pas sur l'intérêt de l'absence de décrets d'avance. Nous souhaitons que le Gouvernement s'engage une nouvelle fois à ne pas présenter de décrets d'avance en 2020, sauf circonstances exceptionnelles, mais nous avons vu que, même en cas de circonstances exceptionnelles comme le Grand débat et les gilets jaunes, le Gouvernement a tenu sa promesse de consulter les deux chambres et s'est montré respectueux de l'autorisation parlementaire.
L'année 2020 sera marquée par des chantiers importants dans le domaine des finances publiques, ce qui me permet de rappeler l'attachement du ministre des comptes publics à la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances avaient écrit au Premier ministre pour lui indiquer qu'ils souhaitaient une nouvelle loi de programmation des finances publiques, ce qui permettra sans doute d'encadrer les futures lois de programmation prévues dans certains ministères – je pense entre autres à la future loi de programmation pour la recherche annoncée par le Président de la République. Par ailleurs, il nous faut, au bout de trois ans, renouveler le cadre des contrats de Cahors prévu dans la dernière loi de programmation. Cela permettra aussi de remettre à jour les objectifs et les chiffres, car la situation a évolué depuis trois ans.
Nous aurons sans doute l'occasion d'écouter les propositions du rapporteur général en ce qui concerne l'amélioration des dispositions organiques, en particulier sur notre gestion financière. Bien évidemment, le Gouvernement sera très attentif aux propositions du Parlement, et plus particulièrement à celles des rapporteurs spéciaux et du rapporteur général.
Un mot sur l'impôt sur le revenu (IR). Dans une conférence de presse, j'ai rappelé ce matin l'efficacité du prélèvement à la source et la baisse des impôts constatée par nos concitoyens. Les recettes de l'impôt sur le revenu s'établissent, pour 2019, de manière définitive, à 71,7 milliards d'euros, contre 70,4 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI), soit une amélioration nette de 1,3 milliard d'euros. Le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu atteint désormais un record, y compris par rapport aux pays voisins, puisqu'il s'élève à 99,1 % – il s'établissait à un peu plus de 95 % jusqu'alors – et il sera sans doute encore amélioré à la suite des contrôles fiscaux que nous allons engager au début de l'année 2020.
Les recettes de l'impôt sur le revenu connaissent toutefois un léger recul, de 900 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances rectificative pour 2019, qui prévoyait 72,6 milliards. Il y a trois raisons à cela. D'abord, une tendance des contribuables à moduler leur impôt davantage à la baisse qu'à la hausse – 1,4 million d'euros de modulations à la baisse contre un million à la hausse –, ce qui fait mentir l'argument selon lequel l'État ferait de la trésorerie sur le dos des contribuables. C'est plutôt l'inverse, les contribuables profitent de l'impôt à la source pour différer une partie du paiement de leur impôt et s'en acquitter l'année suivante si jamais leurs prévisions ne sont pas vérifiées. Ensuite, nous manquions de recul, en cette première année de la réforme, pour prévoir le taux moyen d'imposition – évalué d'abord à 6,3 %, il n'est finalement que de 6 %. Enfin, les heures supplémentaires défiscalisées ont fait l'objet d'un véritable engouement, ce qui a également pesé sur les recettes ; on aura peut-être l'occasion d'y revenir lorsque la direction générale des finances publiques (DGFiP) fournira à votre commission des éléments plus précis.
Ces bons résultats nous permettent également de voir que la charge de la dette qui a pesé pour 40,3 milliards d'euros en 2019, contre 42,1 milliards d'euros prévus en LFI et 40,4 milliards d'euros en LFR, devrait diminuer à nouveau en 2020. C'est la persistance d'une faible inflation qui explique le moindre coût de notre financement. Les taux bas, qui devraient se maintenir voire diminuer encore en 2020, reflètent par ailleurs la crédibilité de notre politique.
Ma première question porte sur la privatisation de La Française des jeux pour un montant de 1,9 milliard d'euros. Savez-vous si, à l'issue de la réussite de cette souscription, un actionnaire de référence se dégage qui pourrait prendre le pouvoir à La Française des jeux ?
Deuxième question : comment voyez-vous les modalités de transfert de cette somme vers le Fonds pour l'innovation, qui doit normalement la percevoir ? La question vaut également pour Aéroports de Paris. Quel est le traitement juridique de ces recettes et dans quels délais les crédits seront-ils affectés ?
Troisième question : connaissez-vous le calendrier d'examen de la future loi de programmation des finances publiques ? Quand sera-t-elle soumise au Parlement ?
Le produit de la privatisation de La Française des jeux a un impact sur le solde budgétaire mais pas sur le solde en comptabilité nationale, c'est-à-dire sur le solde maastrichtien. L'État restera le premier actionnaire à hauteur de 21 %. En tout état de cause, le ministre de l'économie aura à l'avenir l'occasion de dresser un bilan plus précis.
S'agissant du projet de loi de programmation des finances publiques, le texte devrait être présenté au mois d'avril, comme l'a annoncé le Premier ministre, après qu'auront été réglées les incertitudes liées au Brexit et à la prise en compte de la réforme des retraites, notamment la revalorisation salariale d'une partie des agents publics. Il appartiendra au Gouvernement et au Premier ministre de préciser le calendrier et de confirmer que le texte pourrait être définitivement adopté avant la fin de la session parlementaire. Rien n'interdit de l'examiner en octobre, en parallèle de la discussion du projet de loi de finances, sachant qu'il faut adopter les dispositifs sur de nouveaux contrats de Cahors avant le 31 décembre. En tout cas, j'ai proposé au Premier ministre que le texte soit examiné au printemps, au lendemain de la reprise de vos travaux, après les élections municipales.
Je voudrais revenir sur l'ambiguïté dont souffre l'analyse de la cession de La Française des jeux. La presse explique que le 1,9 milliard de recettes contribue à l'amélioration du déficit, ce qui est le cas en comptabilité budgétaire, mais pas lorsqu'on parle de pourcentage du PIB et qu'on se réfère aux critères maastrichtiens. Il y a là un problème d'interprétation.
Vous avez raison, monsieur le président, même si la différence entre le déficit maastrichtien et le déficit au sens courant est toujours subtile à comprendre et à expliquer. Quoi qu'il en soit, si j'ai dit que la privatisation de La Française des jeux améliorait le solde, sur les 4,9 milliards, elle compte pour environ tiers, les deux tiers restants étant dus principalement aux recettes fiscales et aux économies de gestion réalisées par l'État.
Monsieur le président, même si ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui, vous avez raison de vous soucier des nouveaux actionnaires de La Française des jeux : quand on ouvre le capital d'une entreprise publique, il est courant que règne une certaine opacité sur l'identité des actionnaires ; or ceux-ci peuvent avoir une certaine puissance.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour vos propos et saluer l'effort de sincérisation que ce Gouvernement fait maintenant depuis trois exercices. L'absence de décrets d'avance, même si cela parle peu à nos concitoyens, est, cette année encore, un gage de sincérité budgétaire sans précédent.
En matière de recettes, les prévisions de rendement des impositions pesant sur le capital, notamment des droits de mutation, ont été largement dépassées dans les faits. Pouvez-vous nous expliquer cet écart entre les prévisions et l'exécution ? De façon plus générale, comment expliquer que la prévision de recettes fiscales de la LFR de fin d'année soit inférieure de plus de 2 milliards d'euros à ce qu'elle est en réalité ?
Pour ce qui concerne les dépenses, il est en effet important, dans le cadre des lois de programmation des finances publiques, de respecter l'exécution des dépenses sociales. Nous allons probablement voter dans les prochains mois plusieurs lois de programmation sectorielles – sur l'éducation nationale, la recherche –, qui s'inscriront dans le cadre d'une loi de programmation des finances publiques que nous espérons pouvoir examiner dès le mois d'avril. Il est donc essentiel pour nous de savoir si l'exécution de 2019 suit bien les lois de programmation sectorielles existantes, notamment la loi de programmation militaire (LPM) et la loi de programmation et de réforme pour la justice. La loi de programmation militaire prévoit que les crédits de paiement de la mission Défense devaient s'élever à 37,6 milliards d'euros en 2019, hors contribution au compte d'affectation spéciale Pensions – je le mentionne parce que c'est d'actualité. Quant à la loi de programmation et de réforme pour la justice, elle prévoit un niveau de crédits de paiement de 7,3 milliards d'euros, là encore hors contribution au compte d'affectation spéciale Pensions. Pouvez-vous revenir sur le respect de ces deux trajectoires ?
La loi organique du 17 décembre 2012 prévoit un mécanisme de correction de nos finances publiques en cas d'écart important entre l'exécution de l'année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation, en l'espèce celle de 2018. Qu'en est-il de la mise en oeuvre opérationnelle de ce mécanisme, sachant que la loi de programmation date un peu ?
S'agissant du programme 109 Aide à l'accès au logement, il ne vous a pas échappé qu'a été décidé un décalage d'un trimestre dans la réforme des modalités de calcul de l'aide personnalisée au logement (APL) qui devait intervenir le 1er janvier 2020. Quelles sont les conséquences de ce report au 1er avril ? Cela va-t-il entraîner une surconsommation sur le programme 109 en 2020 ?
Enfin, quel est le nombre de contribuables assujettis à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et quelle est son assiette globale ? Avez-vous des éléments de comparaison entre l'IFI et l'ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ? Pouvez-vous nous dire dans quelles zones de France se situent les principaux contribuables assujettis à l'IFI ?
La LFI pour 2019 avait inscrit 1,5 milliard d'euros de recettes pour l'IFI et la LFR 2 milliards. Au final, l'IFI a rapporté 2,1 milliards d'euros en 2019, contre 1,9 milliard en 2018. Le nombre de foyers assujettis à l'IFI est passé de 132 722 en 2018 à 139 149 en 2019, soit une augmentation du nombre de foyers imposables. En 2017, 358 198 foyers étaient imposés à l'ISF.
C'est Paris qui abrite le plus grand nombre de contribuables assujettis à l'IFI, devant Neuilly-sur-Seine, Lyon, Boulogne-Billancourt, Bordeaux et les non-résidents. Si vous le souhaitez, je pourrai vous donner le nombre de contribuables assujettis à l'IFI, ce qu'ils payent et le total de toutes les communes. Par exemple, 36 715 foyers parisiens ont acquitté l'IFI pour un montant total de 455 262 003 euros. C'est le XVIe arrondissement de Paris qui arrive en tête pour le nombre de contribuables, puis le VIIe, le XVIIe, la ville de Neuilly-sur-Seine, et le XVe arrondissement.
S'agissant de l'exécution des crédits de la mission Défense, 70 millions d'euros d'économies ont été réalisés par la ministre en gestion, parce qu'elle a renégocié des contrats. S'agissant de la loi de programmation pour la justice, on constate une sous-consommation de 100 millions d'euros, liée à une mise en oeuvre moins rapide que prévu de certains projets immobiliers. S'agissant de la LPFP, il me semble qu'il est un peu tôt pour parler du mécanisme de correction et il est préférable d'attendre de disposer, en mars, des chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
C'est la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui a demandé le décalage de l'entrée en vigueur de la réforme des APL annoncée par le ministère du logement à la fin du mois de décembre, pour des raisons qui tiennent non au fond de la réforme mais à des considérations informatiques. Ce décalage devrait coûter autour de 100 millions d'euros par mois, même si le ministère du logement et la CNAF minimisent ce montant. En tout cas, le coût total de ce report au mois d'avril devrait être de l'ordre de 200 à 300 millions d'euros.
Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) s'établissent à 15,3 milliards d'euros, en hausse de 1,2 milliard par rapport au budget initial. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette augmentation est due au dynamisme du marché immobilier.
Le produit de l'impôt sur les sociétés a augmenté. Nous pourrons fournir à la commission, si vous le souhaitez, l'exécution recette par recette et les comparaisons, monsieur le rapporteur général.
En ce qui concerne la fiscalité du capital, on a un peu trop tendance à débattre des taux sans bien anticiper l'évolution des assiettes. C'est pourquoi il est intéressant d'avoir les chiffres. Cela permet de montrer, s'agissant par exemple du prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou flat tax, qu'une baisse du taux d'imposition ne signifie pas de moindres recettes fiscales. Cela dépend aussi de l'évolution spontanée de l'assiette.
À ce propos, il faudrait peut-être revoir l'assiette de l'IFI. Au vu du nombre d'assujettis à l'IFI, on peut en effet s'interroger eu égard à la hausse de l'immobilier dans certaines régions françaises et à l'endettement immobilier qui en découle.
Monsieur le ministre, l'exécution budgétaire 2019 nous donne satisfaction à plusieurs égards. D'une part, elle marque une amélioration qualitative avec des mesures fiscales concentrées sur le PLF et un effort de sincérisation et de sérieux qu'apprécieront les commissaires aux finances et l'ensemble des parlementaires. D'autre part, elle s'inscrit dans un contexte de croissance soutenue de la France au coeur même de la zone euro.
Cela étant, comment peut-on assurer que les bons résultats que vous nous présentez ne sont pas dus à la non-exécution de certaines dépenses ? Vous le savez, l'année dernière, nous avons beaucoup insisté, avec ma prédécesseure Amélie de Montchalin, pour que le recours aux droits sociaux soit assuré et qu'il monte en puissance. En effet, ce qui est perçu aujourd'hui comme une économie peut se révéler demain une cause de problèmes. Quels ont donc été les efforts demandés en la matière par le ministère de l'action et des comptes publics aux autres ministères afin de diminuer le non-recours ? Je pense par exemple à la prime d'activité, que nous avons massivement augmentée, mais aussi à de nouveaux dispositifs tels que l'aide à la transition énergétique qui sera ciblée vers les plus bas revenus.
Avez-vous mobilisé de nouveaux moyens pour répondre aux obligations de la loi pour un État au service d'une société de confiance ?
Par ailleurs, quelles ont été les ressources nouvelles liées aux dispositifs contenus dans la loi relative à la lutte contre la fraude et pas uniquement au « verrou de Bercy » ?
Enfin, puisque nous avons aujourd'hui une bonne vision de l'exécution, disposerons-nous prochainement d'une déclinaison plus affinée, notamment sur les pensions ? De façon générale, nos concitoyens, agents publics ou non, sont attachés à une fonction publique attractive, ce qui passe notamment par la revalorisation des pensions de retraite. Comment pourra-t-on faire apparaître dans nos prochains éléments d'exécution budgétaire le détail de l'état des pensions et les effets des réformes en cours ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre présentation. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir le déficit de l'État diminuer de 15 milliards d'euros pour aboutir à 93 milliards d'euros. Mais cela suscite trois questions de ma part.
Les causes qui ont conduit à une diminution de 15 milliards d'euros du déficit sont principalement conjoncturelles. Il s'agit de recettes supplémentaires dues pour une grande part à l'impôt sur le revenu, à l'IFI, à l'impôt sur les sociétés et aux droits de mutations, mais aussi à l'opération one shot qu'a été la privatisation de La Française des jeux, pour 1,9 milliard d'euros, et enfin à la diminution de la charge de la dette. Je crains malheureusement que cette amélioration n'ait aucun effet sur le déficit structurel. Qu'en est-il ?
En second lieu, l'État est aussi déficitaire que tous les pays de la zone euro réunis. En effet, notre déficit est de 93 milliards d'euros alors que l'ensemble des déficits des autres pays de la zone euro réunis est de 93,3 milliards d'euros. Cette situation m'inquiète, parce que la France reste en queue de peloton des pays européens. À titre de comparaison, l'État allemand affiche depuis cinq ans un excédent budgétaire de plus de 13 milliards d'euros, alimentant ainsi une manne qui atteint 48 milliards d'euros. Cet écart qui se creuse de manière importante entre la France et l'Allemagne n'est-il pas de nature à affaiblir notre pays ?
Vous avez évoqué l'année 2020 et les années à venir. À ce jour, nous sommes dans le flou en ce qui concerne le financement des retraites, avec un risque financier non négligeable, notamment pour la période de transition, qui pourrait coûter quelques dizaines de milliards d'euros. Les propos du Président de la République jugeant le débat sur la règle des 3 % de déficit « d'un autre temps » ne présagent-ils pas un dérapage à venir ?
Merci, monsieur le ministre, pour cette présentation rapide des premiers chiffres de 2019.
Ma première question concerne les chiffres de la lutte contre la fraude fiscale, qui apparemment, ne seraient pas bons. Le confirmez-vous et, si oui, quelles en sont les raisons ?
Deuxièmement, on assiste à une forte croissance du patrimoine, des transmissions patrimoniales et de leur concentration, ce qui pose légitimement question. Pour débattre d'un sujet aussi sensible, la première chose à faire est de disposer de données fiables et récentes. Or celles-ci sont plus que limitées. Un projet de base de données exhaustive avait été lancé en 2017, mais il est à l'arrêt. Le projet sera-t-il mené à son terme ?
Enfin, vous avez évoqué un meilleur recouvrement de l'impôt sur les sociétés en raison de la conjoncture. Pouvez-vous nous donner l'évolution des contentieux fiscaux en volume pour 2019, notamment de ceux relatifs à l'impôt sur les sociétés ?
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous l'écart entre le déficit du budget de l'État prévu dans la loi de programmation des finances publiques et ce qu'on constate aujourd'hui ? Alors que, d'après mes calculs, le déficit prévisionnel était de 71 milliards d'euros, vous avez fait état de 93 milliards d'euros. D'où vient ce dérapage de 22 milliards – ce qui représente près de 1 % du PIB – par rapport aux prévisions ?
Vous avez également souligné que le déficit avait diminué de 4,9 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale. Si l'on enlève le produit de la privatisation de La Française des jeux, il ne reste plus que 3 milliards. Or, de combien ont baissé les charges financières de l'État entre la loi de finances initiale et l'exécution ? De mémoire, je dirais de près de 4 milliards. Nous avons donc là l'explication de la réduction du déficit qui, pour ainsi dire, vous est tombée du ciel et n'est pas liée à votre gestion des dépenses ou des recettes.
J'en viens à un point un peu technique. Nous avons longuement auditionné le directeur de l'Agence France Trésor (AFT) sur la gestion de la dette de l'État. Cela fait quelques années que je m'étonne de l'explosion des primes d'émission puisque, même en tenant compte des décotes, nous atteindrions, d'après les chiffres qu'il nous a donnés pour cette année 2020, une vingtaine de milliards d'euros. Pourriez-vous nous dire quel a été, en 2019, le montant des primes d'émission, net des décotes ?
Le problème, c'est qu'en comptabilité nationale, le chiffrage de la charge de la dette est inférieur de 8 milliards à ce qu'elle représente en exécution, soit 33 milliards au lieu de 41 milliards : cet écart correspond à 0,4 point de PIB, ce qui est énorme ! En tant que ministre chargé du budget, trouvez-vous normal qu'il y ait un tel écart, et qu'il s'accroisse d'année en année ? Plus les taux d'intérêt baissent, plus les primes d'émission augmentent ; les décotes n'augmentant que légèrement, le montant net des primes explose et, d'après les prévisions de l'AFT, il se chiffrerait à 22 ou 23 milliards d'euros sur l'exercice 2020. Ne faudrait-il pas modifier les règles budgétaires concernant les charges financières de l'État ?
À mon tour, je souhaite vous interroger sur la fraude fiscale. À la fin du mois d'octobre, lors du premier anniversaire de la loi relative à la lutte contre la fraude, vous assuriez qu'elle avait permis à l'État de récupérer 1,6 milliard d'euros de plus que l'an passé. Or on constate une forte baisse dans les recouvrements : on est passé de 12,2 milliards d'euros en 2015 à 8,7 milliards d'euros en 2018, soit une diminution de 29 %. La Cour des comptes, de son côté, s'est montrée perplexe devant votre affirmation et fait état de résultats en matière de lutte contre la fraude qui ne cessent de se détériorer d'année en année. Elle a notamment évoqué, elle aussi, la question du recouvrement qui « contraste avec les évolutions observées à l'étranger, où les résultats des contrôles fiscaux ont progressé ces dernières années ». Cela place la France dans une situation singulière, puisque, par comparaison, les sommes recouvrées en Allemagne sont deux fois et demie supérieures, et celles recouvrées au Royaume-Uni, deux fois supérieures. Or dans le même temps – et j'ai tendance à penser qu'il y a un rapport – les effectifs dédiés au contrôle fiscal sont passés de 4 260 en 2013 à 3 812 en 2018.
Mes questions sont simples. Combien de postes ont été supprimés dans l'administration fiscale en 2019 ? Combien d'argent cela a-t-il fait perdre à l'État ?
Au vu de ces résultats, ne croyez-vous pas qu'il serait temps de changer de stratégie et d'embaucher davantage de contrôleurs fiscaux ? Nous apprécierions d'avoir les chiffres de 2019, comme vous l'a également demandé ma collègue Christine Pires Beaune, afin de pouvoir juger votre politique.
Madame Cariou, s'agissant du non-recours aux prestations sociales, les choses se sont améliorées. Dans un souci de sincérisation budgétaire, près de 800 millions d'euros supplémentaires ont ainsi été ouverts au titre de la prime d'activité par la loi de finances rectificative et les caisses d'allocations familiales (CAF) ont renforcé leurs dispositifs, notamment grâce à de nouveaux équivalents temps plein (ETP).
Notre politique contre le non-recours passera aussi par la mise en place du revenu universel d'activité (RUA). Il faudra prévoir ce coût, même si, à l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'évaluation précise.
Par ailleurs, le ministère de l'action et des comptes publics a largement contribué à lutter contre le non-recours en instaurant le prélèvement à la source. Auparavant, de nombreux contribuables qui ne déclaraient pas leurs revenus, non par fraude ou par phobie mais parce qu'ils étaient éloignés de la vie administrative, ne touchaient pas certaines aides, comme le chèque énergie, qui ne sont allouées qu'aux personnes non imposables. De même, ceux d'entre vous qui ont été élus locaux ou qui rencontrent leurs électeurs savent que, pour obtenir un tarif réduit dans les transports, par exemple, tout citoyen doit justifier qu'il est non imposable. Si la personne n'a pas effectué sa déclaration de revenus, elle doit la faire avant d'obtenir le justificatif des impôts. Cela prend du temps.
Depuis l'année dernière, 133 000 contribuables, fraudeurs ou éloignés de la vie administrative, ont créé leur taux d'imposition. L'existence de l'impôt à la source et l'obligation de disposer d'un taux conduisent donc à améliorer le taux de recours. Dans une ville étudiante comme Poitiers, plus de 40 % des personnes qui se rendent dans les centres des finances publiques demandent à bénéficier de l'exonération de la taxe d'habitation. Cela n'est possible que si les demandeurs sont connus comme étudiants. L'éloignement de la vie administrative est souvent responsable du non-recours.
Outre le RUA et la sincérisation, le prélèvement à la source a donc très largement contribué à améliorer le taux de recours. Les montants alloués au titre du chèque énergie ou de l'exonération de taxe d'habitation le montreront.
Pour ce qui concerne le déficit public, il était de 3,4 % du PIB en 2017. Nous l'avons ramené à 2,5 % en 2018. Cette année, le taux de 3,1 % est dû à la transformation du CICE en baisse de charges, pour 0,8 point. Retraité de cet effet, il serait donc plutôt de l'ordre de 2,3 %. Tous les éléments montrent que nous avons non seulement tenu nos prévisions mais aussi ramené le déficit à son plus bas niveau depuis 2001.
Votre question était de savoir comment s'expliquait la différence entre les prévisions et l'exécution. J'ai ici un tableau, que je pourrai vous fournir, de l'ensemble des écarts constatés, qui explique comment nous passons de 107,7 à 92,7 milliards d'euros. En matière de dépenses, j'ai déjà évoqué la réduction d'un milliard de la norme de dépenses pilotables et la baisse de la charge de la dette – baisse de 1,8 milliard d'euros pour l'année 2019. Pour les recettes, j'ai mentionné la hausse du produit de l'impôt sur le revenu, ainsi qu'une augmentation des recettes non fiscales de 1,5 milliard. Figurent également dans ce tableau l'évolution du solde des comptes spéciaux, notamment des prêts à des États étrangers, pour 3 milliards d'euros, et la hausse du prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales, pour environ 300 millions.
Bref, ce tableau montre comment un État, qui gère des centaines de milliards d'euros, passe d'un déficit de 107,7 milliards à 92,7 milliards par un système de tuyauterie complexe où se mêlent les effets techniques et les actions volontaires.
Nous avons déjà communiqué des éléments sur les instruments de lutte contre la fraude. Les conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP) ont rapporté 530 millions, ce qui me permet de dire à M. Coquerel que je ne partage pas son opinion sur le rapport de la Cour des comptes. La Cour a noté que l'État, quel qu'ait été le gouvernement, avait adopté de nombreuses dispositions réglementaires en matière de fraude, que le Parlement avait beaucoup légiféré et qu'il était désormais temps d'appliquer ces mesures, sans déstabiliser notre ordonnancement juridique. Cette temporisation expliquerait en partie, selon elle, que nous n'obtenions pas encore pleinement les résultats des dispositions votées.
S'agissant des effectifs dédiés au contrôle fiscal, le nombre des vérificateurs chargés des contrôles sur place a augmenté de 7 %, comme l'indique le rapport de la Cour des comptes, tandis que, de mémoire, le budget pour 2019 comporte une hausse de plus de 30 millions des moyens informatiques alloués à la direction générale des finances publiques. Je m'étonne d'ailleurs que M. Coquerel puisse reprocher au Gouvernement de ne pas disposer de suffisamment de moyens, alors qu'il ne vote pas les dispositions permettant de les lui donner. Il préfère sans doute expliquer sur les réseaux sociaux que tout va mal, plutôt que de donner aux services fiscaux les moyens d'attaquer les fraudeurs.
Contrairement à ce que vous dites, le contrôle fiscal a notamment permis d'augmenter les encaissements de façon significative. Au 31 octobre 2019, ils sont supérieurs de 1,7 milliard d'euros aux prévisions. C'est le dernier chiffre porté à notre connaissance – il faut toujours un peu de temps pour que les fraudeurs paient. J'indique donc à Mme Pires Beaune et à M. Coquerel que ce montant représente une augmentation de 40 % par rapport à l'année précédente des sommes fraudées payées et remboursées à l'État. L'effondrement que vous évoquez pour le budget de 2019 est donc assez peu probable. Nous attendons également 800 millions d'euros de plus liés au recouvrement de l'impôt sur les sociétés (IS) et de gros dossiers ont été réglés, tel celui de Google. L'année 2019 aura donc été bonne pour les recettes fiscales et il y a fort à parier qu'avec la totalité des résultats, la hausse sera plus importante encore. Nous pouvons certainement nous en réjouir ensemble.
Quant à la diminution des charges financières évoquée par M. de Courson, elle n'est pas « tombée du ciel », et je ne comprends pas bien votre démonstration. Elle relève pour partie d'une opportunité, vous l'avez dit, car les taux bas sont une opportunité pour beaucoup. Pourtant, dans une même zone économique et monétaire, certains pays empruntent plus cher que d'autres. Il est par exemple plus risqué de prêter à l'Italie qu'à la France. M. Requin, le directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), a dû vous expliquer la spécificité de la politique d'émission de la France, qui réalise des adjudications tous les mois, en expliquant les politiques et les réformes structurelles menées, ce qui fait que la « signature France » permet d'emprunter moins cher que les pays voisins, il est vrai dans un contexte de taux bas.
Le fait d'emprunter à des taux négatifs ou très réduits a peut-être également pour origine, plus que l'opportunité, la démonstration que nous faisons de nos réformes structurelles. Le jour où la France ne réalisera plus de réforme, il y a fort à parier que les taux augmenteront car il sera plus risqué de prêter à notre pays.
M. Requin, qui réalise un travail formidable à l'AFT, emprunte des montants importants sur les marchés financiers, avec le souci de bien gérer notre dette. Je partage cependant votre avis sur le fait qu'il faille s'efforcer de la réduire.
Pour répondre à Mme Louwagie, la différence qui existe entre la France et l'Allemagne sur ce sujet pose effectivement problème. Les Allemands gèrent plutôt des excédents, quand nous gérons des déficits, ce qui conduit le ministre du budget allemand à se faire également houspiller, non pas parce qu'il retire des moyens, mais parce qu'il n'en donne pas assez. Cela revient à peu près au même.
L'économie que nous souhaitons pour demain sera certainement à mi-chemin entre ce que fait la France et ce que fait l'Allemagne, dont la situation présente aussi des défauts. Il suffit pour s'en convaincre de regarder la croissance économique, moins forte outre-Rhin. L'Allemagne ayant réalisé nombre de réformes de structure avant la France, nous serions cependant mal placés pour leur donner des leçons de bonne gestion.
Les primes d'émission, que M. de Courson a évoquées, soulèvent une question à la fois très importante et très technique, qui relève de la distinction entre la comptabilité nationale et l'exécution du budget. Pour ce qui me concerne, je ne constate pas de problème particulier. Nous devons naturellement fournir davantage d'explications, notamment à la représentation nationale. Les montants atteints sont élevés, du fait de la sensibilité à la forte baisse des taux d'intérêt. Nos voisins européens se trouvent toutefois dans une situation analogue : la vente des anciens coupons produit un effet de trésorerie, que nous avons déjà évoqué.
Quant au contentieux de l'impôt sur les sociétés, il s'élevait à 3,2 milliards d'euros en 2018. Estimé à 2 milliards dans la loi de finances pour 2019, il était de 3,8 milliards dans la loi de finances rectificative (LFR) pour 2019, car il intégrait le volume de contentieux finalement reporté sur l'année 2020. En exécution, il atteindra finalement 2 milliards d'euros en 2019, conformément aux prévisions de la loi de finances initiale.
En 2018, la Cour des comptes, certificateur comptable de l'État, avait émis quatre réserves substantielles sur l'exercice 2018. Il s'agissait d'anomalies relatives aux immobilisations financières, ainsi qu'aux charges et produits régaliens. Dans quelle mesure ces réserves ont-elles été prises en compte dans la constitution du budget de l'État pour 2019 ? Pouvons-nous espérer que la Cour certifie les comptes de cette année avec le moins de réserves possible ?
Vous nous avez présenté les premiers effets de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale sur l'amélioration du recouvrement des recettes fiscales dues : quels moyens supplémentaires le ministère a-t-il mobilisés pour faire face à cette augmentation d'activité ?
Comme vous vous en souvenez, monsieur le ministre, nous avons adopté l'an dernier le projet de loi de finances rectificative dans l'allégresse, après une commission mixte paritaire (CMP) conclusive. Le compromis établi avec le Sénat sur deux points a-t-il fait l'objet d'une exécution convenable ?
Ainsi, après le rétablissement des 25 millions d'euros sur le programme Patrimoines, le ministère de la culture a-t-il été en mesure de consommer ce qu'il avait souhaité se voir attribuer ? Par ailleurs, l'appel de fonds au titre du programme ITER, pour lequel une contribution de 13 millions d'euros avait été rétablie, a-t-il été honoré ?
Il faut souligner la bonne tenue des recettes de l'État, agrégées et à périmètre constant, qui sont en hausse de 20,7 % au 30 novembre 2019. Dans le détail, la hausse est de 23 % pour les recettes de l'impôt sur les sociétés et de 5,5 % pour celles de la TVA.
Je salue le caractère réaliste des données retenues par le Gouvernement pour la préparation du budget 2019, et, comme l'a fait le rapporteur général, la sincérité de vos travaux depuis que vous êtes ministre de l'action et des comptes publics. Cette gestion en bon père de famille est rassurante.
Les résultats sont là. Le dynamisme des recettes témoigne de la bonne santé de notre économie, qui profite à tous. L'économie française a créé 500 000 emplois en deux ans et demi. Le pouvoir d'achat a augmenté, et la France est redevenue le pays le plus attractif, en termes d'investissement productif, quels que soient les secteurs.
Pour accélérer cette dynamique et financer durablement l'avenir, je m'interroge sur les efforts à poursuivre en matière de dépenses publiques, en particulier pour que le capital humain soit mieux fléché sur les besoins réels de services publics, sachant que la marge de manoeuvre existante fait l'objet d'un consensus. Quels sont les indicateurs sur lesquels nous pourrions nous appuyer pour suivre l'action publique ?
Monsieur le ministre, vous avez été interrogé sur le coût des taux d'intérêt très bas. Nous savons que si, à l'inverse, la France devait emprunter au taux de son voisin italien, la charge de la dette, qui est d'environ 40 milliards aujourd'hui, se trouverait doublée. Dans les années qui viennent, comment anticipez-vous l'évolution des taux et comment comptez-vous nous en prémunir ?
L'an dernier, notre collègue, Perrine Goulet nous avait alertés sur les sous-exécutions de plusieurs missions, notamment les missions Sport, jeunesse et vie associative, Culture et Outre-mer. Qu'en est-il pour le budget 2019 ?
Par ailleurs, vous êtes très mobilisé sur le sujet de l'immobilier de l'État, en particulier pour votre ministère. Pourriez-vous en détailler la situation, ainsi que celle des autres ministères ?
Nous avons voté cet été une taxe visant les géants du numérique et assise sur les revenus publicitaires et sur l'intermédiation. Elle devait être applicable dès l'exercice 2019. Le secrétaire d'État chargé du numérique a annoncé la semaine dernière que la taxe a bien été recouvrée en 2019. Quel montant de recettes a-t-elle généré ?
Par ailleurs, des discussions ont eu lieu lors du sommet de Davos. En réaction à l'adoption de la taxe GAFA, les États-Unis avaient menacé de surtaxer l'équivalent de 2,4 milliards d'euros de produits français. Cela a conduit à des négociations très dures, à la suite desquelles la France et les États-Unis se sont entendus sur une suspension du paiement des acomptes de la taxe, en échange d'un accord plus global sur la taxation du numérique à l'échelle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En quoi cette suspension affectera-t-elle le budget ? Le cas échéant, quel dispositif sera adopté en compensation ?
Je souhaiterais revenir à la remarque du rapporteur général sur l'articulation entre les lois de programmation pluriannuelle et les lois de finances. La réforme constitutionnelle de 2008 avait notamment pour objet d'introduire la notion d'une programmation pluriannuelle, qui doit nous permettre d'atteindre enfin l'équilibre de nos finances publiques. La loi organique de décembre 2012 dispose qu'une fois la loi de programmation pluriannuelle votée, si des écarts sont constatés d'une loi de finances à l'autre, ils doivent être corrigés pour revenir à la trajectoire de la programmation pluriannuelle.
Lors de la précédente législature, force est de reconnaître que nous avons été conduits non pas à corriger les écarts mais à modifier la loi de programmation pluriannuelle. C'est ce qui s'est produit et qui se reproduira bientôt. Si nous votons une loi de programmation au printemps – cette période est préférable à l'automne –, il faudrait que le ministre que vous êtes, et que vous serez peut-être encore, se batte pour que l'on applique la contrainte des lois de programmation pluriannuelle et que l'on s'engage dans une démarche de correction des écarts.
Certes, on peut emprunter aujourd'hui dans les meilleures conditions, mais la dette a franchi les 100 % du produit intérieur brut (PIB). Comme l'a rappelé Véronique Louwagie, nous avons obtenu un bon résultat en 2019 s'agissant du déficit de l'État, mais il reste à lui seul égal à la somme des déficits de tous les autres pays de la zone euro.
Je persiste donc à penser qu'il faut essayer de se tenir à la méthodologie des lois de programmation pluriannuelle, ou du moins, que le ministère de l'économie et des finances la rappelle.
Le cadre contraignant devrait du moins être développé, bien que cela ne soit pas toujours simple à faire juridiquement.
Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur le bilan à mi-mandat du Grand plan d'investissement. Pour mémoire, les crédits de ce plan s'élevaient à 57 milliards d'euros, dont 20 milliards destinés à la transition écologique, 15 milliards pour une société de confiance, 13 milliards pour l'amélioration de la compétitivité de notre économie et 9 milliards pour la réforme de l'État. Pouvez-vous tirer un bilan de ce grand plan, en précisant, le cas échéant, si des redéploiements de crédits ont été effectués et pour quels bénéficiaires ?
Mme Cariou m'avait interrogé sur les pensions : leur exécution s'élève à 59 milliards d'euros. Ce chiffre comprend les pensions des agents civiles et militaires de l'État.
Monsieur Paluszkiewicz, vous m'avez interrogé sur les réserves. Nous avons bien travaillé sur ce sujet, puisque nous avons respecté le taux de mise en réserve de 3 %. Pour l'avenir, nous avons été encore plus ambitieux, puisque nous avons cantonné la réserve aux crédits pouvant vraiment être gelés et non à d'autres postes, comme les prestations sociales. Nous avons donc respecté notre budget, à quelques exceptions près, et l'idée que des économies pouvaient être réalisées sans recourir à la mise en réserve. J'ai dégelé une très grande partie des crédits. Nous avons été notamment au rendez-vous sur les questions militaires, où les montants sont les plus élevés. Ces réserves, réduites à 3 %, permettent d'affirmer que le budget est sincère.
Les gestionnaires publics doivent bien considérer que ces réserves minimes ont pour but de jouer le jeu de la « taxation interministérielle », qui intervient pour de nombreuses raisons, mais qu'il faut évidemment limiter le plus possible. Je signerai d'ailleurs bientôt une circulaire sur ce sujet, à l'adresse des ministres concernés.
Le Gouvernement se fixe pour objectif de produire un budget pour 2021 sincère, sans décret d'avance, et qui maintient un taux de réserves très bas. C'est du moins ce que nous proposerons à la représentation nationale.
S'agissant de la fraude, je ne peux pas donner davantage d'éléments que ceux que j'ai fournis car il faut attendre les résultats de tous les contrôles fiscaux. Le Gouvernement a par ailleurs voulu sincériser les chiffres qu'il donne au Parlement. Jusqu'à présent, les gouvernements, quels qu'ils soient, présentaient les montants, toutes fraudes confondues, y compris les montants notifiés mais non encaissés. Je ne fais de procès à personne, car j'ai moi-même présenté de tels chiffres dans mon premier budget.
Certes, on peut débattre des sommes notifiées, mais il me semble que le montant des sommes recouvrées au titre des fraudes est le plus pertinent. La Cour des comptes avait critiqué la présentation des sommes notifiées.
M. Joël Giraud souhaitait savoir si les points d'accord de la CMP conclusive sur la loi de finances rectificative pour 2019 avaient été respectés. Nous respectons toujours la loi et la volonté du Parlement, singulièrement lorsqu'il s'agit de dispositions financières et qu'elles nous concernent.
S'agissant des crédits accordés au patrimoine, les 21 millions d'euros ont été intégralement versés au Centre des monuments nationaux et utilisés pour ces derniers.
À ce jour, 14 millions ont été alloués à la mission de M. Stéphane Bern sur le patrimoine en péril, 4 millions aux travaux de restauration du château de Villers-Cotterêts, qui accueillera la Cité de la francophonie voulue par le Président de la République, 2 millions aux autres monuments dans les territoires – châteaux de Carrouges, de Bouges, de Bussy-Rabutin, remparts d'Aigues-Mortes – et un million à la restauration des tours de La Rochelle. Nous avons donc versé les 21 millions d'euros, qui faisaient l'objet de l'accord.
Je remercie M. le rapporteur général de l'époque de nous avoir avoué que le ministère de la culture avait souhaité se voir attribuer cette somme. Je n'avais pas beaucoup de doutes sur l'origine de cette demande, que nous avons accompagnée. Comme vous l'avez constaté, le Gouvernement ne s'est pas opposé aux résultats de cette CMP, aboutissement du bon travail que vous avez mené avec le Sénat.
Quant au programme ITER, l'appel des fonds a été reçu à la fin du mois de novembre 2019 et a été honoré en décembre.
S'agissant des réserves comptables de la Cour des comptes, qui sont au nombre de quatre à la fin de 2018, contre treize en 2016, elles sont liées à des anomalies relatives à des immobilisations financières. Il faut naturellement que la DGFiP et les systèmes d'information soient plus rapides. Nous ferons ce qu'a préconisé la Cour des comptes à ce sujet. Nous avons d'ailleurs engagé les moyens pour payer la dette numérique, qui est une question intéressante.
Pour répondre à Mme Grégoire, il est vrai que, contrairement aux collectivités locales, l'État ne distingue pas les dépenses d'investissement des dépenses de fonctionnement dans son budget ; c'est une question de culture. À la demande du Président de la République, le Gouvernement travaille à présenter un budget non seulement « vert », comme nous l'avons déjà largement évoqué, mais qui parviendrait aussi à distinguer ce qui relève de l'investissement ou du fonctionnement.
Cela n'est pas si facile car il faut bien définir l'investissement : est-ce qu'il inclut les salaires des enseignants, la recherche ou la niche fiscale du crédit d'impôt recherche ?
La discussion peut durer longtemps !
Si l'on considère que seuls les agents de la DGFiP entrent dans le budget de fonctionnement, celui-ci sera très réduit. Il faut donc être raisonnable en matière d'imputations comptables. Il s'agit là d'un beau projet, mais qui donnera certainement lieu à de nombreuses discussions.
Le débat sur la loi organique permettra aussi d'aborder de nombreux sujets sur lesquels le Gouvernement aura des propositions à faire au Parlement. Je suis à votre disposition sur ce sujet, dont j'ai déjà discuté avec M. le rapporteur général.
Pour ce qui concerne la taxe sur les services numériques, 277 millions d'euros ont été recouvrés en 2019.
Nous attendons encore le solde de l'impôt 2019 en avril prochain, pour évaluer si le montant consolidé est conforme aux prévisions de la loi de finances.
Nous commencerons aussi à déclencher des contrôles, afin d'accompagner et de conseiller les entreprises car c'est la première fois que la taxe s'applique. Il convient de s'assurer que les entreprises ont bien compris l'intégralité de la volonté du législateur. J'en ai déjà donné les consignes au directeur général des finances publiques.
Le Grand plan d'investissement (GPI) a été doté d'une enveloppe de 57 milliards d'euros pour le quinquennat. En 2018, la consommation des crédits s'est élevée à 3,5 milliards, soit un niveau très proche du montant voté dans la loi de finances initiale (LFI). En 2019, nous avons ouvert 4,5 milliards de crédits de paiement, dont nous n'avons pas encore reçu les exécutions consolidées, puisque le GPI est éclaté entre différents programmes. Nous les aurons certainement rassemblées lors du débat en séance sur le projet de loi de règlement. Je pourrai alors répondre à votre question.
Pour l'immobilier de l'État, qui est un sujet très important, nous travaillons à améliorer le domaine public de l'État, en menant plusieurs réformes, que j'aurai l'occasion de présenter bientôt. Nous ne sommes pas encore capables de chiffrer ces économies budgétaires mais j'annoncerai demain, avec le secrétaire d'État Olivier Dussopt, les cinquante communes retenues dans le cadre de la déconcentration des agents de la DGFiP. Je ne peux rien en dire encore car la dernière réunion avec les organisations syndicales se tiendra demain matin. Nous aurons en effet l'occasion de réaliser des économies en matière immobilière.
Monsieur Di Filippo, en ce qui concerne la charge de la dette, si nous empruntions au même taux que les Italiens, par exemple, nous payerions plus cher. Nous devons nous prémunir de cette augmentation des taux, soit en négociant bien notre dette, dont le stock est renouvelable tous les sept ans, soit en dépensant moins et en diminuant la dette. C'est un effort quotidien. Je rappelle que notre effort de sincérité a également englobé la dette, puisque nous y avons inclus la dette de la SNCF.
Enfin, pour répondre à M. Carrez, il faut tenter de corriger les écarts le plus possible. Pour cela, l'information relative aux finances publiques doit être sincère : nous essayons d'y parvenir. Des dispositions contraignantes sont également nécessaires mais il faut surtout que les lois de programmation soient intégrées dans la loi de programmation des finances publiques. Annoncées par de nombreux ministres, elles sont un bon moyen de mener des politiques pluriannuelles, à condition d'être chapeautées par une loi de programmation des finances publiques. Pour ce qui me concerne, je milite pour que celle-ci soit discutée au printemps.
La commission rend un avis public sur la nomination par le Président de l'Assemblée nationale de Mme Catherine Bergeal à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
Le Président de l'Assemblée nationale m'a informé, par un courrier du 22 janvier, qu'il envisage de désigner Mme Catherine Bergeal comme troisième personnalité qualifiée siégeant à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, les deux autres personnalités qualifiées pour lesquelles nous avons déjà rendu un avis le 19 décembre dernier étant Mme Michèle Pappalardo et M. Jean Pisani-Ferry. Mme Catherine Bergeal, conseillère d'État, a notamment été directrice des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances.
Comme nous l'avions évoqué en décembre, nous n'avons pas à respecter les formes de l'article 29-1 de notre règlement pour rendre cet avis public. Le Sénat en a également convenu pour les nominations de personnalités qualifiées à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations par le président du Sénat.
Nous avons souhaité que les profils choisis pour ces nominations reprennent ceux que présentaient les membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, principalement issus du Conseil d'État et de la Cour des comptes, depuis près de deux cents ans.
Avec la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), la Caisse des dépôts se trouve de plus en plus assimilée à un établissement bancaire de droit commun. À nos yeux cependant, la Caisse des dépôts, placée sous la surveillance du Parlement, n'est pas un établissement bancaire de droit commun, qui investit avant tout sur les marchés, mais un organisme de service public, qui met en oeuvre des politiques publiques.
La commission de surveillance ne doit donc pas inclure uniquement des experts du privé, des fonds d'investissement, des financiers, mais aussi des personnalités qui ont l'expérience des politiques publiques.
Membre du Conseil d'État, Mme Bergeal, que j'ai pu croiser lorsqu'elle était directrice des affaires juridiques de Bercy et siégeait au conseil d'administration de la RATP, s'inscrira dans ce rôle à la commission de surveillance, comme l'a fait dans les dernières années M. Alain Ménéménis, qui avait été désigné par le Conseil d'État.
Nous faisons la même analyse pour la Cour des comptes, dont Michèle Pappalardo est actuellement la rapporteure générale.
Je partage les propos de Gilles Carrez. Le profil des trois personnalités nommées correspond à celui dont nous pensons avoir besoin pour mener à bien la mission qui nous est confiée, au nom de l'Assemblée nationale, dans le contexte d'une évolution du rôle de la Caisse des dépôts, la commission de surveillance étant à présent dotée d'une fonction délibérative. Nous avions fait part au Président de l'Assemblée nationale de notre souhait. Le profil de Mme Catherine Bergeal nous paraît tout à fait indiqué pour qu'elle exerce de telles fonctions.
Ce profil correspond en effet aux besoins, ce qui était également vrai pour les deux nominations précédentes. J'informerai donc le Président de l'Assemblée nationale de l'avis positif de la commission des finances sur la nomination de Mme Catherine Bergeal à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 17 heures 15
Présents. - M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Charles de Courson, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Olivia Gregoire, M. François Jolivet, M. Michel Lauzzana, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Damien Abad, M. François André, Mme Sophie Auconie, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Jennifer De Temmerman, M. David Habib, M. Daniel Labaronne, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo