Intervention de Boris Vallaud

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Je commencerai par un commentaire : en entendant le nombre de questions qui demeurent, je me demande ce qui s'est passé depuis deux ans, en termes de dialogue social. À mon sentiment, pas grand-chose...

Seconde observation : à vous entendre, au fond, et en dépit des points de vue qui diffèrent selon les organisations, aucun d'entre vous n'est à l'origine de cette réforme ; elle est bien celle du Gouvernement et de sa majorité.

Ma première série de questions aura trait aux conditions du dialogue social – j'ai posé les mêmes ce matin aux représentants du patronat. Quand l'étude d'impact vous a-t-elle été transmise ? Les organismes consultés par le Gouvernement l'ont-ils été aussi sur cette étude d'impact ? Avez-vous eu connaissance des projets d'ordonnances, qui portent sur un certain nombre d'éléments majeurs du projet de loi ? De quelles simulations financières disposez-vous, notamment s'agissant de la période de transition ? Connaissez-vous les impacts macroéconomiques de la réforme, notamment liés à l'âge d'équilibre, sur le chômage et le PIB ? Ne considérez-vous pas que la règle d'or, telle qu'elle est posée, aura un effet procyclique, et aggravera donc les crises lorsqu'il s'en produira ? Dans un système à contributions définies, on voit bien quelle sera la variable d'ajustement.

J'aborde une deuxième série de questions. Si vous avez compris l'étude d'impact, d'abord, je vous en félicite (Sourires) ; ensuite, peut-être pourriez-vous nous apporter quelques précisions. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des cas types qui ont été présentés, tous élaborés en se fondant sur le même âge pivot, à partir de la génération 1975, alors même que le projet de loi prévoit que l'âge pivot va évoluer ? Quand on tient compte de cette évolution, les résultats, évidemment, sont tout à fait différents. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez d'un certain nombre des hypothèses formulées par le Gouvernement – à commencer par celle, totalement délirante, d'une augmentation du pouvoir d'achat des fonctionnaires, fondée pour l'essentiel sur une revalorisation des primes de 0,23 point par an sur cinquante ans ? Vous paraît-il possible d'apprécier, à la lecture de l'étude d'impact, qui gagne et qui perd ? On peut gagner ou perdre sur les cotisations ou sur les pensions, encore faudrait-il être en mesure de le mesurer sur l'ensemble du cycle de vie ; or cette dimension est absente de l'étude d'impact. Pouvez-vous nous dire comment, selon vous, vont évoluer les taux de remplacement ? Selon l'étude d'impact et le Conseil d'État, le nombre des retraités va augmenter, mais la part des retraites dans le PIB, elle, va baisser ; même si je ne suis pas très bon en maths, il me semble que cela devrait avoir, mécaniquement, quelques conséquences.

Le Gouvernement prétend que le système va réduire les inégalités, mais les simulations proposées laissent à penser que ce sera le fait, d'une part, du passage de 8 à 3 PASS – pour ce qui est des hauts revenus –, et, d'autre part, de l'augmentation du nombre des retraités au minimum contributif. D'ailleurs, est-ce un progrès que d'avoir une proportion considérable de retraités au minimum contributif ?

Avez-vous des éléments – car, sur ce point, le texte renvoie à des ordonnances – quant aux modalités selon lesquelles les droits actuellement constitués seront convertis en points pour les générations nées après 1975, ou sur la façon dont ces droits seront liquidés dans l'ancien système pour les générations nées avant 1975 ? Dans le même ordre d'idées, avez-vous des éléments concernant la période de transition de quinze ans prévue pour la fonction publique ?

Je voudrais également partager avec vous quelques considérations générales, comme je l'ai fait ce matin avec le patronat. La meilleure des pensions se construit à partir de la meilleure des carrières : il y a donc un lien patent entre les politiques qui sont conduites s'agissant du marché du travail et les pensions. Avez-vous une appréciation à porter sur la question du pouvoir d'achat et de la politique salariale ? Dès lors que les gains de pouvoir d'achat sont obtenus par les primes d'activité, et que celles-ci ne créent pas de droits à la retraite, ne risque-t-on pas de paupériser les retraités ayant les plus bas revenus ?

S'agissant de la discrimination envers les femmes, quelle devrait être la place de la prévention ? Ce n'est pas, selon moi, à la solidarité nationale qu'il revient de payer pour compenser les discriminations existant sur le marché du travail.

S'agissant de la pénibilité – mais je crois que vous avez répondu par avance à ma question sur ce point –, considérez-vous que la réforme est à la hauteur des enjeux ? En ce qui concerne les carrières hachées, ne considérez-vous pas qu'il y a un lien entre la récente réforme de l'assurance chômage – à laquelle vous n'avez pas souscrit, et qui durcit les conditions d'entrée dans le dispositif – et la nouvelle réforme ? Évidemment, on n'accumule pas de points quand on n'est pas indemnisé, et on se crée moins de points quand les droits sont calculés sur la base de l'ARE et non du dernier salaire.

Ma dernière série de questions porte sur la conférence de financement. En définitive, le Premier ministre nous dit, comme le MEDEF ce matin, qu'il ne voit pas comment on pourrait se passer de mesures d'âge. Craignez-vous une mise en échec du dialogue social, à l'instar de ce qui s'est passé lors de la réforme de l'assurance chômage ? La réforme est engagée sur la base des hypothèses du COR. Comment considérez-vous ces hypothèses, selon lesquelles, en réalité, le problème est lié non pas à un dérapage des dépenses de retraite, mais à un manque de recettes, lequel est, pour l'essentiel, le fait des choix du Gouvernement ?

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