Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 2 novembre 2017 à 15h05
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - affaires sociales

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Je commencerai par répondre à M. Serville, dont les propos sur la Guyane m'étonnent un peu. J'y ai rencontré la semaine dernière les agents de la DGFIP, qui accomplissent un travail très important. La suppression de la taxe d'habitation dans ce territoire concernera un pourcentage de contribuables nettement plus élevé que la moyenne nationale, si ce n'est la quasi-totalité des habitants, ce qui appelle sans doute une réorganisation de la direction départementale des finances publiques.

Une mission d'inspection sera par ailleurs envoyée en Guyane dans les prochains jours pour évaluer le domaine public. L'une des difficultés tient, dans le cadre des accords signés par François Hollande, aux centaines de milliers d'hectares donnés aux Amérindiens, dont on ne connaît pas le bordage exact.

S'agissant des douanes, ce n'est pas d'ajouter dix, vingt, cent ou trois cents douaniers qui réglera le problème de l'aéroport de Cayenne, devenu en effet une plaque tournante du trafic de drogue. Le véritable problème, c'est que les passeurs sont des « mules », qui avalent des sachets de drogue. Il faut donc tout d'abord trouver un appareil qui permette de constater la présence de cette drogue, et les appareils que nous avons commandés dans d'autres ministères ne correspondent pas exactement à ce que demandent les douaniers. Ensuite, quand une mule est repérée, les douaniers la conduisent à l'hôpital, où ils doivent attendre des heures, de sorte que trois ou quatre ETP de douaniers sont bloqués pour un seul suspect, et que pendant ce temps des dizaines d'autres mules passent à l'aéroport sans être détectées. Ce n'est donc pas d'ajouter des douaniers qui réglera le problème.

L'intervention de M. Serville est très éloignée de la vie réelle de mon administration. Je pourrais mettre davantage de moyens sans que cela serve ni la lutte contre les stupéfiants ni la Guyane et ses habitants. C'est en vérité à un changement des procédures qu'il faut travailler, et chaque élu est confronté à cette problématique. Parfois, on peut gagner des ETP grâce à des procédures simplifiées. Au lieu d'ajouter, pour gérer les cas d'ivresse sur la voie publique, dix policiers municipaux qui passeront chacun sept heures à l'hôpital, le maire peut, comme à Tourcoing, signer avec le procureur et l'hôpital une convention prévoyant une file d'entrée particulière, ce qui permet de gagner six ETP de policiers. L'augmentation de la dépense publique depuis trente ans ne semble pas voir démontré son efficacité, puisque chacun se plaint ici que l'Etat soit paupérisé. Mieux vaut être dans l'action concrète que dans la posture des grands discours.

Je ne pensais pas, madame Obono, que vous vous cantonneriez à une démonstration comptable : je vous croyais plus politique. Vous avez au demeurant avancé beaucoup de chiffres contradictoires, confondant par exemple les annulations de crédits 2017 avec le budget 2018.

La lutte contre la fraude fiscale se fonde sur le renseignement, sur les conventions passées avec les pays étrangers, sur le travail en commun de TRACFIN, des services fiscaux et des douanes, sur les moyens informatiques et les données. Le big data, ce n'est pas réservé aux grandes entreprises qui font de la publicité sur Facebook : c'est aussi ce qui nous permet de dire qu'il y a plus de chances que telle entreprise ou tel particulier plutôt que telle ou tel autre, au vu de ses feuilles d'impôt numérisées, fraude le fisc. Ce n'est pas une simple question de moyens humains : cela demande un changement profond du travail des administrations. Ce n'est pas un sujet comptable.

Je n'ai pas entendu, monsieur Parigi, beaucoup de propositions de votre part. J'ai compris qu'il ne fallait pas mettre en place l'impôt à la source, ni généraliser la dématérialisation, alors que tout démontre pourtant que cela fonctionne, et qu'il ne fallait pas non plus supprimer d'emplois, mais je n'ai pas compris où étaient vos propositions. Je pense soutenir les agents de la DGFiP autant que vous. Il faudrait cependant que vous vous mettiez d'accord avec le président de la commission des finances de l'Assemblée, membre de votre parti, qui nous demande plus d'économies. Les mêmes qui, dans l'hémicycle, reprochent au Gouvernement de ne pas prévoir assez de suppressions d'emplois m'écrivent pour me demander de ne pas supprimer la trésorerie dans leurs circonscriptions. Une sorte de schizophrénie généralisée les empêche de voir que les décisions nationales ont parfois des conséquences locales.

Nous essayons de ne pas être démagogues. Le service public doit s'adapter au public. Il n'a pas été créé pour les fonctionnaires, les ministres ou les parlementaires, mais à un public qui a changé, suite à des mouvements démographiques, sociétaux, ou de modernisation.

J'ai pris la responsabilité de reporter d'un an la réforme de l'impôt à la source et de demander à l'inspection des finances et au cabinet Mazars de travailler en lien avec la DGFiP, qui a réalisé un énorme travail. Nous avons en même temps conduit une expérimentation. Il se trouve que le précédent Gouvernement avait décidé l'expérimentation après avoir pris sa décision, ce qui était un peu étonnant. L'expérimentation a permis de mettre fin à certains fantasmes, comme ce coût de 2 milliards d'euros pour les sociétés que j'ai entendu citer au Sénat.

L'accès à internet est, dans une partie de nos territoires, une question essentielle. Les agents de la DGFiP font preuve, dans cette période transitoire cruciale, d'une grande intelligence pratique : quand ils constatent des erreurs, ils appellent les gens et leurs proposent de les aider. Dans les territoires ruraux, les maisons de services au public (MSAP) permettent cet accompagnement, de même que les permanences territoriales sur lesquelles je travaille avec le directeur général et tout le réseau territorial. Il n'y a pas de sanction pour les gens qui ne sont pas passés à la déclaration en ligne s'ils n'ont pas internet chez eux.

Cet effort en faveur de l'accès à internet ne relève pas du ministre de l'action et des comptes publics, mais de MM. Mézard, Denormandie et Le Maire. Vous aurez toutefois constaté que les crédits sont là pour les autres budgets. L'administration accompagnera évidemment le mouvement, avec un effort accru dans les zones blanches.

Mme Magnier et M. Dussopt ont évoqué, chacun dans un sens opposé, les 120 000 suppressions d'emplois. Je ne suis pas, pour ma part, fétichiste des chiffres. Le projet du Président de la République est plutôt modéré, puisque certains candidats proposaient 300 000, voire 500 000 suppressions. Les 120 000 retenues seront déclinées comme suit : 70 000 dans la fonction publique territoriale, 50 000 dans la fonction publique d'État. On voit que c'est possible sans mettre à mal le service public, étant donné que le nombre de départs annuel est de plus de 150 000 du fait de la pyramide des âges.

Je ne pars pas du principe qu'il faille appliquer l'objectif mathématiquement, année par année, en divisant 120 000 par cinq. Le rôle du politique n'est pas d'être dans la comptabilité pure. Le Gouvernement souhaite avant tout freiner l'augmentation de la masse salariale causée par les créations de postes de ces deux dernières années. Pour 2018, nous proposons 3 600 suppressions de postes, soit 1 600 suppressions nettes si l'on tient compte de la création de postes de gendarmes, de policiers, de douaniers, de professeurs.

Le Président de la République a indiqué que, dans un premier temps, les missions seraient revues, à la lumière des questions suivantes : qu'est-ce que l'on continue de faire ? Qu'est-ce que l'on peut faire autrement ? Quel partage avec les collectivités ? Avec le privé ? Le débat politique aura donc lieu sur les missions, et lorsque nous en aurons tiré les conclusions, nous mettrons les moyens en face des missions, en sachant où supprimer des postes. Il n'y a aucune volonté de ne pas tenir une promesse électorale. Personne n'est très heureux de supprimer des postes, mais nous regarderons d'abord les missions, d'ici à février ou mars. C'est plus intelligent que la logique comptable : même si elle a pu s'avérer efficace ailleurs, la RGPP n'a pas été formidable pour la police nationale.

En ce qui concerne la CSG, n'ayez crainte : je m'engage devant vous à ce qu'aucun agent d'aucun des trois versants de la fonction publique ne voie son pouvoir d'achat baisser du fait de la CSG. Nous supprimons des cotisations – la fameuse contribution exceptionnelle de solidarité de 1 %, qui est en fait de 0,9 %, pour les fonctionnaires, et la cotisation maladie de 0,75 % pour les contractuels – et nous nous sommes engagés à prévoir une indemnité compensatrice. Il n'y a pas de sous-budgétisation. Les 3 milliards d'euros que coûte la compensation de la hausse de la CSG, c'est ce que rapporte l'augmentation de la CSG pour ces mêmes agents. Vous aurez d'ailleurs constaté que nous ne demandons pas aux collectivités locales de payer à notre place une augmentation de CSG décidée par le Gouvernement. Il aurait été assez facile d'augmenter le point d'indice pour solde de tout compte, mais cela aurait été payé en très grande partie par d'autres que l'État.

Au sujet des pensions, M. Delevoye, haut-commissaire aux retraites, est en pleine concertation ; je ne peux donc répondre avec précision au porte-parole du groupe MODEM, mais nous avons bien noté ses remarques.

Dire, monsieur Dussopt, que la différenciation du point d'indice, autre grand sujet de concertation avec les organisations syndicales, qui n'y sont pas très favorables, doit passer par un blocage de la mobilité, appelle la réponse suivante : c'est déjà le cas, puisque seuls 4 % des agents passent d'une fonction publique à l'autre. Il faut plutôt se demander ce qui les en empêche. Une ordonnance a été prise en conseil des ministres il y a quinze jours pour que le compte d'épargne temps (CET) ne soit plus perdu au passage. Beaucoup d'autres choses restent à faire, mais la différenciation du point d'indice n'affectera pas fortement une mobilité entre fonctions publiques qui est déjà très réduite.

Mon ministère, qui a consenti beaucoup d'efforts par le passé, n'est pas, dans ce budget, celui qui en consent le plus : ce sont le ministère de l'écologie et celui de la santé.

Enfin, peut-être faut-il, pour favoriser la mobilité, regarder les choses territoire par territoire, demander aux préfets de suivre la question avec les employeurs territoriaux. Je crois, plus généralement, qu'il faut changer notre vision des choses, non pas en supprimant un statut, mais en introduisant une certaine adaptabilité, de la modernisation, car 4 % est une proportion très faible. Cela devra faire partie, au second semestre 2018, de la réforme de la fonction publique souhaitée par le Président de la République.

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