Chère collègue, aucun de ces six principes n'est respecté dans le projet de loi. Votre réforme est, au contraire, injuste, coûteuse et trop complexe.
Elle est injuste, parce qu'elle modifie le mode de calcul des pensions de retraite. Celles-ci seront désormais calculées sur la base de toute la carrière, et non plus sur les seules vingt-cinq meilleures années. Cela se traduira concrètement par la baisse des pensions de millions de retraités. Cela concernera en particulier celles et ceux qui ont connu de mauvaises années, et aussi celles et ceux qui ont commencé au bas de l'échelle et qui se sont élevés par leur travail et leur mérite. C'est injuste pour les aides-soignantes devenues infirmières, injuste pour les ouvriers devenus contremaîtres ou cadres : ils seront rattrapés à leur retraite par leur début de carrière modeste.
Votre réforme est injuste, aussi, parce qu'elle va augmenter les cotisations des indépendants et des professions libérales. C'est injuste pour les avocats, pour les artisans, pour les commerçants, ou encore pour les kinés. La liste des perdants de votre réforme est – hélas ! – beaucoup plus longue ; il faudrait en particulier y ajouter les mères de famille
Votre réforme est injuste, enfin, parce que, quoi que vous en disiez, vous ne pourrez jamais totalement garantir la valeur du point – vous le savez très bien.
Votre réforme sera en outre très coûteuse, parce qu'elle n'est absolument pas financée. Elle ne comporte aucune mesure d'âge. Votre fameuse conférence de financement est déjà mort-née. Entre le déficit de notre système de retraite, le coût de votre réforme et vos promesses pour satisfaire les grévistes, vous allez devoir trouver plus de 20 milliards d'euros par an à partir de 2025. En vous obstinant à refuser de reculer l'âge légal de départ à la retraite, vous ne pourrez pas combler ce trou de 20 milliards d'euros sans baisser les pensions ou sans augmenter les impôts des Français – ou, malheureusement, sans faire les deux à la fois.
Enfin, votre réforme est tellement complexe que personne n'y comprend plus rien, à commencer par vous. Rendez-vous compte que vous allez faire cohabiter trois systèmes, selon que l'on sera né avant 1975, après 2004 ou entre les deux, tout en multipliant les dérogations et les exceptions !
Vous êtes incapables de répondre aux deux questions très simples que se posent les Français : quand pourrai-je partir à la retraite et quel sera le montant de ma pension ?