Je vous remercie de votre présence, chers collègues, de même que le groupe Libertés et Territoires – qui nous a considérablement aidés dans cette affaire – et tous les collègues qui se sont manifestés en cosignant cette proposition de loi mais aussi à travers un certain nombre de contacts et de messages.
Vous le savez, le 5 mai 1992 devait se dérouler à Bastia une demi-finale de Coupe de France de football opposant le Sporting Club de Bastia à l'Olympique de Marseille. Compte tenu des insuffisances du stade Armand-Cesari, une tribune de 10 000 places a été montée à la va-vite. Quelques minutes avant le début du match, elle s'est malheureusement effondrée, causant la mort de 19 personnes et en blessant 2 357 autres, parfois très grièvement.
Ce fut un traumatisme considérable, compte tenu du nombre des victimes mais aussi de l'ampleur relative d'un événement sportif qui intéressait l'ensemble du pays et avait déplacé des télévisions nationales. Le Président de la République, M. François Mitterrand, est venu sur place et a annoncé qu'aucun match n'aurait plus jamais lieu le 5 mai.
Puis le drame s'est éloigné dans le temps. On en est venu à la recherche des responsabilités puis les victimes ont été peu à peu mises de côté. C'est pourquoi a été créé le Collectif des victimes du 5 mai 1992.
Le Collectif s'est toujours battu pour la reconnaissance officielle de ce drame. Mais il a fallu attendre vingt-trois ans pour qu'une avancée significative se produise avec le fameux accord du 22 juillet 2015 conclu entre le ministre des sports d'alors, M. Thierry Braillard, et le Collectif, aux termes duquel cet événement a été reconnu comme un drame national. Il a également été décidé qu'aucun match professionnel ne se déroulerait lorsque le 5 mai tomberait un samedi et une plaque commémorative a été apposée au ministère des sports. Ce fut une avancée relative, le drame s'étant produit un mardi, mais surtout en raison de toutes les insuffisances des termes de cet accord.
Depuis, de nombreuses entorses ont été commises. Des matchs se sont déroulés les 5 mai, parmi lesquels des rencontres importantes comme une finale de Coupe de la Ligue. Imaginez ce que les gens qui souffrent dans leur chair ont ressenti ! L'Olympique de Marseille a fêté son titre de champion de France un 5 mai…
Le Collectif a continué son combat en demandant le respect et le gel de cette date mais cette demande est aussi soutenue par de nombreux clubs de football, des associations de supporters, des personnalités.
En défendant cette proposition de loi, je voudrais souligner que le 5 mai est la date d'un drame national. Il ne s'agit pas là d'un fait divers local. Il en va du respect porté aux victimes, à tous ceux qui, chaque jour, vivent douloureusement, à divers titres, le souvenir de ce drame.
Il en va également de l'idée que l'on se fait du sport, qui comporte certes une dimension économique – nous le savons – mais aussi une dimension éthique. On peut s'interroger sur ce qu'est la part de l'humain et celle des intérêts purement économiques. Quel est le poids de la mémoire des événements passés ? Le sport, c'est aussi une formidable aventure humaine, personnelle, collective. C'est aussi un facteur de cohésion sociale ! L'opposition entre ces deux aspects est-elle si forte qu'ils ne puissent cohabiter ? C'est aussi tout cela qu'il y a derrière cette proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de l'adopter. Les matchs professionnels doivent être gelés le 5 mai.