COMMISSION ÉLARGIE
(Application de l'article 120 du Règlement)
Jeudi 2 novembre 2017
Présidence de Mme Émilie Cariou, vice-présidente de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, de Mme Laurence Vichnievsky, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et de M. Julien Borowczyk, secrétaire de la commission des affaires sociales.
La réunion de la commission élargie commence à quinze heures cinq.
projet de loi de finances pour 2018
Gestion des finances publiques et des ressources humaines Crédits non répartis Régimes spéciaux de retraite Gestion du patrimoine immobilier de l'État Pensions
Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, je suis heureuse de vous accueillir, avec Mme Laurence Vichnievsky, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et M. Julien Borowczyk, secrétaire de la commission des affaires sociales.
Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Action et transformation publiques, crédits non répartis », « Régimes sociaux et de retraite », et aux comptes spéciaux qui y sont associés.
Je vous précise les règles de nos commissions élargies, telles qu'arrêtées par la Conférence des présidents du 26 juillet dernier. Nous donnerons d'abord la parole au ministre pour dix minutes, puis aux rapporteurs des commissions qui interviendront chacun pour une durée de cinq minutes. Après la réponse du ministre aux rapporteurs, nous continuerons avec les questions, en commençant par celles des orateurs des groupes. Puis chacun aura la parole. Je rappelle que la question comme la réponse ne devront pas dépasser deux minutes.
J'ai le plaisir de coprésider cette réunion avec vous, ma chère collègue, en l'absence de notre présidente, empêchée aujourd'hui.
Mes chères collègues, je vous remercie pour votre présence en ce week-end un peu particulier. Je vois que vous êtes nombreux, ce qui signifie que le sujet est sensible. Les rapports très consistants qui ont été réalisés par nos rapporteurs m'éviteront de prendre la parole trop longtemps, parce que ce sont eux les sachants et ce sont eux qu'il faudra écouter avec attention. Je salue en particulier Mme Émilie Chalas, qui a choisi cette année de s'interroger sur la stratégie de pilotage et de transformation de la fonction publique annoncée par le Gouvernement pour la période de 2018 à 2022, défi considérable.
Je précise que la commission des lois ne s'est saisie que de l'examen du programme « Fonction publique » parmi les quatre programmes que comprend la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Je rappelle aux nouveaux députés, dont je fais partie, que ce programme, doté de 239 millions d'euros en 2018, est consacré aux trois actions suivantes : action 01 « Formation des fonctionnaires », action 02 « Action sociale interministérielle », action 03 « Appui ressources humaines et apprentissage ».
Notre ordre du jour étant chargé, je ne me livrerai pas à de longs développements.
La commission des affaires sociales a fait un choix majeur en se saisissant pour avis de la question des régimes sociaux et de retraite. Alors que nous avons globalement procédé à une réduction du nombre d'avis budgétaires pour disposer, sur chaque mission, d'une vision globale, la commission a décidé de créer un nouvel avis, jugeant qu'il n'était plus possible de travailler sur la question des retraites en s'intéressant aux seuls acteurs du secteur privé. Je ne doute pas que nos débats de cet après-midi témoigneront de la pertinence de ce choix.
Mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour le temps que vous allez consacrer à l'étude des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », ainsi que de ceux de mon ministère, en saluant les directeurs des administrations qui m'accompagnent aujourd'hui et, à travers eux, le travail de tous leurs collaborateurs.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » regroupe les moyens de fonctionnement et d'investissement des ministères économiques et financiers que je partage avec Bruno Le Maire. Les crédits inscrits ici sont en particulier le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses de l'État, ainsi que les activités douanières, les fonctions d'état-major, d'expertise, de conseil, de contrôle, mais aussi les politiques de formation des fonctionnaires, d'action sociale interministérielle et d'apprentissage.
Cette mission regroupe deux catégories de programmes : d'une part, le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » qui retrace les moyens accordés à la direction générale des finances publiques (DGFIP), et le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » qui regroupe l'ensemble des crédits de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ; d'autre part, le programme 148 « Fonction publique », qui regroupe les crédits consacrés à la formation des fonctionnaires de l'État et à l'action sociale interministérielle, et le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », qui regroupe les moyens des administrations centrales des ministères économiques et financiers, ainsi que ceux de diverses autorités ou telles que l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), ou encore la cellule « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » (TRACFIN). Sont également inscrits à ce dernier programme, depuis 2017, les effectifs et les crédits de l'Agence française anti-corruption (AFA), créée en 2016, et qui est chargée de la modernisation de la vie économique et de la lutte contre la corruption.
Dans un premier temps, le ministère dont j'ai la charge ne saurait à l'évidence s'exonérer des efforts budgétaires qu'il demande aux autres. Je suis heureux de venir moi-même parler de dépenses après avoir beaucoup parlé de recettes et d'économies. Avec près de 10,9 milliards d'euros, les crédits de la mission sont stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Le ministère des comptes publics a essayé d'être exemplaire car, ainsi que le disait La Rochefoucauld, « rien n'est si contagieux que l'exemple ».
Cet effort est lié, en grande partie, à la réduction des effectifs du ministère pour lequel 1 450 suppressions sont prévues, c'est-à-dire un taux d'effort de plus de 1,1 %. En 2018, le ministère comptera ainsi l'équivalent de 126 536 équivalents temps plein travaillé (ETPT). J'appelle votre attention sur le fait que le ministère de l'action et des comptes publics, autrement appelé ministère du budget, et plus particulièrement la DGFIP, a beaucoup contribué à la réduction du nombre d'agents publics, grâce à un mouvement très important de numérisation, notamment pour le paiement en ligne.
Il conviendrait que les parlementaires qui souhaitent que nous réduisions la dépense publique, et plus particulièrement les membres de la commission des finances, qu'ils fassent partie de la majorité présidentielle ou de la droite, demandent aux autres ministères une contribution tout aussi significative. Le projet présidentiel prévoit une augmentation du nombre d'agents publics – c'est le cas pour l'armée, la police et la justice – mais pas dans tous les ministères. Chacun doit contribuer à cet effort, à l'heure où nous nous apprêtons à faire la revue générale des politiques publiques. Sur 1 600 suppressions de postes, il faut savoir que 1 450 sont réalisées dans ma propre administration. Il serait bon que la charge future soit répartie, car nous ne pourrons pas supprimer 120 000 postes à la DGFIP – n'est-ce pas monsieur le directeur général ? (Sourires.) Le ministère de l'action et des comptes publics continuera à se moderniser, et les directions le savent, en particulier la DGFIP. Il n'est pas question de recruter davantage, mais de répartir au mieux l'effort de baisse de la dépense publique. Je le répète ici, après l'avoir dit ce matin en conseil des ministres.
Le ministère de l'action et des comptes publics contribue donc largement à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Il le fait sans sacrifier ses missions essentielles, notamment grâce au redéploiement des moyens humains là où ils sont nécessaires. Je pense notamment à l'augmentation des effectifs des douanes, où il est prévu de créer 250 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour la surveillance aux frontières, en raison notamment du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir devant votre commission pour aborder avec vous cet énorme changement pour les douanes françaises que constitue le Brexit.
J'ai l'honneur de conduire auprès du Premier ministre le programme « Action publique 2022 ». Il est évident que si le ministère de l'action et des comptes publics, et particulièrement la DGFIP, a su se moderniser, il doit poursuivre dans cette direction. Nous aurons l'occasion, si vos commissions nous y invitent, d'expliciter tous les changements que nous prévoyons de proposer au Président la République et au Premier ministre.
À ces redéploiements s'ajoutent des gains de productivité qui se poursuivront en 2018. Ainsi, le coût de la collecte de 100 euros de recettes douanières et fiscales passera de 85 centimes d'euro en 2016 à 81 centimes en 2018, et à 76 centimes en 2020 selon nos prévisions. Ceux qui pensent qu'une diminution des effectifs empêche un meilleur recouvrement de l'impôt et des droits ont ici la démonstration que l'on peut faire mieux, plus, avec un peu moins. Je considère qu'un bon ministre n'est pas celui qui voit son budget augmenter mais celui qui propose de faire aussi bien, voire mieux, avec moins d'argent. En tout cas, j'espère ainsi être un bon ministre.
Le Premier ministre a souhaité, avec le Président de la République, offrir au ministère de l'action et des comptes publics un périmètre qui comprend l'action de l'État, les agents de la fonction publique et la réforme de l'État. Les crédits de cette mission sont en augmentation de 3,5 % par rapport à la loi de finances de 2017 hors masse salariale. Les crédits d'investissement sont en forte hausse de 40 %, afin de conduire des projets informatiques qui permettent la simplification, les économies d'échelle et d'innovation que nous avons évoquées tout à l'heure. Il n'est pas question de baisser le nombre d'agents publics ou les crédits de fonctionnement sans augmenter les crédits d'investissement qui permettent de mener à bien des projets informatiques de grande ampleur. Je crois que la ministre de la justice a eu très récemment l'occasion d'évoquer devant la commission des lois ce que nous allons faire, notamment les montants très importants dédiés au ministère de la justice pour l'aider dans sa modernisation, notamment dans sa numérisation.
J'aborderai maintenant la transformation numérique, le renforcement du lien de confiance entre l'administration et les citoyens – avec le projet de loi sur le « droit à l'erreur » qui sera présenté vers la fin du mois de novembre en conseil des ministres et sans doute au début de l'année prochaine devant votre assemblée – et la modernisation des fonctions support.
En matière de transformation numérique, dossier que je partage avec le secrétaire d'État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, les ministères économiques et financiers sont engagés depuis déjà de nombreuses années dans la dématérialisation des relations entre l'usager et l'administration. Chacun peut voir que l'administration fiscale en a fait des outils particulièrement performants qui mériteraient d'être pris comme modèle dans beaucoup d'actions de l'État et des collectivités locales.
Nous avons également mis en place une plateforme des marchés publics de l'État qu'il faut sans doute désormais partager avec les collectivités locales. Il faut un acheteur public plus efficace, ce qui permet de faire des économies d'échelle. Bien sûr, la dématérialisation poursuivra sa montée en puissance en 2018, avec les envois électroniques de factures entre les structures publiques et leurs fournisseurs et l'achat en ligne des timbres fiscaux, qui représentera un service intéressant pour nos concitoyens.
Pour les fournisseurs de l'État, le portail Chorus Pro permet le suivi en temps réel du traitement des factures tout en offrant une réduction des délais de paiements qui contribuera à notre économie, qu'il s'agisse de nos petites et moyennes entreprises (PME) ou de nos grandes entreprises françaises.
Concernant les particuliers, la phase de généralisation de la déclaration en ligne et du paiement dématérialisé se poursuit. Pas plus tard que la semaine dernière, je me suis rendu dans l'Aisne, où les agents de la DGFiP ont évoqué un taux de plus de 60 % de gens qui paient leurs impôts en ligne. En 2017, ce sont 20,5 millions de télédéclarations qui ont été enregistrées, soit 55 % du total, contre 49 % l'année dernière. Vous pouvez constater que cette dématérialisation se fait à grand pas et permet ainsi des économies d'échelle et une simplification des procédures.
En 2018, le montant du revenu fiscal de référence à partir duquel la déclaration en ligne des revenus est obligatoire sera abaissé de 28 000 à 15 000 euros. En complément, pour l'ensemble des impôts directs des particuliers, le seuil au-delà duquel le paiement dématérialisé est obligatoire sera abaissé à 1 000 euros en 2018, contre 2 000 euros en 2017.
Le renforcement du lien de confiance entre les citoyens et l'administration se fait à travers la mise en oeuvre du principe du droit à l'erreur. Dans le domaine fiscal, il existe déjà un rescrit fiscal, et nous allons mettre en place le rescrit douanier dans le cadre de ce droit à l'erreur. Les douanes continueront, par la certification des opérateurs de commerce extérieur et des formalités douanières, à renforcer l'attractivité de notre territoire – c'est notamment le cas pour le tourisme, suite à une réunion interministérielle chez le Premier ministre. Nous travaillons avec les « professionnels de la profession », comme disait Jean-Luc Godard, pour aboutir à de la simplification, avec l'ingéniosité des agents des douanes.
Je rappelle, s'agissant toujours des particuliers, que l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu a été reportée d'un an au 1er janvier 2019. Comme je m'y suis engagé, j'ai fait parvenir à l'ensemble des membres de la représentation nationale les rapports complets de l'Inspection générale des finances et du cabinet Mazars, ainsi que l'expérimentation à laquelle nous avons procédé. Nous mettrons donc en oeuvre cette réforme au 1er janvier 2019 en essayant de simplifier les choses au maximum pour les entreprises. C'est un moment important, qu'attendent contribuables et entrepreneurs.
S'agissant de l'optimisation des fonctions support de l'État, plusieurs chantiers sont ouverts. C'est le cas de la fonction financière de l'État, qui fait déjà l'objet d'une rubrique dédiée dans « Action publique 2022 », ainsi que de la politique des achats et de la politique immobilière de l'État, qui est sous ma responsabilité. Je vous rappelle que la direction de l'immobilier de l'État (DIE) a été créée en 2016 et qu'il faut encore la moderniser pour mieux travailler avec l'ensemble des ministères, et ainsi mieux utiliser l'argent public et le patrimoine. Le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » est doté de 20 millions d'euros seulement en 2018, mais le sera d'un milliard d'euros sur cinq ans. Nous aurons sans doute l'occasion de reparler de la modernisation de l'immobilier de l'État qui va nous prendre un peu de temps dans le cadre du comité « Action publique 2022 ».
Un mot sur la mission « Action et transformation publiques », et notamment les cités administratives. Avec 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances pour 2018, c'est la première fois que l'État se dote de tels moyens pour se réformer. Ce sont même 700 millions qui ont été évoqués, dans le cadre du projet de loi de finances, pour la transformation de l'État. C'est, je le souligne à nouveau, la première fois dans l'histoire de la Ve République qu'un Premier ministre a décidé d'investir dans les changements très importants qui touchent la sécurité sociale ou l'État. Nous aurons l'occasion de constater qu'un euro d'économie annuelle pérenne équivaut au bout de trois ans à un gain de 3 euros. Je crois que la commission des finances est particulièrement intéressée, comme toutes les autres commissions d'ailleurs, par ces changements structurels très importants.
Je souhaite évoquer le rôle du nouveau délégué interministériel chargé de la transformation de l'action publique, ainsi que le financement de cette nouvelle façon, interministérielle, de concevoir la transformation, avec un fonds qui interviendra en priorité pour les projets de transformation de l'État et de ses opérateurs. Je crois que vos commissions auront l'occasion d'évaluer, thème par thème, le travail de transformation du ministère de l'action et des comptes publics.
Enfin, j'ai bien entendu la remarque du secrétaire de la commission des affaires sociales sur les pensions. Ce qui est très important, c'est de comprendre que ce volet sera examiné dans la perspective du travail que Jean-Paul Delevoye est en train de mener pour l'intégralité des retraites et pensions de notre pays. Sa réflexion doit permettre de travailler, au premier semestre de l'année prochaine, sur la réforme des retraites voulue par le Président de la République, à laquelle le ministre des comptes publics et des agents publics s'intéressera particulièrement. Je soulignerai simplement l'importance de la question du financement des régimes dits spéciaux, tels que ceux des mines, de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), ou encore des marins, regroupés dans la mission « Régimes sociaux et de retraite », financement qui, du fait d'un fort déséquilibre démographique entre cotisants et retraités, appelle une nécessaire solidarité nationale – laquelle se chiffre à plus de 6 milliards d'euros, me semble-t-il, dans le projet de loi de finances pour 2018.
La richesse de mon ministère, en résumé, se fonde énormément sur l'humain, puisque l'essentiel de mes crédits sont des crédits de masse salariale. La transformation est très importante dans toutes les actions publiques que nous menons, et elle se fera encore plus lorsque le programme « Action publique 2022 » mènera les trains de réformes que nous évoquons. Je suis maintenant à votre entière disposition pour répondre à vos questions sur le projet de loi de finances pour 2018.
Vous avez évoqué, monsieur le ministre, le droit à l'erreur. Au-delà du rescrit, la procédure de régularisation prévue à l'article L. 62 du Livre des procédures fiscales pourrait être parfaitement inspirante pour les autres procédures administratives.
Pour ce premier budget de la législature, mon rapport spécial porte sur deux missions, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » qui retrace les crédits de l'essentiel des directions et agences du ministère de l'action et des comptes publics, et la nouvelle mission « Action et transformation publiques » créée par le Gouvernement pour accompagner la modernisation de l'État dans le cadre du programme « Action publique 2022 ».
Concernant la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les crédits de paiement proposés pour les programmes 156, 218 et 302 sont quasi stables par rapport à l'année précédente, les crédits de paiement demandés pour 2018 s'établissant à 10,65 milliards d'euros, soit un très léger recul – 0,04 % – par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
Cette évolution recouvre des dynamiques différentes selon la nature des programmes. Ainsi, les crédits de paiement ouverts pour le programme 156 diminuent de 39 millions d'euros, ceux du programme 218 sont quasi stables, en baisse de 2,6 millions d'euros, et les crédits du programme 302 augmentent significativement de 37,6 millions d'euros.
Le recul est plus marqué concernant les crédits de titre 2 demandés, qui s'élèvent à 8,66 milliards d'euros pour 2018, soit une diminution de près de 70 millions d'euros. Le plafond d'emplois pour les trois programmes a été fixé à 126 536 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une diminution de 1 487 ETPT par rapport à l'exercice précédent.
Le plafond d'emplois de la DGFiP diminuera de 1 702 ETPT. Ce sont 71 ETPT qui disparaîtront au sein des différentes directions et agences du programme 218, tandis que les douanes bénéficieront de renforts à hauteur de 286 ETPT, notamment dans le cadre de la préparation du Brexit.
Depuis le début des années 2000, les ministères économiques et financiers, en particulier les grandes directions à réseau du ministère de l'action et des comptes publics, ont mené des plans d'économies ambitieux et qui se sont traduits par des plans de rationalisation des effectifs et ont permis un recul significatif de la dépense publique. Pour s'adapter à ces mutations nécessaires dans un contexte budgétaire tendu, ces administrations se sont engagées dans une profonde dynamique de modernisation. Ces initiatives salutaires ont permis de maintenir des résultats à un niveau élevé, et je salue la réactivité et la capacité de ces administrations à s'adapter. Néanmoins la politique du rabot conduite au cours des quinquennats précédents semble avoir atteint ses limites, et il sera nécessaire, pour continuer à réaliser des gains de productivité dans les années à venir, d'effectuer une revue d'ensemble des missions poursuivies par ces administrations. Le Gouvernement a lancé ce chantier avec la création du programme « Action publique 2022 », démarche à laquelle je m'associe pleinement.
Dans cette optique, l'évaluation des politiques publiques doit dès lors retrouver une place centrale dans le travail du Parlement. J'ai fait le choix de vous présenter, en avant-propos de ce rapport spécial, une série de propositions qui, je l'espère, permettront de nourrir cette réflexion.
Je salue également la création de la mission « Action et transformation publiques » qui permettra d'accompagner ce changement majeur à travers deux objectifs. La création d'un fonds pour la transformation publique, doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, permettra de financer les investissements nécessaires à la mise en oeuvre de réformes structurelles de l'action publique à travers la sélection rigoureuse de projets innovants. Cette mission permettra également la rénovation des cités administratives et d'en améliorer l'efficacité énergétique. Au total, ce seront donc 1,7 milliard d'euros qui seront investis sur l'ensemble du quinquennat pour financer la transformation de l'action publique.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser trois questions. Concernant la DGFiP, la possibilité d'entrer en contact avec les agents à distance, par téléphone ou en ligne, s'est développée au cours des dernières années. Comptez-vous aller plus loin ? Des réflexions sont-elles en cours sur ce point et sur le maintien d'une stratégie multicanal ?
Concernant la DGDDI, pourriez-vous d'une part nous présenter l'état de la mise en oeuvre des plans anti-terroriste, à la fois dans leur volet humain et matériel, et d'autre part, nous détailler l'impact qu'aura le Brexit sur l'activité de la douane ?
Enfin, pouvez-vous nous présenter les pistes envisagées pour améliorer la gestion de ce que nous appelons la masse des douanes ?
Concernant le fonds de transformation de l'action publique, pouvez-vous nous présenter les modalités de sélection des projets et avez-vous déjà identifié des investissements, des politiques publiques qui pourront bénéficier en priorité de ces crédits ?
Je souhaite enfin mettre l'accent sur deux aspects qui me paraissent essentiels dans le cadre de ce rapport spécial. Le premier concerne la nécessaire amélioration de la coopération entre les administrations. Il me paraît essentiel de faciliter les échanges entre elles, entre les directions, entre les ministères, pour renforcer la qualité de l'action publique. Le second concerne le chantier du droit à l'erreur. Là encore, j'appelle votre attention sur le changement culturel important que ce droit à l'erreur représentera pour nos administrations, qui font déjà beaucoup en matière d'accompagnement des particuliers comme des entreprises, et qui seront amenées dans un futur proche à renforcer cet aspect de leurs missions.
Le rapport spécial sur la gestion financière et humaine de la fonction publique dont j'ai repris l'étude cette année comporte traditionnellement trois actions de ressort interministériel que sont la formation des agents, l'action sociale interministérielle et l'apprentissage. Il donne à voir la mise en oeuvre d'une partie de la stratégie de ressources humaines (RH) globale de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), devenue une véritable direction des ressources humaines (DRH) de l'État. Mais, à l'heure où le Gouvernement vient d'ouvrir un vaste chantier pour accompagner la modernisation des services publics, améliorer la qualité de service et redonner du sens à l'action publique au travers du programme « Action publique 2022 », il m'a semblé important de dépasser quelque peu le cadre habituel de ce rapport. J'ai donc choisi, après un examen rapide des programmes 551, 552 et 148, de m'attacher à mettre en perspective le budget 2018 avec les évolutions importantes que vont connaître tous les serviteurs de l'État.
Les programmes 551 et 552 sont en évolution, pour faire face notamment à la compensation de la hausse de la CSG. Le programme 148 pèse, au total, un peu plus de 239 millions en crédits de paiement et en autorisations d'engagement pour 2018, auxquels il faut ajouter 2,94 millions d'euros de fonds de concours. Ce budget est stable par rapport à 2017 malgré les différés d'exécution qu'il doit prendre en compte.
Au sein de l'action « Formation des fonctionnaires », les lignes budgétaires des instituts régionaux d'administration (IRA) et de l'École nationale d'administration (ENA) sont en cohérence avec les objectifs qui ont été fixés à chaque établissement. Une attention particulière est portée cette année à l'ENA, qui doit faire la preuve de sa mutation, tant structurellement, par la diversification de ses recettes, que culturellement, afin que les cadres qu'elle forme soient parmi les acteurs du changement initié par le Gouvernement.
Concernant l'action sociale interministérielle, qui représente à elle seule la moitié du budget de ce programme, la tendance est, comme l'année dernière, à la baisse. Mais il faut rappeler que les actions menées grâce à ce budget viennent en sus des actions propres à chaque ministère. Des efforts continuent donc d'être faits pour maintenir des prestations individuelles et collectives à destination des familles et pour accompagner la question du logement des agents.
La dernière des actions est l'apprentissage qui permet à la DGAFP d'inciter financièrement les différents ministères à intégrer des apprentis. Le budget est stable par rapport à l'année dernière et doit donc permettre de continuer sur la même voie. 8 300 jeunes en avaient bénéficié en 2016.
Pour en terminer avec l'examen formel de ces crédits, il faut souligner la création de deux fonds, l'un d'innovation RH et l'autre d'amélioration des conditions de vie au travail, et qui seront chacun dotés d'un budget de 1 million d'euros pour 2018.
Si ces budgets transverses sont essentiels pour concrétiser la stratégie RH interministérielle de la DGAFP et la politique du Gouvernement, d'autres mesures importantes et globales sont proposées dans ce budget.
Parmi les décisions que vous avez prises, monsieur le ministre, il en est trois qui me semblent particulièrement importantes et sur lesquelles je souhaite vous interroger.
La première est celle de l'unicité du point d'indice. Parmi les solutions qui s'offraient à vous pour compenser la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), l'augmentation du point d'indice pouvait sembler la solution la plus simple et la plus efficace. Mais son application simultanée dans les trois versants de la fonction publique avait, au-delà du coût très important – l'augmentation de 1 % du point d'indice étant estimée à 2,1 milliards d'euros – l'inconvénient d'imposer à des collectivités territoriales budgétairement autonomes et à des hôpitaux une augmentation des salaires importante, à un moment où le Gouvernement leur demande justement de faire des économies.
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur la remise en cause éventuelle de cette unicité qui, bien que posant des problèmes de gestion complexes, peut également être considérée comme un facilitateur de mobilité interne et comme un outil de pilotage des politiques salariales globales ?
La deuxième décision importante que vous avez prise est celle du rétablissement du jour de carence à compter du 1er janvier 2018. Cette mesure, qui ne touchera que les congés maladie ordinaires, hors rechute, n'est pas tant faite pour rapprocher les conditions de rémunération des arrêts de maladie des salariés du privé et du public, cette simple mesure ne pouvant à elle seule compenser des disparités qui existent entre les deux systèmes, que pour commencer à agir sur le problème de fond, celui du micro-absentéisme, qui a des effets négatifs sur la qualité du service rendu au public comme sur les conditions de travail des agents. De nombreuses études ont pointé le fait que de très courtes absences sont souvent le signe d'un profond mal-être des salariés. Or force est de constater que ce phénomène gagne du terrain dans les rangs des agents de la fonction publique et que ce malaise s'exprime de plus en plus.
Alors que vous annoncez de grandes transformations concernant le travail au quotidien des agents de la fonction publique, qu'avez-vous prévu pour accompagner ce changement et quel sera le rôle de la DGAFP sur cet aspect essentiel pour la réussite d'une mutation en profondeur ?
La troisième décision vous avez prise est celle de maintenir l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), mais d'en allonger l'exécution en reportant d'un an les mesures financières qui devaient s'appliquer en 2018. Cette pause dans le déploiement d'un accord très important pour de nombreux agents des catégories intermédiaires est souvent vécue comme une mise en cause globale de son application, alors qu'il a l'avantage de s'attaquer à des éléments structurants de la rémunération des fonctionnaires. Pourriez-vous nous rappeler vos engagements concernant la poursuite de ce protocole PPCR ? Comment envisagez-vous de continuer à travailler sur la structure de la rémunération des agents de la fonction publique pour la rendre à la fois plus attractive et plus compatible avec un futur régime de retraite universel ?
Le système de retraite français est composé d'une pluralité de régimes, parmi lesquels on compte une quinzaine de régimes spéciaux, appelés ainsi parce qu'ils fonctionnent sur la base d'une solidarité restreinte à une profession ou à une entreprise et parce qu'ils dérogent en tout ou partie aux règles des régimes alignés. L'État contribue au financement de certains d'entre eux, soit en tant qu'employeur – ce sont les opérations budgétaires retracées dans le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » –, soit au titre de la solidarité nationale – ce sont les dépenses retracées dans la mission « Régimes sociaux et de retraite » –, les régimes spéciaux étant dans l'incapacité de s'autofinancer du fait de leur déséquilibre démographique. Le total de ces dépenses atteint, en 2018, 64,7 milliards d'euros, dont 58,41 milliards d'euros pour les régimes spéciaux de la fonction publique et des ouvriers d'État et 6,33 milliards d'euros pour les autres régimes spéciaux.
S'agissant du régime spécial des fonctionnaires civils et des militaires, le budget prévu pour 2018 fait apparaître une hausse des dépenses de pensions de 1,49 % par rapport à 2017. Cette augmentation, plus importante que la moyenne annuelle depuis 2014, s'explique essentiellement par un facteur démographique : le nombre de nouveaux retraités croît tandis que les sorties de pension sont stables. Elle est cependant indolore pour le budget de l'État, car elle est compensée, côté recettes, par la hausse du taux des cotisations salariales, qui passe de 10,29 % en 2017 à 10,56 % en 2018, sans que la contribution de l'État employeur augmente. Ainsi, cette année encore, le CAS « Pensions » dégage un solde excédentaire qui porte le solde cumulé à un niveau record. Cependant, certains facteurs pourraient contribuer à le dégrader à moyen terme. Ainsi, l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), négocié en 2015 entre le Gouvernement et les six syndicats de fonctionnaires, qui prévoit la revalorisation de toutes les grilles de rémunération des fonctionnaires d'ici à 2020, pourrait conduire, à terme, à une augmentation du montant des pensions du fait de l'élévation de la rémunération des fonctionnaires en fin de carrière.
Selon les prévisions du service des retraites de l'État, la dynamique des dépenses devrait ramener le niveau du solde cumulé vers le montant d'un milliard d'euros d'ici à 2020. Il faudra alors relever le taux de la contribution employeur pour maintenir l'équilibre du compte, comme cela a été fait à maintes reprises par le passé pour pallier la hausse des dépenses du CAS « Pensions ». L'impact sur le budget de l'État s'en ressentira.
S'agissant des subventions d'équilibre versées par l'État aux caisses de retraite gestionnaires des autres régimes spéciaux, retracées dans la mission « Régimes sociaux et de retraite », les crédits augmentent de 2,4 millions d'euros en 2018 par rapport à 2017. Tandis que la subvention d'équilibre versée à l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), qui gère le régime spécial de retraite des marins, reste stable et que les subventions versées aux régimes fermés décroissent de près de 3 % par rapport à 2017, le montant des subventions d'équilibre versées aux régimes spéciaux des transports terrestres – RATP et SNCF essentiellement – connaissent une envolée de 70 millions d'euros. Le montant prévisionnel de la subvention versée à la caisse de retraite des personnels de la RATP passe ainsi de 680 millions d'euros en 2017 à 709 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de 4,2 % par rapport à 2017. Quant à la subvention d'équilibre qu'il est prévu de verser à la caisse gestionnaire du régime spécial de retraite SNCF, son montant atteint 3,28 milliards d'euros en 2018 ; il s'alourdit donc de 30 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2017, après avoir augmenté de 38 millions d'euros l'année précédente. Qui plus est, la ligne est systématiquement sous-budgétisée, si bien que, chaque année depuis 2015, il a été nécessaire de trouver des financements complémentaires. Ainsi, en 2016, il a fallu opérer un transfert de crédits de 27 millions d'euros en provenance du programme 195 et utiliser 24 millions d'euros de crédits disponibles sur le programme 198, soit 51 millions d'euros débloqués en cours d'année pour compléter la subvention d'équilibre.
Cette situation me paraît intenable. Ces régimes ne peuvent pas s'autofinancer puisqu'ils comptent un nombre de pensionnés bien plus élevé que le nombre de cotisants. Or, leur situation démographique ne devrait pas s'améliorer dans les années à venir, ce qui signifie que le montant des subventions étatiques est voué à augmenter. Là est bien la limite des réformes paramétriques opérées ces dernières années dans un objectif de convergence avec le régime de la fonction publique. L'âge moyen de départ à la retraite, notamment, reste trop bas pour permettre de juguler la hausse du nombre des pensionnés. En outre, les différentes de traitement entre les salariés relevant du régime général et les bénéficiaires des régimes spéciaux ne sont plus acceptées par l'opinion.
Ces régimes sont, pour la plupart, les vestiges d'une organisation éclatée de la protection sociale avant 1945. Leur maintien ne se justifie plus aujourd'hui. C'est pourquoi je me réjouis que l'exécutif, en la personne du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, réfléchisse à une grande réforme qui consisterait à harmoniser les nombreux régimes existants pour mettre en place un système universel de retraite par répartition.
Monsieur le ministre, ma question portera sur le régime spécial de retraite des marins, géré par l'ENIM. Ces dernières années, cet établissement a embauché sous contrat une quarantaine de collaborateurs spécialisés dans la protection sociale, alors qu'il employait jusqu'à présent essentiellement des marins. Ce sont des collaborateurs précieux pour cet organisme qui cherche à gagner en efficacité et à améliorer le service rendu à ses assurés sociaux. Or, ces agents contractuels arrivent au terme de deux CDD de droit public et, pour obtenir le droit de les « CDIser », l'ENIM doit figurer dans un décret-liste en cours de préparation à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Pourriez-vous nous confirmer que l'ENIM figurera bien sur ce décret-liste ?
Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » finance des opérations immobilières à partir de cessions d'immobilier de l'État. À cette fin, le CAS disposera, en 2018, d'un budget de 580,70 millions en crédits de paiement, quasiment stable par rapport à la loi de finances 2017.
L'architecture du CAS va cependant connaître deux évolutions fondamentales. Tout d'abord, le projet de loi de finances exclut l'inscription de nouveaux crédits sur le programme 721 « Contributions des cessions immobilières au désendettement de l'État », afin d'accroître les ressources destinées au financement d'opérations immobilières. Ensuite, le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » intègre l'ancien programme 724 « Opérations immobilières déconcentrées », afin de donner plus de cohérence à la vision d'ensemble de la politique immobilière.
Cela étant, je reprends volontiers à mon compte les inquiétudes exprimées par mon prédécesseur, Jean-Louis Dumont, quant à la pérennité de ces ressources. D'une part, on constate que la trésorerie dépend principalement de la vente des biens d'exception parisiens dont le stock commence à s'amenuiser et dont la valorisation est sujette à décote. Le produit des cessions immobilières devrait ainsi passer de 500 millions en 2017 à 491,7 millions en 2018, soit une diminution de 1,66 % rendant nécessaire une hausse de 5,88 % des redevances domaniales, qui passent donc de 85 à 90 millions d'euros. D'autre part, l'État propriétaire, qu'il soit bailleur ou occupant, doit assurer l'entretien d'un patrimoine hétérogène, ce qui inclut la mise aux normes environnementales et les travaux de mise en accessibilité. Or, je constate que les crédits affectés à la maintenance des bâtiments diminuent de 1,68 % et reposent sur des recettes plus incertaines. En conséquence, je recommande de veiller au maintien d'un niveau de crédits satisfaisant pour l'entretien du patrimoine et de repenser les modalités et moyens du dispositif des loyers budgétaires.
À ces enjeux budgétaires se superposent des enjeux de gestion liés à la transformation d'éléments comptables autrefois disparates en une véritable politique publique immobilière. Si la création de la direction de l'immobilier de l'État (DIE) marque un véritable progrès, la politique immobilière de l'État ne doit pas s'en tenir à ces premiers acquis. Mon rapport appelle ainsi l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de fiabiliser les données relatives à la valeur et à l'état du patrimoine par un renforcement des outils informatiques. Cette démarche pourrait intégrer la gestion des prises à bail, en complément de la réorganisation du réseau de la DGFiP et de la spécialisation des pôles régionaux de gestion domaniale, ainsi que le développement d'une comptabilité analytique des bâtiments. Il s'agit également de poursuivre la formalisation des critères d'appréciation utilisés dans le cas de la labellisation de projets, de mettre en place une procédure d'examen simplifiée devant la conférence nationale de l'immobilier public et de formaliser la procédure d'utilisation des crédits en gestion dans le cadre de la charte de fonctionnement du CAS.
Par ailleurs, monsieur le ministre, les nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé et les deux déplacements que j'ai effectués dans les régions Nouvelle-Aquitaine et Bretagne me conduisent à appeler votre attention sur les problématiques suivantes.
Alors que la DIE a lancé une réflexion sur les alternatives à la cession, seriez-vous favorable à des dispositions juridiques qui permettraient à l'État de rester propriétaire tout en attirant les investisseurs et de percevoir ainsi des loyers annuels récurrents ? Je pense aux baux emphytéotiques, aux baux à construction ou, pourquoi pas, aux baux réels immobiliers, que l'on pourrait étendre aux personnes morales de droit public. Je suis persuadé de l'intérêt de cette propriété temporaire, qui permet de dissocier propriété foncière et occupation du bâtiment ; elle connaît du reste un réel succès en Angleterre, en Suède, aux Pays-Bas et encore plus loin, en Chine.
Dès lors que les services régionaux de l'État peuvent être limités par le fait que les personnels affectés localement à la gestion de l'immobilier assurent également d'autres missions, seriez-vous favorable, au-delà de ma recommandation de conforter l'effectif de ces services, à l'affectation de moyens humains permettant à ces personnels de se consacrer exclusivement à cette mission ? Je suis convaincu que l'effet de levier produit par cet effort marginal de recrutement nous permettrait d'améliorer sensiblement l'efficience du dispositif.
L'impact de la décote et des procédures d'urbanisme sur les relations financières qui lient l'État et les collectivités territoriales et l'évaluation du patrimoine immobilier de l'État me semblent justifier une évolution de ce dispositif. Seriez-vous favorable à sa modification, au moins pour les cessions situées sur le territoire de collectivités territoriales ayant une forte capacité d'autofinancement ?
L'entretien des bâtiments de l'État et la conduite d'opérations structurantes nécessitent la préservation de compétences spécifiques dont mes interlocuteurs se sont inquiétés de la disparition progressive au niveau territorial. Quelles améliorations envisagez-vous pour remédier à ces difficultés ?
Enfin, mon prédécesseur, Jean-Louis Dumont, avait suggéré le rattachement de la direction de l'immobilier de l'État à France Domaine plutôt qu'à la DGFIP afin de préserver son indépendance. Seriez-vous favorable à une telle évolution ?
Pour la préparation de ce premier rapport de la législature, j'ai procédé à de nombreuses auditions, rencontré les principaux acteurs de la politique de ressources humaines des trois versants de la fonction publique et je me suis rendue dans l'Isère, où j'ai consulté le préfet et plusieurs exécutifs locaux afin d'apprécier la perception des réformes et de récolter un certain nombre d'idées innovantes et de savoir-faire.
Plutôt que de retracer les crédits du programme « Fonction publique », je concentrerai mon propos sur quelques points.
Tout d'abord, je m'inquiète de la baisse continue, depuis cinq ans, du nombre de bons candidats recrutés dans le cadre du cycle préparatoire au concours interne et au troisième concours de l'ENA. Cette situation s'explique par le fait que ces candidats perdent 25 % à 40 % de leur salaire à leur entrée en préparation à l'ENA puis à l'ENA elle-même, puisque les agents publics ne sont rémunérés que sur leur traitement de base. Ne conviendrait-il pas de donner à l'ENA les moyens de compenser cette perte financière de manière à assurer la diversité socioprofessionnelle des profils des futurs dirigeants de l'administration ? Cette mesure aurait un coût d'environ un million d'euros par an. Si vous m'apportiez des éléments de réponse, monsieur le ministre, je serais tout à fait disposée à retirer l'amendement que j'ai déposé à ce sujet.
Ensuite, je souhaiterais vous interroger sur la pertinence du dispositif du jour de carence, que vous avez rétabli pour lutter contre l'absentéisme. En effet, les comportements abusifs restent minoritaires parmi les 5,4 millions d'agents publics. Ne serait-il pas plus juste et tout aussi efficace de maintenir la prise en charge par l'employeur public des deux premiers arrêts maladie ordinaire au cours de l'année civile et d'appliquer trois jours de carence, comme c'est le cas dans le secteur privé, à compter du troisième arrêt ? En effet, tout un chacun peut tomber malade une ou deux fois par an ; or, on doit pouvoir se soigner sans être systématiquement pénalisé et stigmatisé au nom de la lutte contre l'absentéisme. La majorité des employeurs du secteur privé l'ont d'ailleurs bien compris puisque, pour 70 % des salariés, la prise en charge des trois jours de carence est prévue par les conventions collectives. Ma proposition cible spécifiquement les agents qui bénéficient d'un arrêt maladie ordinaire trois fois par an ou plus. Je défendrai, par ailleurs, un amendement spécifique sur l'exonération du délai de carence pour les femmes enceintes.
Je souhaite également vous interroger sur la stratégie de pilotage et de transformation de l'action publique pour la période 2018-2022.
Le processus « Action publique 2022 » m'apparaît comme une méthode inédite, inclusive et moderne pour redéfinir le périmètre des services publics. Pour ma part, je considère que cette réflexion devra conduire à clarifier les compétences de chacun en supprimant les doublons inutiles. Il s'agira de définir très clairement nos priorités pour le service public de demain. Ce n'est que dans ces conditions qu'il sera possible d'apprécier le niveau optimal des effectifs de la fonction publique au regard du référentiel de 120 000 suppressions de postes à l'horizon 2022 fixé par le Président de la République. Je formule d'ailleurs, dans mon avis, douze propositions pour assurer le succès de cette démarche.
Sur le plan de la méthode, le comité « Action publique 2022 » réunit trente-trois personnes de très grande qualité et dont les profils sont très divers, mais il manque trois catégories d'acteurs essentiels à la conduite du changement : les représentants des directeurs généraux des services (DGS) de collectivités territoriales et des directeurs d'hôpitaux ; les organisations syndicales ; enfin, les parlementaires ne sont que deux, ce qui me paraît insuffisant pour illustrer et rapporter l'avis du législateur. Pouvez-vous nous expliquer comment nous pourrions les associer concrètement au processus « Action publique 2022 » ?
S'agissant des outils conçus pour améliorer la maîtrise des dépenses publiques, je me réjouis de la création d'un dispositif de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales. Cette nouvelle relation partenariale permettra de co-construire les conditions dans lesquelles pourront être atteints les objectifs de maîtrise des dépenses de fonctionnement et du ratio d'endettement fixés par la loi de programmation. À cet égard, ne serait-il pas intéressant d'inciter les collectivités à réduire leurs dépenses de fonctionnement en utilisant le levier de l'augmentation du temps de travail – 1 607 heures annuelles – ou de revoir l'octroi d'un grand nombre d'autorisations spéciales d'absence ? Du reste, j'ai pu constater, durant mon déplacement en Isère, que cette pratique pouvait favorisait une concurrence déloyale entre collectivités soucieuses d'attirer les meilleurs agents publics.
Il me semble également indispensable, dans la même perspective de concertation innovante et pragmatique que les démarches « Action publique 2022 » et « Conférence des territoires », d'évaluer à moyen terme l'efficacité des réformes territoriales engagées sous le précédent quinquennat. Ne faudrait-il pas lancer cette évaluation en 2019 pour se laisser le temps, le cas échéant, de réfléchir aux incohérences issues de ces réformes et de poursuivre la simplification de notre millefeuille territorial ? Je sais que les demandes des élus locaux sont contradictoires : ils réclament une stabilité législative tout en jugeant nécessaire de réformer plus avant.
Enfin, je tiens à appeler votre attention sur la nécessité d'associer le plus en amont possible les 5,4 millions d'agents publics et de les aider à adhérer à notre stratégie. C'est ainsi que nous réussirons ensemble le plan de transformation de la fonction publique.
C'est la première fois que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale se saisit pour avis des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ainsi que du compte d'affectation spéciale « Pensions ». Si notre commission a ainsi choisi d'innover, c'est parce qu'il lui a paru important de se pencher sur les régimes dits spéciaux que ces crédits abondent dans la perspective de la réforme systémique de notre régime de retraite annoncée dans le programme du Président de la République, Emmanuel Macron.
Dans cette optique, j'ai réalisé une dizaine d'auditions depuis quelques semaines et analyser les informations fournies par vos administrations, dont le taux de réponse au questionnaire budgétaire était de 94 % à la date du 10 octobre dernier, ce dont je les félicite. Si l'appel à la solidarité peut se justifier s'agissant de régimes qui, marqués par un fort déséquilibre démographique, peinent à s'autofinancer, il n'en demeure pas moins qu'on peut difficilement se satisfaire de la persistance de certains avantages anciens dont le financement repose in fine majoritairement sur la collectivité nationale.
Malgré les réformes paramétriques successives, les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP sont aujourd'hui subventionnés aux trois cinquièmes par l'État et celui des marins l'est même à près de 80 %. Or, dans le même temps, je note que l'âge moyen de départ à la retraite des pensionnés de droit direct de la SNCF était de 57 ans et 3 mois en 2016, quand il était, la même année, de 62,4 années pour les affiliés au régime général. Dans le régime de la RATP, un certain nombre de règles de liquidation des pensions permettent, en particulier au personnel roulant, de partir en retraite dès l'âge de 45 ans, voire sans aucune condition d'âge dès lors que diverses conditions sont remplies. Dans ce même régime, la durée moyenne de service de la pension, environ 40 années, est très supérieure à la durée moyenne d'activité, à peine 35 années, ce qui est le signe que la pénibilité du travail ne cause pas une surmortalité précoce. Quant aux règles de cotisation et de gestion du régime de retraite des marins, je ne m'appesantirai pas sur leur complexité kafkaïenne qui frise parfois à l'absurdité.
Plusieurs des personnes entendues ont convenu que l'on avait atteint les limites d'un système et que l'on ne pourra rompre avec les iniquités et les déséquilibres financiers résultant de la configuration actuelle du régime de retraite par répartition qu'en changeant de paradigme. Le temps me semble donc venu de mettre en oeuvre la proposition du Président de la République de créer un régime universel de retraite par répartition dans lequel un euro cotisé donne les mêmes droits, quels que soient le moment où il a été versé et le statut de celui qui a cotisé.
Mais une telle réforme ne saurait pour autant se traduire par un alignement pur et simple de l'ensemble des régimes sur le régime général des salariés du secteur privé, ni par un décalque du modèle suédois des comptes notionnels. En effet, si l'amélioration des conditions de travail et de la prévention des risques peut aujourd'hui conduire à s'interroger sur la légitimité de certaines caractéristiques des régimes spéciaux, il n'en demeure pas moins que les particularités de certains régimes demeurent à mes yeux pleinement justifiées. Tel est le cas, selon moi, du régime des pensions de retraite des militaires, dont les singularités – limite d'âge basse, pensions de retraite à jouissance immédiate, bonifications diverses, règles spécifiques en matière de cumul emploi-retraite – ne sont que la traduction d'une politique publique visant à garantir la jeunesse et l'aptitude physique de nos armées, le pyramidage des effectifs, la compensation d'une disponibilité en tout temps et en tous lieux, ainsi que des sujétions difficiles pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême ou encore la reconversion professionnelle et donc l'attractivité des métiers, ce qui mérite d'être médité à l'heure où la gendarmerie va être amenée à renouveler massivement ses effectifs.
Si les singularités de ce régime peuvent apparaître de prime abord comme des avantages, il faut avoir conscience que les militaires retraités sont loin d'être des nantis. La moitié des militaires du rang perçoivent une pension inférieure à 774 euros par mois, et 30 % des pensions militaires de retraite sont servies au minimum garanti. En 2016, près de 10 000 militaires ont cessé leurs fonctions sans droit de pension. Les militaires partent, en outre, à la retraite dans un état physique et psychique dégradé. Ainsi, en 2016, 10 % des pensions de retraite liquidées par les gendarmes étaient assorties d'une pension militaire d'invalidité dont le montant moyen annuel – environ 4 000 euros – est loin d'être mirobolant et dont le délai d'attribution – 27 mois en moyenne – a récemment été dénoncé par la Cour des comptes.
Des simulations effectuées par le ministère des armées ayant permis de mesurer l'ampleur des pertes qu'impliquerait le passage au système des comptes notionnels – baisse de 72 % des montants de pension des militaires du rang –, il me semble impératif, dans la perspective d'une réforme systémique, de ne pas réduire la question de l'équité à celle de l'uniformité des règles. Aussi souhaiterais-je savoir où en sont les travaux de préfiguration de cette réforme pour laquelle M. Delevoye a été nommé haut-commissaire. Pour le reste, j'émettrai, bien sûr, un avis favorable sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » du présent projet de loi de finances.
Mesdames, messieurs, les rapporteurs, je vais m'efforcer de répondre à vos très nombreuses questions, en espérant n'en oublier aucune. Je me félicite en tout cas, madame Vignon, que vous ayez obtenu 94 % de réponses au questionnaire budgétaire que vous avez adressé aux différentes administrations. Cependant, il en manque encore 6 %... Or, il est normal que les parlementaires aient accès aux informations qu'ils demandent, en particulier dans le cadre d'une évaluation. Nous essaierons donc de faire encore mieux l'année prochaine et, d'ici là, de répondre à l'ensemble de vos questions, y compris aux plus précises d'entre elles.
À ce propos, vous avez évoqué la situation des marins. Je suis d'accord avec vous, leur régime de retraite soulève plusieurs problèmes. Cependant, je ne suis pas spécialiste du sujet et les éléments de réponse que l'on vient de me transmettre ne me satisfont pas. Je pars donc du principe que vous avez raison, et je propose de vous recevoir, ainsi que M. Damaisin, pour que nous réglions avec l'administration ce problème qui semble en effet kafkaïen. Si les choses ne sont pas énoncées clairement, c'est qu'elles ne sont pas très bien conçues, comme disait l'autre.
Pour le reste, je regrouperai mes réponses par thèmes, en commençant par celui de la fonction publique. Abordons-le par un sujet polémique. Je ne suis pas de ceux qui préconisent la suppression des grandes écoles ; n'en ayant pas fait, je peux avoir ce snobisme. (Sourires.) L'ENA forme parmi les meilleurs hauts fonctionnaires de notre pays et il est très important que nous ayons une très grande école d'administration, laquelle a d'ailleurs été voulue par Michel Debré et le général de Gaulle. Même si l'ENA ne doit pas être la seule voie d'entrée dans la haute fonction publique, nous devons chérir et consolider cette école en nous efforçant, vous avez tout à fait raison, d'en diversifier le recrutement. C'est la volonté du Gouvernement, et le nouveau directeur est tout à fait conscient de la nécessité d'améliorer le fonctionnement de l'école. En effet, bien qu'elle forme les gestionnaires de demain, elle connaît quelques problèmes de gestion : le personnel encadrant est plus nombreux que les élèves. Cela soulève un problème structurel, et ce n'est pas parce que son budget serait revu qu'une haute école comme l'ENA perdrait de sa force.
La véritable question concerne, selon moi, davantage la sortie que l'entrée dans l'école. Je comprends vos remarques sur le concours interne, mais il existe différents moyens de diversifier le recrutement des hauts fonctionnaires ; je pense notamment au troisième concours. A cet égard, j'ai proposé au Président de la République d'augmenter le nombre des nominations au tour extérieur, que ce soit dans le corps préfectoral ou celui des ambassadeurs, en faisant en sorte que celles-ci soient un peu moins politiques et qu'elles reflètent davantage la diversité de la société.
En ce qui concerne le classement de sortie, il me semble que les « grands » corps ne devraient pas être ceux qui sont traditionnellement considérés comme tels, mais ceux qui correspondent aux priorités que le Gouvernement définit pour le quinquennat. Si ces priorités sont le logement, l'outre-mer et l'agriculture, par exemple, on devrait pouvoir obliger, si j'ose dire, les élèves les mieux classés à passer trois, quatre ou cinq années dans ces ministères qui ont besoin de leur intelligence, de leur force de travail et de leurs compétences, quitte à ce qu'ils rejoignent ensuite un corps dit prestigieux.
Je suis pour le classement et pour l'ENA – disant cela, j'ai bien conscience d'être politiquement incorrect, car j'ai compris que cette position était devenue très minoritaire. En revanche, je crois, et j'en ai fait la proposition au Président de la République, qu'il faut modifier les priorités du classement. Certains ministères ont besoin de grandes transformations. Ceux de l'outre-mer et du logement ou celui de l'agriculture, qui a le plus grand mal à gérer les apurements communautaires, requièrent actuellement d'importantes compétences. Peut-être faut-il donc changer les affectations à l'issue du classement. Ce serait, en tout cas, une importante révolution sociologique, alors que la suppression pure et simple du classement est certainement une idée médiatiquement sympathique mais, dans les faits, la reproduction demeure et elle ne réglerait pas grand-chose.
Vous avez raison de considérer que les fonctionnaires qui deviennent élèves de l'ENA sont découragés à l'idée de toucher un salaire beaucoup plus bas que leur traitement antérieur. Le nouveau directeur de l'ENA en est tout à fait conscient et va proposer un important changement destiné à favoriser la diversité à l'entrée de l'école, les fonctionnaires devant être davantage repérés au sein de leur administration, laquelle doit fonctionner comme une entreprise, en matière de ressources humaines, et donc accompagner les meilleurs éléments, non seulement financièrement mais aussi en ce qui concerne le logement, l'emploi du conjoint, la délocalisation à Strasbourg, la réalisation des stages… La question financière n'est en effet pas la seule qui soit de nature à empêcher quelqu'un de changer de vie. En même temps, cette école rémunère ses élèves et il paraît assez logique qu'ils ne touchent pas le même salaire que s'ils travaillaient. Aussi je comprends bien les difficultés que vous soulignez et ce sera peut-être l'occasion pour vous d'auditionner le directeur de l'ENA.
En attendant, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même allons proposer un certain nombre de changements dans la haute fonction publique – puisqu'il est convenu de l'appeler ainsi – et qui doivent en particulier concerner à la fois l'entrée et la sortie des grandes écoles. Je tiens à réitérer ici mon attachement à l'épreuve reine qu'est la culture générale lors du grand oral des épreuves d'admission aux grandes écoles. Cette épreuve me semble la moins discriminante, contrairement aux langues étrangères – même si nos hauts fonctionnaires doivent parler couramment de nombreuses langues étrangères afin d'être en interaction avec l'Europe et avec le monde. Certaines familles n'ont en effet pas toujours la possibilité d'envoyer leurs enfants pendant un an ou un an et demi apprendre l'anglais au Royaume-Uni ou une autre langue ailleurs, alors que la culture générale me semble avoir permis à de nombreuses personnes de s'extraire de leur condition modeste et de réussir les concours de la République. L'ENA ne doit néanmoins pas devenir une école doctorale. Il convient, je le répète, de la réformer et de faire en sorte que le concours d'entrée et les affectations à la sortie correspondent mieux aux besoins de la société, même si le tour extérieur permet des allées et venues entre le secteur privé et le secteur public qui se révèlent du reste bénéfiques pour les deux.
Vous êtes revenue également sur les insuffisances du comité « Action publique 2022 ». Certaines de vos affirmations ne sont pas exactes. Au sein de ce comité, on trouve Véronique Bédague-Hamilius, qui a été secrétaire générale de la Ville de Paris – une collectivité qui me paraît compter… –, on trouve aussi une directrice d'hôpital, en l'occurrence du centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, et Philippe Laurent, spécialiste de la fonction publique, qui siège en qualité de représentant de l'Association des maires de France (AMF) – sans oublier un président de conseil départemental, des élus et d'anciens élus. On peut regretter qu'il n'y ait pas assez de parlementaires ou d'élus en général, mais il me paraît intéressant, et c'est pourquoi il n'y a pas de représentants syndicaux – même s'ils seront entendus –, que le comité réfléchisse en chambre, si j'ose dire. Et il appartiendra au Gouvernement et au Parlement de retenir ce qu'ils souhaitent des conclusions des travaux menés par le comité. Il est en effet important de réfléchir en dehors des contraintes parlementaires. La configuration du comité « Action publique 2022 » me paraît d'autant meilleure qu'elle obéit non pas à la logique d'une revue générale des politiques publiques selon la méthode du rabot, mais à une logique par mission. Il faut commencer par savoir ce qu'on veut faire pour savoir quoi décider.
Par exemple, je ne pense pas, à titre personnel, qu'il faille continuer, dans les très grandes collectivités, à distinguer l'ordonnateur et le comptable, division qui date de la Révolution. Cette pratique est peut-être encore nécessaire dans le monde rural, mais, pour les grandes collectivités, une certification des comptes doit être possible indépendamment des agents de la DGFiP. Que la chambre régionale des comptes renforce son contrôle sur les grandes collectivités est une chose, mais l'informatisation permet peut-être d'agir quelque peu différemment. Peut-être une telle évolution ne sera-t-elle pas envisagée, mais il est important en tout cas que le comité y réfléchisse et établisse des comparaisons avec les pays étrangers – ce qu'à Tourcoing on appelle le benchmarking… (Sourires.)
Vous évoquiez, madame Motin, le protocole PPCR. Toute la question est de savoir s'il s'agit d'un nouveau dispositif qu'il faut absolument appliquer immédiatement, ou bien s'il s'agit de la conclusion de cinq ou six années de non-augmentation du point d'indice des agents publics, donc de stagnation de leur pouvoir d'achat. Tout élu local constate que quelque chose ne va pas : les organisations syndicales nationales de la fonction publique négocient avec le ministre des augmentations généralisées du point d'indice – et vous avez rappelé qu'un point valait plus de 2 milliards d'euros – ; or l'État accorde d'autant plus facilement ces augmentations qu'il n'en paiera pas l'intégralité : une partie le sera par les collectivités territoriales et par le secteur hospitalier. On peut ainsi très bien, dans le même temps, décider d'augmenter la valeur du point d'indice dans le projet de loi de finances, puis se plaindre d'un excès de dépenses sociales lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans le même ordre d'idées, les collectivités locales ne peuvent pas à la fois exiger qu'il n'y ait surtout pas de charges supplémentaires et prendre fait et cause pour une augmentation du point d'indice qu'elles contribueront elles-mêmes à payer. Il m'a donc semblé étonnant que se tiennent à la fois cette négociation nationale et une négociation locale avec chaque employeur territorial négociant le montant des échelons.
La manière dont est calculée la rémunération des agents publics me paraît assez vieillotte, notamment en ce qu'elle ne prend pas en compte le mérite – paiement au mérite qui fait partie du projet présidentiel et donc de la majorité –, notion qu'il faudra définir, ce qui représentera sans doute beaucoup de travail avec les organisations syndicales. Pour contourner la rigidité du dispositif en vigueur, de nombreuses indemnités ont été créées dont plus personne ne comprend tout à fait le fonctionnement qui d'ailleurs aboutit, pour des fonctionnaires de même catégorie et exerçant le même métier, à des différences de rémunérations très fortes. Or l'augmentation généralisée du point d'indice, sous prétexte que les infirmières ou les aides-soignantes sont mal payées, implique une augmentation très faible sans rien changer des différences que je viens d'évoquer. Cette question n'est d'ailleurs pas très nouvelle puisque Emmanuel Macron, quand il était candidat à la présidence de la République, a écrit une lettre aux agents de la fonction publique, précisant que s'il était élu, il n'y aurait plus d'augmentation généralisée du point d'indice mais un effort de récupération de pouvoir d'achat pour tel ou tel métier.
La manière dont sont rémunérés les agents publics est pour moi d'autant plus importante que l'État doit contribuer à sa modernisation. Il faut que la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), dont je salue les équipes, devienne la véritable direction des ressources humaines de l'État, et donc aller au-delà de la réglementation, du suivi des carrières, de l'organisation des concours… Je ne veux pas me fâcher avec le secrétaire général du Gouvernement, mais ce dernier non seulement joue le rôle de conseil juridique mais s'occupe également d'une partie des nominations, alors que celui qui devrait remplir les fonctions de DRH de l'État, j'y insiste, s'occupe, lui, davantage des échelons, de la réglementation… On devrait donc faire en sorte qu'il y ait un conseil juridique de l'État – rôle du secrétaire général du Gouvernement et qui date grosso modo de Léon Blum et Jules Moch –, puis une DRH qui fait ce travail d'accompagnement qui n'est pas que salarial. Vous notez, madame la députée, que le pouvoir d'achat n'est pas le même quand on vit à Grenoble, à Tourcoing ou à Paris – c'est une évidence. Souvent, les agents publics de ma commune viennent à vélo, alors que ceux de Paris mettent une heure et demie en RER pour parvenir à la mairie. Et l'on ne peut pas avoir le même pouvoir d'achat quand on est fonctionnaire de catégorie C à Paris que quand on est fonctionnaire de catégorie C à Tourcoing ou à Brest. Aussi la rémunération de l'agent doit-elle prendre en compte le coût du logement, de l'éducation, de la garde des enfants... Or ce que font les entreprises pour leurs employés en la matière, la fonction publique est loin de le faire pour les agents publics.
J'en viens au jour de carence. J'ai tout à fait conscience que ce dispositif n'est pas tout à fait satisfaisant. Il s'agit de lutter contre le micro-absentéisme. Ceux qui sont malades ont tout à fait le droit d'être protégés et accompagnés, mais d'autres abusent du système, même s'ils ne sont pas la majorité. Et l'absence, dans une entreprise, une collectivité locale ou au sein de la fonction publique d'État, bien sûr, n'obéit pas qu'à un seul motif : vous pouvez subir un stress managérial, ne pas bien comprendre les décisions politiques de votre administration, ne pas bien vous entendre avec vos collègues, subir une surcharge de travail du fait de l'absence de plusieurs collègues, rencontrer une difficulté liée aux transports, ne pas être bien dans votre vie… Loin de moi l'idée que tous les agents publics, quand ils sont absents, le sont délibérément.
Rétablir un jour de carence, comme le prévoit le programme présidentiel, ne suffit pas. Aussi avez-vous très justement mis l'accent sur la prévoyance. Les collectivités locales ont d'ailleurs déjà beaucoup travaillé à l'accompagnement sanitaire de leurs agents publics dans la mesure où elles peuvent signer des contrats de prévoyance. Or cette question, dont j'entends discuter avec les syndicats de la fonction publique, est le corollaire du jour de carence. Unifier les dispositions en la matière, comme pour les retraites, serait le mieux pour tout le monde. Vous indiquez que 70 % des employés du secteur privé sont couverts, mais cela signifie que 30 % ne le sont pas. J'ai tout à fait conscience que ce sont les agents de catégorie C, dont le pouvoir d'achat est déjà réduit, qui subiront le plus les conséquences d'absences d'une ou deux journées. De même, je trouve incroyable qu'un élu qui décide de donner une prime de fin d'année à tous ses agents soit obligé de la distribuer à tout le monde sans pouvoir tenir compte des absences ; il faudra sans doute faire évoluer la réglementation, même si, ici ou là, certains préfets peuvent laisser passer des dispositions fondées sur le mérite ou le taux de présence au travail.
Je rappelle que le report d'un an de l'accord PPCR est dû à des questions budgétaires. Nous aurions très bien pu ne pas appliquer un accord dont je rappelle qu'il n'est pas majoritaire – et se trouve donc, par définition, dépourvu de la force qu'il aurait s'il l'était. Il faut savoir que la dépense publique consacrée au protocole PPCR sera engagée à hauteur de 82 % à partir du 1er janvier 2018 et que, sur quatre ans, il en coûtera 11 milliards d'euros. C'est tout de même beaucoup d'argent et cet accord ne règle d'ailleurs pas tous les problèmes des agents publics. Il prévoit notamment un rattrapage pour les agents de catégorie A, ceux qui ont été le moins augmentés.
Je constate qu'aucune question ne m'a été posée sur la compensation de la CSG ; c'est que nous nous sommes montrés assez clairs sur le sujet, depuis quelques semaines, et je m'en félicite.
Les questions liées à l'immobilier de l'État sont très importantes. La DIE a déjà beaucoup travaillé en un an, et il faudra prendre le temps d'évaluer son action. Je ne suis par ailleurs pas loin d'être d'accord avec vous sur un paradoxe que le Parlement et le Gouvernement vont devoir résoudre : d'un côté on veut construire des logements sociaux et de l'autre une décote, la décote dite « Duflot », dévalorise l'immobilier de l'État et son patrimoine… Il faut surtout améliorer les relations entre ministères. Vous avez devant vous le ministre chargé de l'immobilier de l'État puisque la DIE – dont je salue la directrice, présente parmi nous – fait partie de la DGFiP. Pour les projets de grande envergure, comme celui du Val-de-Grâce, les ministères ont tendance à discuter directement avec les promoteurs alors qu'il faudrait un pilotage unique de ces opérations, quitte à ce qu'il soit supervisé par la Cour des comptes et par les parlementaires membres du conseil de l'immobilier de l'État. Je suis d'accord pour qu'on examine ce qui peut relever des bâtiments remarquables dont nous avons l'usage, des bâtiments remarquables dont nous n'avons pas l'usage – et dont les recettes pourraient servir à la rénovation énergétique –, et des bâtiments qui relèvent de la fonctionnalité de l'État sans pouvoir être qualifiés de remarquables. Nous pourrions innover en travaillant avec le secteur privé sans que l'État ne soit le dindon de la farce, si j'ose m'exprimer ainsi. Je sais que la DIE étudie la question et que nous allons l'examiner dans le cadre du comité « Action publique 2022 ». Si je suis par principe ouvert à la constitution de missions, je note qu'il y en a déjà beaucoup eu en la matière – je pense en particulier au rapport du sénateur Bouvard. Il convient de voir ce que la DIE donne dans le temps et de trouver des façons plus intelligentes de traiter cette question – indépendamment des préfets de région qui s'y emploient quand on le leur demande, mais qui n'ont pas pour seule vocation de gérer l'immobilier de l'État. On peut certes réfléchir à des concentrations avec les collectivités locales, notamment au moment où l'on construit des cités administratives. Je suis prêt à en discuter avec vous mais il faut au préalable, je le répète, laisser la DIE continuer son travail.
On m'a interrogé sur les agents de la DGFiP et leurs missions et sur les centres de contact. L'avenir est sans doute, pour toutes les administrations, d'avoir moins recours au papier, à l'argent liquide – l'approvisionnement des trésoreries pose des problèmes de sécurité pour les agents. Deux nouveaux centres de contact vont être créés, l'un concernant la taxe d'habitation, l'autre le paiement de l'impôt à la source. Il s'agit d'éviter que les citoyens ne soient stressés. En outre, dans le cadre de la numérisation de l'administration, le site impots.gouv.fr fonctionne bien. Demain, quand l'impôt sera prélevé à la source, réforme réclamée à cor et à cri par M. Philippe Vigier, que je remercie pour son enthousiasme, il sera possible, en consultant son profil personnel, de bénéficier de conseils, de contacts plus personnalisés qu'ils ne le sont aujourd'hui. En tout cas, je constate, en temps que citoyen, mais vous avez pu faire la même observation, que lorsqu'on envoie un courriel aux services fiscaux, on reçoit en général très vite une réponse de leur part : en moins de quarante-huit heures ou même parfois en moins de vingt-quatre heures.
L'administration fiscale est donc l'une des meilleures que j'ai eue à connaître, en tant que citoyen, je l'ai dit, mais aussi en tant que maire. Elle est donc tout à fait capable de continuer à mieux informer et à se rapprocher plus encore de nos concitoyens sur des questions éminemment sensibles. Et ce n'est pas parce qu'il y aura moins de papier voire plus de papier du tout, moins de numéraire, voire plus du tout, qu'il n'y aura plus d'agents publics.
Il est une question qu'il faudra poser de façon franche : celle des horaires d'ouverture, car la vie de l'administration n'a pas toujours accompagné la vie des gens. Dans ma région, on passe en moyenne deux heures dans des transports express régionaux (TER) pour aller au travail, si bien qu'on part tôt le matin pour revenir tard le soir ; aussi doit-on parfois prendre une demi-journée de congé pour faire des démarches administratives. Le comité « Action publique 2022 » proposera sans doute un changement du service offert au public avec des horaires décalés ou le week-end – ceux qui ont eu à administrer une collectivité locale savent qu'il s'agit d'une demande pressante de nos concitoyens.
Pour ce qui est de l'action des douanes, si j'ai bien compris, le plan de 2016 de lutte contre le terrorisme prévoyait l'augmentation des effectifs de 2 000 équivalents temps plein sur deux ans, ainsi que le renforcement des équipements – les douaniers sont pourvus de calibres 9 millimètres. Depuis l'entrée en vigueur de ce plan, le nombre de fichés S s'est accru de 800 individus. Même si les douanes ne sont pas des forces de sécurité – et elles n'ont pas vocation à le devenir –, elles concourent à la sécurité et, à ce titre, nous pouvons encore améliorer nos relations avec le ministère de l'intérieur – j'en ai fait part à Gérard Collomb – notamment dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants, contre la contrefaçon ou contre la contrebande de cigarettes, dont on a parfois l'impression qu'elle passe au second plan pour certaines forces de police alors que nous sommes tous conscients que ces trafics non seulement sont nocifs pour la santé publique, mais servent aussi au financement d'autres activités. On a ainsi pu constater que le produit de la contrefaçon de produits de luxe, comme les parfums, pouvait servir à financer le terrorisme.
Enfin, en ce qui concerne les pensions militaires, je suis d'accord avec les députés qui estiment nécessaire la réforme du système LOUVOIS afin de rétablir l'équité. Je suis par ailleurs disposé à vous recevoir pour évoquer la question des marins.
J'associe à mon intervention notre collègue Éric Poulliat, retenu dans sa circonscription, et je remercie pour son travail la rapporteure pour avis qui a organisé de nombreuses auditions.
Ma question porte sur la gestion des ressources humaines, dont nous savons qu'elle constitue à la fois un problème – le rapport en fait amplement la démonstration – et un enjeu : un problème car une très large part des agents publics expriment leur insatisfaction, et un enjeu puisque c'est un puissant levier de motivation pour ces mêmes agents.
Je me réjouis donc du dynamisme que le Gouvernement souhaite insuffler à la gestion des ressources humaines, d'autant plus que cette initiative repose non seulement sur la stabilité de la décision, avec l'engagement d'un plan pluriannuel, mais encore sur la visibilité à moyen terme.
Pouvez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, sur les intentions de l'État concernant la mobilité entre les fonctions publiques ? Il s'agit de la proposition n° 12 de la rapporteure pour avis. Dans le cadre du processus « Action publique 2022 », il vous est proposé de créer de grands bassins territoriaux d'emplois publics. Il existe déjà des passerelles entre les différentes fonctions publiques mais elles ne sont pas toujours faciles à emprunter par les agents – le portail de l'emploi public, s'il était étendu à tout le territoire et élargi à tous les acteurs publics, pourrait contribuer à la facilitation de la mobilité. En outre, même si nous nous accordons tous pour considérer qu'une pause est nécessaire, une clarification voire une rationalisation des compétences et de leur exercice est, ainsi que le souligne le rapport, souhaitable dans certains domaines comme celui du handicap.
Monsieur le ministre, comptez-vous créer, comme nous le proposons, des bassins territoriaux d'emplois publics et, si oui, de quelle manière ?
L'évolution des crédits de la présente mission, qui augmentent de 0,4 %, est assez stable. Visiblement, le processus de simplification des procédures et de dématérialisation engagé depuis quelques années déjà ne porte pas encore ses fruits du point de vue financier, même si le projet annuel de performance (PAP) est conforté.
D'importantes questions se posent néanmoins sur la politique du Gouvernement. En matière d'emploi, on comprend bien la nécessité pour la DGFiP de maîtriser ses dépenses de personnels, notamment depuis la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Toutefois, pourquoi devrait-elle être la seule ? En effet, la contribution de la DGFiP à la baisse des effectifs de l'État est de l'ordre de 93 % – près de 1 500 ETPT sur 1 600 au total. Cette coupe dans les effectifs de la DGFiP, qui fait suite à d'autres suppressions de postes les années précédentes risque de nuire à la qualité de ses missions. Les gains de productivité engendrés par la dématérialisation peuvent-ils vraiment justifier une réduction des effectifs en 2018 ?
L'État demande toujours plus aux collectivités en matière de réduction de dépenses de personnels. Pourquoi n'en est-il pas fait autant ici ? On est en effet loin des 120 000 suppressions de postes sur cinq ans annoncées par le Premier ministre. Cela d'autant plus que la DGFiP est aussi chargée de travailler sur le prélèvement à la source, reporté en 2019, et dont la mise en oeuvre semble laborieuse. Quand on mesure l'ampleur de cette réforme, son coût, évalué à 172 millions d'euros, n'est-il pas sous-budgété ?
En ce qui concerne la dématérialisation, le budget augmente considérablement le nombre de personnes qui devront faire leur déclaration en ligne. Les conséquences sur les contribuables, et notamment les plus âgés, ont-elles été mesurées ? En effet, les efforts indispensables en matière de dématérialisation ne doivent pas pour autant déstabiliser les contribuables n'ayant pas ou peu accès à internet.
Pour conclure, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont stables par rapport à 2017. Or l'accroissement des besoins de financement du régime de la RATP est préoccupant. Le déséquilibre entre cotisants et pensionnés oblige l'État à contribuer à ces régimes fermés de manière inquiétante. Sans réforme, le besoin de financement devrait continuer d'augmenter et ainsi peser durablement sur les finances de l'État. Quelles pistes envisagez-vous pour enrayer cette évolution ?
La principale question que souhaitent poser les députés du groupe du Mouvement démocrate et apparentés dans le cadre de l'examen de cette mission concerne l'articulation des régimes spéciaux avec la réforme des retraites promise par le candidat Emmanuel Macron au cours de la campagne pour l'élection présidentielle. En effet, le Président de la République a révélé la complexité de notre système de retraite. Ce dernier conduit à des injustices et provoque une grande angoisse chez nos concitoyens qui ne savent plus s'ils peuvent s'y fier. On sait en particulier que les jeunes, pour nombre d'entre eux, pensent qu'ils n'auront jamais de retraite. Il est vrai que, malgré les réformes successives de ces vingt dernières années, le système de retraite par répartition ne fournit plus à chacun la sécurité qu'il était en droit d'attendre.
Pour rétablir la confiance et construire un système adapté aux parcours professionnels d'aujourd'hui et de demain, une réforme ambitieuse et juste est nécessaire. C'est l'objectif du Président de la République et de la majorité. Il faut donc mettre en place un système universel, juste, transparent et fiable, dans lequel chacun bénéficie exactement des mêmes droits. Il nous faudra pour cela harmoniser les multiples régimes existants et la vaste concertation qui doit être engagée doit permettre de répondre à cette question sensible. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous indiquer les pistes d'ores et déjà envisagées ?
J'évoquerai pour commencer la masse salariale. Sans surprise, monsieur le ministre, nous saluons l'effort de votre administration pour diminuer les effectifs, mais nous aurions évidemment souhaité un effort similaire de la part de l'ensemble des ministères et, surtout, nous nous inquiétons de votre capacité à tenir l'engagement du Président de la République de diminuer de 120 000 le nombre de fonctionnaires d'ici à la fin du quinquennat. Aussi, quelles perspectives offre la pyramide des âges sur cette question ? De plus, quelle trajectoire vous êtes-vous fixée compte tenu de cette année blanche que sera 2018 ?
Ensuite, le groupe Les Constructifs est prêt à soutenir une réforme de la fonction publique de grande ampleur, notamment en ce qui concerne la remise en question du statut de fonctionnaire lui-même. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur votre agenda ?
Enfin, nous souhaitons tous une administration plus efficiente et l'instauration du droit à l'erreur et du guichet unique va dans le bon sens. Par ailleurs, vous souhaitez investir dans le numérique afin de garantir une meilleure qualité de service aux usagers. Nous ne pouvons pourtant mettre la charrue avant les boeufs : il semble nécessaire d'attendre l'aménagement numérique du territoire. Je vous donnerai deux exemples tirés de ma circonscription : des communes privées de réseau n'ont pas pu mettre en place le protocole d'échange standard version 2 (PESV2) ; des maires sont contraints de délivrer des attestations à leurs administrés qui ne peuvent pas déclarer ni payer leurs impôts en ligne. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer dans le détail les moyens prévus par le projet de loi de finances pour 2018 afin de garantir l'accompagnement numérique des territoires et la modernisation des systèmes informatiques des administrations ?
Deux remarques et deux interrogations.
La première remarque, qui sonne comme une inquiétude, monsieur le ministre, puisque vous n'avez pas évoqué le sujet dans sa dimension pluriannuelle, concerne la diminution des effectifs à laquelle s'est engagé le Président de la République, à hauteur de 120 000 sur la durée du quinquennat, dont 50 000 pour l'Etat et 70 000 pour les collectivités locales. Un certain nombre d'organisations craignent que cette diminution soit mise en oeuvre avec la même brutalité que la révision générale des politiques publiques (RGPP), brutalité qui avait été soulignée dans un rapport des inspections générales de l'administration (IGA), des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS) en septembre 2012. Je souhaite connaître votre position sur la mise en oeuvre ou la non-mise en oeuvre de cet engagement.
Une seconde remarque pour souligner que, si je peux partager un certain nombre de vos réflexions à propos du protocole PPCR, il faut malgré tout prendre acte d'une mauvaise nouvelle en matière de progression du pouvoir d'achat. Le report – et je vous donne évidemment acte que ce report n'est pas une annulation –, même s'il n'est que d'un an, est une mauvaise nouvelle, puisque les agents n'ont pas vu le point d'indice augmenter pendant longtemps, depuis le quinquennat de M. Sarkozy et pendant une très grande partie du quinquennat suivant. Cela se traduit par une dégradation de leur pouvoir d'achat ou de leur évolution de carrière.
Ma première question concerne les propos que vous avez tenus à l'instant sur la mise en oeuvre du protocole PPCR et sur votre volonté de mettre fin à une augmentation uniforme du point d'indice. Comment envisagez-vous de mettre en oeuvre une telle mesure avec souplesse, comme vous l'avez dit, tout en garantissant le maintien des passerelles entre les différents versants de la fonction publique ? Il est évident qu'une différenciation de l'augmentation du point d'indice selon la nature des fonctions publiques, si vous envisagez une individualisation des rémunérations, collectivité par collectivité, serait de nature à freiner les mobilités, les mutations telles qu'on les connaît aujourd'hui.
Ma seconde question porte sur la compensation de la CSG. Vous vous êtes étonné qu'il n'y ait pas de demande de précisions à ce sujet : cette demande arrive. Vous avez indiqué vouloir supprimer la contribution exceptionnelle de solidarité prélevée sur les rémunérations des agents publics. Ça ne suffira pas à compenser l'augmentation de la CSG pour ces agents. Vous avez inscrit dans le budget une indemnité compensatrice sous la forme d'une provision de 290,5 millions d'euros relative aux rémunérations publiques, mais cette somme ne semble pas suffire non plus. L'inquiétude est partagée, puisque l'avis de la commission des lois indique, page 31, que « l'évaluation reste à la date de la rédaction du présent rapport assez floue », et le rapporteur spécial de la mission parle même, page 42 de son propre rapport, d'un « financement partiel ». En contrepartie du versement de cette prime, vous avez aussi proposé que les employeurs publics territoriaux et hospitaliers bénéficient d'une compensation sous la forme d'une baisse de la cotisation employeur maladie. Pouvez-vous préciser dans quelles mesures les éléments que vous avez inscrits dans le budget vont garantir une compensation pour l'ensemble des agents et une neutralité pour l'ensemble des employeurs, hospitaliers et territoriaux en particulier ?
Mon interrogation porte sur l'ensemble de la proposition budgétaire que vous nous avez présentée, et en particulier sur la mission de gestion des finances publiques et des ressources humaines. Il nous semble que vos annonces sont quelque peu trompeuses, les administrations économiques, douanières et fiscales restant soumises à rude épreuve. Selon nos calculs, les crédits auraient diminué de 120 millions d'euros car, si la mission augmente optiquement de 600 000 euros, c'est sans compter les annulations de crédits annoncées à l'été 2017, qui s'élèvent à 120 millions d'euros. Les différentes administrations de Bercy ont déjà été saignées : elles ont perdu plus de 22 % de leurs effectifs depuis 2002, passant de 187 500 à 145 000 agents fin 2015. La DGFiP a perdu à elle seule 35 000 postes.
En 2018, cette baisse continue, avec une diminution de 1 600 équivalents temps plein travaillés (ETPT), dont 354 pour l'État et 1 276 pour ses opérateurs. Des coupes claires dans le programme 156 mettent en danger la capacité de l'État à faire respecter l'égalité devant l'impôt ainsi que le respect de la loi par les entreprises bénéficiant des 20 milliards du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Optiquement, la mission ne baisse que de 35 millions d'euros mais, là encore, si l'on réintègre les annonces de cet été, ce seront 108 millions d'euros en moins. Les services chargés de contrôler le CICE et d'accompagner les PME voient leurs moyens diminuer de 40 millions d'euros. Les services chargés du recouvrement et du contrôle des impôts des particuliers également. Sur le programme 218, c'est moins 4 millions d'euros ; sur le programme 302, 338 millions d'euros en plus mais, en fait, 13 millions seulement quand on déduit les annulations de crédits de juillet. Enfin, sur le programme 148, un million d'euros en moins, et même 17 millions si l'on tient compte des annulations de cet été.
Bref, il s'agit pour nous d'un budget d'austérité, en contradiction avec l'importance que vous disiez accorder aux administrations et agents assurant ce pouvoir régalien majeur qui permet de s'assurer que tous les contribuables, citoyens, citoyennes foyers, personnes morales, associations, PME et grandes entreprises, acquittent bien leurs impôts et soient informés de leurs droits et libertés en matière fiscale. J'aimerais savoir si vous avez des éléments pour contredire ce calcul et nous assurer de l'importance que l'État reconnaît à cette administration.
Depuis 2002, les conditions de travail des agents de la DGFiP et de la DGDDI ne cessent de se dégrader, en lien avec des coupes budgétaires fréquentes et des suppressions massives de postes étiolant le maillage territorial et éloignant toujours plus de citoyens du service public. La RGPP menée entre 2007 et 2012 a causé une saignée dans les effectifs et les moyens de la mission, qui, après une période de répit sous l'ancienne majorité, semble repartir de plus belle.
Ainsi, dès 2018, 1 450 postes nets seront supprimés, alors même que les agents doivent assumer davantage de tâches et de responsabilités. Pour ce qui est de la Guyane, vous diminuez de 600 000 euros les crédits alloués à la DGFiP et de 830 000 euros ceux alloués aux services des douanes. Réduire le budget de la DGFiP en Guyane, c'est méconnaître les défis que doit affronter ce territoire en raison de l'explosion de sa démographie. C'est également méconnaître la fracture numérique qui y sévit, et qui risque de créer de gros problèmes du fait de la dématérialisation croissante, et mal accompagnée, des relations avec les usagers, qui seront nombreux à être laissés sur le côté.
En outre, réduire le budget des douanes, c'est anéantir les efforts déployés sur place pour lutter contre les trafics de stupéfiants qui gangrènent la Guyane et qui ont transformé l'aéroport de Cayenne en plaque tournante majeure de la drogue transitant entre l'Amérique du Sud et l'Europe. Il s'agit là d'une décision incompréhensible, alors que l'on sait de longue date que les douanes, selon l'adage, rapportent plus qu'elles ne coûtent. Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, qu'il ne sera possible ni à moi ni à mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) de soutenir cette mission budgétaire.
Je commencerai par répondre à M. Serville, dont les propos sur la Guyane m'étonnent un peu. J'y ai rencontré la semaine dernière les agents de la DGFIP, qui accomplissent un travail très important. La suppression de la taxe d'habitation dans ce territoire concernera un pourcentage de contribuables nettement plus élevé que la moyenne nationale, si ce n'est la quasi-totalité des habitants, ce qui appelle sans doute une réorganisation de la direction départementale des finances publiques.
Une mission d'inspection sera par ailleurs envoyée en Guyane dans les prochains jours pour évaluer le domaine public. L'une des difficultés tient, dans le cadre des accords signés par François Hollande, aux centaines de milliers d'hectares donnés aux Amérindiens, dont on ne connaît pas le bordage exact.
S'agissant des douanes, ce n'est pas d'ajouter dix, vingt, cent ou trois cents douaniers qui réglera le problème de l'aéroport de Cayenne, devenu en effet une plaque tournante du trafic de drogue. Le véritable problème, c'est que les passeurs sont des « mules », qui avalent des sachets de drogue. Il faut donc tout d'abord trouver un appareil qui permette de constater la présence de cette drogue, et les appareils que nous avons commandés dans d'autres ministères ne correspondent pas exactement à ce que demandent les douaniers. Ensuite, quand une mule est repérée, les douaniers la conduisent à l'hôpital, où ils doivent attendre des heures, de sorte que trois ou quatre ETP de douaniers sont bloqués pour un seul suspect, et que pendant ce temps des dizaines d'autres mules passent à l'aéroport sans être détectées. Ce n'est donc pas d'ajouter des douaniers qui réglera le problème.
L'intervention de M. Serville est très éloignée de la vie réelle de mon administration. Je pourrais mettre davantage de moyens sans que cela serve ni la lutte contre les stupéfiants ni la Guyane et ses habitants. C'est en vérité à un changement des procédures qu'il faut travailler, et chaque élu est confronté à cette problématique. Parfois, on peut gagner des ETP grâce à des procédures simplifiées. Au lieu d'ajouter, pour gérer les cas d'ivresse sur la voie publique, dix policiers municipaux qui passeront chacun sept heures à l'hôpital, le maire peut, comme à Tourcoing, signer avec le procureur et l'hôpital une convention prévoyant une file d'entrée particulière, ce qui permet de gagner six ETP de policiers. L'augmentation de la dépense publique depuis trente ans ne semble pas voir démontré son efficacité, puisque chacun se plaint ici que l'Etat soit paupérisé. Mieux vaut être dans l'action concrète que dans la posture des grands discours.
Je ne pensais pas, madame Obono, que vous vous cantonneriez à une démonstration comptable : je vous croyais plus politique. Vous avez au demeurant avancé beaucoup de chiffres contradictoires, confondant par exemple les annulations de crédits 2017 avec le budget 2018.
La lutte contre la fraude fiscale se fonde sur le renseignement, sur les conventions passées avec les pays étrangers, sur le travail en commun de TRACFIN, des services fiscaux et des douanes, sur les moyens informatiques et les données. Le big data, ce n'est pas réservé aux grandes entreprises qui font de la publicité sur Facebook : c'est aussi ce qui nous permet de dire qu'il y a plus de chances que telle entreprise ou tel particulier plutôt que telle ou tel autre, au vu de ses feuilles d'impôt numérisées, fraude le fisc. Ce n'est pas une simple question de moyens humains : cela demande un changement profond du travail des administrations. Ce n'est pas un sujet comptable.
Je n'ai pas entendu, monsieur Parigi, beaucoup de propositions de votre part. J'ai compris qu'il ne fallait pas mettre en place l'impôt à la source, ni généraliser la dématérialisation, alors que tout démontre pourtant que cela fonctionne, et qu'il ne fallait pas non plus supprimer d'emplois, mais je n'ai pas compris où étaient vos propositions. Je pense soutenir les agents de la DGFiP autant que vous. Il faudrait cependant que vous vous mettiez d'accord avec le président de la commission des finances de l'Assemblée, membre de votre parti, qui nous demande plus d'économies. Les mêmes qui, dans l'hémicycle, reprochent au Gouvernement de ne pas prévoir assez de suppressions d'emplois m'écrivent pour me demander de ne pas supprimer la trésorerie dans leurs circonscriptions. Une sorte de schizophrénie généralisée les empêche de voir que les décisions nationales ont parfois des conséquences locales.
Nous essayons de ne pas être démagogues. Le service public doit s'adapter au public. Il n'a pas été créé pour les fonctionnaires, les ministres ou les parlementaires, mais à un public qui a changé, suite à des mouvements démographiques, sociétaux, ou de modernisation.
J'ai pris la responsabilité de reporter d'un an la réforme de l'impôt à la source et de demander à l'inspection des finances et au cabinet Mazars de travailler en lien avec la DGFiP, qui a réalisé un énorme travail. Nous avons en même temps conduit une expérimentation. Il se trouve que le précédent Gouvernement avait décidé l'expérimentation après avoir pris sa décision, ce qui était un peu étonnant. L'expérimentation a permis de mettre fin à certains fantasmes, comme ce coût de 2 milliards d'euros pour les sociétés que j'ai entendu citer au Sénat.
L'accès à internet est, dans une partie de nos territoires, une question essentielle. Les agents de la DGFiP font preuve, dans cette période transitoire cruciale, d'une grande intelligence pratique : quand ils constatent des erreurs, ils appellent les gens et leurs proposent de les aider. Dans les territoires ruraux, les maisons de services au public (MSAP) permettent cet accompagnement, de même que les permanences territoriales sur lesquelles je travaille avec le directeur général et tout le réseau territorial. Il n'y a pas de sanction pour les gens qui ne sont pas passés à la déclaration en ligne s'ils n'ont pas internet chez eux.
Cet effort en faveur de l'accès à internet ne relève pas du ministre de l'action et des comptes publics, mais de MM. Mézard, Denormandie et Le Maire. Vous aurez toutefois constaté que les crédits sont là pour les autres budgets. L'administration accompagnera évidemment le mouvement, avec un effort accru dans les zones blanches.
Mme Magnier et M. Dussopt ont évoqué, chacun dans un sens opposé, les 120 000 suppressions d'emplois. Je ne suis pas, pour ma part, fétichiste des chiffres. Le projet du Président de la République est plutôt modéré, puisque certains candidats proposaient 300 000, voire 500 000 suppressions. Les 120 000 retenues seront déclinées comme suit : 70 000 dans la fonction publique territoriale, 50 000 dans la fonction publique d'État. On voit que c'est possible sans mettre à mal le service public, étant donné que le nombre de départs annuel est de plus de 150 000 du fait de la pyramide des âges.
Je ne pars pas du principe qu'il faille appliquer l'objectif mathématiquement, année par année, en divisant 120 000 par cinq. Le rôle du politique n'est pas d'être dans la comptabilité pure. Le Gouvernement souhaite avant tout freiner l'augmentation de la masse salariale causée par les créations de postes de ces deux dernières années. Pour 2018, nous proposons 3 600 suppressions de postes, soit 1 600 suppressions nettes si l'on tient compte de la création de postes de gendarmes, de policiers, de douaniers, de professeurs.
Le Président de la République a indiqué que, dans un premier temps, les missions seraient revues, à la lumière des questions suivantes : qu'est-ce que l'on continue de faire ? Qu'est-ce que l'on peut faire autrement ? Quel partage avec les collectivités ? Avec le privé ? Le débat politique aura donc lieu sur les missions, et lorsque nous en aurons tiré les conclusions, nous mettrons les moyens en face des missions, en sachant où supprimer des postes. Il n'y a aucune volonté de ne pas tenir une promesse électorale. Personne n'est très heureux de supprimer des postes, mais nous regarderons d'abord les missions, d'ici à février ou mars. C'est plus intelligent que la logique comptable : même si elle a pu s'avérer efficace ailleurs, la RGPP n'a pas été formidable pour la police nationale.
En ce qui concerne la CSG, n'ayez crainte : je m'engage devant vous à ce qu'aucun agent d'aucun des trois versants de la fonction publique ne voie son pouvoir d'achat baisser du fait de la CSG. Nous supprimons des cotisations – la fameuse contribution exceptionnelle de solidarité de 1 %, qui est en fait de 0,9 %, pour les fonctionnaires, et la cotisation maladie de 0,75 % pour les contractuels – et nous nous sommes engagés à prévoir une indemnité compensatrice. Il n'y a pas de sous-budgétisation. Les 3 milliards d'euros que coûte la compensation de la hausse de la CSG, c'est ce que rapporte l'augmentation de la CSG pour ces mêmes agents. Vous aurez d'ailleurs constaté que nous ne demandons pas aux collectivités locales de payer à notre place une augmentation de CSG décidée par le Gouvernement. Il aurait été assez facile d'augmenter le point d'indice pour solde de tout compte, mais cela aurait été payé en très grande partie par d'autres que l'État.
Au sujet des pensions, M. Delevoye, haut-commissaire aux retraites, est en pleine concertation ; je ne peux donc répondre avec précision au porte-parole du groupe MODEM, mais nous avons bien noté ses remarques.
Dire, monsieur Dussopt, que la différenciation du point d'indice, autre grand sujet de concertation avec les organisations syndicales, qui n'y sont pas très favorables, doit passer par un blocage de la mobilité, appelle la réponse suivante : c'est déjà le cas, puisque seuls 4 % des agents passent d'une fonction publique à l'autre. Il faut plutôt se demander ce qui les en empêche. Une ordonnance a été prise en conseil des ministres il y a quinze jours pour que le compte d'épargne temps (CET) ne soit plus perdu au passage. Beaucoup d'autres choses restent à faire, mais la différenciation du point d'indice n'affectera pas fortement une mobilité entre fonctions publiques qui est déjà très réduite.
Mon ministère, qui a consenti beaucoup d'efforts par le passé, n'est pas, dans ce budget, celui qui en consent le plus : ce sont le ministère de l'écologie et celui de la santé.
Enfin, peut-être faut-il, pour favoriser la mobilité, regarder les choses territoire par territoire, demander aux préfets de suivre la question avec les employeurs territoriaux. Je crois, plus généralement, qu'il faut changer notre vision des choses, non pas en supprimant un statut, mais en introduisant une certaine adaptabilité, de la modernisation, car 4 % est une proportion très faible. Cela devra faire partie, au second semestre 2018, de la réforme de la fonction publique souhaitée par le Président de la République.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation des personnes qui bénéficient d'une pension vieillesse du régime social des marins et qui reprennent une activité relevant d'un autre régime de retraite.
À ce jour, les personnes dans cette situation continuent de valider des droits à la retraite dans le régime dans lequel ils ont repris une autre activité professionnelle. Or l'article 19, alinéa 9, de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites dispose que tout bénéficiaire d'une pension de retraite, servi par l'Etablissement national des invalides de la marine (ENM), le régime social des marins, à partir du 1er janvier 2018 en tant que première pension de base, et qui poursuit ou reprend une activité, est concerné par le principe de cotisation non génératrice de droits nouveaux à la retraite. Le décret ajoute que, en l'absence de ce décret spécifique, cet article entrera en vigueur le 1er janvier 2018, c'est-à-dire dans deux mois.
Toutes les pensions de retraite sont concernées. Pour les personnes devenues définitivement inaptes à la profession de marin et qui exercent une activité professionnelle à terre, cette nouvelle activité professionnelle entraînera le versement de cotisations auprès d'un autre régime de retraite que celui des marins et ne généreront pas de droits nouveaux à la retraite dans ce régime si les personnes demandent à bénéficier de la pension anticipée de l'assurance vieillesse des marins.
Je comprends que le cumul emploi-retraite ne doive pas être une règle. Néanmoins, une telle disposition réglementaire aura des effets financiers très regrettables pour certains marins, compte tenu de la spécificité de leur régime de protection sociale, notamment pour ceux ayant les plus faibles ressources. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, s'il serait envisageable, éventuellement par amendement du Gouvernement, de suspendre cette mesure pour une durée d'un an ou plus, afin d'adapter cette règle pour que les marins retraités ayant de faibles revenus ne soient pas pénalisés.
Chacun connaît la quadrature du cercle des dépenses publiques. Un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, avait dit : « Ce n'est pas avec plus de dépenses publiques que notre pays ira mieux. » Nous sommes conscients qu'une transformation en profondeur des fonctions publiques est à l'ordre du jour. Un sujet majeur à cet égard est la redéfinition des périmètres de chacun : qui fait quoi ? Sur les 120 000 suppressions, vous souhaitez faire peser une partie de l'effort sur les collectivités, à hauteur de 70 000 emplois.
Ne croyez-vous pas que le vrai enjeu est plutôt de redéfinir les missions de nos fonctions publiques ? Ce qui fonctionne, dans la défense, ce ne sont pas des contrats de trente ou quarante ans, mais des contrats de mission. La vraie modernité ne passe-t-elle pas par-là ? Cela permettrait en outre une revalorisation des carrières. Quand on sait combien les catégories C ont été maltraitées ces dernières années, on doit s'interroger collectivement.
En ce qui concerne l'immobilier de l'État, je vous adjure de simplifier les procédures de cession, qui prennent cinq ans alors qu'elles pourraient prendre un an ou six mois. De grands pays modernes ont conduit des réformes en la matière.
Enfin, simplifions également les procédures administratives : vous pourrez introduire tout le numérique que vous voulez, si les procédures restent aussi complexes rien ne sera simplifié.
Ces propositions de ma part ne sont pas simplement pour « moins » de fonction publique mais pour « mieux » de fonction publique.
Si vous ne prenez pas en compte les annulations de crédits décidées en cours d'année budgétaire, monsieur le ministre, cela signifie que vous demandez au Parlement de voter de faux budgets. Concrètement, en annulant les crédits en juillet, vous avez opéré un report de charges. C'est une manipulation, un jeu de dupes. C'est pourquoi je vous ai interpellé sur ces questions comptables, auxquelles vous ne répondez pas : nous pointons l'insincérité du budget que vous présentez.
Cela renvoie à une question politique. Les moyens sont décidés en vue d'une fin. Prévoir moins de moyens pour assurer le service de l'impôt, conseiller les citoyens et faire en sorte que les dossiers soient mieux traités, induit une inégalité en faveur des contribuables ou des entreprises qui peuvent se faire conseiller par des avocats spécialistes pour échapper à l'impôt. Votre politique favorise une justice fiscale à deux vitesses.
Votre réponse, monsieur le ministre, était davantage une interpellation à mon égard. Elle prouve une méconnaissance totale des réalités de la Guyane. C'est parce que le temps qui m'était imparti était limité que j'ai choisi de ne parler que des problèmes de trafic de stupéfiants à l'aéroport de Cayenne, mais les douanes ont en Guyane les mêmes missions que dans l'hexagone : missions économiques, fiscalité, protection de la sécurité et de la santé publique…
Vous avez vu les remous provoqués par la note blanche de l'Élysée avant le passage du Président de la République en Guyane ; d'où l'intérêt pour nous de faire très attention à la manière de publier certaines informations. Il existe une mission de lutte contre les fraudes multiples, et Dieu sait si la Guyane en recèle tous azimuts. Il existe également une mission de protection de l'environnement contre les pollutions diverses, les trafics d'espèces protégées, l'orpaillage clandestin. On compte en Guyane quatre bureaux de dédouanement, un centre de dédouanement, un service d'enquête, quatre unités de surveillance terrestre, un centre de liaison interservices, une unité de surveillance maritime, outre bien sûr une direction générale et une recette régionale. Les mouvements sociaux qui ont rudement secoué la Guyane en mars et avril prouvent qu'il existe une césure entre la base et le Gouvernement, qui fait preuve d'une incompréhension totale de ce qui remonte de la société civile, des élus, des partis politiques, des syndicats. Il serait utile que je vous rencontre pour vous faire réviser les fondamentaux de ce territoire et éviter à l'avenir le cynisme et l'ironie dans vos réponses.
Monsieur Serville, il n'y avait pas de cynisme ni d'ironie de ma part. Vous attaquez le Gouvernement, ce qui est assez logique puisque vous êtes dans l'opposition. Permettez-moi de répondre à votre interrogation du reste tout à fait légitime avec la même ambition que vous : convaincre ceux qui nous écouteraient. Nul doute qu'en intervenant sur votre territoire vous faites de la politique. Permettez-moi donc d'en faire aussi. Sinon, le signal ne serait pas bon du côté du Gouvernement.
Il se trouve que j'ai rencontré les agents des douanes de votre territoire et que je vais y retourner avant la fin de l'année. J'espère que vous pourrez m'accompagner, ce qui nous donnera l'occasion d'avoir cet échange.
Vous proposez que nous nous retrouvions sur mon temps libre. Je suis tout à fait prêt à vous rencontrer entre une heure et cinq heures du matin. (Sourires.) Et si c'est sur un temps ministériel, ce sera un horaire plus raisonnable… Mais ne vous inquiétez pas : grâce à un excellent directeur des douanes, qui va d'ailleurs partir à la retraite à la fin de l'année, et qui m'a fait part de quelques difficultés pratiques qu'il convient d'améliorer, je connais le sujet. Je peux même vous dire qu'il y a deux chiens en Guyane, dont un qui va partir pour La Rochelle à la fin de la semaine avec sa sympathique maître-chien. Quand je parle, monsieur le député, ce n'est pas dans le vide, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses à faire dans tous les territoires de la République, et notamment en Guyane.
Madame Obono, contrairement à moi, vous voyez toute entreprise comme un fraudeur. Si vous pensez que, par nature, elles peuvent frauder, et que l'on doit mettre des agents publics devant chaque entreprise pour les contrôler, on aura du mal à dégager des moyens qui correspondent aux missions de la DGFiP. Vous faites la démonstration assez étonnante que ces entreprises auraient les moyens de ne pas payer leurs impôts, tandis que la DGFiP n'aurait pas assez de moyens pour les contrôler, et qu'elles joueraient un peu au gendarme et au voleur. Nous avons une différence politique très forte, puisque votre question était bien politique.
Je n'insisterai pas sur le fait que vous avez confondu 2017 et 2018. Vous ne pouvez pas tenir de tels propos, puisque nous sommes le premier gouvernement à proposer dans le projet de budget 3 % de gels de crédits. Par définition, les annulations se font sur un budget sincère, puisque nous partons du principe – et ce sera le cas pour la première fois – qu'il n'y aura que 3 % de gels de crédits.
Vous ne pouvez pas faire semblant de croire que les annulations de crédits sont faites pour cacher les insincérités de nos prédécesseurs révélées par la Cour des comptes. Si nous devons annuler des crédits par un décret d'avance, ce qui nous permet d'accorder des crédits à l'agriculture, à l'hébergement d'urgence, à l'armée, etc. c'est effectivement à cause d'une insincérité budgétaire. Pour votre part, vous mettez tout dans un seau, vous touillez, et à la fin vous pensez avoir fait une démonstration politique et budgétaire. Ce n'est pas le cas. Je regrette que nous ne puissions pas discuter sur les chiffres qui nous intéressent, c'est-à-dire ceux de l'année 2018, et sur la sincérité du budget que nous proposons. Tous ceux qui sont censés nous observer, la Cour des comptes, le Haut Comité des finances publiques, la commission des finances de l'Assemblée nationale et celle du Sénat – dont les deux présidents, qui, je le rappelle, ne sont pas de notre famille politique, considèrent que ce budget est sincère. Le rapporteur général du Sénat a même souligné que c'était le budget le plus sincère qu'il ait vu depuis qu'il occupe cette fonction. Je ne voudrais pas le compromettre en le citant devant vous, mais je le prends comme un compliment. Et comme le ministre de l'action et des comptes publics en reçoit peu en général, il goûte ceux qu'on lui fait.
Monsieur Lurton, vous n'étiez pas encore arrivé – mais je ne vous en fais pas grief – lorsque j'ai répondu à deux de vos collègues qui m'interrogeaient sur la question des marins-pêcheurs. Je peux vous associer à la proposition de rendez-vous que je leur ai faite. Comme vous avez siégé tous les jours et toutes les nuits, vous savez qu'un amendement a été adopté par votre assemblée lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sur l'assiette du calcul des retraites des marins-pêcheurs, qui consacre la prise en compte d'un revenu forfaitaire et non du revenu réel, dispositif qui serait plus favorable aux marins-pêcheurs que vous défendez. Je vous propose donc de vous associer à ce rendez-vous, qui aura lieu dans quatre ou cinq jours avec mon cabinet, pour régler à la fois les problèmes administratifs et les problèmes d'équité, concernant des gens qui ont beaucoup travaillé et qui ont droit à la solidarité nationale. Leurs pensions ont souvent été liquidées à un âge très précoce en raison d'une inaptitude à la navigation, et je sais que ce sujet est particulièrement important dans votre circonscription.
Monsieur Vigier, je partage vos propos. Comme vous, j'ai le souci que les agents de catégorie C soient mieux payés, mais il n'est pas juste de dire qu'il n'y a pas eu d'efforts réalisés. Je pourrai vous faire parvenir le document que j'ai sous les yeux, que j'ai d'ailleurs communiqué aux organisations syndicales, et qui montre que ce sont ceux qui ont connu la plus forte augmentation depuis 2015, du fait de certaines dispositions qui ont été prises. Il faut sans doute se pencher sur cette question, métier par métier, Avec le ministre de l'éducation nationale, M. Blanquer, nous travaillons actuellement sur la question des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), et nous allons aussi réfléchir avec la ministre des solidarités et de la santé, Mme Buzyn, sur celle des infirmières. Il faut savoir qu'il y a des professions qui ne correspondent pas tout à fait à l'idée que l'on se fait des catégories C, B et A. Par exemple, les professeurs, qui sont des agents de catégorie A, sont assez différents des agents de catégorie A des collectivités locales ou de l'État hors éducation nationale.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-sept heures quinze.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale