Nous avons eu hier un échange intéressant avec le rapporteur et le secrétaire d'État sur l'opportunité de limiter à 13 % la part des retraites dans le PIB. On m'a opposé, pour justifier ce choix, que le PIB croissant sans interruption depuis quarante ans, excepté en 1993, il n'y avait pas de raison que cela ne continue pas. J'entends l'argument ; mais, pour moi, ce qui est arrivé dans le passé n'est pas la garantie de ce qui arrivera. Par ailleurs, on est incapable aujourd'hui de prévoir ce que sera la croissance dans un an, comme le montrent clairement la surestimation constante des hypothèses de croissance sur lesquelles se fonde le vote du budget et la nécessité systématique d'un rattrapage.
Surtout, l'hypothèse d'une croissance infinie dans un monde fini est en elle-même problématique, comme le souligne dans une tribune publiée aujourd'hui par un millier de scientifiques – océanographes, biologistes, climatologues, sociologues, astrophysiciens, agronomes, etc. Ce qu'ils y disent est très intéressant : « Notre gouvernement se rend complice de cette situation en négligeant le principe de précaution et en ne reconnaissant pas qu'une croissance infinie sur une planète aux ressources finies est tout simplement une impasse. [Ses] objectifs de croissance sont en contradiction totale avec le changement radical de modèle économique et productif qu'il est indispensable d'engager sans délai. » Et de dénoncer « l'inconséquence et l'hypocrisie de politiques qui voudraient d'un côté imposer la sobriété aux citoyens tout en promouvant de l'autre un consumérisme débridé et un libéralisme économique inégalitaire et prédateur ».
Alors que 1 000 experts du climat nous expliquent qu'il faut changer le paradigme de notre société, vous reconnaissez qu'une réforme des retraites appelée à s'appliquer sur des générations repose sur l'hypothèse d'une croissance infinie. Nous aurons donc le choix entre la baisse du niveau de nos pensions et la destruction de l'humanité. Belle alternative !