Nous avons eu un débat sur les carrières complètes et la prise en compte des vingt-cinq meilleures années. J'espère qu'il a permis de répondre à certaines questions et que les éléments communiqués dans l'étude d'impact ont pu éclairer les uns et les autres. Vous m'interrogez sur la question des six derniers mois de traitement. Il est intéressant d'aller dans le détail du calcul de la retraite de ceux – essentiellement les fonctionnaires – qui sont concernés par cette évolution. Actuellement, la pension de retraite des fonctionnaires est égale, au maximum, à 75 % du traitement, autrement dit de l'indice affecté de la valeur du point de la fonction publique. Le montant de la pension dépend donc de deux paramètres : l'évolution du point d'indice et la part des primes. Le premier facteur n'est pas nécessairement dynamique sur le plan conjoncturel, mais peut l'être de façon tendancielle. Dans son projet, le Gouvernement propose de revaloriser les droits en indexant l'évolution des droits constitués sur les salaires. Nous en avons d'ailleurs débattu plusieurs fois au cours des quatre derniers jours. Comme vous le savez, la dynamique des salaires est plus forte que celle de l'inflation. C'est pourquoi, dans le cadre de la réforme de 1993, il avait été décidé d'indexer les salaires portés au compte sur l'inflation et non plus sur le salaire moyen par tête. Nous proposons, pour notre part, de revenir sur cette décision, ce qui aura des conséquences très significatives pour tout le monde, y compris pour les fonctionnaires. Il faut intégrer cela dans la vision de la carrière complète.
Comme l'a très bien dit le rapporteur, ce n'est que justice d'intégrer les primes dans le calcul de la retraite des agents publics. Cette décision, qui semble, ici, faire l'unanimité, soulève toutefois quelques questions. La première d'entre elles concerne les cotisations. Le projet de loi prévoit l'intégration de toutes les primes au 1er janvier 2025 et l'instauration, à titre dérogatoire, d'une transition sur quinze ans. Sur le fond, l'architecture du système universel a été décrite, jusqu'à un certain degré de détail, par le rapport Delevoye de juillet dernier. Au-delà des discussions alinéa par alinéa – dont je ne suis pas sûr qu'elles contribuent fortement à éclairer les personnes qui suivent nos travaux –, les transitions vous ont fait réagir. Ce sont des mécanismes dynamiques, qui ont vocation à s'ajuster.
Pardonnez-moi d'ouvrir une parenthèse à propos des avocats, puisque vous m'avez interpellé tout à l'heure : la concertation engagée avec leurs représentants n'est pas facile mais il semble que, grâce à la volonté qui se manifeste de part et d'autre, on s'engage dans une voie de sortie, ce dont il faut se réjouir.
Mais revenons au cas des agents publics. Une transition de quinze ans, disais-je, s'appliquera au versement des cotisations salariales sur les primes. Dans le futur système, la part des cotisations à la charge de l'employeur sera – pour tous – de 60 %, et la part salariale, de 40 %. À titre dérogatoire, la montée en charge des cotisations des fonctionnaires se fera progressivement. Nous sommes en effet attentifs au salaire net qu'ils perçoivent. Cette réforme introduira immédiatement de l'équité, car elle concernera tout le monde ; l'effort s'ajustera progressivement pour arriver au point d'équilibre.
Je vois le président Woerth sourciller : mais ce type de dérogation, qui ne sera que temporaire, existe aussi dans le secteur privé, où des dérogations conventionnelles s'appliquent déjà. Nous nous adaptons à la situation. Nous n'avons pas pour objectif d'imposer un système rigide, formant un bloc, mais de viser de manière claire une cible partagée et une construction progressive. J'entends que cela puisse susciter questions et inquiétudes, auxquelles je m'emploie à répondre. En revanche, cette réforme ne produira pas d'injustices. Lorsqu'on a tous pour objectif de construire une société plus solidaire et plus équitable, de récompenser l'effort en octroyant les mêmes droits, on s'y engage en sachant qu'on ne va pas construire cela en six mois, par un coup de baguette magique. Il nous faut du temps, parce que notre société a son histoire, que nous entendons collectivement respecter.