Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 11 février 2020 à 15h00
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution - prorogation du mandat des membres de la hadopi — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

La commission mixte paritaire s'est donc accordée sur ces deux projets de loi visant à actualiser la liste des fonctions et emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République, prévu par l'article 13 de la Constitution, s'exerce après avis public des commissions parlementaires compétentes. Sur la forme comme sur le fond, nous restons quant à nous opposés à ces textes.

Sur la forme, répétons-le, ces projets de loi tirent les conséquences d'ordonnances qui n'ont pas encore été ratifiées. Comme pour le passage en force sur la réforme des retraites, la représentation nationale est désormais systématiquement traitée comme une chambre d'enregistrement des desiderata de l'exécutif, le tout passant par-dessus la jambe le minimum de respect et d'exigences constitutionnelles.

Rappelons qu'en vertu de l'article 38 de la Constitution, une ordonnance n'acquiert le statut permanent de loi que si l'Assemblée nationale la vote. Or ce n'est le cas d'aucune des trois ordonnances dont les textes à l'examen tirent les conséquences : ni celle du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF, ni celle du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard, ni celle du 24 juillet 2019 relative au régulateur des redevances aéroportuaires n'ont encore été ratifiées. Quant au texte sur la HADOPI, il n'a même pas été examiné.

Sur le fond, qui rejoint la forme, nous demeurons opposés aux textes dont ces projets de loi tirent les conséquences, car ils visent à privatiser ou à ouvrir toujours davantage à la concurrence des entreprises qui, selon nous, devraient rester publiques.

Le cas de la SNCF est emblématique à plusieurs titres. Je saisis cette occasion pour rendre hommage au personnel de cette entreprise, aux cheminots et aux cheminotes, dont la majorité s'évertue depuis des mois à diaboliser et à stigmatiser la mobilisation alors qu'en réalité, comme lors du mouvement de 2018 contre la privatisation de la SNCF, ils se battent pour l'intérêt général.

Rappelons que depuis la séparation en 1997 du réseau ferroviaire et de son exploitation, les gouvernements successifs n'ont eu de cesse de redécouper la SNCF afin d'accroître les parts de ses activités pouvant être mises en concurrence. Ce démantèlement du service public s'est fait par cohérence avec les directives européennes à transposer.

Le dernier avatar de cette entreprise continue de démantèlement a été le pacte ferroviaire de votre gouvernement. Déjà, lors de cette discussion, vous utilisiez les cheminots et les cheminotes comme boucs émissaires et déjà, à l'époque, nous pointions du doigt les politiques anti-écologiques et antisociales qui sont à l'oeuvre. Anti-écologiques, car démanteler la SNCF revient à favoriser les déserts du rail et l'utilisation obligatoire de la voiture pour les travailleurs et les travailleuses vivant dans les zones périphériques, et à préférer l'austérité à la planète. Antisociales, car le rapport Spinetta sur lequel votre gouvernement s'est largement appuyé pour justifier de la création du groupe public unifié de la SNCF soulève notamment la question de la dette.

Or, répétons-le, la dette n'est pas le fait des travailleurs et des travailleuses. Elle n'est pas un fléau du service public : elle a été générée par les investissements massifs nécessaires au développement du rail par les entreprises privées qui ont précédé la SNCF. L'accroissement de la dette au cours des vingt dernières années résulte en grande partie de la gabegie des partenariats public-privé liés à la construction des lignes à grande vitesse, les LGV. Lisea en est un exemple édifiant : cette filiale de Vinci qui devait financer le chantier de la LGV Tours-Bordeaux n'a consenti que 2,4 milliards d'euros sur un investissement total de 7,6 milliards, le reste relevant de la subvention publique et de la SNCF.

Au prétexte de la dette, vous avez préparé et justifié la suppression d'un corps de métier formé, dévoué et compétent, celui des cheminots et des cheminotes, et son remplacement par des travailleurs et des travailleuses précaires. Cette entreprise d'accablement des cheminots et, par extension, du service public et de l'intérêt général, vous la continuez aujourd'hui avec les textes que nous examinons mais aussi avec la réforme des retraites.

Nous nous opposons à ces politiques antisociales et anti-écologiques, dans les grandes lignes comme dans les petits rouages. Au contraire, nous proposons le réengagement massif de l'État dans les services publics, comme le secteur ferroviaire, pour répondre à l'urgence impérative d'une bifurcation vers un modèle d'écologie populaire articulant justice sociale et justice environnementale. Les députés de La France insoumise ne voteront donc pas en faveur de ces deux textes.

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