Oui, bien sûr, mais il ne faut pas se tromper de combat : il faut lutter contre la pénibilité, mais il ne faut pas tuer le travail.
Nous pensons que l'on pourrait régler à la fois la question des carrières longues et celle des métiers physiquement exposés, en décidant, au niveau interprofessionnel – surtout pas de l'entreprise, qui est incapable de calculer la fréquence et la durée de manutention des charges lourdes ou d'exposition aux vibrations ou décibels –, de l'éligibilité de tel métier au dispositif relatif à la pénibilité. S'il a été pratiqué pendant un certain temps, qu'il faudra définir et qui nécessitera des projections financières, ce métier donnerait droit à un temps supplémentaire de retraite. Comme ils se conjuguent souvent avec une carrière longue, les métiers en question pourraient continuer à bénéficier du dispositif actuel, à savoir partir à la retraite dès 60 ans, si l'âge pivot était fixé à 64 ans.
Telle est la position de la CPME sur la pénibilité. Le dispositif ne peut être crédible que si la cartographie des métiers potentiellement exposés est établie de façon interprofessionnelle, et si le temps supplémentaire de retraite susceptible d'être accordé aux salariés concernés est calculé en fonction de la durée d'activité qu'ils ont eue dans ces métiers.
Pourquoi sommes-nous contre l'augmentation des cotisations ? Celles-ci, vous le savez, sont réglées à 60 % – en tout cas dans le secteur marchand – par les employeurs et à 40 % par les salariés. Dans notre pays, c'est un vrai combat que d'éviter toute dérive du coût du travail. Nous n'évoluons pas tout seuls, il y a une concurrence internationale, et même nationale. Il importe donc de veiller à ce que le coût du travail en France demeure compatible avec celui de nos concurrents : on le sait, au moindre décrochage, c'est immédiatement du chômage.
Augmenter la part salariale reviendrait non seulement à rogner le pouvoir d'achat mais aussi, puisque notre système par répartition fonctionne par la solidarité intergénérationnelle, à refiler aux générations montantes le poids de son financement. Je crains qu'en empruntant cette voie, on n'engendre une guerre des générations : dans trente ou quarante ans, les actifs pourraient trouver injuste d'être fortement ponctionnés pour des retraités qui seraient partis à la retraite beaucoup plus tôt qu'ils ne le pourraient eux-mêmes. Les termes du débat s'en trouveraient alors inversés. Ne reste donc plus, encore, que la mesure d'âge assortie des éléments régulateurs attachés aux carrières longues et aux métiers physiquement exposés.
Nous avons imaginé que ce futur système puisse également encourager les actifs à mettre de l'argent de côté dans un compte épargne bonus qui servirait à convertir des jours de congés payés ou issus d'un dispositif de réduction du temps de travail, des primes ou des heures supplémentaires. Ce compte, qui ne serait, bien entendu, liquidé qu'au moment de la retraite, permettrait d'amortir le coût d'un éventuel malus. Il ne s'agirait pas d'un compte épargne-temps ; il ne jouerait que pour la retraite. Ce dispositif existe d'ailleurs déjà dans certains secteurs d'activité, en lien avec le plan d'épargne pour la retraite collectif ou le plan d'épargne retraite.
Enfin – et je me prépare, en disant cela, à des dîners familiaux un peu compliqués –, il me semble que la solidarité intergénérationnelle sur laquelle est fondé notre régime par répartition demande que l'on remédie au décalage observé entre les actifs et les retraités au regard de l'assujettissement à la contribution sociale généralisée (CSG). Tout le monde doit se voir appliquer le taux de 9,2 %, alors qu'il est de 8,3 % pour certains retraités. Lorsque l'on bénéficie d'une retraite financée par ses contemporains actifs, c'est une éventualité qui paraît normale à envisager. Je conviens toutefois que, politiquement, elle soit difficile à défendre.