Ce texte s'inspire pour une bonne part des propositions issues du rapport du rapport Delevoye. Tout au long de la concertation, la CFTC a essayé d'être force de proposition pour bâtir un régime universel de retraite plus équitable, plus solidaire, et surtout mieux adapté aux réalités du monde du travail et de l'époque actuelle.
Consciente des défis posés par la démographie, des difficultés d'accès et de maintien dans l'emploi, consciente aussi des injustices liées au dispositif actuel, la CFTC est favorable au principe d'une réforme. Il y va de la pérennité du système.
Le système par points a pour mérite de comptabiliser les droits dès le premier jour travaillé, et ce dès le plus jeune âge. On peut parfois l'oublier : dans le système actuel de validation des droits via la durée d'assurance – les fameux trimestres –, des personnes cotisent sans pour autant obtenir de droits en retour ; il faut en effet une rémunération équivalente à 150 heures payées au SMIC pour valider un trimestre. Les travailleurs les plus précaires, abonnés à des mini-jobs peu payés et de très courte durée, peinent à se constituer une retraite. Les chiffres du ministère du travail montrent que, parmi les assurés qui doivent travailler jusqu'à 67 ans, figurent beaucoup de femmes et que 80 % appartiennent au premier quartile des revenus, autrement dit font partie des 25 % des personnes qui gagnent le moins.
L'esprit général de cette réforme est globalement conforme à la vision et aux revendications que la CFTC a défendues lors des réunions de travail qui se sont tenues pendant quasiment deux ans : maintien d'un système par répartition qui assure la solidarité ; maintien des pensions actuellement versées ; maintien des droits acquis, conformément à l'article 60 ; compensation des aléas de la vie personnelle ou professionnelle ; nouveaux droits pour les aidants, ce qui serait une réponse à notre demande de reconnaissance des activités à utilité sociale, sociétale ou collective, qui participerait à une meilleure prise en charge de la dépendance, ce grand défi qui nous attend tous.
Le projet de loi contient de réelles avancées, auxquelles nous avons contribué lors des débats. Nous avons essayé de défendre une vision plus moderne de la protection sociale et mis en avant les acquis qu'il nous semblait indispensable de préserver : la pension de réversion, menacée, se trouve finalement renforcée ; les droits familiaux, rénovés, pourront bénéficier à plus de familles.
Le sujet qui fâche, l'âge pivot, a été retiré du projet. Mais la notion d'âge d'équilibre n'a pas disparu du texte, loin de là. L'âge d'équilibre, qui sera fixé par la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), demeure un paramètre : dès lors qu'il ne sera pas atteint, la pension s'en trouvera minorée.
Que l'on puisse parler d'âge d'équilibre ne nous pose pas problème. En revanche, nous trouvons problématique qu'il devienne un âge de référence autour duquel s'articulent de nombreux dispositifs. Tous les mécanismes, y compris à vocation sociale et solidaire, comme la pénibilité, les carrières longues, le minimum de retraite ou la retraite progressive se trouvent impactés par l'âge d'équilibre. Cela aboutit au résultat inverse de ce qui était recherché avec ce texte – traiter de la situation des plus précaires – et rend le projet de loi contre-productif.
Je le répète, la CFTC est favorable à la notion d'équilibre – elle l'a démontré dans la gestion du système AGIRC-ARRCO – dans la mesure où la pérennité du système et la confiance des cotisants en dépendent. L'équilibre du système doit aussi passer par davantage de simplicité, de lisibilité, de possibilités de choix offertes aux salariés. Nous défendons depuis longtemps l'idée d'une retraite à la carte.
L'âge d'équilibre conçu comme la référence absolue tire vers le bas les principaux mécanismes de solidarité. Ainsi, pour les carrières longues, le dispositif est maintenu, mais avec un âge d'équilibre fixé à 64 ans, l'âge de départ à la retraite sans décote passe de 60 à 62 ans. Il faudra attendre 64 ans pour bénéficier de la majoration. Autre exemple, le minimum de retraite : pour en bénéficier, il faudra partir à 64 ans, et non plus à 62 ans comme aujourd'hui, à condition d'avoir validé une carrière complète de quarante-trois ans. Si nous sommes favorables à l'âge d'équilibre, nous considérons que les assurés les plus précaires et ceux concernés par la pénibilité doivent pouvoir partir à la retraite à 60 ans.
Le système de minoration et de majoration, tel qu'il est prévu, bénéficie aux assurés les plus favorisés : lorsque l'on fait les métiers les moins pénibles, il est plus facile de reculer son départ à la retraite, d'accumuler des points supplémentaires et de bénéficier d'une majoration. Les assurés les moins favorisés, ayant connu des carrières longues et des métiers pénibles, seront pénalisés par un nombre de points qui pourrait être réduit et une minoration qui pourrait être importante. La CFTC a demandé que les effets de la minoration soient à tout le moins temporaires et non pérennes, comme c'est le cas à l'AGIRC-ARRCO.
Pour ce qui est de la pénibilité, la philosophie de la CFTC a toujours été de privilégier la prévention et la reconversion, plutôt que la réparation. Le but n'est pas seulement que les personnes partent trois ans plus tôt, c'est d'éviter qu'elles ne partent totalement cassées après avoir exercé pendant trente ou trente-cinq ans un métier pénible. Mais il est vrai aussi qu'à partir de 55 ans, la reconversion est très difficile et qu'il restera des postes pénibles sur lesquels ni l'ergonomie, ni l'intelligence artificielle, ni toute la bonne volonté du monde ne permettront d'agir. Pour ces professions-là, il faut réparer et permettre des départs à 60 ans. Nous proposons aussi que le déplafonnement soit utilisable dans sa totalité pour un départ anticipé à la retraite à partir de 60 ans pour les travailleurs de 55 ans et plus qui n'auraient pas fait usage de leur C2P.
Enfin, il nous semble que la gouvernance est beaucoup trop encadrée et que la CNRU doit disposer de davantage de marges de manoeuvre. Quant au titre IV, il préfigure une transition brutale pour les caisses de retraite de base et de retraite complémentaire, surtout pour leurs personnels.