Intervention de Geoffroy Roux de Bézieux

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) :

Comment développer la retraite progressive, qui ne concerne actuellement que 18 000 salariés ? Nous rencontrons un problème technique pour les cadres soumis au forfait jours ; une mesure législative serait nécessaire.

Plus globalement, le problème est culturel : dans la majorité des cas – peut-être moins dans les petites entreprises –, l'employeur ne connaît pas l'âge auquel le salarié veut liquider sa retraite. Nous avons donc proposé à Sophie Bellon un entretien obligatoire afin d'inciter le salarié à déclarer son intention de partir en retraite au moins deux ans avant. Sans quoi, il est très difficile pour un employeur de mettre quoi que ce soit en place.

Un autre élément est d'ordre culturel. En Suède, et plus globalement en Europe du Nord, lorsqu'ils sont à quelques années de la retraite, les salariés acceptent souvent une réduction de leurs responsabilités, et parfois la réduction de salaire qui va avec, tout en participant à la transmission. Nous avons beaucoup d'efforts à faire de part et d'autre. Nous ne parlons pas assez de retraite avec nos salariés. Or, en parler, c'est commencer à imaginer des systèmes de tutorat, de retraite progressive, de cumul emploi-retraite, etc.

Concernant les salaires au-delà de 3 à 8 PASS, je peux partager votre perplexité quant à la complexité que constitue la disparition des cotisations patronales et salariales de tous les salariés concernés : cela ne se fera pas du jour au lendemain ; il y aura une transition, mais la durée n'en est pas précisée. Si le passage des 28 % de cotisations patronales et salariales aux 2,80 % de cotisation de solidarité dure vingt ans, la baisse sera régulière, d'environ 1 % par an. En conséquence, la perte de ressources pour le régime général sera progressive, et normalement accompagnée. Mais il ne faut pas oublier le problème de la perte de prestations, auxquelles ces cotisations ne donnent plus droit. Or, dans un système par répartition, les prestations sont différées, ce qui soulève un problème de financement. Celui-ci doit faire partie de la conférence sur le financement.

En outre, ces salariés vont demander une compensation de leurs pertes en taux de remplacement. En l'état actuel du droit, la loi « PACTE » permet à l'employeur, comme au salarié, de ne défiscaliser qu'une partie de l'abondement d'un dispositif par capitalisation. Si la mesure prenait effet du jour au lendemain, brusquement l'incrément de salaire net pour le salarié serait fiscalisé. Nous y réfléchissons, mais n'avons pas de réponse pour le moment. Et le cas des indépendants est encore différent.

Vous avez raison, nous avons encore des efforts à faire concernant l'emploi des jeunes et des seniors. Malgré tout, les chiffres de l'apprentissage sont très favorables en 2019, même s'ils pourraient être encore meilleurs. Il faut développer cette culture, notamment dans les services, qui disposent de moins de centres de formation des apprentis. Objectivement, l'industrie et le bâtiment ont déjà cette culture de l'emploi des jeunes et l'alternance y est très développée.

Madame Dumont, je ne suis pas médecin, mais l'espérance de vie n'est pas uniquement liée au travail. Elle est fonction d'autres facteurs : lieu d'habitation, comportement, hygiène alimentaire, etc. En outre, l'écart de départ à la retraite existe déjà avec les dispositifs actuels. Je n'ai plus le chiffre exact en tête, mais il est de trois ou quatre ans. Ensuite, on bascule dans un débat technique, mais avant tout philosophique : quel est le juste écart ? En étirant trop les âges de départ par catégories socioprofessionnelles et par métier, on crée une rupture dans le pacte républicain du régime par répartition, complexe à maintenir. Il n'existe pas de bon écart de départ à la retraite.

Je ne suis pas d'accord, les carrières longues ne sont pas toutes des carrières pénibles – même si je n'aime pas le terme de « pénibilité ». Souvent dans la fonction publique, mais aussi dans le privé, on peut avoir commencé à travailler tôt, mais sans occuper un poste physiquement usant. À l'inverse, même si c'est plus rare, on peut avoir commencé à travailler tard et avoir un métier usant. Ne confondons pas les deux.

Actuellement, c'est essentiellement le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue qui permet à un tiers des salariés du privé de partir avant l'âge légal, car le C2P a démarré récemment.

Sur les dispositifs relatifs à la pénibilité, vous avez raison, porter des charges lourdes est un élément d'usure, mais il ne peut pas être mesuré individuellement. On peut réfléchir par métier, mais si beaucoup de salariés partent par anticipation, l'équilibre général est en danger.

En conclusion, même si cette formule est un peu frustrante, le débat était très intéressant. Si la présidente le souhaite, nous pouvons renouveler l'expérience. En tout cas, je réitère mon invitation aux différents groupes parlementaires à venir débattre avec nous.

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