Je remercie bien évidemment notre collègue Paul Molac d'avoir mis à l'ordre du jour de la « niche » parlementaire du groupe Libertés et Territoires cette proposition de loi.
En complément des propos tenus par mon collègue polynésien, je tiens à resituer les enjeux dont nous parlons.
Une révision constitutionnelle a permis, par l'article 75-1, de reconnaître que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la République mais aucune suite législative n'a été donnée, au point que ces langues pourraient être considérées comme mortes ou constituant un patrimoine voué à la disparition. Et en effet, cela a été dit à plusieurs reprises : ces langues sont en danger de mort.
Pour utiliser une métaphore médicale, je dirais que l'on ne soigne pas un malade atteint d'un cancer avec de l'Efferalgan. Traiter une maladie grave ou rare suppose de se doter de moyens adaptés. C'est précisément cette question qui se pose lorsque l'on discute des langues dites régionales ou minoritaires avec, nous le savons tous, un arrière-fond de défiance. Nous savons bien que, pour la République, ce n'est pas un sujet facile et qu'il suscite souvent un certain malaise car il est trop rapidement associé au communautarisme.
Or une langue est constitutive d'une identité profonde. Je suis quant à moi parfaitement bilingue mais il ne s'agit pas seulement d'un langage. Au-delà de cette proposition de loi, qui constitue donc une tentative d'avancée législative, il faudra bien se poser un jour la question du droit d'usage des locuteurs de ces langues – c'est en tout cas pour cela que j'ai été élu. Sans droit d'usage, en effet, la langue se meurt et mourra. Une langue ne peut pas vivre sans droit de cité permanent dans l'espace public. Si je ne peux pas parler corse à la banque ou à la sous-préfecture, si mon fils ne peut pas le faire, si la langue est cantonnée, comme la religion, à la sphère privée – comparaison insupportable, une langue, une culture n'étant pas une religion et le parallèle avec la laïcité, quoi qu'il en ait, ne peut pas s'appliquer – cela signifie que l'on encourage l'euthanasie de ces langues.
Il faudra donc bien poser ces questions, sauf à considérer que des dizaines de milliers de personnes devront choisir entre leur identité profonde, intime, leur sensibilité, leurs émotions… leur mère, et la République. À cette aune, je choisirai ma mère.
J'ajoute, s'agissant de la proposition de loi – à laquelle je suis bien sûr favorable – que la généralisation des dispositifs prévus pour la Corse fait l'objet d'études et de diagnostics.