Nous avons tous en mémoire ce qui s'est passé le 5 mai 1992. En marge de la demi-finale de la Coupe de France, qui opposait le Sporting Club de Bastia à l'Olympique de Marseille, la tribune provisoire du stade de Furiani s'est effondrée : 19 personnes en sont mortes et il y a eu 2 357 blessés. Comme l'a très justement souligné le rapporteur, ce n'est pas un fait divers local, mais un drame national – le plus grave que le sport français ait connu. Des réglementations très strictes ont ensuite été adoptées pour éviter qu'un tel accident se reproduise lors d'une compétition sportive.
La trace de ce drame est indélébile dans le monde du football français et en Corse. Si on prend en compte les familles des morts et celles des blessés, presque 1 % de la population de la Corse a été touchée. On peut comprendre que l'émotion ait été considérable. On est passé en quelques secondes d'une fête magnifique – Bastia recevait l'Olympique de Marseille, le meilleur club français à cette époque, et ensuite le meilleur d'Europe – à l'horreur absolue. La demande exprimée par le Collectif des victimes du 5 mai 1992 montre à quel point la douleur reste vive.
On peut se demander si le contenu de la proposition de loi relève réellement du domaine législatif. À l'évidence, ce n'est pas le cas : il n'appartient pas à la loi de fixer la programmation des matchs de football. Néanmoins, nous ne vous en ferons pas le reproche, monsieur le rapporteur, car la Ligue de football professionnel (LFP) – qui est chargée d'organiser les compétitions sportives – n'a pas traité le sujet depuis 1992. Elle propose aujourd'hui, en réponse à ce texte, d'organiser des minutes de silence avant chaque match qui se tiendrait le 5 mai en arguant qu'un « gel » pourrait désorganiser les compétitions. Mais pourquoi n'a-t-elle pas agi en 28 ans ?
Un amendement déposé par des collègues du groupe majoritaire reprend la proposition de la Ligue. Pour ma part, j'ai une idée à vous soumettre au cas où le texte que nous examinons ne serait pas adopté en l'état : pourquoi ne pas prévoir une cérémonie associant des enfants ? Il me semble que cela perpétuerait mieux la mémoire de ceux qui sont morts ce jour-là. Nous travaillerons à cette proposition en vue de la séance, avec Jean-Jacques Ferrara, qui est député de Corse.
Des avancées ont eu lieu, comme le rapporteur l'a rappelé. Thierry Braillard, qui était alors secrétaire d'État en charge des sports, a acté l'idée qu'il n'y aurait plus de matchs le 5 mai s'il s'agissait d'un samedi. Mais pourquoi juste le samedi ? Le drame de Furiani s'est produit un mardi ! Et puis, si on arrive à déplacer des matchs ayant lieu le samedi, pourquoi n'y arriverait-on pour ceux qui se déroulent le dimanche ou le mardi ? S'agissant des compétitions européennes – cette question a parfois été mise en avant – j'observe que la proposition de loi n'en fait pas état : elle ne vise que la Ligue 1, la Ligue 2 – ou plutôt la première et la deuxième division –, ainsi que la Coupe de France. On pourrait ajouter à la liste la Coupe de la Ligue – elle est aujourd'hui suspendue mais rien ne dit qu'elle ne sera pas rétablie un jour.
Je rappelle aussi que de nombreuses rencontres ont pu être déplacées l'an dernier pendant la crise des gilets jaunes, sur ordre des préfets, parfois du jour au lendemain, sans que cela pose de problème ni à la Ligue de football, ni aux diffuseurs. Plusieurs journées du championnat se déroulent, par ailleurs, sous la forme d'un multiplex – plusieurs rencontres ont lieu en même temps. Ce sont même les journées les plus rémunératrices – les chaînes de télévision se les arrachent.
La proposition de loi aura notamment le mérite d'obliger la ministre des sports à prendre position. Elle a répondu le 5 mai 2019 qu'elle n'avait pas d'avis sur la question. Elle était probablement la seule à ne pas en avoir – ce qui est une chose d'ailleurs étonnante de la part d'une ministre des sports qui a en général un avis sur tout ou presque et qui, ces derniers jours, a fait part de convictions particulièrement fortes et pertinentes sur un autre sujet.
Cette proposition de loi aura le mérite de trancher un débat qui est devenu récurrent chaque 5 mai. C'est pourquoi, même si le texte ne semble pas relever du domaine de la loi, le groupe Les Républicains ne s'y opposera pas.