Je suis d'accord avec le rapporteur sur un point : il est clair que toutes les études en santé publique montrent que l'espérance de vie en bonne santé n'est pas la même en fonction du niveau d'études, du salaire et du type de logement dans lequel on habite. En gros, que vous soyez riche et puissant ou pauvre et misérable, vos vies ne seront pas les mêmes, et cela vaut dès la naissance, pour les mômes, bien avant qu'ils commencent à travailler. Si l'on ajoute à cela la pénibilité du travail, les écarts d'espérance de vie se creusent de manière colossale.
Un exemple très concret, qui fera entrer la vie de nos territoires dans cette salle : le flaconnage de luxe, c'est-à-dire la fabrication des flacons de parfum de toutes marques chez moi, dans la vallée de la Bresle. Au bout chaud, c'est-à-dire au pied du four, dans un environnement hostile marqué par le bruit, la chaleur et l'insalubrité, le conducteur de machine doit assurer la transformation d'une goutte de verre en un flacon de pharmacie ou de parfumerie pour le compte des plus grandes marques. 8 heures par jour, cet opérateur se trouve – premier facteur de pénibilité – exposé aux fumées de graissage produites lors de la lubrification des moules. Au bout froid, le trieur de verre – ou plutôt la trieuse, car ce sont des métiers essentiellement exercés par des femmes – doit, tout en respectant la cadence de travail, contrôler chaque pièce produite selon le cahier des charges imposé par le client, au rythme auquel le tapis la transporte. Outre le côté répétitif et rébarbatif de la tâche, les opératrices concernées sont exposées aux troubles musculo-squelettiques liés aux gestes répétitifs imposés par leur poste.
Voilà quelques-uns des éléments de pénibilité, que votre réforme de 2017 a d'ailleurs contribué à exclure, qui aggravent les écarts d'espérance de vie en bonne santé. C'est donc de cela dont il s'agit lorsque l'on parle de pénibilité.