Merci, monsieur le rapporteur, de vous être présenté pour toutes les personnes handicapées. Permettez-moi de le faire à mon tour : Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Votre proposition de loi comporte diverses mesures pour améliorer la justice sociale au bénéfice des personnes en perte d'autonomie, âgées et handicapées. Oui, nous devons progresser pour un meilleur accompagnement des personnes en situation de handicap et de nos aînés. C'est une priorité ; c'est ma priorité et c'est aussi celle de ma collègue Agnès Buzyn.
Hier se tenait la cinquième Conférence nationale du handicap.
Elle a été l'occasion d'une parole forte et engagée du Président de la République, assortie de mesures concrètes et financées : pour asseoir le principe de l'inconditionnalité de l'accompagnement alors que des personnes et des familles sont seules, sans personne pour aider à la recherche de solutions ; pour reconnaître les personnes en situation de handicap dans leur pleine dignité et garantir que personne ne renonce au projet d'être parent à cause du handicap ; pour passer une étape dans la mise en accessibilité de notre société, source de sur-handicap.
Elle a été aussi l'occasion d'une mobilisation gouvernementale sans précédent, incarnant la priorité que nous donnons au handicap dans chaque champ de notre politique.
La Conférence a été enfin l'occasion d'un appel à la mobilisation nationale, car – nous le savons et j'ai pu le dire devant cette assemblée – le handicap est l'affaire de tous. Ce ne sont pas de mots : le handicap est bien au coeur du pacte républicain qui nous unit, et il engage la société dans son entièreté.
Cette Conférence nationale s'est bien sûr nourrie du très important travail conduit avec les personnes elles-mêmes, les associations, les départements, les administrations, les entreprises, les responsables médias et bien sûr les parlementaires. Nous avons d'ailleurs signé une convention d'engagements réciproques avec l'Assemblée des départements de France – et je rends ici hommage à Dominique Bussereau, son président – , les associations représentatives des personnes et les opérateurs du médico-social.
Notre objectif collectif est clair, et je remercie les associations, force de transformation de notre société : donner le pouvoir d'agir aux personnes, et accélérer et adapter notre société en apportant des réponses pour une amélioration concrète de leur quotidien. Au-delà des cadres juridiques, il faut nous assurer que les avancées se déploient effectivement, partout dans les territoires, de façon qualitative et en adéquation avec les choix des personnes elles-mêmes.
Dans cette mobilisation, le travail des parlementaires est, je l'ai dit, essentiel. C'est dans ce même hémicycle, il y a peu, qu'était discutée, avec le soutien du Gouvernement, la proposition de loi relative à la prestation de compensation du handicap, qui a fait l'objet d'une adoption à l'unanimité sur ces bancs. Ce texte aura bientôt force de loi et permettra des avancées concrètes dans le champ de la compensation du handicap. Nourri notamment des travaux du député Philippe Berta, il apporte des améliorations essentielles, avec la suppression de la barrière d'âge à 75 ans ou encore l'intégration de la prestation de compensation du handicap dans le corpus des droits à vie sur lesquels s'est engagé ce Gouvernement.
Madame Jeanine Dubié, je connais votre engagement personnel et votre expertise en matière d'accompagnement des personnes qui en ont le plus besoin. Votre proposition de loi nous rappelle que nous avons encore des défis à relever pour éviter les ruptures de parcours et accompagner le vieillissement de la société.
Pour autant, je suis favorable à ce que ces discussions puissent aussi avoir lieu dans le cadre plus global des débats auxquels vos propositions font écho, en lien avec les départements, chefs de file des politiques de solidarité sur les territoires.
Permettez-moi de revenir sur l'allocation aux adultes handicapés, qui fait l'objet des articles 2 et 3 de votre proposition de loi.
Vous connaissez l'engagement du Président de la République et du Gouvernement pour le pouvoir d'achat des personnes en situation de handicap. Le montant de l'allocation aux adultes handicapés était de 819 euros en début de quinquennat ; il a fait l'objet de deux revalorisations exceptionnelles et est porté à 900 euros depuis le 1er novembre 2019.
Concrètement, l'investissement s'élève à 2 milliards d'euros sur le quinquennat. Ce n'est peut-être pas assez mais le handicap est l'un des champs où le Gouvernement aura le plus investi durant la législature. Sur les seuls exercices 2017-2020, nous avons augmenté les moyens de 3 milliards en faveur du handicap.
Répétons-le car c'est important : 1,1 million de personnes perçoivent 80 euros de plus par mois, soit un gain de 11 % de justice sociale pour les personnes en situation de handicap. Pas moins de 90 % des allocataires ont bénéficié d'une revalorisation complète à taux plein.
Je le répète aussi, l'Allocation aux adultes handicapés est une prestation quasi individualisée. Un plafond spécifique et un abattement spécifique de 20 % sur les revenus du conjoint s'appliquent. Redisons-le à nos concitoyens : la solidarité nationale n'est que très partiellement articulée avec la solidarité familiale, ce qui permet néanmoins d'orienter les financements publics vers les personnes qui en ont le plus besoin ; or 60 % des couples ont bénéficié à taux plein de la hausse.
De surcroît, dans certaines situations, la prise en compte des revenus du conjoint, compte tenu des conditions de quasi-individualisation de l'AAH, peut s'avérer favorable à l'allocataire. Ainsi, un allocataire de l'AAH qui travaille, en couple avec un conjoint qui ne travaille pas, peut cumuler son allocation à taux plein avec, par exemple, un SMIC : depuis novembre 2019 il peut, dans ce cas précis, percevoir 900 euros en complément de son revenu d'activité au SMIC.
Le Gouvernement a aussi porté avec force l'accès aux droits des personnes dans le respect de leur dignité. Depuis le 1er janvier 2019, une allocation aux adultes handicapés à vie est allouée quand le handicap n'est pas réversible. Je tiens à rappeler cette avancée majeure, loin d'être anodine, marque la fin d'un parcours administratif humiliant, source de rupture de droits. Les droits à vie doivent être appliqués partout, sur tout le territoire, c'est une question d'équité.
En outre, les départements ont pris l'engagement ferme de tenir les délais d'octroi de cette prestation, car il n'est pas possible que les dossiers soient traités en deux mois dans certains départements et dix mois ailleurs. C'est, là encore, un témoignage de notre engagement pour renforcer la justice sociale, l'égalité de traitement et éviter les ruptures de droits, qui, on le sait, peuvent provoquer des situations très difficiles chez nos concitoyens.
L'État accordera les financements nécessaires pour accompagner les maisons départementales des personnes handicapées dans l'application de cette exigence. Le Président de la République nous a fixé le cap, et je poursuivrai mon engagement de terrain, avec la conviction et la résolution dont je fais preuve depuis le début de mes fonctions, au plus près des personnes, soutenue par l'Assemblée des départements de France, dont l'implication est sans faille grâce, notamment, à l'action du président de sa commission solidarité et affaires sociales, Frédéric Bierry, dont je salue l'engagement.
Les propos tenus par le Président de la République, hier, à propos de l'allocation aux adultes handicapés témoignent de l'importance que nous accordons à celle-ci.
J'ajoute qu'en matière de pouvoir d'achat, d'autres mesures contribuent à l'améliorer, en particulier la complémentaire santé solidaire, qui permettra de mieux accéder aux soins.
S'agissant de la prestation de compensation du handicap, de nouveaux droits ont été annoncés hier. Ce gouvernement sera le premier à faire évoluer la prestation de compensation du handicap pour permettre aux personnes handicapées d'être respectées et accompagnées dans leurs choix et leurs droits.
Les personnes handicapées ont le droit d'être des parents comme les autres. Aussi l'aide humaine sera-t-elle prise en compte désormais dans la prestation de compensation du handicap. L'État investit 184 millions d'euros à ce titre.
Parce qu'elles ont droit à une vie digne, il faut mettre un terme à cette situation ubuesque qui fait que les personnes ayant besoin d'aide pour s'alimenter doivent attendre pour que quelqu'un vienne débarrasser la table et faire la vaisselle. Il n'y a pas de petites avancées : l'intégration de la préparation des repas et de la vaisselle dans le volet aide humaine de la prestation de compensation du handicap fait partie de ce qui peut sembler peu mais est pourtant essentiel pour rétablir le droit de vivre comme les autres, tout simplement.
Ces personnes ont également droit à une meilleure compensation de leur handicap. Il convient de mieux prendre en compte ceux dont les troubles sont mal évalués, mal connus et donc mal compensés, en particulier les personnes présentant des troubles psychiques, cognitifs et neurodéveloppementaux. C'est pourquoi j'ai confié au professeur Denis Leguay, président de Santé mentale France, la mission de conduire ces travaux destinés à mieux adapter la prestation de compensation du handicap à leurs besoins spécifiques.
Vous soulevez, à l'article 4 de votre proposition de loi, une question de fond : celle de la frontière entre les allocations destinées à compenser la perte d'autonomie liée au handicap, d'une part, et à l'âge, d'autre part. J'ai soutenu la mesure de suppression de la barrière d'âge de 75 ans inscrite dans la PPL de M. Alain Milon, barrière au-delà de laquelle une personne dont le handicap était survenu avant 60 ans ne pouvait plus faire valoir ses droits à la PCH, alors même que sa situation pouvait avoir été bouleversée, par exemple à la suite du décès de son conjoint. Cette avancée permettra de sécuriser les droits de 10 000 personnes.
Le relèvement du seuil d'âge pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap est une question légitime mais nous devons prendre le temps d'étudier avec objectivité les enjeux liés au relèvement de ce seuil ainsi que les conséquences pour les personnes concernées. Y aurait-il des perdants du fait des différences entre les périmètres des prestations, rappelées par le rapporteur ? Combien ? Quels seraient les effets ? Je m'engage à ce qu'un rapport à ce sujet soit disponible le 30 juin.
Le Président de la République a rappelé hier l'importance de se saisir des enjeux attachés à l'accompagnement des personnes handicapées vieillissantes, progrès collectif et défi pour les prochaines années. Ce débat est certes nécessaire mais il me semble préférable de l'organiser dans le cadre du projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Le calendrier nous permettra, d'ici là, de conduire les travaux d'analyse sur les conditions du relèvement de ce seuil.
La réforme du grand âge et de l'autonomie fera l'objet d'un projet de loi spécifique présenté à l'été 2020, conformément à l'engagement du Premier ministre. Grâce à une profonde transformation de l'offre d'accompagnement des aînés, la loi doit permettre de répondre aux grandes aspirations exprimées par nos concitoyens lors de la concertation sur le grand âge et l'autonomie : rester chez soi le plus longtemps possible grâce à des services à domicile renforcés ; pouvoir choisir un lieu de vie intermédiaire entre le domicile et l'établissement, grâce à un déploiement des solutions d'habitat inclusif ; être accueilli dans des EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – rénovés, où oeuvrent davantage de professionnels ; être capable de supporter le coût d'un hébergement en établissement ; être accompagné par des professionnels bien formés, en nombre suffisant et épanouis dans leur métier. La réforme doit permettre de répondre à l'urgence des attentes des aînés et de leurs proches aidants tout en préparant le système à affronter le prochain choc démographique.
Pour ce qui est de la situation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, que vous soulevez dans votre article 1er, nous partageons l'objectif crucial d'aider les résidents à faire face au reste à charge en EHPAD. Le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie contiendra des mesures pour répondre au problème du reste à charge en EHPAD.
Rappelons les mots tenus d'Agnès Buzyn lors de ses voeux à la presse pour 2020, au sujet de ses ambitions pour le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie : « Enfin, nous voulons baisser le poids du reste à charge pour les plus modestes et je rappelle que la crainte de peser sur leurs enfants ou leurs petits-enfants est très régulièrement mentionnée par les Français quand ils sont interrogés sur leur avenir dans le grand âge. »
La baisse de la facture en EHPAD grâce à la transformation de la réduction d'impôt en crédit d'impôt fait partie des pistes analysées par le Gouvernement et sur lesquelles travaillera la majorité. Il est toutefois impératif que ce sujet soit abordé dans le cadre global du projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. C'est indispensable parce que certains aspects restent à creuser : comment garantir une totale simplicité pour les citoyens concernés ? devons-nous mettre en place un crédit d'impôt contemporain, sans décalage temporel ? comment articuler ce crédit d'impôt avec les aides existantes ? qui seraient les perdants de la mise en place d'un crédit d'impôt avec un plafond abaissé ?
Parce que le sujet ne peut pas être déconnecté de la question plus générale des tarifs en EHPAD et du système de l'habilitation à l'aide sociale, traiter le reste à charge, c'est agir à la fois sur l'offre, donc les tarifs des EHPAD, et sur la demande. Le sujet ne peut pas être déconnecté des grands arbitrages sur la gouvernance du futur risque de perte d'autonomie liée à l'âge.
Enfin, le Président de la République a précisé hier que les conséquences du handicap sur les droits à la retraite des personnes elles-mêmes et ceux de leurs aidants seraient bel et bien prises en compte dans le système universel des retraites. Il a rappelé que les députés avaient proposé deux évolutions : augmenter les droits des parents ayant des enfants handicapés ; faciliter pour les personnes en situation de handicap la transition de l'emploi vers la retraite, au travers d'un dispositif de retraite progressive.
Aussi, concernant votre article 5, en cohérence avec une vision globale que vous appelez de vos voeux, il apparaît plus opportun de renvoyer votre souhait d'améliorer la prise en compte des périodes de stage dans les droits à la retraite à l'examen des articles 47 et 48 du projet de loi relatif aux retraites.