Intervention de Laurent Pietraszewski

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites :

Cet échange est intéressant : j'ai bien reconnu, dans les interventions, parfaitement intelligibles, de Marine Brenier, Fabrice Brun, Jean-Pierre Door et du président Éric Woerth, la cohérence de l'opposition politique que souhaitent incarner Les Républicains, dont le projet n'a pas été validé par les Français en 2017 – soit dit sans taquinerie aucune. Je comprends cette cohérence qui à mon sens donne de la visibilité à la position que vous défendez, parfaitement intelligible.

Nous ne sommes pas sur le même registre : je défends pour ma part une réforme beaucoup plus universelle, qui implique une transformation de la société. Le moment était venu le moment de proposer à tous nos concitoyens une démarche plus ambitieuse visant à faire République ensemble. Sans doute avez-vous raison, monsieur le président Woerth : cette démarche est plus difficile et réinterroge plus de choses, ce qui explique qu'elle se heurte à plus de résistances. Vous n'avez pas manqué de le relever depuis trois jours et vous continuerez sans doute à le faire.

Nous avons également besoin, pour construire notre pays, de nous réunir autour de fondamentaux : le sens de la solidarité, sous une forme repensée et reconstruite, mais également la reconnaissance du travail : tout retraité est en droit d'attendre un juste retour de son activité et de ses cotisations. Le Gouvernement et la majorité pensent que cette dynamique est essentielle dans la reconstruction du contrat social avec l'ensemble de nos concitoyens.

Nous n'allons pas épiloguer sur les avantages et inconvénients respectifs du PASS et des 3 PASS : les choses sont, à ce sujet, claires, pour vous comme pour moi, ainsi que pour la majorité.

Pour ce qui est des avocats, madame Brenier, des avocats, j'ai senti qu'il émanait de votre amendement beaucoup de vérité : je l'ai donc, compte tenu de mon engagement personnel sur ce sujet, considéré avec le plus grand intérêt. Il n'y a aucune volonté de la part du Gouvernement de montrer du doigt telle profession ou de mettre en difficulté l'évolution de telle autre : j'ai, dans mon activité précédente, recruté de nombreuses avocates qui se montraient satisfaites de devenir salariée pour mener une activité de conseil au sein d'un pôle juridique après quatre, cinq ou six ans d'exercice indépendant. Il arrive que certaines y reviennent par la suite, ou se tournent vers autre chose. Je ne prétends pas réécrire ici avec vous le parcours professionnel des avocats ; je veux simplement mettre en avant sa diversité. Le système universel nous donne l'occasion de la prendre en considération, mais également d'anticiper les évolutions.

J'ai été longtemps le représentant de cette assemblée au sein du COR : les tableaux qui nous y étaient fournis par la CNBF montraient que le régime des avocats se trouverait en difficulté à partir de 2046, autrement dit moins lointaine que celle de 2079, dont on a fait mention.

Monsieur le président Éric Woerth, je ne partage pas l'idée selon laquelle on ne devrait en appeler à la solidarité nationale que lorsqu'on se trouve en difficulté : c'est précisément de genre attitude qui fait réagir nos concitoyens. C'est trop facile de ne parler de solidarité nationale que lorsque l'on se trouve en difficulté. Ils préféreraient que l'on construise un dispositif ensemble, dès le départ – et en toute transparence, vous avez raison, madame Brenier.

Que souhaitent les avocats ? Bénéficier d'une péréquation plus importante, car leur système permet de verser une pension minimale plus importante. Même si je n'étais pas alors au Gouvernement, nous leur avons dès le début indiqué qu'une telle évolution était possible en maintenant le niveau de cotisation, qui est plus élevé, des plus hauts revenus. Encore faut-il construire un tel dispositif. Je ne suis pas le représentant des avocats : c'est à eux de défendre leur projet, et je ne peux pas le faire à leur place. S'ils sont attentifs à l'équilibre financier de leurs cabinets, auxquels ils ont raison de veiller, nous leur avons, à leur demande, présenté des cas types en fonction des niveaux de rémunération.

Par exemple, le niveau de pension d'un avocat gagnant 32 000 euros par an serait supérieur de 13 % à son niveau actuel. En outre, une avocate ayant eu un ou deux enfants et bénéficiant de la dynamique de la bonification de 5 % et disposant des mêmes revenus verrait, elle, sa pension augmenter de 13 %, de 18 %, voire au-delà.

Les avocats seraient donc très souvent gagnants : et si, dans certains cas leurs charges augmenteront légèrement, cette augmentation sera à lisser sur quinze ans. Le changement d'assiette de CSG fait en outre que cette augmentation ne pourrait jamais, quels que soient les cas types sur lesquels nous avons travaillé à la demande de la CNBF, dépasser 5 % sur quinze ans.

La volonté du Gouvernement de trouver une issue avec les représentants des avocats est donc réelle. Je comprends la sensibilité de cette profession soucieuse de son autonomie et très attachée à l'indépendance de la justice de notre pays : il est cependant à mon sens possible, tout en les respectant, de faire maison commune s'agissant des retraites. Je n'y vois pas d'antinomie majeure.

Pour ce qui est des réserves, je répète qu'elles resteront à la main des caisses qui les ont constituées : tous ceux qui les ont alimentées décideront donc, par le biais de leur conseil d'administration, de ce qu'ils voudront en faire.

Toutes les caisses spécifiques ou autonomes doivent-elles disparaître ? Dès lors qu'elles défendent des projets – économiquement viables, s'entend, car le maintien d'une caisse doit avoir du sens – comme celui que j'ai évoqué tout à l'heure à propos des avocats, nous avons affirmé, et cela figure d'ailleurs dans le projet de loi, qu'elles pourraient agir par délégation de la CNRU.

Les possibilités de constructions ne manquent pas : j'ai pu le constater dans tous les échanges, et ils sont nombreux, que nous avons avec les professions libérales, qu'il s'agisse des médecins, des avocats ou des notaires. Nous avons besoin de continuer à nous parler afin de trouver les voies du dialogue. Les notaires par exemple – tout en étant, comme les infirmières libérales, vigilants – sont très au clair sur ces questions.

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