Il me semble que nos propos liminaires, notamment ceux de Force ouvrière, ont permis de répondre à un certain nombre de questions et je vous y renvoie donc.
Dans la gouvernance, on pourra mettre tout ce que l'on voudra. Chargé de plusieurs dossiers, en particulier de celui de la formation professionnelle, j'ai eu l'occasion de me frotter à France compétences : c'est l'État qui décide. Chargé également de l'assurance chômage, je peux vous dire que lorsque je vais négocier et que la négociation est suffisamment encadrée pour que ce ne soit pas possible, c'est aussi le Gouvernement qui décide. J'ai bien peur que telle qu'est inscrite la règle d'or dans le projet de loi organique, ce ne sera peut-être pas le Gouvernement qui décidera au bout du bout, mais vous, mesdames et messieurs les parlementaires, puisque c'est à vous qu'il reviendra de définir les paramètres dans le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous le constatez donc, la loi préserve la démocratie parlementaire. Si c'est elle qui prime, nous nous y soumettrons puisque nous sommes républicains.
La concertation a été longue – environ deux ans – sauf que le Gouvernement n'a formulé un certain nombre d'autres propositions qu'après le 5 décembre dernier, c'est-à-dire après que des organisations syndicales ont pris leurs responsabilités pour appeler à la grève et à la manifestation. Jusque-là, il n'était pas question de pénibilité ni d'emploi des seniors ; jusque-là, c'est la génération de 1963 qui était concernée et non celle de 1975. Nous ne sommes pas parvenus à nous faire entendre pendant deux ans, mais c'est en appelant à la grève qu'il a été possible de commencer à travailler sur des sujets sérieux.
Le problème, ce n'est pas la retraite mais l'emploi et les conditions de l'emploi. Par exemple, vous n'avez pas abordé un thème que je n'ai pas eu moi-même le temps d'évoquer dans mon propos liminaire : le temps partiel subi. Qu'envisagez-vous de faire à ce propos, mesdames et messieurs les députés ? Comment compenser cette situation, si ce n'est en faisant cotiser comme pour un temps plein les entreprises qui abusent de ce système ? Vous verrez alors que le temps partiel subi disparaîtra dans notre pays ! Il y va de votre responsabilité, non de celle des organisations syndicales.
Nous irons à la conférence sur le financement car elle porte sur l'équilibre du système actuel, non sur celui du système futur, et là encore, nous ferons des propositions. Comme nous sommes républicains et que nous avons un profond respect pour le Premier ministre, c'est à lui que nous réserverons la primeur de nos analyses et de nos solutions – je ne vous en dirai rien aujourd'hui. Mais il ne doit pas y avoir de tabou ; or la conférence est déjà très encadrée par le Premier ministre. Le 8° de sa lettre est très clair : pas de baisse des pensions, ce dont nous sommes d'accord, mais pas de hausse du coût du travail – ce qui signifie qu'il faudra éventuellement articuler des baisses de cotisations avec l'augmentation d'autres cotisations. Le problème qui se pose est bien celui des recettes, et celui-ci résulte pour l'essentiel, le COR l'a bien dit, de la stagnation des salaires. À un moment ou à un autre, il faudra soit les augmenter, soit se décider à ne plus exonérer de cotisations sociales les entreprises qui ne jouent pas le jeu. L'incitation peut être certes positive et les précédents gouvernements – pas uniquement celui-ci – ont parié là-dessus. Eh bien, on voit ce que cela donne : on est obligé d'augmenter le temps de travail et la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite méritée !
Quant à l'étude d'impact, nous sommes allés la chercher sur le site du Gouvernement, faute d'avoir pu l'obtenir avant ; nous avons aussi pris connaissance de l'avis du Conseil d'État après le Conseil des ministres. Je vous renvoie à ce propos à une perle de l'étude d'impact, page 117, où figure le tableau comparatif démontrant qu'un salarié ayant été payé au SMIC pendant toute sa carrière verrait sa pension augmenter de 5 % en calculant sur quarante-trois ans : la note qui figure en dessous indique que l'on ne compare pas les mêmes choses, que « le salaire moyen présenté n'est donc pas directement comparable au salaire annuel moyen tel qu'il est pris en compte dans le calcul d'une pension de base du régime général » ! Voilà ce qu'il faut penser des cas-types de l'étude d'impact !
La règle d'or doit donc spécifier que la valeur du point ne devra pas baisser. Soit, mais quid de la valeur du point à l'achat ? Vous ne pouvez pas baisser sa valeur à la liquidation ? Vous augmenterez sa valeur à l'achat ! Les points seront ainsi moins nombreux et la retraite sera moins bonne. Vous pouvez jouer sur de tels équilibres ! Certains seront donc peut-être rassurés d'inscrire dans la loi organique que la valeur du point ne baissera pas mais je ne suis pas sûr que cela emporte quelque conséquence que ce soit, demain, sur le niveau des pensions.