Intervention de Philippe Vigier

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Chacun ici sait que le système de retraite doit évoluer et s'appuyer sur la confiance, comme vous l'affirmiez, monsieur Roux de Bézieux, en commençant votre propos. Je fais partie de ceux qui veulent que les choses évoluent. En notre qualité de parlementaires, nous essayons, en faisant preuve d'un peu d'exigence, de participer à l'élaboration de cette réforme d'ampleur. Outre les mesures paramétriques, il y a tant d'éléments techniques qu'on peut légitimement demander à être éclairés. Nous ressentons, vous avez dû le percevoir, une certaine frustration, due au fait que le Gouvernement nous demande de l'habiliter à légiférer par ordonnances. D'où ma première question : aurez-vous accès au contenu des ordonnances, parce que nous ne pourrons pas les modifier – c'est ça, le Parlement ! Si l'on veut de la confiance, il est essentiel de savoir ce qu'il y a dans les ordonnances.

S'agissant du financement, le Conseil d'État a enjoint au Gouvernement de renforcer l'étude d'impact. J'imagine que vous portez avec exigence la même demande, car vous ferez partie, demain, des acteurs principaux de la conférence sur le financement. Comme l'a dit Olivier Véran, les parlementaires que nous sommes souhaitent l'application de la règle d'or. Nous débattons du PLFSS, qui représente, avec l'ensemble des branches de la sécurité sociale, 500 milliards d'euros – plus que le budget de l'État ! Il ne serait donc pas illégitime que, chaque année, nous puissions apporter notre contribution, exprimer notre vision des choses sans attendre la clause de revoyure dans cinq ou dix ans. Les choses sont si complexes qu'il peut y avoir des erreurs de conception. Si on doit les corriger, il faut le faire rapidement. Aussi souhaiterions-nous avoir, d'une façon ou d'une autre, un échange sur cet immense chantier. Je suis très heureux que nous puissions d'ores et déjà en débattre avec les organisations patronales ce matin. Dans une démocratie sociale et parlementaire organisée, on devrait, me semble-t-il, avoir ce genre d'échanges au moins une fois par an, pour délibérer de l'état de la France et des grands sujets auxquels nous sommes confrontés.

J'ai bien entendu que les organisations patronales ne sont pas favorables à des mesures de relèvement des cotisations, mais il va bien falloir trouver un compromis avec les syndicats de salariés, dont la préférence irait plutôt à un cocktail de mesures – pour reprendre l'expression de Patrick Mignola – portant à la fois sur les cotisations et sur la durée. L'idée de toucher au Fonds de réserve pour les retraites constitue-t-elle, pour vous, un tabou absolu ou seriez-vous prêts à faire un pas dans cette direction, étant entendu qu'une clause de revoyure poserait une limite de temps de quatre ou cinq ans ?

Les agriculteurs, et Alain Griset l'a également indiqué, s'inquiètent de l'harmonisation des taux de cotisation, compris entre 14 % et 28 %, les agriculteurs étant à 17 %. Quelles garanties avez-vous obtenues dans le temps, et comment les choses vont-elles se passer ? Alain Griset disait tout à l'heure qu'il n'y aurait pas d'augmentation des cotisations, mais simplement une modification de l'assiette. Dans ces conditions, peut-on avoir la certitude que le revenu disponible restera le même, le maintien du niveau des retraites étant un objectif que nous partageons tous ?

Enfin, alors que la réforme prévoyait initialement la suppression de tous les régimes spéciaux, ce qui était une très bonne chose, certains de ces régimes spéciaux se sont déjà vu accorder des dérogations – personnels navigants, aiguilleurs du ciel, certains personnels des centres culturels nationaux. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et si, selon vous, la justice peut être au rendez-vous dans ces conditions ?

Pour ce qui est de la pénibilité, je suis tout à fait d'accord avec Jacques Maire lorsqu'il qualifie de très mauvais signal le relèvement de 60 ans à 62 ans de l'âge auquel il sera possible de mettre en oeuvre une cessation progressive d'activité. De fait, c'est à cet âge-là que la transmission est la plus efficace, sans compter que ce dispositif constitue un très bon moyen de lutter contre la pénibilité en permettant à un travailleur en fin de carrière d'effectuer moins de tâches répétitives et compliquées, en consacrant 20 % ou 30 % de son temps à la transmission de son savoir – une mission dont les travailleurs concernés s'acquittent avec honneur – à un jeune qui, de son côté, peut ainsi démarrer plus tôt son activité professionnelle.

J'en termine, madame la présidente, en souhaitant que, sur ce texte majeur, un nouveau « round » réunissant tous les participants à cette table ronde puisse se tenir avant que les ordonnances ne soient ratifiées. C'est cela aussi, une démocratie vivante, parlementaire et sociale.

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