Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 2 novembre 2017 à 15h05
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - affaires sociales

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Il conviendrait que les parlementaires qui souhaitent que nous réduisions la dépense publique, et plus particulièrement les membres de la commission des finances, qu'ils fassent partie de la majorité présidentielle ou de la droite, demandent aux autres ministères une contribution tout aussi significative. Le projet présidentiel prévoit une augmentation du nombre d'agents publics – c'est le cas pour l'armée, la police et la justice – mais pas dans tous les ministères. Chacun doit contribuer à cet effort, à l'heure où nous nous apprêtons à faire la revue générale des politiques publiques. Sur 1 600 suppressions de postes, il faut savoir que 1 450 sont réalisées dans ma propre administration. Il serait bon que la charge future soit répartie, car nous ne pourrons pas supprimer 120 000 postes à la DGFIP – n'est-ce pas monsieur le directeur général ? (Sourires.) Le ministère de l'action et des comptes publics continuera à se moderniser, et les directions le savent, en particulier la DGFIP. Il n'est pas question de recruter davantage, mais de répartir au mieux l'effort de baisse de la dépense publique. Je le répète ici, après l'avoir dit ce matin en conseil des ministres.

Le ministère de l'action et des comptes publics contribue donc largement à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Il le fait sans sacrifier ses missions essentielles, notamment grâce au redéploiement des moyens humains là où ils sont nécessaires. Je pense notamment à l'augmentation des effectifs des douanes, où il est prévu de créer 250 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour la surveillance aux frontières, en raison notamment du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir devant votre commission pour aborder avec vous cet énorme changement pour les douanes françaises que constitue le Brexit.

J'ai l'honneur de conduire auprès du Premier ministre le programme « Action publique 2022 ». Il est évident que si le ministère de l'action et des comptes publics, et particulièrement la DGFIP, a su se moderniser, il doit poursuivre dans cette direction. Nous aurons l'occasion, si vos commissions nous y invitent, d'expliciter tous les changements que nous prévoyons de proposer au Président la République et au Premier ministre.

À ces redéploiements s'ajoutent des gains de productivité qui se poursuivront en 2018. Ainsi, le coût de la collecte de 100 euros de recettes douanières et fiscales passera de 85 centimes d'euro en 2016 à 81 centimes en 2018, et à 76 centimes en 2020 selon nos prévisions. Ceux qui pensent qu'une diminution des effectifs empêche un meilleur recouvrement de l'impôt et des droits ont ici la démonstration que l'on peut faire mieux, plus, avec un peu moins. Je considère qu'un bon ministre n'est pas celui qui voit son budget augmenter mais celui qui propose de faire aussi bien, voire mieux, avec moins d'argent. En tout cas, j'espère ainsi être un bon ministre.

Le Premier ministre a souhaité, avec le Président de la République, offrir au ministère de l'action et des comptes publics un périmètre qui comprend l'action de l'État, les agents de la fonction publique et la réforme de l'État. Les crédits de cette mission sont en augmentation de 3,5 % par rapport à la loi de finances de 2017 hors masse salariale. Les crédits d'investissement sont en forte hausse de 40 %, afin de conduire des projets informatiques qui permettent la simplification, les économies d'échelle et d'innovation que nous avons évoquées tout à l'heure. Il n'est pas question de baisser le nombre d'agents publics ou les crédits de fonctionnement sans augmenter les crédits d'investissement qui permettent de mener à bien des projets informatiques de grande ampleur. Je crois que la ministre de la justice a eu très récemment l'occasion d'évoquer devant la commission des lois ce que nous allons faire, notamment les montants très importants dédiés au ministère de la justice pour l'aider dans sa modernisation, notamment dans sa numérisation.

J'aborderai maintenant la transformation numérique, le renforcement du lien de confiance entre l'administration et les citoyens – avec le projet de loi sur le « droit à l'erreur » qui sera présenté vers la fin du mois de novembre en conseil des ministres et sans doute au début de l'année prochaine devant votre assemblée – et la modernisation des fonctions support.

En matière de transformation numérique, dossier que je partage avec le secrétaire d'État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, les ministères économiques et financiers sont engagés depuis déjà de nombreuses années dans la dématérialisation des relations entre l'usager et l'administration. Chacun peut voir que l'administration fiscale en a fait des outils particulièrement performants qui mériteraient d'être pris comme modèle dans beaucoup d'actions de l'État et des collectivités locales.

Nous avons également mis en place une plateforme des marchés publics de l'État qu'il faut sans doute désormais partager avec les collectivités locales. Il faut un acheteur public plus efficace, ce qui permet de faire des économies d'échelle. Bien sûr, la dématérialisation poursuivra sa montée en puissance en 2018, avec les envois électroniques de factures entre les structures publiques et leurs fournisseurs et l'achat en ligne des timbres fiscaux, qui représentera un service intéressant pour nos concitoyens.

Pour les fournisseurs de l'État, le portail Chorus Pro permet le suivi en temps réel du traitement des factures tout en offrant une réduction des délais de paiements qui contribuera à notre économie, qu'il s'agisse de nos petites et moyennes entreprises (PME) ou de nos grandes entreprises françaises.

Concernant les particuliers, la phase de généralisation de la déclaration en ligne et du paiement dématérialisé se poursuit. Pas plus tard que la semaine dernière, je me suis rendu dans l'Aisne, où les agents de la DGFiP ont évoqué un taux de plus de 60 % de gens qui paient leurs impôts en ligne. En 2017, ce sont 20,5 millions de télédéclarations qui ont été enregistrées, soit 55 % du total, contre 49 % l'année dernière. Vous pouvez constater que cette dématérialisation se fait à grand pas et permet ainsi des économies d'échelle et une simplification des procédures.

En 2018, le montant du revenu fiscal de référence à partir duquel la déclaration en ligne des revenus est obligatoire sera abaissé de 28 000 à 15 000 euros. En complément, pour l'ensemble des impôts directs des particuliers, le seuil au-delà duquel le paiement dématérialisé est obligatoire sera abaissé à 1 000 euros en 2018, contre 2 000 euros en 2017.

Le renforcement du lien de confiance entre les citoyens et l'administration se fait à travers la mise en oeuvre du principe du droit à l'erreur. Dans le domaine fiscal, il existe déjà un rescrit fiscal, et nous allons mettre en place le rescrit douanier dans le cadre de ce droit à l'erreur. Les douanes continueront, par la certification des opérateurs de commerce extérieur et des formalités douanières, à renforcer l'attractivité de notre territoire – c'est notamment le cas pour le tourisme, suite à une réunion interministérielle chez le Premier ministre. Nous travaillons avec les « professionnels de la profession », comme disait Jean-Luc Godard, pour aboutir à de la simplification, avec l'ingéniosité des agents des douanes.

Je rappelle, s'agissant toujours des particuliers, que l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu a été reportée d'un an au 1er janvier 2019. Comme je m'y suis engagé, j'ai fait parvenir à l'ensemble des membres de la représentation nationale les rapports complets de l'Inspection générale des finances et du cabinet Mazars, ainsi que l'expérimentation à laquelle nous avons procédé. Nous mettrons donc en oeuvre cette réforme au 1er janvier 2019 en essayant de simplifier les choses au maximum pour les entreprises. C'est un moment important, qu'attendent contribuables et entrepreneurs.

S'agissant de l'optimisation des fonctions support de l'État, plusieurs chantiers sont ouverts. C'est le cas de la fonction financière de l'État, qui fait déjà l'objet d'une rubrique dédiée dans « Action publique 2022 », ainsi que de la politique des achats et de la politique immobilière de l'État, qui est sous ma responsabilité. Je vous rappelle que la direction de l'immobilier de l'État (DIE) a été créée en 2016 et qu'il faut encore la moderniser pour mieux travailler avec l'ensemble des ministères, et ainsi mieux utiliser l'argent public et le patrimoine. Le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » est doté de 20 millions d'euros seulement en 2018, mais le sera d'un milliard d'euros sur cinq ans. Nous aurons sans doute l'occasion de reparler de la modernisation de l'immobilier de l'État qui va nous prendre un peu de temps dans le cadre du comité « Action publique 2022 ».

Un mot sur la mission « Action et transformation publiques », et notamment les cités administratives. Avec 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances pour 2018, c'est la première fois que l'État se dote de tels moyens pour se réformer. Ce sont même 700 millions qui ont été évoqués, dans le cadre du projet de loi de finances, pour la transformation de l'État. C'est, je le souligne à nouveau, la première fois dans l'histoire de la Ve République qu'un Premier ministre a décidé d'investir dans les changements très importants qui touchent la sécurité sociale ou l'État. Nous aurons l'occasion de constater qu'un euro d'économie annuelle pérenne équivaut au bout de trois ans à un gain de 3 euros. Je crois que la commission des finances est particulièrement intéressée, comme toutes les autres commissions d'ailleurs, par ces changements structurels très importants.

Je souhaite évoquer le rôle du nouveau délégué interministériel chargé de la transformation de l'action publique, ainsi que le financement de cette nouvelle façon, interministérielle, de concevoir la transformation, avec un fonds qui interviendra en priorité pour les projets de transformation de l'État et de ses opérateurs. Je crois que vos commissions auront l'occasion d'évaluer, thème par thème, le travail de transformation du ministère de l'action et des comptes publics.

Enfin, j'ai bien entendu la remarque du secrétaire de la commission des affaires sociales sur les pensions. Ce qui est très important, c'est de comprendre que ce volet sera examiné dans la perspective du travail que Jean-Paul Delevoye est en train de mener pour l'intégralité des retraites et pensions de notre pays. Sa réflexion doit permettre de travailler, au premier semestre de l'année prochaine, sur la réforme des retraites voulue par le Président de la République, à laquelle le ministre des comptes publics et des agents publics s'intéressera particulièrement. Je soulignerai simplement l'importance de la question du financement des régimes dits spéciaux, tels que ceux des mines, de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), ou encore des marins, regroupés dans la mission « Régimes sociaux et de retraite », financement qui, du fait d'un fort déséquilibre démographique entre cotisants et retraités, appelle une nécessaire solidarité nationale – laquelle se chiffre à plus de 6 milliards d'euros, me semble-t-il, dans le projet de loi de finances pour 2018.

La richesse de mon ministère, en résumé, se fonde énormément sur l'humain, puisque l'essentiel de mes crédits sont des crédits de masse salariale. La transformation est très importante dans toutes les actions publiques que nous menons, et elle se fera encore plus lorsque le programme « Action publique 2022 » mènera les trains de réformes que nous évoquons. Je suis maintenant à votre entière disposition pour répondre à vos questions sur le projet de loi de finances pour 2018.

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