Intervention de Robert Verger

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Robert Verger, président de la commission sociale de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) :

Le monde agricole a comme particularité d'avoir les retraites les plus petites qui soient servies en France aujourd'hui. Cela explique que nous demandions depuis longtemps une réforme systémique, afin d'aller vers un peu plus d'uniformité, car, à cotisations identiques, ce que touchent les agriculteurs à la retraite est bien loin de qui est observé dans d'autres secteurs.

Au cours de la concertation qui a été menée depuis dix-huit mois, nous avons été entendus sur nombre de points. Nous avons notamment fortement défendu le minimum de retraite à 85 % du SMIC, avec son inscription dans le marbre, et des cotisations minimales correspondant à ce minimum de retraite.

Le Gouvernement s'est engagé à traiter, parallèlement à la réforme et de façon correcte, le cas des retraités actuels. Porter le montant minimal de leur pension également à 85 % du SMIC fait encore partie des sujets de négociation. Ces demandes ne sont pas mirobolantes, il ne s'agit que de revenir à la réalité. Un premier pas avait déjà été fait, à 75 % du SMIC, il s'agit donc aujourd'hui d'arriver à 85 %, sachant qu'une grande partie de nos retraités agricoles ne touche pas plus de 750 euros par mois. Pour des gens qui ont travaillé toute leur vie et nourri la population, c'est un montant ridicule, alors que la retraite moyenne est de 1 390 euros nets par mois. L'engagement d'amener tout le monde à 85 % du SMIC, le monde agricole en a toujours été exclu. Notre objectif, dans le cadre de ce projet de loi, est donc clair : l'équité doit valoir pour tous.

Pour avancer dans ce projet de réforme, nous avons besoin de clarifier le niveau des cotisations des actifs dans le futur système. Je l'ai dit, nous sommes favorables à la réforme et à l'actualisation des cotisations, avec un minimum. Le taux de cotisation va passer de 21,11 % aujourd'hui à 28,12 %. Nous avons négocié la refonte de l'assiette de la CSG, que nous payons, depuis sa mise en place, sur des assiettes « super-brutes », c'est-à-dire que nous cotisons à fonds perdus. Cette réadaptation d'assiette va contribuer à minimiser la hausse de ces cotisations, qui vont être transformées en points retraite, ce qui nous va bien.

Nous avons, cependant, un souci pour la génération des agriculteurs nés jusqu'en 1975 : ils vont faire leur entrée dans le nouveau système de cotisation, mais liquideront leur retraite aux conditions actuelles et ne percevront pas le bénéfice conséquent de cette hausse. En effet, notre système de liquidation obéit à des plafonds qui nous causent quelques inquiétudes, quand bien même nos adhérents vont cotiser pour la solidarité. Nous avons demandé que l'on nous communique des chiffres très précis sur ce point, mais nous sommes encore dans l'impasse. Il importe donc de clarifier l'impact de la réforme pour cette génération.

Nous sommes aussi préoccupés pour les jeunes agriculteurs, qui constituent une autre de nos priorités, puisque notre réseau défend le renouvellement des générations. Ces jeunes bénéficient aujourd'hui d'exonérations de cotisations pour faciliter leur installation : elles ne sauraient être remises en compte dans le futur système.

La retraite à 1 000 euros pour une carrière complète doit également bénéficier aux chefs d'exploitation. Beaucoup d'agriculteurs ont démarré en tant qu'aides familiaux ou salariés agricoles, et nous avons l'impression qu'ils ne seront pas concernés par cette pension plancher. Nous poussons fortement pour que les anciens retraités soient intégrés dans le dispositif, mais nous le faisons aussi pour toute une frange d'agriculteurs qui risquent d'en être exclus, même dans le cadre de la future réforme. Nous parlons bien de carrières complètes, mais de carrières complètes agricoles.

Bien sûr, le cas des conjoints collaborateurs doit également être réglé. Il s'agit d'une catégorie essentiellement féminine, qui s'essouffle, puisque nous en perdons 9 % par an, et qui est assujettie à des cotisations de très faible niveau. Nous demandons que leurs cotisations soient ramenées au niveau des minimums afin qu'elles disposent demain d'une retraite minimale, comme tout le monde. Même si cela implique d'augmenter le niveau de leurs cotisations, nous sommes prêts à le supporter si cela permet de les amener demain au niveau de la pension plancher, dans la mesure où les intéressées ne touchent aujourd'hui que 550 euros par mois. Que fait-on aujourd'hui, avec une somme pareille, alors que l'on a travaillé toute sa vie ?

Un de nos autres soucis est la bonification pour enfants, qui doit être améliorée. Nous nous sommes toujours battus pour qu'elle soit forfaitisée et non calculée au pourcentage. Une bonification de 5 % sur une base de 1 000 euros équivaut à 50 euros, et à 150 euros sur une base de 3 000 euros. Les agriculteurs se trouvent donc encore pénalisés, d'où la demande de forfaitisation des bonifications : un enfant représente les mêmes charges que l'on dispose d'un petit revenu ou d'un gros.

Nous avons noté une avancée sur le cumul emploi-retraite. Compte tenu de la faiblesse du montant des pensions, nombre de retraités agricoles continuent de travailler dans le cadre d'activités saisonnières ou de remplacements. Nous demandons cependant que les choses soient bien clarifiées : de même que le code rural impose à l'agriculteur, pour toucher sa retraite, d'arrêter son activité agricole et de libérer ses terrains, demain, dans le cadre du régime unique de retraite, les mêmes règles devront s'appliquer à toutes les catégories socioprofessionnelles ; on ne peut pas toucher une retraite dans une autre activité. Tout le monde doit être logé à la même enseigne.

S'agissant du compte pénibilité, nous considérons qu'il doit être maintenu tel quel. Je rejoins en cela les représentants des artisans et commerçants. Bien souvent, les agriculteurs travaillent seuls dans leur exploitation. Comment voulez-vous qu'ils enregistrent le temps passé à des tâches pénibles, et comment voulez-vous qu'il n'y ait pas de dérives ? Qui contrôlera ? Comment une machine administrative peut-elle gérer cette question ? Les risques de dérive sont trop importants. Aujourd'hui, les critères tels qu'ils sont appliqués aux employeurs nous conviennent, nous n'en demandons pas l'extension et surtout pas au collège des exploitants agricoles. Puisque nous sommes les seuls garants et gestionnaires de nos exploitations, la gestion nous en reviendra pour nos propres moyens. Très vite, nous nous trouverons face à une usine à gaz insurmontable et incontrôlable.

Pour ce qui est de la gouvernance, nous revendiquons un poste dans la gestion de la future Caisse nationale de retraite. Notre organisme de protection sociale est très présent sur le terrain ; il restera l'interlocuteur du monde agricole, mais pourrait tout à fait élargir son public, compte tenu de son implantation. Nous tenons à conserver le guichet unique du régime agricole, mais nous entendons également participer à la gouvernance de la future Caisse de retraite, le rang de deuxième système de protection sociale en France de notre régime nous donnant toute légitimité pour cela.

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