La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623 rectifié, 2683).
Il vise à défendre une retraite spéciale pour des hommes spéciaux : les sportifs de haut niveau. La moitié des sportifs français vit actuellement sous le seuil de pauvreté. Pourquoi ? Parce que le sport est pour eux une passion à laquelle ils se consacrent pleinement : bien souvent, ils ne travaillent pas, pour pouvoir s'entraîner deux fois par jour. Le champion de décathlon Gaël Quérin déclarait ne pas avoir de quoi se payer lui-même une paire de baskets.
Un régime spécial a donc été instauré pour les sportifs de haut niveau, qui consiste à compenser, en leur attribuant des trimestres, la période durant laquelle ils ont été considérés comme tels. Nous pensons que ce dispositif doit être maintenu et amélioré.
En parlant de sport, je demande encore une fois à la majorité pourquoi nous sommes contraints à ce sprint législatif : pourquoi nous a-t-on fixé les élections municipales comme ligne d'arrivée à ne pas dépasser ? Nous aimerions une réponse. La porte de sortie la plus raisonnable a été proposée par Éric Poulliat, député La République en marche de Gironde, qui déclarait : « C'est le Gouvernement qui a fait le choix de déposer le texte à ce moment-là, juste avant les municipales. Quelle urgence y avait-il, alors qu'il faut se donner le temps sur une réforme aussi essentielle ? »
Donnons-nous le temps. Remettez-nous une étude d'impact que le Conseil d'État ne jugera pas insuffisante, sans projections financières lacunaires et sans flou sur l'âge de départ à la retraite et sur le taux d'emploi.
Renoncez à la procédure accélérée et, sur ces bases saines, un autre dialogue s'engagera avec les oppositions.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41889 .
Ayant déjà exposé hier soir nos préoccupations relatives aux sportifs de haut niveau, qui font l'objet de l'amendement de nos collègues socialistes, je souhaiterais résumer, en ce début de journée, où nous en sommes.
Hier soir, nous avons terminé la séance en constatant que vous n'aviez pas beaucoup de réponses à nous apporter. Une fois rentré, j'ai vu que la majorité avait tenu, dans la journée, une conférence de presse assez savoureuse dans laquelle elle se plaignait que l'opposition fasse son travail, c'est-à-dire qu'elle anime le débat en posant des questions de fond. C'est effectivement ce que nous faisons depuis le début de la discussion : nous essayons d'obtenir des réponses.
Pour ceux qui seraient tentés de prendre vos déclarations au pied de la lettre, je vais apporter un décryptage : nous décortiquons le projet de loi car c'est le travail qui nous est confié, afin de montrer pied à pied que, d'une part, nous ne sommes pas informés de ses implications réelles et, d'autre part, que ce projet est nocif. Voilà le travail que l'Assemblée nationale fait depuis quatre jours.
Les sous-amendements no 41891 de M. Pierre Dharréville, no 41896 de M. Sébastien Jumel et no 41900 de M. Pierre Dharréville sont défendus.
Sur l'amendement no 23976 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'amendement no 42304 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'amendement no 41889 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
Vous nous interpellez sur la situation des sportifs de haut niveau, dont les revenus sont faibles et à qui nous devons des dispositifs de soutien et de solidarité. Je comprends votre préoccupation, mais cette problématique ne relève pas de l'article 1er : elle est traitée à l'article 47, qui institue une attribution de points équivalente à un demi-SMIC, financée par le Fonds de solidarité vieillesse universel. Nous pourrons également revenir avec précision sur le sujet à l'article 8, qui porte sur la manière dont tous les assurés entrent dans le nouveau système universel.
J'aimerais à mon tour faire le point sur l'avancement de nos travaux.
Je n'ai pas le sentiment que ces amendements servent à décortiquer le texte.
Ils nous permettent de commenter des témoignages importants, certes, mais pas de décortiquer l'ensemble des articles. En réalité, après vingt-quatre heures d'échanges, nous sommes toujours à l'article 1er, entre le 1o et le 2o. J'aimerais relire devant vous le premier alinéa : « Le livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié : [… ] ».
Bien sûr, mais il est logique qu'une réforme des retraites modifie le code de la sécurité sociale.
Je relis également le deuxième alinéa : « Après l'article L. 111-2-1, il est inséré un article L. 111-2-1-1 ainsi rédigé [… ] ».
En réalité, pour le moment, nous n'avançons pas. J'espère que nous pourrons réellement examiner l'article 1er aujourd'hui – le décortiquer – , puis l'ensemble des articles, qui nous intéressent autant qu'ils intéressent nos concitoyens. J'émets donc un avis défavorable à l'ensemble des sous-amendements et à l'amendement lui-même.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites, pour donner l'avis du Gouvernement.
Hier soir, en fin de séance, nous avons pu entendre M. Juanico, qui connaît bien le sport et fait souvent référence sur le sujet. Je porte à la connaissance de l'Assemblée nationale la réponse que j'ai eu l'occasion de lui donner : le dispositif actuel évoqué par M. Ruffin, qui consiste en une majoration de la durée d'assurance, n'a pas de sens dans un système par points. Nous le transformerons donc en une majoration de points équivalente qui permettra aux sportifs de préparer, comme aujourd'hui, leur retraite dans des conditions compatibles avec la pratique du sport à haut niveau, qui est une préoccupation importante pour notre pays, particulièrement à l'approche des Jeux olympiques. Défavorable.
J'autoriserai trois prises de parole : M. Girardin, M. Woerth et M. Quatennens.
Protestations sur les bancs du groupe GDR.
Je ne peux pas laisser parler tous les groupes à chaque fois, nous avons déjà débattu de ce sujet.
Nouvelles protestations sur les bancs du groupe GDR.
Je ne change pas la règle. Nous avons déjà débattu du sujet hier, trois prises de parole suffiront.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il se trouve que j'ai présidé à la destinée d'un club de basket professionnel pendant dix-huit ans. Je connais donc bien la question, qui est d'ailleurs plus liée à la reconversion des sportifs de haut niveau qu'à un véritable problème de préparation de la retraite, même si ce point est fondamental. En effet, certains sportifs de haut niveau ne gagnent pas beaucoup d'argent au cours de leur carrière, y compris pour les sports dits indoor comme le basket et le handball.
Notre collègue Aude Amadou, ancienne handballeuse professionnelle, a fait une reconversion par la formation. C'est pour moi un bel exemple de parcours d'un sportif de haut niveau et nous pouvons l'applaudir.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Son exemple offre à la représentation nationale un bel aperçu de la progression de carrière que peuvent envisager les sportifs de haut niveau, qui possèdent un atout fondamental : celui d'avoir, à travers leur pratique sportive professionnelle, accumulé des compétences et une image qui leur offrent une belle possibilité de rebond dans le monde professionnel.
Bien sûr, il faut accompagner leur entrée dans le monde du travail pour amortir le passage de la pratique sportive de haut niveau à une autre activité. C'est ce qui est prévu à l'article 47, comme l'ont fait remarquer M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'État.
Vous brûlez les étapes : l'article 47, on y viendra dans un mois et demi !
Si nous arrivons jusque-là, vous verrez que nous avons prévu de déployer un arsenal pour accompagner les sportifs professionnels.
Mêmes mouvements.
J'abonde dans le sens de mon collègue. Nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes par le biais de la retraite : ce serait trop simple.
C'est au cours de la carrière qu'il faut remédier à l'inégalité, à l'injustice ou à la pénibilité. Les sportifs de haut niveau savent qu'ils ne le resteront pas éternellement. Il n'y a aucune surprise à cet égard, et, en conséquence, des dispositifs permettent d'accumuler des trimestres – demain, des points – supplémentaires.
La vraie question est celle de la reconversion. Le sport de haut niveau n'appelle pas la prise en considération d'une pénibilité, mais un meilleur accompagnement de la transformation de la vie professionnelle. Cela se prépare. C'est de cela qu'il faut parler pour ce type de profession, plus que de retraite.
M. Éric Girardin applaudit.
En général, dans l'imaginaire collectif, les sportifs de haut niveau sont associés à l'idée de hauts revenus. À tort puisque, longtemps, les sportifs ont été contraints à l'amateurisme, car participer aux jeux et compétitions les empêchait de travailler, donc de cotiser. La question qui se pose aujourd'hui est donc de savoir si nous considérons le sportif comme un professionnel à part entière. En 2012, l'État a choisi de pallier le problème à travers un dispositif malheureusement non rétroactif, en instaurant une majoration de cotisation de seize trimestres.
La question qu'il faut se poser à ce sujet à l'heure de la réforme des retraites est la suivante : combien de sportifs de haut niveau sont laissés sur le carreau ? Qu'en est-il de celles et ceux qui ne figurent pas sur la liste officielle des sportifs de haut niveau ? La question est un peu la même que celle que je vous posais hier soir sur les pompiers, monsieur le secrétaire d'État : comment convertir en points des dispositifs en annuités – ici, les seize trimestres accordés aux sportifs de haut niveau ?
Enfin, je m'associe à l'émotion de mes collègues. J'ai vu hier que tous les procédés étaient permis pour surjouer l'indignation en vue de la préparation de l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, …
… notamment celui auquel a eu recours M. Florian Bachelier, qui s'est offusqué du fait qu'« une journée d'obstruction parlementaire coûte 1,5 million d'euros ». Je lui propose de pousser son raisonnement jusqu'au bout : pourquoi ne pas fermer l'Assemblée nationale ? Ce serait moins cher.
Nous sommes, quant à nous, partisans de la solution la moins onéreuse et la plus conforme à l'opinion majoritaire du pays : le retrait de la réforme !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Deux autres personnes, dont au moins un sportif de haut niveau, ont demandé la parole : M. Bruneel d'abord – je ne sais pas s'il l'est – , puis M. Pahun. Le sujet sera traité à l'article 57 du texte, mais je les laisse exceptionnellement intervenir avant que nous passions au vote.
Je suis rugbyman, monsieur le président : troisième ligne, trois-quarts aile !
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Contrairement à ce que dit M. le rapporteur général, le débat est important. Parmi les grands principes du projet de nouveau système de retraite, on trouve l'universalité ; or l'on s'aperçoit, en parlant des avocats, du personnel hospitalier ou des sportifs de haut niveau, qu'il y a des spécificités dans l'universalité. C'est un aspect important que nous tentons d'exprimer, car il ressort de nos rencontres et des témoignages poignants que nous recevons et dont nous nous faisons le relais à l'Assemblée nationale. Ne nous dites pas que nous n'avons pas le droit de nous exprimer : nous avons le droit d'être en désaccord avec vous, cela fait partie du débat.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Si vous ne voulez pas que l'on débatte, délibérez entre vous et dites clairement : « Nous n'avons pas besoin de l'avis de l'opposition, elle n'a pas à s'exprimer. » Cela vaudra mieux pour tout le monde, y compris pour vous. Nous nous exprimons, car nous avons le droit de dire ce que nous pensons, comme vous avez le droit de dire ce que vous pensez. Et nous ne sommes pas favorables à cette réforme car, je le rappelle encore une fois, nous sommes dans un rapport de lutte des classes : vous êtes pour les riches, nous sommes pour les salariés !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également. – Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il faut parler non de « sportifs de haut niveau » mais d'« athlètes de haut niveau » : il s'agit de trimestres accordés – quatre seulement – aux sportifs figurant uniquement sur les listes olympiques en classement élite ; très peu de personnes sont donc concernées. J'ai le souvenir d'un équipage de voile constitué d'un professeur de sport détaché et d'un sportif indépendant qui, lui, n'a jamais réussi à percevoir une retraite équivalente.
Sourires.
Pourquoi faire toute une histoire d'une toute petite niche qui a été accordée il y a quelques années ? Depuis, les choses ont encore évolué : ces athlètes de haut niveau ont toujours, plus ou moins, signé des contrats sportifs avec la douane ou la marine, notamment, qui leur permettent de vivoter de la pratique de leur sport. Un beau projet de loi sur le sport est sur le point de nous être présenté : nous nous efforcerons de les aider encore davantage pour que la France rapporte beaucoup de médailles en 2024 !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 7
Contre 42
Le sous-amendement no 42304 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 8
Contre 42
Le sous-amendement no 41889 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 10
Contre 43
L'amendement no 23976 n'est pas adopté.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à neuf heures vingt, est reprise à neuf heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement no 23966 qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l'amendement.
Il vise à inscrire dans le texte un principe général, puisque tel est l'objet de l'article 1er : établir un cadre structurant. Le Gouvernement et la majorité revendiquent ce texte comme une grande réforme de progrès : eh bien, nous les prenons au mot en plaidant pour l'inscription d'un principe général de non-régression des droits au sein du code de la sécurité sociale.
Ce serait une marque de prudence, parce que le taux de remplacement – le taux de rendement, pour employer les mots du secrétaire d'État – n'est pas garanti dans le temps : si le taux de 5,5 % est aujourd'hui évoqué, tout dépendra de l'évolution de l'indexation, d'autant que, jusqu'en 2045, la valeur d'achat et la valeur de service du point ne seront pas liées. Le niveau de remplacement des pensions suscite naturellement des inquiétudes, avec la crainte, notamment, d'un décrochage du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs, une crainte qui se nourrit du durcissement des règles applicables aux chômeurs et de l'allongement de la durée de vie au travail, qui pénalisera au premier chef les carrières hachées et celles qui ont commencé tôt, en particulier celles des femmes.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41812 .
Vous connaissez notre attachement au principe de non-régression sociale : nous avons même proposé qu'il soit inscrit dans les textes européens, afin de favoriser une véritable dynamique sociale au sein de toute l'Europe.
Ce sous-amendement, dont l'objet est de renforcer encore la rédaction de l'amendement, vise à inscrire « solennellement » ce principe dans le texte. Il conviendra également d'inscrire clairement la résorption des inégalités entre les femmes et les hommes dans le texte – ce sera l'objet d'un prochain sous-amendement.
Mes chers collègues, vous avez expliqué que ce texte permettra de lutter contre les inégalités. Nous en doutons, mais si telle est réellement votre intention, il ne coûte rien de le préciser à l'article 1er, dont la fonction est d'établir les grands principes du texte.
Si nous nous montrons aussi prudents en demandant l'inscription, à l'article 1er, de fortes garanties s'agissant notamment du principe de non-régression, c'est parce que le niveau des pensions, dans les pays qui ont choisi le régime de retraite par points, a subi de graves régressions. Nous avons déjà évoqué cet exemple : la valeur du point a été abaissée en Suède à trois reprises depuis 2001, ce qui a accru le nombre des retraités pauvres.
Nous contestons le fond de la réforme ; mais si vous la jugez si formidable, à défaut de la soumettre au verdict du peuple par la voie du référendum, comme nous vous l'avons demandé, vous pourriez tout au moins accepter d'inscrire à l'article 1er la garantie solennelle du principe de non-régression.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir le sous-amendement no 41818 .
Votre conviction que le produit intérieur brut est appelé à progresser amène à poser la question de la régression sociale, et, plus particulièrement, celle de la baisse du niveau des pensions. Vous n'êtes pas sans savoir, en effet, que la France a signé les accords de Paris, qui remettent en cause l'organisation actuelle de l'économie mondiale.
Cette remise en cause ne saurait évidemment garantir la croissance du PIB au niveau où vous le prétendez, où l'OSCE – Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – le prétend, car tous ceux qui arguent d'une telle perspective ne prennent pas en considération l'évolution de l'économie et oublient qu'il faudra, en raison de cette évolution même, à un moment donné, consacrer une part plus importante des richesses aux retraites.
Vous en êtes restés aux principes économiques de l'ancien monde ; nous vous invitons à passer aux nouveaux principes économiques et, donc, à considérer que le point devra être calculé d'une manière différente de celle que vous proposez.
La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir le sous-amendement no 42109 .
Notre inquiétude concerne la situation des mères de famille, qui bénéficient actuellement de huit trimestres par enfant dans le calcul de leur retraite. Qu'adviendra-t-il de leur situation dans le nouveau régime ? Nous ne sommes pas rassurés sur une éventuelle équivalence en points de ces trimestres.
La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et les sous-amendements.
Il me semblait avoir déjà examiné cet amendement : avant-hier, en effet, nous avons examiné l'amendement no 23978 de Mme Biémouret. Certes, la rédaction en est différente : celui-ci propose que les réformes de notre système de retraite « contribuent à la résorption des inégalités », quand celui de Mme Biémouret proposait que ces mêmes réformes « résorbent les inégalités ». C'est la démonstration…
Vous n'êtes pas président, vous êtes rapporteur ! Donnez votre argumentaire !
C'est la preuve que nous ne débattons pas du fond du texte. Chacun a ses soutiens. Je reçois des messages : un grand nombre de personnes s'interrogent sur la progression de nos débats, puisque nous en sommes toujours après le 1o de l'article 1er et, loin d'avancer, nous examinons des amendements dont la rédaction est à peine modifiée. Le président de notre groupe les a appelés des « amendements point-virgule », …
Eh bien, parlons du fond : expliquez-nous comment vous envisagez la croissance du PIB, comment l'OSCE l'a calculé !
Avis simplement défavorable, puisqu'il n'y a pas besoin d'argumenter sur un amendement et des sous-amendements strictement similaires à ceux dont nous avons déjà débattu.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.
Nous avons bien entendu l'inquiétude de Boris Vallaud. Il s'interroge sur la place qui sera donnée à la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes dans le nouveau système de retraite. Sur ce point, j'ai bien entendu également qu'Éric Woerth, et je ne crois pas que ce soit balayer la question d'un revers de main que de dire que, pour réduire ces inégalités, le premier travail est à mener au sein même des entreprises et de la société, par des actions concrètes. À cet égard, j'ai déjà eu l'occasion de parler de l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes défendu par Mme Muriel Pénicaud et diffusé par le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Cela étant, monsieur Vallaud, vous avez souligné un point important : le système actuel amplifie les inégalités, …
… puisque d'un écart de salaire de 20 % résulte un écart de pension de 42 %.
Cela tient à ce que ce système ne permet pas que la pension reflète strictement la carrière : c'est l'une de ses limites. Comme vous avez pu le lire dans l'étude d'impact – même si vous en avez contesté la pertinence à plusieurs endroits, je sais que vous en avez reconnu l'intérêt à d'autres – , grâce à la réforme, la pension moyenne des futures retraitées progressera de 6 % à 13 % pour les générations 1980 et 1990, alors que celle des hommes sera inchangée pour la génération 1980 et progressera de seulement 6 % pour la génération 1990. La dynamique sera donc très positive pour les pensions des futures retraitées.
Madame Faucillon, pour être honnête, votre propos revenait sur un sujet déjà abordé.
Il n'y a aucune taquinerie dans mon propos. Je prendrai d'ailleurs quelques minutes pour vous répondre. Vous avez évoqué le modèle suédois. À ce sujet, je vous invite à lire la très bonne synthèse du Sénat, auquel on ne peut pas reprocher d'être aligné sur la position politique de l'actuelle majorité – et quand bien même : cela ne l'empêcherait pas d'être objectif.
Je ne doute pas que vous lirez avec intérêt et objectivité ce rapport accessible sur le site internet du Sénat, et qui explique bien le fonctionnement du système suédois : il s'agit d'un régime par comptes notionnels incluant une part de capitalisation.
Le rapporteur Nicolas Turquois a déjà expliqué dans le détail les raisons pour lesquelles les deux systèmes sont absolument incomparables. Nous avons fait un choix politique : nous ne voulons pas d'un système par comptes notionnels avec une part de capitalisation. Nous sommes pour la répartition, pour une répartition la plus large possible – c'est pour cela que nous avons décidé de porter à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS, l'assiette des cotisations retraite du nouveau système.
Je vous laisse prendre connaissance, si vous le souhaitez, de ce rapport : il contient les réponses à certaines de vos questions.
Avis défavorable.
Rappel au règlement
Je fonde mon rappel sur l'article 100 du règlement.
J'ai l'impression que les règles du jeu ont changé.
« Oui ! » sur les bancs du groupe GDR.
Je sais bien que l'on a déjà beaucoup parlé de l'article 1er, qui fait l'objet de nombreux amendements et sous-amendements, et vous pouvez considérer que ce que nous en disons est redondant. Mais, étant donné ce nombre élevé d'amendements et de sous-amendements, ceux qui n'ont pas pour politique d'en déposer beaucoup ne peuvent plus prendre la parole, ou alors seulement une fois toutes les heures et demie lorsque deux ou trois orateurs du groupe sont présents. Cette situation n'est évidemment pas tenable.
Si les amendements et sous-amendements n'avaient aucun intérêt, le secrétaire d'État n'apporterait pas de réponses aussi longues et justifiées – tout à fait intéressantes, d'ailleurs. Je ne vois donc pas pourquoi, tout d'un coup, un député ne pourrait pas disposer de deux minutes pour s'exprimer sur un amendement alors que le ministre en prend dix pour répondre.
De plus, le Gouvernement a souhaité que l'article 1er soit général, global, et qu'y figurent tous les principes. Il est donc logique que l'on en débatte ! Ou alors on n'examine pas l'article 1er, on passe directement aux suivants et, comme l'a suggéré le rapporteur général, on travaillera plus en détail, à mesure de l'examen du projet, les différentes notions qui le structurent.
Article 1er
Nos collègues posent des questions importantes, mais qui, peut-être, induisent une certaine confusion. On ne peut pas vouloir à la fois réduire les inégalités et conserver intégralement les acquis aujourd'hui, demain et pour l'avenir : …
… c'est contradictoire. Maintenir les droits acquis est très important : les articles 35, 36, 37, 38 et 39 du projet de loi sont là pour maintenir les droits acquis par les personnes, à titre individuel, au cours de l'ensemble de leur carrière. Ces articles feront l'objet de discussions très importantes et nourries, notamment s'agissant des régimes spéciaux et des catégories actives.
Concernant la réduction des inégalités, telle que vous la souhaitez, elle signifie faire plus pour certains, et donc faire moins pour d'autres.
En réalité, on retrouve dans votre amendement notre engagement de redistribution et de justice sociale ; seulement, vous vous contredisez…
… en indiquant qu'il faut à la fois conserver les acquis de tout le monde – y compris, a priori, les plus avantageux – et redistribuer.
Nous assumons calmement notre choix de redistribution…
… en particulier, comme vous le souhaitez, des hommes vers les femmes et de certains déciles vers d'autres.
Je pense qu'il était bon de préciser les termes : si je me trompe, précisez donc vous-même votre pensée qui, pour l'instant, est confuse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Sensible à votre argument, monsieur Woerth, je vais autoriser une prise de parole par groupe.
La parole est à Mme Cendra Motin.
La valeur du point ne baissera pas : c'est écrit à l'article 9 du projet de loi.
Grâce à un amendement du rapporteur du projet de loi organique devenu ministre des solidarités et de la santé, c'est également inscrit à l'article 1er du projet de loi organique. Une autre chose est aussi écrite dans le projet de loi organique, que nous avons réussi à adopter en commission – je le rappelle, car ce n'était pas gagné d'avance : le niveau des pensions ne baisseront pas, elles non plus.
S'agissant de la réduction des inégalités, le geste que nous faisons envers les femmes, nous le faisons aussi pour tout un tas de gens qui exercent le même métier sans pour autant avoir le même statut. Je tiens à rappeler, car c'est important, qu'aujourd'hui, si des infirmières font un travail remarquable dans les hôpitaux, d'autres, indépendantes, font un travail tout aussi remarquable dans nos campagnes. Pourtant, elles n'ont pas les mêmes conditions de départ à la retraite. Il en va de même des comptables, qui font un travail remarquable, que ce soit à l'opéra de Paris, …
… à la SNCF, dans les ministères ou dans des entreprises : eux non plus ne partent pas tous dans les mêmes conditions.
Aujourd'hui, dans notre société, tout le monde a le droit d'être traité justement, équitablement – sachant que l'équité n'est pas forcément l'égalité – ,…
… et c'est ce que nous cherchons à permettre grâce au nouveau système universel de retraite. Nous ne pourrons pas gommer toutes les injustices du passé, mais nous pouvons au moins essayer de faire en sorte que l'avenir soit meilleur pour chacun et chacune.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je souscris à l'idée que la réforme des retraites ne peut pas résoudre tous les problèmes d'inéquité et d'injustice qui existent, notamment dans le monde du travail. C'est d'ailleurs pour cela qu'au-delà des retraites, nous faisons référence à une politique globale.
Je regrette donc que nos propositions pour l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, par exemple, aient été refusées. Je me souviens d'avoir défendu un amendement qui visait à sanctionner les entreprises qui ne respectaient pas l'égalité de salaire entre les hommes et les femmes. On me dit que l'index de l'égalité professionnelle y suffit : non, l'index n'y suffit décidément pas.
Si l'égalité salariale entre les hommes et les femmes existait actuellement dans les entreprises, elle serait l'un des éléments – certes, pas le seul – permettant de soutenir le système de retraites actuel. Nous ne pouvons donc pas penser la retraite indépendamment de toute autre considération, notamment sans parler d'égalité : cela empêche de prendre en considération des solutions qui existent déjà et permettant d'atteindre réellement l'égalité que vous visez dans le texte.
Soyons précis dans nos formulations. Madame Motin, il est effectivement écrit dans le texte que la valeur du point ne baissera pas.
Je n'ai jamais dit le contraire. Mais cela ne signifie pas que le taux de rendement des cotisations, lui, ne baissera pas !
Approbation sur les bancs des groupes GDR et FI.
C'est même tout l'inverse, et cela change radicalement les choses : le taux de rendement pourra baisser.
Il ne sera pas de 5,5 % jusqu'en 2045, car, jusqu'à cette date, les indexations de la valeur de service et de la valeur d'achat ne sont pas liées. Elles ne le seront qu'à partir de 2045 – et encore, sous réserve de l'équilibre financier du système, car votre règle d'or ne porte sur aucun des droits sociaux, mais sur l'équilibre financier du système.
Je vous mets au défi de garantir ce taux de 5,5 % pour toute la vie, car il n'est pas inscrit dans la loi ! De plus, il s'agit du taux de rendement brut, et non du taux de rendement réel qui, lui, est inférieur : il est plutôt de l'ordre de 5 %, voire inférieur pour les indépendants. Le secrétaire d'État pourra le confirmer.
Vous dites également que le niveau des pensions ne baissera pas.
Il ne baissera certes pas en valeur nominale, mais en pouvoir d'achat ? Peut-être ne progressera-t-il pas, car il pourrait être indexé sur l'inflation. Que se passera-t-il alors ? La part du PIB consacrée aux retraites va diminuer – c'est inscrit dans l'étude d'impact – , le nombre de retraités va augmenter : le taux de remplacement va donc bien baisser !
De fait, le niveau de vie des retraités baissera par rapport à celui des actifs : personne ne peut dire le contraire, c'est une réalité ! Aujourd'hui, le niveau de vie des retraités représente 106 % de celui de l'ensemble de la population ; dans quarante ans, il sera de 75 %. Nous aurons gommé quarante ans d'alignement des retraités sur les actifs !
Ce n'est pas vrai ! Faites-moi la démonstration que nous aurons le même taux de rendement ou de remplacement ! Vous en êtes incapables, car ce n'est pas vrai.
C'est même l'inverse qui est inscrit dans le texte. À partir de 2040, même les dépenses de solidarité vont diminuer par rapport à la trajectoire. Tout ce que vous dites est bidon !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous dites que le système actuel aggrave les inégalités : ce n'est pas vrai ! Vous comparez un flux à un stock : il existe un stock de retraités au sein duquel des écarts existent, certaines femmes ayant été sur le marché du travail jusqu'à quarante ans avant d'autres ; vous ne pouvez pas comparer les salaires d'aujourd'hui avec ceux d'il y a quarante ans !
Je termine. Deux choses encore : tout d'abord, en sortant du système les 1 % de Français les plus riches, vous réduisez de manière certaine l'écart interdéciles.
Et en mettant 40 % des femmes au minimum contributif, qui, vingt ans après leur retraite, ne vaudra plus que 70 % du SMIC, vous réduisez évidemment les écarts. Mais tout cela n'est que de la poudre aux yeux !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Nous discutons bien de l'amendement de M. Vallaud – et des sous-amendements afférents – aux termes duquel « les réformes relatives aux retraites ne conduiront pas à une régression des droits des assurés ».
À nouveau, je reprends le texte du projet de loi – on me reprochera peut-être de faire une fixette, mais il me semble que c'est bien pour travailler sur un texte de loi que nous sommes ici, et non pour avoir des discussions générales à l'infini : « Un objectif de solidarité, au sein de chaque génération, notamment par la résorption des écarts de retraites entre les femmes et les hommes ».
Je suis désolé, mais je trouve cela beaucoup mieux écrit que dans votre amendement, monsieur Vallaud, que nous ne soutiendrons donc évidemment pas.
Vous êtes désormais arrivé, mais nous avions constaté qu'en votre absence, les sous-amendements tombaient plus rapidement !
Bien joué ! Suspensions de séance et autres… Ce petit jeu est très fatigant, mais nous irons jusqu'au bout et nous ne lâcherons pas !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
M. le rapporteur Maire nous a expliqué qu'avec le futur système, certains allaient y perdre : le débat commence à avoir un peu de piquant… Je demande donc évidemment à M. Maire de bien vouloir, au fur et à mesure des interventions, égrener la liste de celles et ceux qui vont effectivement y perdre. C'est important pour éclairer le débat.
Pour notre part, nous disons que si l'on sort d'un système de solidarité et que l'on individualise les retraites, tout le monde y perd, à l'exception de ceux ayant les plus hauts revenus – d'ailleurs, vous les sortez du jeu !
Le secrétaire d'État m'ayant invité à des lectures, je vais faire de même. Parmi les nombreux documents qui traitent des inégalités entre les hommes et les femmes, il y en a un que vous avez déjà dû étudier il y a deux ans, à l'occasion d'une niche parlementaire du groupe GDR : il s'agit d'une proposition de loi visant à lutter contre la précarité professionnelle des femmes et qui traitait du temps partiel subi. Comme vous devez le savoir, aujourd'hui, les principales inégalités entre les hommes et les femmes ne sont pas celles constatées à poste égal ou au sein d'une même entreprise – qui n'en sont pas moins scandaleuses – , mais celles résultant du fait que les femmes pâtissent plus que les hommes du temps partiel subi.
Pour réduire ces inégalités, vous auriez pu, d'une part, voter cette proposition de loi – que nous pourrions d'ailleurs vous soumettre de nouveau. D'autre part – c'est un sujet que vous écartez des débats – , l'augmentation des salaires des femmes permettrait d'abonder les cotisations salariales à hauteur de 6,5 milliards d'euros par an, selon les estimations, et ainsi de combler le déficit dont l'annonce justifie votre catastrophisme – même si nous dénonçons les avertissements alarmistes à ce sujet du Conseil d'orientation des retraites, le COR. Peut-être pourrions-nous vous entendre au sujet de ces propositions, monsieur le secrétaire d'État.
Sur l'amendement no 23966 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Woerth.
Il convient de regarder la réalité en face : en matière de retraites comme dans d'autres domaines, on ne peut pas affirmer, ou écrire, qu'un système ne sera pas régressif quoi qu'on fasse. La loi peut en effet tout changer. Évidemment, je ne souhaite pas, moi non plus, que notre société régresse. Mais le système est bien plutôt évolutif, comme celui qu'il entend remplacer, …
… et il évolue en fonction de notre capacité à garantir son financement. À défaut de pouvoir le financer, nous serons contraints de le changer et nous en reviendrons au même débat. Le financement peut se faire de nombreuses façons. Mais aucun droit n'est inscrit définitivement dans le marbre.
De ce point de vue, le Gouvernement – tout comme Cendra Motin – a tort d'affirmer qu'il garantira la valeur du point. C'est la valeur absolue du point qui est garantie, mais tout dépend des évolutions de plusieurs paramètres : elle n'est absolument pas garantie en valeur relative, par rapport à la richesse de la société française. Rien n'est garanti !
Ce qu'il convient de garantir, c'est que les Français bénéficient toujours, dans le cadre du régime par répartition, d'un haut niveau de pension par rapport à d'autres pays. Ce niveau doit à la fois refléter la carrière et compenser les grandes inégalités qui n'ont pas pu l'être durant cette carrière. C'est la seule garantie que nous puissions offrir aujourd'hui, et elle requiert l'équilibre financier du système. Nous en revenons donc à nos débats originels : nous sommes incapables, aujourd'hui, de garantir cet équilibre car le Gouvernement ne nous informe pas de la façon dont il veut y aboutir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais apporter une précision sur un propos de M. Vallaud qui m'a surpris, selon lequel notre réforme aboutirait à ce que les revenus perçus par les retraités passent de 106 % à 75 % du revenu moyen.
N'ayant pas ce chiffre à l'esprit, j'ai fait quelques recherches. Selon un tableau présenté par le COR en juin 2019, il est indiqué qu'en l'absence de réforme, si l'on maintenait l'indexation sur l'inflation, on aboutirait à cette situation en 2070.
Il faut donc cesser de faire peur aux gens ! Je confirme mon avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Protestations sur les bancs du groupe SOC.
M. Vallaud a été mis en cause personnellement ; il devrait pouvoir s'exprimer !
Chaque groupe qui l'a souhaité s'est exprimé. Nous ne pouvons pas jouer au ping-pong en multipliant les réponses aux réponses ! Il reste 32 000 amendements à étudier, ce qui vous laissera le temps de vous exprimer.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 12
Contre 52
L'amendement no 23966 n'est pas adopté.
Sachant que j'allais prendre la parole immédiatement après le vote, j'ai renoncé à intervenir à l'instant, mais je vais répondre au rapporteur. Les perspectives du COR sont bien conformes à ce qu'il vient de dire ; je n'ai jamais dit l'inverse ; j'en ai même parlé hier. Mais votre réforme va-t-elle modifier cette situation ? En rien ! Elle va même l'aggraver, puisque la part du PIB consacrée aux recettes va diminuer. Vous ne pouvez pas faire la démonstration du contraire, à moins d'être un magicien – mais dans ce cas, plutôt dans le genre de Garcimore.
Sourires.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41803 .
M. Maire comme Mme Motin ont soulevé des questions importantes.
M. Maire estime qu'il faudrait choisir entre le maintien des droits et la résorption des inégalités. Puisque notre système de retraite a été dégradé, nous proposons au contraire de garantir le niveau des droits tout en résorbant des inégalités inacceptables du système actuel. La prétendue opposition entre les deux ne tient pas ! Il faut être plus dialectique ; c'est ce que nous vous reprochons de ne pas faire. Vous refusez d'accroître la part globale des richesses produites consacrée aux retraites, ce qui vous contraint à la contradiction que vous soulignez. Nous avons là un sujet de débat qu'il faut reconnaître ; discutons-en dans cette enceinte.
Quant aux garanties prétendument formidables annoncées par le texte, elles n'existent pas ! Vos annonces ne sont que du trompe-l'oeil, du faux-semblant et des slogans. M. Vallaud comme M. Woerth l'ont montré.
Il faut clarifier les choses et arrêter d'user de faux-semblants et de slogans qui trompent les Françaises et les Français. Ce texte ne comporte d'autre garantie que la règle d'or, c'est-à-dire le respect d'équilibres macro-économiques que vous avez prédéterminés, dont la variable d'ajustement sera le niveau des pensions individuelles distribuées et l'âge de départ, de plus en plus tardif. Telle est la logique profonde de votre système. Le reste n'est qu'arguties trompeuses.
Mme Elsa Faucillon applaudit.
Il a souvent été affirmé que les femmes seraient les grandes gagnantes de cette réforme. Visiblement, elles n'en sont pas tout à fait conscientes puisqu'elles sont nombreuses à la refuser et se mobilisent pour cela jusqu'aux portes de l'Assemblée nationale.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Pourquoi les femmes ne seront-elles pas les grandes gagnantes mais plutôt les grandes perdantes de la réforme ? D'abord du seul fait de la modification du calcul des pensions : les femmes seront les premières à pâtir du passage d'un calcul fondé sur les vingt-cinq meilleures années dans le privé, et sur les six derniers mois dans le public, à un calcul fondé sur l'ensemble de la carrière.
En effet, les femmes représentent une proportion considérable des titulaires de contrat de travail précaires ; 80 % des postes à temps partiel, notamment, sont occupés par des femmes. Par ailleurs, les femmes gagnent en moyenne 25,7 % de moins que les hommes. Nous avons eu l'occasion de vous répéter à plusieurs reprises que notre souhait n'est pas d'instaurer un âge d'équilibre financier, comme vous le faites, mais un âge d'équilibre personnel, qui permette de partir en retraite à un âge décent – 60 ans – , avec un bon niveau de pension. Or figurez-vous, chers collègues, qu'à court terme, le financement de la retraite à 60 ans pour toutes et tous passe par l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, grâce aux cotisations sociales supplémentaires induites.
Lorsqu'il s'agit de faire des cadeaux à quelques-uns, les plus riches, vous êtes toujours très généreux, mais quand il s'agit d'en faire au bas peuple, et pourquoi pas aux femmes, vous l'êtes beaucoup moins !
Prenons l'exemple de la majoration de pension pour les enfants : vous vantez votre réforme en soulignant qu'il ne sera plus nécessaire d'avoir trois enfants pour en bénéficier, et que cette majoration sera attribuée dès le premier. Certes, mais la majoration de 10 % passe à 5 % et pourra être, à la discrétion du couple, attribuée à l'homme ou à la femme.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Mais, dans la mesure où les hommes perçoivent en général des rémunérations supérieures, dans les couples hétérosexuels, il existe de grands risques que les femmes ne soient en réalité pénalisées !
Je saisis l'occasion de m'exprimer de nouveau pour développer mon raisonnement, car deux minutes n'y suffisent pas. J'en viens à la valeur du point, en réponse notamment à notre collègue Motin, et je prendrai à témoin les Français qui suivent nos débats.
Depuis que nous avons affirmé – ce que je confirme – que votre réforme provoquera une baisse généralisée du niveau des pensions ou un décalage de l'âge d'équilibre, ce qui revient au même, un nouvel élément de langage a été mis en avant par les députés du groupe La République en marche : la valeur du point serait garantie. Mais le texte, mes collègues l'ont souligné avec raison, ne contient pas de garantie ; et, quoi qu'il soit, la valeur du point n'offre aucune garantie quant au niveau des pensions.
Il existe en effet deux valeurs, celle d'acquisition et celle de service, entre lesquelles se fera l'ajustement de l'âge d'équilibre et du coefficient de conversion. Il est clair que vous visez l'équilibre financier sans consacrer une part plus importante de richesses aux retraites. Il n'existe donc qu'une seule variable possible, le niveau des pensions, à moins de compter sur une croissance incroyable – qui ne serait pas responsable au vu du changement climatique. Cette réforme prépare donc bien la baisse généralisée du niveau des pensions et toutes ces arguties sur la valeur du point ne sont pas nécessaires : elle n'offre aucune garantie quant au niveau des pensions.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et sur les sous-amendements ?
Des garanties sont bien prévues, à l'article 55 du projet de loi ordinaire et à l'article 1er du projet de loi organique : les pensions ne peuvent pas baisser, la valeur du point sera fixée sur l'évolution des revenus d'activité – qui ne pourra pas être inférieure à l'inflation – et la gouvernance du système sera confiée aux partenaires sociaux.
S'y ajoutent la hausse du minimum contributif de pension à 1 000 euros puis à 85 % du SMIC dès 2025 ; la garantie des droits acquis dès la première heure ; la suppression de l'âge de décote ; l'ouverture de nouveaux droits sociaux ; le déplafonnement des points pour les travailleurs poly-exposés ; les pensions de réversion proratisées pour les personnes divorcées, etc. J'espère que nous pourrons en venir le plus rapidement possible au fond des articles pour pouvoir discuter de l'ensemble des garanties que le système universel de retraite offrira.
J'émets un avis défavorable sur l'amendement et les sous-amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est également défavorable.
Monsieur Woerth, monsieur Vallaud, le nouveau système garantit bien la solidarité. Nous l'avons écrit et pourrons discuter, lors de l'examen du titre III, de dispositions concrètes en ce sens. Notre discussion très longue sur les principes généraux ne favorise pas l'étude de fond des sujets. Or, s'agissant de la solidarité, qu'y a-t-il de mieux que de parler des droits familiaux, de la reconversion, des droits conjugaux, de la possibilité de partir plus tôt à la retraite dans le cadre des mesures liées à la pénibilité, ou encore de la retraite progressive ? Parlons de la vie concrète des Français ! C'est ce qui est attendu de nous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'aimerais réagir à ce qui a été dit des droits familiaux et de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Vous avez raison, chers collègues, de souligner l'existence d'une inégalité salariale – qui s'établit à environ 23 % à l'heure actuelle. N'oublions pas, toutefois, que notre majorité a déjà formulé des propositions à ce sujet. En témoigne notamment la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui inclut des mesures destinées aux entreprises : un indicateur, un délai de trois ans imparti aux entreprises atteignent l'égalité salariale, l'obligation de dédier au rattrapage salarial une enveloppe dont l'emploi sera soumis à un contrôle. Il est donc faux de prétendre que rien n'a été fait.
S'agissant des droits familiaux, votre raisonnement n'est pas le bon. Vous dites que nous prétendons faire mieux pour les femmes, mais qu'en réalité nous faisons moins bien. Pas du tout ! Je vous rappelle que le projet de loi prévoit une bonification de 5 % dès le premier enfant, puis à nouveau au deuxième enfant, et encore une majoration au troisième enfant.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
Il est vrai que pour le troisième enfant, on peut se poser des questions. C'est pourquoi nous espérons arriver rapidement à l'article 44 du projet de loi,
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir
afin d'en discuter avec vous, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général. En effet, sur le troisième enfant, notre groupe a des propositions à formuler – nous en avons déjà discuté. Il faudrait aussi faire davantage dès le deuxième enfant, car le taux de natalité est bien trop faible dans notre pays, ce qui est un problème.
Notre politique familiale doit être dynamique et ambitieuse : c'est pourquoi nous proposerons qu'une bonification supplémentaire s'applique aux femmes à partir du deuxième enfant.
Je ne peux pas vous laisser dire que nous faisons moins bien. Au contraire, nous faisons beaucoup mieux.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Nous accompagnons les femmes dès leur premier enfant et prenons en charge intégralement leur maternité. Oui, monsieur Quatennens, cette réforme est favorable aux femmes !
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir.
Monsieur le rapporteur général, vous avez parfaitement mesuré l'importance de notre amendement concernant les garanties inscrites dans la loi. Si nous vous demandons aujourd'hui des garanties, c'est parce que personne ne vous croit dans le pays,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
ni au Conseil d'État, ni parmi les plus grands observateurs qui analysent votre projet de loi. Personne ne vous croit non plus dans le monde syndical.
Nous avons également demandé la création d'une commission d'enquête permettant de vérifier la qualité de l'étude d'impact produite à l'appui de ce texte. Je veux appeler votre attention sur ce point, monsieur le président, car vous avez participé à la conférence des présidents, comme moi et comme le président Vigier, qui se trouve également dans l'hémicycle. Vous avez donc entendu la réponse du président Ferrand, qui nous a dit qu'il avait saisi Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme la garde des sceaux lui a répondu qu'elle attendait d'être saisie par le président de l'Assemblée nationale.
Nous voudrions donc savoir qui dit vrai. Un courrier a-t-il été adressé à la garde des sceaux ? Cette dernière dissimule-t-elle une réponse afin que nos débats se tiennent, selon elle, dans les meilleures conditions ? Qu'en est-il exactement ? Puisque c'est vous qui présidez nos débats ce matin, monsieur le président, je vous demande de bien vouloir saisir le président Ferrand et de nous faire savoir où en sont les choses. Nous avons besoin de créer cette commission d'enquête pour y voir clair. Les Français l'attendent, nous l'attendons.
Je me ferai l'écho de votre requête auprès du président de l'Assemblée nationale. Il me semble d'ailleurs que cette demande a déjà été formulée en conférence des présidents.
La parole est à M. Pierre Dharréville.
Permettez-moi d'insister sur la demande que vient de formuler notre collègue David Habib. Nous avons besoin d'une réponse !
J'aimerais repréciser le fonctionnement de votre système. Dans le cockpit, vous aurez cinq leviers pour ajuster le niveau des pensions et les dépenses relatives aux retraites : la valeur d'achat du point, que vous pourrez faire fluctuer au moins jusqu'en 2045 ; la valeur de service du point, dont la différence par rapport à la valeur d'achat déterminera le taux de rendement de la cotisation ; l'âge de départ à la retraite, qui reculera au fur et à mesure des générations ; la décote, que vous avez fixée initialement à 5 % par année avant l'âge de départ à taux plein mais qui pourra évoluer au fil du temps ; l'indexation des pensions, garantie pour le moment au niveau de l'inflation, selon les intentions que vous avez affichées, et non au niveau de l'évolution du salaire moyen.
Il faut repréciser ce dernier point, car nous entendons des choses assez approximatives à ce sujet. Dans le projet de loi, vous vous offrez même la possibilité de déroger à l'indexation des pensions sur l'inflation. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait à plusieurs reprises depuis que vous êtes arrivés au pouvoir en 2017 – ce sont les premières mesures que vous avez prises en matière de retraites, ce qui nous donne une indication quant à vos intentions futures. Ne venez donc pas nous raconter des histoires sur les garanties existantes ! Vous êtes incapable, monsieur le secrétaire d'État, de vous engager sur un taux de remplacement dans le cadre du système que vous nous proposez.
C'est pourtant l'essentiel. Engagez-vous sur un taux de remplacement ! Donnez-nous des tableaux précisant le taux de remplacement génération par génération !
Sourires.
À l'appui de l'amendement et des sous-amendements, j'abonde dans le sens des propos de M. Dharréville. Monsieur le secrétaire d'État, si vous ne pouvez pas garantir un taux de remplacement, c'est à cause du cadre que vous fixez, à savoir l'équilibre financier à condition ne pas consacrer une part de richesse plus importante aux retraites, dans un contexte démographique qui verra augmenter la part des seniors dans la population. On comprend donc pourquoi vous ne pouvez pas vous engager sur un taux de remplacement : ce dernier sera précisément, pour vous, une variable d'ajustement.
Je veux répondre à Mme Elimas sur la question des femmes. Si les femmes sont les grandes gagnantes de ce texte, comme vous le répétez sans cesse, elles ne l'ont toujours pas compris.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Si, elles l'ont parfaitement compris ! C'est vous qui ne comprenez pas !
Soyons clairs ! Ce matin, dans notre hémicycle, Mme Elimas adresse à toutes les femmes qui se mobilisent depuis des mois à l'extérieur le message suivant : « Vous n'avez pas compris la réforme, il faut que nous fassions plus de pédagogie. »
Mêmes mouvements.
Il n'y a que les femmes de la France insoumise qui ne l'ont pas comprise !
Les femmes ont bien compris pourquoi elles seraient les grandes perdantes de la réforme.
Si la situation va se dégrader, c'est parce que vous faites le pari d'une contraction de la part de la richesse nationale consacrée aux retraites. En réalité, le fait de s'en remettre à la seule accélération de la croissance pour augmenter la part des richesses consacrée aux retraites pose deux problèmes. Tout d'abord, toutes les projections économiques indiquent qu'il est assez peu probable que la croissance augmente suffisamment pour absorber la hausse de la part des seniors dans la population de notre pays. Et quand bien même, vous qui en appelez régulièrement à la responsabilité vis-à-vis des générations futures – le sujet de l'équilibre financier vous inquiète et vous dites souvent que vous ne voulez pas laisser de dettes à vos enfants – , que faites-vous de la dette écologique ?
Croyez-vous véritablement qu'un modèle encore fondé sur le pari d'une croissance infinie permettant de soutenir le financement des retraites soit raisonnable pour les générations futures ? Évidemment, il ne l'est pas !
M. François Ruffin applaudit.
Nous discutons d'un sujet essentiel, qui est peut-être l'une des seules grilles de lecture pertinentes de ce texte. Un système de retraite doit permettre d'assurer le paiement des pensions de manière lisible pour les décennies à venir. Dès lors que l'on change totalement la donne, dans le cadre d'une réforme systémique, il est nécessaire de s'intéresser de près à cette question.
En matière de financement et de versement des pensions, la seule garantie que nous ayons est la règle d'or qui figure dans le projet de loi organique.
Cette règle d'or est certes posée, mais sans aucune modalité d'application, sans aucune contrainte. Vous conviendrez que cette garantie est trop mince pour nous permettre de délibérer et de légiférer avec certitude. Pour le reste, nous n'entendons que des intentions ou des déclarations. Ce qui me perturbe, c'est l'absence de réponses concrètes sur des projections de vie ou sur un taux de remplacement. La retraite n'est que l'aboutissement d'une carrière professionnelle, et une femme ou un homme a besoin de connaître les modalités de cet atterrissage. Or, après deux ans de travail d'un haut-commissaire, vous êtes incapables de nous indiquer ce qu'il en est concrètement.
Je vais reprendre les propos de notre collègue Nathalie Elimas : la politique familiale est essentielle, les droits familiaux sont essentiels car la France dévisse dans ce domaine.
Depuis trop d'années, la France régresse en matière de politique familiale. Si nous voulons avoir une démographie dynamique, si nous voulons renforcer la natalité, nous devons savoir où nous allons.
Mme Nathalie Elimas applaudit.
Il faut que les couples puissent se positionner. Or, sur ce sujet, nous n'avons absolument aucune garantie.
Chaque jour, nous recevons des courriers d'associations qui veulent nous mobiliser parce qu'elles estiment que ce texte est régressif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 16
Contre 59
Le sous-amendement no 41803 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 15
Contre 58
Le sous-amendement no 41811 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 26
Contre 58
L'amendement no 23855 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 23967 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l'amendement.
Il vise à insérer dans le code de la sécurité sociale l'article suivant : « La Nation garantit, pour tous les assurés, la clarté et la prévisibilité de toute réforme relative aux retraites. »
Au vu de l'appréciation rendue par le Conseil d'État sur la clarté, qui est pourtant l'un des objectifs de cette réforme affichés par le Gouvernement, nous pouvons nourrir de gros doutes à cet égard. En réalité, le niveau des pensions dépendra essentiellement de la règle d'or, de la règle d'équilibre, qui n'est pas seulement une règle financière, mais également une règle qui s'imposera à n'importe lequel des droits sociaux consacrés. Il nous paraît donc utile de plaider en faveur de la clarté et de la prévisibilité, qui ne sont pas du tout au rendez-vous de la réforme actuelle.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41842 .
L'un des principaux arguments employés pour disqualifier, discréditer ou dénigrer le système actuel a été son imprévisibilité : il serait trop difficile d'y voir clair. Au contraire, vous nous vantez les mérites, du point de vue de la prévisibilité, du nouveau système par points que vous nous proposez. Or vous êtes incapables de faire quelque prévision que ce soit, de nous dire précisément à quoi va aboutir, en matière de droits et de taux de remplacement, la proposition que vous nous faites. Tout cela confirme que votre projet de loi est une vaste entourloupe, une arnaque. Le système que vous proposez est encore moins prévisible et moins lisible que celui qui existe aujourd'hui.
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez annoncé un simulateur, qui sera mis à disposition une fois que nous aurons voté votre texte. Il s'appuiera sur une base de données déjà constituée, qui fonctionne déjà aujourd'hui pour le système actuel. C'est cela, la vérité des prix !
Aujourd'hui, nous pouvons savoir ce qui nous attend. Évidemment, les carrières sont complexes, ce qui nécessite un certain nombre de calculs pour savoir exactement quels seront nos droits, mais nous pouvons dès aujourd'hui nous renseigner sur la pension à laquelle nous pourrons prétendre si notre carrière se déroule comme nous l'imaginons.
Ainsi, la base de données existe déjà, et c'est sur cette base que vous allez vous appuyer pour construire prochainement votre simulateur. Vous êtes donc en train de nous mener en bateau. Vous nous donnez des explications qui servent à justifier votre mauvaise mesure, mais qui ne permettent même pas de masquer l'illisibilité et l'imprévisibilité du nouveau système. Demain, nous saurons encore moins qu'aujourd'hui quel sera le niveau de nos pensions.
Le problème est double : non seulement votre projet de loi n'offre pas de garanties, mais, en outre, seules 93 des 1 024 pages que compte votre prétendue étude d'impact méritent ce nom. En outre, même les cas-types qui y sont étudiés ne prouvent pas la réalité des slogans qui font des femmes les grandes gagnantes de la réforme, les femmes en étant quasiment absentes, excepté une infime minorité d'entre elles.
Le problème est tel que même Antoine Bozio, l'économiste qui a inspiré votre projet de réforme, dit que l'étude d'impact pas plus que le projet de loi n'apporte de réponses à des questions aussi essentielles que les effets redistributifs de votre contre-réforme. Autrement dit, et puisque M. Maire vient de nous expliquer que certains allaient y perdre, qui va être privilégié, les bas salaires ou les hauts salaires ? Notre conviction est que tout le monde va y perdre, et surtout les bas salaires.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42326 .
Clarté et prévisibilité : c'est en effet ce que l'on serait en droit d'attendre. C'est tout le problème du texte que nous examinons aujourd'hui. Si le Conseil d'État avait jugé que tout roulait, nous n'en serions pas à essayer de construire un système de retraite sur un socle qui paraît bien miné. Mais quand l'avis du Conseil d'État critique des projections financières lacunaires, une étude d'impact insuffisante, le flou entourant l'âge de départ à la retraite, le taux d'emploi des seniors ou les dépenses de l'assurance chômage, la discussion est pour le moins mal engagée. De même, quand le Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes dit qu'on ne sait pas ce que cela va donner à la sortie, on voit qu'il y a un problème.
Par quel jeu de bonneteau prétendez-vous garantir que le niveau des pensions sera stable alors que la part des retraites doit passer de 14 % du PIB à 12,8 % pour des centaines de milliers de retraités supplémentaires ? Comment faites-vous ?
Si c'est une règle de trois, elle est incompréhensible, sauf pour Axa ou l'ANPERE, l'association nationale pour la prévoyance, l'épargne et la retraite.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
… selon lui, l'instauration de la retraite par points se traduirait nécessairement par une baisse du niveau des pensions, et pas seulement des fonctionnaires. Même si c'étaient eux qui supportaient tout le poids politique de la réforme, ce serait aussi vrai pour les salariés du privé. Et de vouloir me vendre dans la foulée un contrat d'épargne retraite, qui était, me dit-il, la solution la plus simple depuis la loi PACTE, avec en outre une petite déduction d'impôt – c'est toujours bon à prendre !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
On voit qu'Axa, l'ANPERE et BlackRock ont bien compris que votre réforme conduirait à une baisse du niveau des pensions de retraite…
… qu'ils vous proposent de compenser par la souscription d'une assurance privée et de la capitalisation.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 58 du règlement.
Cela fait plusieurs jours que nous entendons M. Ruffin faire une promotion éhontée d'Axa et de BlackRock.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
J'en appelle donc au déontologue : je pense qu'il y a un accord particulier entre M. Ruffin et Axa.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM. – Vives protestations sur les bancs des groupes FI et GDR.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous ne pouvez pas porter d'accusations d'une telle nature alors qu'on ne peut trouver trace du moindre lien entre moi et Axa – ce qui n'est pas vrai de tous les membres de cette assemblée, notamment parmi les rapporteurs ! Si vous voulez aller sur ce terrain-là, on peut y aller plus directement ! Moi, je n'ai aucune action chez Axa ! Je n'ai jamais travaillé chez Axa ! Une telle mise en cause est totalement déplacée venant de vos bancs !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Deuxièmement, qui a donné les clés de l'Élysée à BlackRock, sinon vous ?
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
… vous êtes censé protester contre un fait personnel, pas lancer de nouvelles accusations à la volée ! Finissez sur le fait personnel.
Que l'on démontre donc qu'il y a un quelconque lien entre moi et Axa, BlackRock, l'ANPERE et compagnie !
Je confirme que M. Fuchs ne devrait pas s'amuser à jouer à ce jeu : gare à l'effet boomerang !
Cela étant dit, je voudrais revenir à la question de la prévisibilité, de la clarté et de la lisibilité du système. J'ai déjà expliqué que les indicateurs existent déjà. En outre, la promesse de lisibilité que vous affichez est contredite par l'instabilité du niveau des pensions de retraite et de l'âge de départ que vous organisez : tout cela va fluctuer en permanence, de sorte que l'on ne saura à quoi on aura droit qu'au moment de liquider sa retraite. C'est ce qui est indiqué dans votre projet de loi : on pourra reculer à tout moment l'âge de départ à la retraite, ainsi que faire varier la valeur d'acquisition et de service du point. La décote elle-même pourra évoluer. On n'est même pas certain de l'évolution des pensions une fois qu'elles auront été servies – vous me direz que c'est déjà le cas depuis que vous les avez indexées à deux ou trois reprises.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM. – M. Julien Aubert s'exclame.
Je vous suggère donc de remettre dans votre poche l'argument de la lisibilité, qui n'est que du marketing.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42329 .
Nous avons eu hier un échange intéressant avec le rapporteur et le secrétaire d'État sur l'opportunité de limiter à 13 % la part des retraites dans le PIB. On m'a opposé, pour justifier ce choix, que le PIB croissant sans interruption depuis quarante ans, excepté en 1993, il n'y avait pas de raison que cela ne continue pas. J'entends l'argument ; mais, pour moi, ce qui est arrivé dans le passé n'est pas la garantie de ce qui arrivera. Par ailleurs, on est incapable aujourd'hui de prévoir ce que sera la croissance dans un an, comme le montrent clairement la surestimation constante des hypothèses de croissance sur lesquelles se fonde le vote du budget et la nécessité systématique d'un rattrapage.
Surtout, l'hypothèse d'une croissance infinie dans un monde fini est en elle-même problématique, comme le souligne dans une tribune publiée aujourd'hui par un millier de scientifiques – océanographes, biologistes, climatologues, sociologues, astrophysiciens, agronomes, etc. Ce qu'ils y disent est très intéressant : « Notre gouvernement se rend complice de cette situation en négligeant le principe de précaution et en ne reconnaissant pas qu'une croissance infinie sur une planète aux ressources finies est tout simplement une impasse. [Ses] objectifs de croissance sont en contradiction totale avec le changement radical de modèle économique et productif qu'il est indispensable d'engager sans délai. » Et de dénoncer « l'inconséquence et l'hypocrisie de politiques qui voudraient d'un côté imposer la sobriété aux citoyens tout en promouvant de l'autre un consumérisme débridé et un libéralisme économique inégalitaire et prédateur ».
Alors que 1 000 experts du climat nous expliquent qu'il faut changer le paradigme de notre société, vous reconnaissez qu'une réforme des retraites appelée à s'appliquer sur des générations repose sur l'hypothèse d'une croissance infinie. Nous aurons donc le choix entre la baisse du niveau de nos pensions et la destruction de l'humanité. Belle alternative !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous sommes en train de discuter, à l'initiative de nos collègues socialistes, des garanties offertes par le projet de loi.
Tout ce que celui-ci garantit, en réalité, c'est que le niveau des pensions baissera et qu'il faudra travailler toujours plus longtemps. C'est ce qui justifie l'interpellation répétée de mon collègue Ruffin : en effet, les seuls qui se réjouissent de cette réforme des retraites, trop bruyamment à mon avis, ce sont les assureurs, les banques et les fonds de pension, qui vont récupérer une part du magot de 300 milliards aux dépens de la sécurité sociale.
Pas un matin ne se passe sans que nous soyons bombardés de publicités pour les retraites par capitalisation. Si, suspendant la séance, nous appelions ensemble un conseiller de chez AXA ou autre –
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
on pourrait faire la publicité de tous les autres aussi ! – , il nous recommanderait de saisir l'opportunité qu'offre votre réforme de passer à des systèmes par capitalisation.
Je profite de l'occasion pour réclamer des excuses pour les mises en cause personnelles auxquelles nous avons assisté. Il vaudrait mieux que vous cessiez de jouer à ce petit jeu : certains de ceux qui ont joué un rôle important dans l'élaboration de cette réforme des retraites n'ont pas, contrairement à M. Delevoye, oublié de déclarer les intérêts qui les lient à des assureurs et à des banques qui en font la promotion, de sorte que ces liens sont de notoriété publique.
Si vous tenez à vous engager sur un terrain aussi glissant, allez-y, mais nous vous aurons prévenu qu'il valait mieux ne pas le faire, dans votre propre intérêt !
Les deux questions fondamentales que les Français se posent à propos des retraites sont relativement simples : à quel âge pourrai-je partir et avec quel niveau de pension ? Vous êtes incapables d'y répondre. À la première question, vous répondez que ce sera 64 ans pour le taux plein, alors qu'en réalité cet âge sera toujours susceptible d'être repoussé. Quant au niveau de pension, il servira de variable d'ajustement.
Nous, nous proposons des réponses claires. À quel âge je pars ? Dès soixante ans. Pour quel niveau de pension ? Jamais au-dessous du SMIC pour une carrière complète. Le financement de nos propositions ne coûtera que deux petits points de PIB supplémentaires d'ici à 2040. Ce n'est rien comparativement à la part des richesses produites qui est allée dans les poches du capital au détriment des travailleurs. Voilà le seul débat de fond que nous devrions avoir sur cette réforme : celui du partage des fruits de la production !
Rappels au règlement
Si votre intervention est une menace, monsieur Quatennens, je vous demande de bien vouloir la retirer. Quant à M. Ruffin, si je l'ai heurté, je le prie sincèrement de m'en excuser : ce n'était pas le sens de mon intervention. Je m'interrogeais simplement sur le fait que vous étiez les seuls dans cet hémicycle à faire la promotion des fonds de pension et à parler toujours des mêmes sociétés. Je vous demande simplement de nous dire la raison de cette attitude.
J'aimerais bien que vous me répondiez sur la question de la menace, …
… car je ne pense pas que ce soit le type d'attitude à avoir dans cet hémicycle.
Je vous répondrai ensuite sur le fond, notamment sur l'indigence de votre projet.
Monsieur Fuchs, vous m'avez demandé si c'était une menace : c'est une mise en garde. Cela vous va, comme réponse ?
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je ne suis pas certain que cela soit de nature à apaiser le débat, mais je vous remercie pour votre rappel au règlement…
Loin de nous l'intention de faire la promotion de quelque organisme que ce soit ; il se trouve que ces organismes font la promotion de votre réforme des retraites.
Monsieur Fuchs, monsieur Quatennens, nous avons eu des excuses d'une part, des clarifications de l'autre : je vous propose d'en rester là.
Vous pouvez en effet aller échanger à la buvette, comme notre collègue le propose !
Article 1er
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41852 .
Le débat est important : il y va de la vision que vous nous proposez de l'avenir du système universel de retraite. Or, une fois invoqués les grands principes de solidarité, d'équité et de respect des citoyens, vous nous laissez dans le flou le plus complet. Ce système ne comporte aucun des nombreux repères qu'offre le système actuel, alors même que le Conseil d'État vous a exhorté à être beaucoup plus précis sur divers points. Deuxièmement, en prévoyant vingt-neuf ordonnances, vous interdisez à l'Assemblée nationale de discuter de questions essentielles.
Votre texte ne précise pas non plus ce qu'est une carrière entière, combien de mois, combien d'années cela représente, notamment pour les personnes précaires. S'il s'agit de partir à la retraite à 65 ou à 67 ans, voire plus tard, nous ne pouvons pas être d'accord. Vous prétendez qu'il va manquer, sinon, 12 milliards en 2025, mais il existe d'autres solutions pour remplir les caisses, comme l'égalité des salaires entre les hommes et les femmes, qui rapporterait 6,5 milliards par an, l'augmentation des salaires ou la taxation du grand capital.
L'étude d'impact indique, en page 309, que « la formule de calcul d'une retraite du système universel sera donc : nombre total de points x valeur de service x coefficient d'ajustement ». Mais comment cette formule permettrait-elle de prévoir sa retraite quand l'article 8 du projet de loi suggère que les points de solidarité seront attribués au petit bonheur la chance ? L'article 9 révèle quant à lui que la valeur de service est inconnue et intègre un indicateur restant à construire, et l'article 10 précise que le coefficient d'ajustement n'est pas encore connu et sera fixé par décret. C'est une équation à trois inconnues ! En matière de prévisibilité, on fait mieux !
Le brouillard s'épaissit plus encore quand on sait, comme l'a rappelé mon collègue Bastien Lachaud, que ce calcul est subordonné à la fameuse règle d'or, elle-même subordonnée au taux de croissance. Comment avoir une visibilité à quarante ans, dès lors qu'elle fait défaut à un an ?
L'amendement de nos collègues socialistes a le mérite de vous pousser dans vos retranchements : il démontre que votre recette est illisible. Dans votre bouche, la prévisibilité a, comme souvent, un goût de novlangue !
La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir le sous-amendement no 42176 .
Il traite du financement des retraites. La conférence de financement se déroule comme elle peut, et certains ont déjà quitté la table des discussions.
On peut donc se demander comment l'on parviendra à des solutions qui rassemblent vraiment – car c'est là l'enjeu essentiel. Malheureusement, votre réforme des retraites ne suscite aucun rassemblement. Quelle sera la situation financière du nouveau régime universel et des régimes spécifiques que vous inventez ? Quelles conséquences aura le nouveau système sur le budget de l'État et sur le déficit budgétaire ? Nous ne disposons d'aucun élément en la matière.
Sur les sous-amendements identiques nos 41845 et 42326 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur les sous-amendements identiques nos 41848 et 42329 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur les sous-amendements identiques nos 41851 et 42327 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et sur les sous-amendements ?
M. Bastien Lachaud nous a interrogés sur les hypothèses de croissance et de partage du PIB qui sous-tendent les calculs. Comme lui, je reconnais qu'une croissance infinie dans un monde fini ne peut causer que des problèmes majeurs, notamment écologiques – nous en voyons déjà les conséquences. Toute simulation se fonde sur des hypothèses de croissance, partant d'une situation donnée. En l'occurrence, la simulation a repris les hypothèses utilisées par le COR. Néanmoins, la majorité actuelle et celles qui lui succéderont devront prendre toujours davantage en considération les conditions environnementales de notre activité. J'invite les uns et les autres à transformer le modèle de croissance pour le rendre plus économe dans l'usage d'hydrocarbures et de matières premières, et plus protecteur de l'environnement.
Quant à M. Quatennens – qui s'est absenté…
Ces sous-entendus sont insupportables, ça suffit ! Je rappelle que le rapporteur a droit à un verre d'eau dans l'hémicycle, contrairement à nous : nous pouvons bien sortir un instant !
Ce n'était pas méchant !
M. Quatennens, donc, a affirmé que, d'ici à 2040, deux points de PIB permettraient de financer un système conjuguant un départ à 60 ans et des pensions d'un haut niveau. Mais, à PIB constant, si l'on transfère deux points de PIB vers les retraites, cela obligera à couper dans d'autres dépenses sociales ; c'est une question de cohérence.
J'en viens à l'amendement proprement dit. Puisque vous en appelez à une plus grande clarté du système de retraite et des informations qui vous sont communiquées, permettez-moi de vous apporter quatre précisions.
Tout d'abord, l'article 12 du projet de loi dispose que chaque citoyen disposera en permanence d'un droit d'accès au nombre de points qu'il a acquis et à des simulations propres à sa situation. Ce sera un élément de clarté pour les futurs pensionnés. Du reste, il faut reconnaître que les régimes actuels développent déjà des pratiques convergentes en ce sens, mais le droit à l'information en matière de retraite sera simplifié.
Ensuite, la simplification du calcul contribuera à une plus grande clarté. Un système fonctionnant par points, quel que soit le métier exercé, est plus facile à comprendre qu'un système mélangeant des points – comme certains régimes actuels – et des trimestres – comme d'autres régimes – , sachant que les systèmes de trimestres et de points diffèrent parfois d'un régime à l'autre !
La gouvernance sera également simplifiée, et par conséquent clarifiée. Elle sera unique, comparable à celle que pratique aujourd'hui l'AGIRC-ARRCO, la caisse de retraite complémentaire des salariés du privé. Elle sera donc bien plus lisible pour les pensionnés et pour l'opinion publique que les quarante-deux gouvernances actuelles.
Enfin, le financement du dispositif sera simplifié. D'une part, la contribution assurera les droits liés aux activités professionnelles. Comme aujourd'hui, elle représentera 325 milliards d'euros, soit trois quarts des dépenses totales de retraite – hypothèse retenue par le rapport Delevoye. D'autre part, la solidarité reposera sur l'impôt et relèvera du Fonds de solidarité vieillesse universel.
Les outils et la gouvernance sont donc bien définis, et les droits seront plus lisibles. Ce système sera plus facile à appréhender que le mélange de points et de trimestres qui existe actuellement.
Et à la fin, ça fait combien par retraité ? La clarté ne signifie pas une bonne retraite !
Mon avis est donc défavorable à cet amendement et ses sous-amendements.
Défavorable.
Monsieur Dharréville, vous avez mentionné le simulateur de retraite que le Gouvernement mettra à la disposition de nos concitoyens – et je vous remercie d'en faire la publicité.
Comme vous l'avez précisé, il reposera sur la base de données M@rel – ma retraite en ligne – existante, mais sera beaucoup plus complet. Chacun de nos concitoyens pourra effectuer une simulation intégrant son parcours personnel et les perspectives de carrière qu'il envisage. Il connaîtra ainsi son niveau de retraite estimé, intégrant l'ensemble des nouvelles dispositions que, je l'espère, vous voterez dans le cadre de ce projet de loi.
Madame Rubin, vous avez salué l'amendement de M. Boris Vallaud qui, selon vos termes, nous pousse dans nos retranchements. Mais si c'est vraiment ce que vous voulez faire, il faudrait que nous en venions au débat sur les aspects concrets du projet, même si l'espèce de discussion générale qui a cours depuis quatre jours et demi sur le titre Ier et sur les tout premiers alinéas du chapitre Ier n'est pas sans intérêt intellectuel.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'en viens aux questions de financement soulevées par M. Vatin – dont je vois qu'il est assis à côté du président de la commission des finances, Éric Woerth, ce qui évoque une capillarité d'intérêts au sein du groupe Les Républicains…
Sourires.
Nous avons annoncé d'emblée que nous travaillerions à enveloppe constante – M. Jean-Paul Delevoye l'avait d'ailleurs rappelé. Il ne s'agissait pas de susciter l'inquiétude, mais de montrer que nous visons une cohérence budgétaire qui nous permettra de maîtriser nos actions et nos choix politiques. À cet égard, nous assumons la redistribution vers les futurs retraités les plus modestes et l'évolution significative des droits familiaux et des pensions des femmes. Cette logique n'est pas inflationniste : nous garantissons l'équilibre global de nos choix par un âge d'équilibre qui évoluera en fonction de l'espérance de vie, sur le fondement des dispositions votées par votre assemblée en 2003.
Nous respectons toujours cette exigence de cohérence budgétaire et étudions les trajectoires décrites par le COR, déclinées en trois options – je n'entrerai pas dans la technique, mais vous connaissez bien le sujet, monsieur Vatin. Si le système actuel est maintenu en l'état, les dépenses de retraite représenteront quelque 13 % du PIB, contre 12,9 % dans le nouveau système à l'horizon 2050 : la part des retraites dans le PIB reste quasiment la même.
Enfin, M. Bastien Lachaud m'a questionné au sujet de la dynamique de croissance et des leviers permettant de la rendre plus respectueuse de l'environnement et soucieuse des générations futures – préoccupations que le rapporteur a dit partager. Je crois que nous pouvons avoir une croissance utile et respectueuse. Dès à présent, la croissance actuelle, qui est raisonnée, permet d'offrir de plus en plus d'emplois à un nombre de plus en plus élevé de nos concitoyens.
Nous pouvons donc élaborer des solutions efficaces, capables de redonner de l'espoir à nos concitoyens privés d'emploi depuis trop longtemps.
En toute logique, un effondrement du PIB ferait progresser mécaniquement la part des dépenses de retraite dans le PIB. Le voilà, le jeu de bonneteau : vous pourriez alors dire, si vous étiez au pouvoir, que vous avez tenu votre engagement d'accroître la part du PIB consacrée aux retraites ! Je préfère défendre une vision plus positive et dynamique de notre société,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
une croissance raisonnée et respectueuse, de sorte que la richesse produite reste grande et que la part des retraites dans le PIB puisse rester d'environ 13 %. Peut-être saurons-nous nous accorder sur une vision raisonnée de la croissance conjuguée à des perspectives économiques dynamiques.
La gouvernance a été évoquée à plusieurs reprises, notamment par MM. Boris Vallaud et Pierre Dharréville. On ne peut pas tout à fois louer le fonctionnement de l'AGIRC-ARRCO, …
… et décrier le modèle de gouvernance que nous proposons, qui se rapproche justement de celui de l'AGIRC-ARRCO !
Quand vous échangez avec les partenaires sociaux, n'oubliez pas de leur dire tout le mal que vous pensez de la gestion de l'AGIRC-ARRCO ! Il se trouve que je les rencontre, et vous ne leur tenez apparemment pas ce discours.
Vous étiez à la première réunion de la conférence de financement, oui ou non ?
Il faut avoir une vision politique cohérente. J'en ai une : je défends la démocratie sociale. Ce que font les partenaires sociaux au sein de l'AGIRC-ARRCO est raisonné et raisonnable, soucieux de l'environnement, soucieux de l'avenir, soucieux des générations futures.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
C'est une très bonne démarche, à préserver et à développer dans le cadre de la gouvernance de demain.
La question de la prévisibilité mérite d'être posée, car les arguments défendus jusqu'ici ne sont pas pleinement convaincants. Au départ, nous avons un problème d'équilibre du régime, un problème de 12 à 18 milliards d'euros. Vous l'avez transformé en une gigantesque réforme de 350 milliards d'euros. Qui plus est, d'après vos premières annonces, vous voulez diminuer les recettes en débouclant de la solidarité nationale les salaires les plus élevés, et augmenter les dépenses en accroissant les petites retraites. Je suis très heureux de cette dernière mesure, mais il n'en reste pas moins que vous voulez commencer à régler un problème de solde en augmentant le déficit.
Vous nous avez expliqué que le débouclage des plus hauts salaires était une bonne chose pour la répartition. Faites appel aux mathématiques tant que vous le voulez : plus vous sortirez les plus riches du système, plus vous serez obligés de répartir la pénurie entre ceux qui restent, c'est-à-dire les moins riches.
Ensuite, vous nous dites qu'il y aura une seule gouvernance. Au fil du temps, on s'aperçoit que ce ne sera pas le cas, puisque vous avez par exemple proposé aux avocats de conserver une espèce de statut sui generis au sein du système. Vous m'aviez d'ailleurs expliqué, monsieur le secrétaire d'État, que ce serait un grand système universel, mais recouvrant des sous-enveloppes. En admettant qu'une gouvernance unique était possible, c'est plutôt l'inverse qui se dessine aujourd'hui.
Enfin, nous n'avons même pas de visibilité à court terme, puisque nous ne savons pas si vous allez recourir à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Lorsque je constate la longueur des réponses du secrétaire d'État à propos des sous-amendements que vous dénoncez par ailleurs, je me dis que si nous nous acheminons aussi lentement vers le terme du débat, c'est peut-être parce que vous aussi laissez filer le chronomètre.
M. Jean-Jacques Bridey proteste.
On parle beaucoup de clarté et de lisibilité ; en effet, il est important que les Français qui nous regardent soient rassurés concernant l'apport de cette réforme.
Le premier point, c'est que chacun, grâce à un compte personnel de points, pourra savoir à tout moment de quelle retraite il disposera. Les salariés du privé, dont je faisais partie, connaissent bien la question : l'AGIRC-ARRCO, qui assure aujourd'hui 40 % de leur retraite, leur envoie chaque année un relevé de points permettant de voir exactement où l'on en est. C'est vraiment très important de pouvoir ainsi se projeter dans sa carrière, faire des choix professionnels et personnels, se construire la retraite que l'on souhaite.
Le second point, dont nous avons déjà parlé et sur lequel nous reviendrons lors de l'examen du titre IV, c'est la gouvernance. Dans un système par répartition, le sort des retraités est lié à celui des actifs. Il est important que les citoyens, les partenaires sociaux, l'État, le Parlement soient associés au pilotage du système. Celui-ci obéit à des règles d'or, des règles d'équilibre : il ne s'agit pas de léguer aux générations futures les déficits que nous-mêmes n'aurions pas réussi à gérer. La règle doit aussi être que la valeur de service du point ne peut pas baisser. Qui peut prévoir ce qui se passera dans quarante ans ? Il faut donc un système qui nous permette d'assurer cette responsabilité collective, de garantir à nos aînés la retraite à laquelle ils ont droit, et aux actifs celle à laquelle ils auront droit le moment venu.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je profite de ce moment où l'on parle beaucoup des retraites des femmes, d'une part, et de la confiance en la réforme, d'autre part. À la page 93 du tome II de l'étude d'impact, vous expliquez fort bien que, pour avoir une retraite à taux plein, une femme doit partir à 67 ans ou avoir cotisé quarante-trois ans ; que 15 % des nouveaux retraités doivent satisfaire à ces critères ; et que ces derniers concernent deux fois plus de femmes que d'hommes.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais que nous réfléchissions une seconde à l'idée d'une carrière ascendante pour une femme. Dans le privé, le calcul de la retraite se fait à l'heure actuelle sur les vingt-cinq meilleures années, demain sur quarante ans. Quand on a la chance de connaître une carrière ascendante, en prenant les vingt-cinq meilleures années, vous supprimez les trous de la raquette – une femme qui accueille un enfant au sein de son couple perd en général 5 % de salaire. Est-on sûr que prendre en compte quarante années aboutira à un niveau de retraite plus élevé ?
Par ailleurs, vous parlez d'un taux plein à l'âge d'équilibre, 64 ou 65 ans. Très bien ; mais il faut rapporter ce taux plein au niveau de réversion. Vous devez donc nous rassurer sur le fait que ce taux plein à 64 ou 65 ans ne sera pas plombé par un taux de remplacement plus faible que celui que nous connaissons. Merci de nous éclairer sur ces deux points : ce sera le gage de notre confiance.
Je voudrais d'abord rappeler à mes collègues que grâce à la réforme constitutionnelle qui a redonné du pouvoir au Parlement et à ses oppositions, la commission d'enquête, c'est vous qui la dirigerez.
MM. Paul Christophe et Richard Ramos applaudissent.
Pour en revenir à la règle de trois, on nous répète qu'il y a un blocage à 13 % du PIB. Mais n'importe quel élève de CE1 saurait que, si une quantité double, 13 % de cette quantité double aussi. Ce qu'il faut regarder, c'est le rapport entre l'augmentation du PIB et celle du nombre de retraités, qui sera en gros de 40 %, passant donc de 16 % à 23 ou 24 % du total. Quand on veut faire des choses durables, il faut prendre en compte tous les paramètres. Quelles que soient notre croissance, l'évolution de notre société, de notre démographie, les projections actuelles garantissent que le nombre de retraités augmentera beaucoup moins que le PIB.
Rester à 13 % reviendra donc à être moins nombreux pour se partager un plus gros gâteau.
Enfin, contrairement à ce que j'ai entendu dire à la gauche de l'hémicycle, ce n'est pas en ce moment que le débat est important : il le deviendra dans quelques milliers d'amendements, quand vous nous laisserez aborder les articles 8, 9 et 10.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
La commission d'enquête relève en effet de notre initiative, de notre droit de tirage ; mais nous serons deux parlementaires socialistes et, je crois, dix-sept du groupe La République en marche. Au terme d'un débat démocratique, la décision sera prise de voter pour ou contre le rapport ; nous ne demandons qu'un peu de diligence dans la création de la commission d'enquête.
Par ailleurs, le Conseil d'État, conseil du Gouvernement, estime dans son impartialité et sa grande compétence que le nouveau système « retire aux assurés une forme de visibilité sur le taux de remplacement prévisible qui leur sera appliqué, dans la mesure où la pension n'est plus exprimée à raison d'un taux rapporté à un revenu de référence mais à une valeur de service du point définie de manière à garantir l'équilibre financier global du système ». Tout est dit.
Je voudrais donc poser au secrétaire d'État deux questions complémentaires. Dans votre nouveau système, qu'est-ce qu'une carrière complète, et qu'est-ce qu'un taux plein ? Est-il indiqué quelque part que ce sera un taux réel de 5,5 % pendant toute la durée de vie de cette réforme ? Rien de tout cela n'est garanti. Quant au rapport entre l'augmentation du PIB et celle du nombre de retraités, il n'en reste pas moins qu'il y aura un décrochage du niveau de vie relatif des retraités, si bien que l'écart avec celui des actifs redeviendra ce qu'il était dans les années 1980.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, vous avez les deux pieds dans la vase.
Vous êtes enfermés dans une extrême et bruyante solitude, incapables que vous êtes d'offrir au Parlement quelque chose de lisible. Il n'y a aucune lisibilité concernant la manière dont la conférence de financement va trouver 12 milliards d'euros ; ce n'est pas moi qui le dis, mais l'ensemble des organisations syndicales présentes à cette conférence, y compris le MEDEF. Vous êtes d'ailleurs tellement attachés au dialogue social qu'aucun des deux ministres concernés ne s'y trouvait.
Vous êtes incapables d'offrir de la lisibilité en matière de taux de remplacement. Vous êtes incapables d'offrir de la lisibilité s'agissant de la garantie du niveau des points. J'ai posé une question hier, je n'ai pas reçu de réponse : vous êtes dans l'incapacité de nous fournir des éléments d'analyse concernant le transfert d'un point de PIB du système des fonctionnaires vers celui des salariés du privé, à la faveur de leur fusion. Le mode de fonctionnement de La République en marche consiste à diviser la France au lieu de la réconcilier ; vous avez donc tenté d'opposer les régimes spéciaux et les autres, le public et le privé, en oubliant de dire que vous alliez faire les poches des salariés du privé à la faveur des économies que l'État entend réaliser sur le financement des retraites des fonctionnaires.
Boris Vallaud a eu raison de citer le Conseil d'État, car on finirait par oublier que cette juridiction suprême a caractérisé ce projet par son illisibilité et par son insécurité juridique. Enfin, les débats que nous avons eus en commission spéciale et ceux, intéressants, que nous avons depuis le début de la semaine confirment votre incapacité à nous dire comment vous allez financer les nombreuses périodes de transition que prévoit votre projet de loi.
Je vais vous raconter la suite du scénario : vous avez décidé de passer en force. Depuis le début, vous avez en tête d'utiliser l'article 49, alinéa 3.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Votre problème, c'est que l'opinion publique s'oppose à ces dispositifs autoritaires comme à votre mauvais projet.
Je ne défendais pas un amendement, je m'exprimais sur l'amendement et les sous-amendements !
Nous réclamons de la clarté face au grand flou que dénonce le Conseil d'État lui-même. Il nous est répondu que l'on va certes diminuer la part des retraites dans le PIB, qu'il y aura certes, dans le même temps, des centaines de milliers de retraités supplémentaires, mais que tout cela sera résolu par le miracle de la croissance. On nous dit que le PIB va doubler. D'abord, depuis que je suis né, je n'entends que cela : croissance, croissance, croissance ! J'étais encore dans le ventre de ma mère qu'on me la promettait déjà.
M. Frédéric Petit proteste.
Ensuite, la question n'est pas de faire grossir le gâteau, mais de le répartir et de faire en sorte qu'il soit moins avarié.
Nous voudrions être éclairés au sujet de ceux qui vont gagner. Ceux qui vont gagner, c'est Axa, c'est ANPERE, c'est Blackrock !
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Vous protestez, mais j'aimerais que vous dénonciez la publicité d'Axa, que vous envoyiez un message à toutes les agences Axa du pays. Répondez qu'il n'y aura pas de baisse programmée des pensions de retraite, et qu'affirmer le contraire pour vendre des plans d'épargne retraite est une fraude. Adressez-vous à vos amis d'Axa, à vos amis de BlackRock, et dites-leur cela !
Nous pensons que le loup se déguise et que vous êtes ses complices. On a mis en cause ma probité en évoquant mes liens supposés avec Axa, mais nous avons ici un rapporteur qui possède chez Axa 13 836 parts, représentant 358 935 euros et plus de 7 000 euros de dividendes par an ! Est-ce que ce n'est pas un conflit d'intérêts ? Est-ce nous, ou bien vous, qui avons des liens avec les assureurs du secteur privé ?
Mêmes mouvements. – M. Adrien Quatennens applaudit.
Rappels au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58. Je ne comprends pas comment M. Ruffin peut ressasser cette affaire d'Axa, …
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est un véritable harcèlement. Il est incroyable que l'on en soit encore là, alors que, mes collègues l'ont rappelé avec raison, nous n'avons pas encore commencé à examiner le fond du sujet : les retraites.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Simplement, nous mettons en évidence le lien entre la baisse programmée des pensions de retraite induite par ce texte, la loi PACTE – relative à la croissance et la transformation des entreprises – et les profits qu'en tireront Axa, BlackRock et compagnie. Je n'ai pas peur de le répéter : certaines personnes ici ont des intérêts chez Axa, et ces liens posent problème lorsqu'on est aux responsabilités !
Article 1er
Le sous-amendement no 41842 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 14
Contre 65
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 13
Contre 66
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 12
Contre 68
Le sous-amendement no 41852 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 42176 n'est pas adopté.
L'amendement no 23967 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 23856 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. David Habib, pour soutenir l'amendement.
Poursuivons notre démonstration : votre projet de loi est illisible, il sera source d'insécurité juridique pour tous les Français et personne n'est capable de savoir ce qui se passera à l'issue de l'examen de ce texte si, par malheur, il venait à être adopté. Le Conseil d'État, du reste, a fourni nombre d'arguments : étude d'impact tronquée, nombreuses incertitudes, en partie liées au recours à vingt-neuf ordonnances, méconnaissance totale des règles de financement. Bref, vous nous présentez un texte à trous. Cette expression a son importance car elle illustre les lacunes de ce projet dont nous ferons état pour livrer nos arguments au Conseil constitutionnel. En tout cas, les conditions ne sont pas réunies pour garantir la clarté, la lisibilité et la sérénité du débat parlementaire.
Cet amendement tend par conséquent à renforcer la sécurité juridique de ce texte.
J'en profite pour vous demander à nouveau, monsieur le président, où en est la commission d'enquête que le groupe Socialistes et apparentés a demandée sur l'étude d'impact. C'est la deuxième fois que je pose cette question et il me semble raisonnable d'attendre une réponse.
J'apprendrai par ailleurs à notre collègue qui a évoqué cette commission d'enquête que le changement induit par la réforme du règlement tient, non pas à la possibilité offerte à notre groupe de demander la constitution d'une commission d'enquête, mais à celle de la présider ou d'en devenir le rapporteur.
En tout état de cause, nous sommes en droit de demander la création de cette commission d'enquête. Le président Ferrand nous a informés qu'il avait saisi la garde des sceaux et nous souhaitons savoir où cela en est. Tout ne peut pas être incertain : le sort des pensionnés et le droit des parlementaires à la visibilité et à l'information, en vertu duquel ils doivent pouvoir s'assurer que vous n'avez pas tronqué les données de l'étude d'impact pour fausser le débat parlementaire.
La parole est à M. Bruno Fuchs, pour soutenir le sous-amendement no 42333 .
Le président Chassaigne nous invitait hier, avec beaucoup de subtilité, à améliorer la rédaction du texte. Or, cher collègue Habib, vous proposez là de renforcer la lisibilité du texte sans pour autant employer ce terme dans votre amendement. C'est pourquoi j'interviens.
C'est ce que je fais : si vous lisiez mon amendement, vous verriez qu'il tend à substituer au mot « clarté » le mot « lisibilité ».
J'ai lu en diagonale le programme de La France insoumise, réduit à onze pages indigentes alors que l'étude d'impact, tant décriée, atteint presque les 1 000 pages. Il prévoit d'abord de siphonner les réserves – en cas de coup dur, on sera bien armé pour faire face… Il préconise ensuite de maintenir les régimes spéciaux : toutes les inégalités actuelles seraient préservées, sanctuarisées. Quant au mot « croissance », il n'est cité qu'une seule fois en onze pages : le projet ne s'appuie sur aucune hypothèse de croissance économique, sur aucun chiffre, rien. Cela traduit une déconnexion complète par rapport à la réalité, conformément à l'idéologie dont les députés du groupe FI donnent des marques depuis trois jours.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
La réalité est la suivante : le produit intérieur brut, depuis quinze ans, a augmenté bien plus rapidement que le montant des pensions versées, et c'est dans cette logique que s'inscrit notre politique : accroître le volume des richesses. La baisse du chômage, la hausse de l'attractivité du territoire, la création d'emplois industriels, la relance inédite de l'apprentissage, la création d'entreprises à un niveau inégalé en 2019 conduisent en toute logique à la hausse du PIB. La part des retraites n'évoluera certes pas, mais il y a aura de la croissance dans le pays.
Je reprendrai à mon compte un élément de rhétorique dont vous êtes friands : lorsque les salaires d'un foyer augmentent sans que le loyer évolue, la proportion de celui-ci dans le budget du ménage baisse.
Mme Hélène Zannier applaudit.
S'agissant de la lisibilité du système, vous jouez sur l'ambiguïté des points : il sera possible de cumuler un certain nombre de points, certes, mais nous ne connaissons ni leur valeur ni la façon dont ils seront convertis ; le Conseil d'État a lui-même souligné que le taux de remplacement n'était pas connu, alors que cette donnée est essentielle.
Nous considérons que la retraite est un nouvel âge de la vie et la pension, une forme de continuité du salaire. En proposant une telle formule, vous rompez avec la philosophie même de la retraite. Si l'on s'inscrit dans la logique d'une continuité du salaire, il faut garantir un taux de remplacement suffisant, une forme de parité entre le niveau de vie au cours de la vie active et celui durant la retraite. Or, en l'espèce, vous ne prenez aucun engagement. Cela pose un problème majeur car l'exigence, la garantie, l'objectif d'un taux de remplacement suffisant devraient être au coeur de tout projet de réforme des retraites. Au contraire, vous évacuez ce sujet – vous ne l'évoquez même pas – et, en toute logique, vous ne nous fournissez aucune donnée objective concernant l'évolution programmée du taux de rendement.
En outre, quel est le sort réservé à tous ceux qui sont nés entre 1975 et 2004 ? Votre projet est encore plus illisible pour eux que pour les autres. Je continue par conséquent à vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur le déroulement de la transition entre les deux régimes. Là encore, vous n'avez donné aucune précision sérieuse, ce qui révèle, une nouvelle fois, l'impréparation de votre projet et votre incapacité à en anticiper les effets.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le sous-amendement no 42330 .
Je reviens à l'intérêt que représente un tel projet de loi pour des entreprises comme Axa ou BlackRock. Certains de nos collègues ne voient pas le rapport. Aussi, pour leur rafraîchir la mémoire, leur lirai-je l'exposé des motifs du projet de loi concernant l'article 65, au chapitre II du titre V – ce qu'il prévoit est d'ailleurs si limpide que la majorité, si j'ai bien compris, devrait déposer un amendement pour le supprimer et reporter la mesure à une loi ultérieure. Écoutez plutôt : « Le secteur de l'assurance [c'est-à-dire la retraite par capitalisation] est appelé à se mobiliser, afin que le recours à ces véhicules se généralise et que l'économie française puisse ainsi bénéficier pleinement du dynamisme de l'épargne retraite généré par la loi PACTE. » Plus loin, il explique que l'objectif et de « renforcer l'attractivité de l'épargne retraite afin d'offrir aux épargnants des produits d'épargne plus performants. D'autre part, le développement de cette épargne de long terme procurera aux entreprises davantage de financements en fonds propres pour accompagner leur croissance et financer l'innovation. ». Puis il fait à nouveau référence à la loi PACTE, que vous avez fait adopter il y a plusieurs moins et dont nous savons qu'elle avantage la retraite par capitalisation, notamment par le biais des mesures d'exonération. C'est écrit noir sur blanc !
S'il y a bien une chose prévisible dans ce texte, ce n'est pas le financement du système de retraite par répartition, pour lequel le recours aux ordonnances permet d'entretenir le flou autour des trous que vous laissez aux comptes sociaux, mais l'incitation à s'orienter vers un système de retraite par capitalisation. Là est le véritable objectif que vous poursuivez, c'est écrit noir sur blanc. Alors cessez d'affirmer qu'Axa et les autres ne trouvent aucun intérêt à cette réforme !
Mme Caroline Fiat applaudit.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 41793 .
On ne peut pas laisser dire que M. Ruffin fait de la publicité pour Axa et BlackRock.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ce ne serait pas crédible mais, surtout, la ministre avait annoncé la couleur sur les Smarties, dont le paquet grossit de jour en jour. De quoi s'agit-il ? L'encours de l'épargne retraite s'élève à 230 milliards d'euros en France, c'est vrai, vous n'avez pas inventé le concept. Mais l'épargne populaire des Français dépasserait les 5 000 milliards d'euros. Quand, par de mauvaises mesures, vous dégradez le livret A ou que vous diminuez le taux de cotisation des cadres gagnant plus de 10 000 euros par mois, vous ne poursuivez pas d'autre objectif que de faire passer, par le jeu des vases communicants, les 5 000 milliards d'épargne populaire vers Axa, BlackRock et compagnie. Vous avez inoculé le virus de la capitalisation dans le système de retraite par répartition, que vous accusez de la rage pour accélérer le mouvement. Le voilà, votre projet libéral : nous vous avons démasqués. Je comprends que vous n'aimiez pas qu'on le rappelle, mais nous sommes là pour ça.
C'est le vôtre, peut-être. En tout cas, votre propos est déplacé, cher collègue.
Nous devons réaffirmer l'attachement des Français au modèle social par répartition, que vous avez décidé de démonter.
« Smarties » est une marque, monsieur Jumel. J'espère que vous n'avez pas d'intérêts particuliers dans l'entreprise…
Sourires.
Sourires.
Je me propose, si vous le permettez, de défendre, à travers ce sous-amendement, le contre-projet proposé par La France insoumise, car il est tout à fait sérieux.
« Ah ! » sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il comprend, je vous le confirme, onze pages de propositions, qui font suite à une dizaine d'autres pages décryptant votre projet de réforme. Avant cela, j'effectuerai un petit rappel historique sur le fonctionnement du système actuel et la façon dont les précédentes réformes des retraites l'ont affaibli.
Il va sans dire que nous avons, comme vous, le souci de l'équilibre financier, même si ce n'est pas le Graal absolu, puisqu'à nos yeux, l'âge d'équilibre que vous prétendez instaurer est personnel. Pour répondre aux deux questions que se posent les Français sur les retraites, nous fixons, contrairement à vous, un âge de départ – 60 ans – et un niveau de pension respectant les deux conditions suivantes : aucun niveau de pension inférieur au SMIC pour une carrière complète et personne sous le seuil de pauvreté, en dessous duquel on ne vit pas.
Vient alors systématiquement la question fabuleuse à laquelle nous sommes très à l'aise pour répondre : comment finance-t-on ? Avant de le dire, …
… je commencerai par vous interroger : considérez-vous qu'il est souhaitable de partir à un âge décent, avec un bon niveau de pension ?
Comment finance-t-on ? Précisément en faisant l'inverse de ce que vous proposez !
Parlons-en, justement : notre projet préconise l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Car quand nous évoquons les 127 milliards d'euros de réserves, c'est avant tout, monsieur Fuchs, pour relativiser le poids du déficit : nous ne les mobiliserons pas – pas plus que les 42 milliards d'euros d'encours bancaire dont dispose le régime des retraites chapeau ni que tout le reste. Comment financerons-nous notre réforme des retraites ? Je l'ai dit : nous consacrerons 2 points de PIB supplémentaires aux retraites d'ici à 2040 ; cela passera d'abord par l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, mais aussi, c'est vrai, par l'augmentation des salaires et du taux de cotisation.
Évidemment ! Toutes les projections économiques – y compris les plus sérieuses, celles du Conseil d'orientation des retraites – montrent, madame Motin, que l'on peut augmenter à la fois le salaire net et les cotisations, …
… en proportion, pour permettre aux travailleurs de partir avec un bon niveau de pension.
C'est tout à fait possible : les Français produisent beaucoup de richesses, madame Motin !
Mme Caroline Fiat applaudit.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le sous-amendement no 41796 .
Je remarque, de la part de la majorité, un procédé assez récurrent et simpliste consistant, d'une certaine manière, à reporter sa stratégie sur l'adversaire.
Cette façon de faire était déjà visible à travers les tentatives de passage en force : on accuse l'opposition d'être dans l'obstruction. En revanche, un nouvel aspect de cette stratégie émerge, auquel je ne m'attendais pas : tenter d'attribuer la volonté de promouvoir un système de retraites par capitalisation à l'opposition, particulièrement à l'opposition de gauche, laquelle, au nom d'intérêts propres, ferait de la publicité pour Axa, BlackRock ou d'autres.
Admettez que le procédé apparaît assez risible – en tout cas peu convaincant – , quand le Président de la République, que vous soutenez, annonçait, en novembre 2015 : « Il faut développer une forme de fonds de pensions à la française et adapter le cadre fiscal à ce changement ».
Murmures sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il l'a bien dit !
Le même Président a ensuite, il y a quelques mois, fait adopter grâce à vous la loi PACTE. Vous n'avez pas lésiné, à travers ce texte, sur les avantages fiscaux pour tenter de faire basculer l'épargne française vers l'épargne retraite – mon collègue Éric Coquerel vient de citer les passages de l'exposé des motifs du projet de loi qui le montrent.
Vous pouvez donc bien tenter ce type de stratagèmes, mais celles et ceux qui nous écoutent ne croient pas plus à votre stratégie consistant à faire peser sur nous l'accusation d'obstruction et de passage en force…
… qu'ils ne peuvent croire que nous aurions pour objectif de faire advenir un système de retraite par capitalisation. Assumez donc ce que vous faites : vous passez en force, vous individualisez les retraites et vous faites régresser les droits !
Mme Caroline Fiat applaudit.
Je crois que votre problème réside dans le fait que, comme nous l'avons démontré…
… depuis le début des travaux de la commission spéciale, la réforme que vous présentez n'est ni bouclée ni ficelée. Pire encore, elle est nocive : elle est néfaste pour la société et nos pensions de retraite. Vous avez tenté de la décorer, de l'habiller mais, pour autant, elle ne convainc pas, elle ne convient pas.
Parmi les effets d'habillage figure l'argument de la lisibilité. François Hommeril, le président de la CFE-CGC, qualifiait il y a quelques jours la réforme de « machine à réduire les pensions ». Convenons que, si le projet reste assez flou et ne permet pas à chacun de savoir quel sera le niveau de sa pension ni son taux de remplacement, c'est au moins ceci qui apparaît clairement : il s'agit d'une machine à réduire des pensions – c'est le président de la CFE-CGC qui le dit.
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, vous avez vanté la qualité des relations sociales et du dialogue qui ont présidé à l'élaboration du projet. Or François Hommeril – encore lui – confiait, voilà quelques jours, son sentiment d'avoir été humilié par la manière dont vous avez conduit votre réforme. Plus largement, divers reproches vous sont faits. Voilà pourtant deux ans et demi que vous travaillez sur le texte, auquel vous avez consacré toute une équipe – dont un haut-commissaire aux retraites – , pour en arriver là : une réforme inaboutie assortie de vingt-neuf ordonnances – sans compter les deux que vous avez rajoutées dernièrement – , un texte à trous, un mécanisme qui ne tourne pas et dont on voit bien, à chaque étape de notre discussion, à quel point le contenu ne convient pas.
Vous nous reprochez de discuter des principes généraux.
Absolument pas !
Pas vous, monsieur le secrétaire d'État, c'est vrai. Mais ce reproche nous est bien adressé. Débattre des principes présentés dans l'article 1er est pourtant une nécessité absolue. Vous avez choisi de commencer le texte par un article déclaratif. Discutons donc des intentions !
Depuis quatre jours…
… parce qu'il y existe un décalage abyssal entre les intentions affichées et la réalité.
Je profiterai de l'occasion pour poursuivre notre échange concernant le PIB. M. le rapporteur a indiqué être sensible à la préoccupation écologique que j'ai exprimée, tout en considérant qu'il restait possible de continuer à faire augmenter le PIB. Il percevait par ailleurs une contradiction entre notre remise en cause du modèle de croissance actuel et notre projet de faire augmenter de 2 points la part du PIB consacrée aux retraites pour financer la retraite à 60 ans après quarante annuités de cotisation pour tous. M. le secrétaire d'État a fait la même réponse.
Il existe pourtant une manière simple de récupérer ces deux points de PIB. Nous ne sommes pas obligés d'augmenter le PIB : il suffit de modifier la répartition à l'intérieur de ce dernier. Rappelons quelques chiffres. Depuis les années 1980, la part des dividendes versés aux actionnaires a triplé : en 1983, un salarié travaillait en moyenne deux semaines par an pour les actionnaires, contre plus de six semaines aujourd'hui. Là est l'argent, en quantités massives ! Les actionnaires s'approprient désormais plus de 150 milliards d'euros, qui devraient revenir aux salariés, soit 8 points de PIB. Si l'on y ajoute la fraude fiscale, qui s'élève à 100 milliards d'euros par an, on arrive à 14 points du PIB. En comptabilisant également les 80 milliards à 100 milliards d'euros d'optimisation fiscale, on aboutit à près de 20 points de PIB.
Il suffirait de récupérer 10 % de cette somme pour financer la retraite à 60 ans avec quarante annuités de cotisation pour toutes et tous. Voilà la bonne manière de faire.
Il suffit de modifier la répartition des richesses – ce qui, il est vrai, reste compliqué à concevoir pour vous.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu'une gouvernance unique garantirait une plus grande simplicité de calcul que les quarante-deux gouvernances actuelles. Toutefois, ces dernières permettent notamment de mettre en lumière les spécificités ainsi que la pénibilité des métiers.
Vous avez également dit que le système universel de retraite permettrait une redistribution des pensions vers les plus modestes. Cette affirmation m'interroge fortement : la France compte 9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, ce qui signifie que le système de retraite que vous défendez ne prévoit pas une qualité de vie ni un pouvoir d'achat suffisant pour l'ensemble des personnes. Ce constat pose question : on ne peut pas aller vers un régime de retraite universel sans garantir un pouvoir d'achat décent à l'ensemble des citoyens.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42331 .
Pour revenir à la question du financement, si vous ne souhaitez pas vous en prendre aux actionnaires ou aux fraudeurs du fisc – nous ne sommes pas d'accord, mais cela pourrait être votre opinion – , on pourrait trouver une autre manière de financer, par exemple en augmentant le taux de cotisation…
… de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés : ce taux a doublé depuis 1967, passant de 8,5 à 17,75 % ; on pourrait le porter à 19 %, …
… soit une hausse de 1,25 point, qui permettrait de faire passer les cotisations de 6 milliards à 7 milliards d'euros.
… cela se traduirait par une augmentation de cotisation de 38 % et une augmentation de salaire net de 15 % : tout le monde serait gagnant.
Il est assez facile de dire qu'on ne peut rien faire et qu'on s'en remet à la main invisible du marché. Il suffit pourtant d'accroître le SMIC et de construire une échelle progressive des salaires.
Mme Caroline Fiat applaudit.
La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir le sous-amendement no 42178 .
Pour poursuivre la discussion sur la question du pouvoir d'achat des retraités, si j'apprécie beaucoup les projections à l'horizon 2050, je me souviens que, quand j'étais au collège, les prévisions présentées avançaient, pour la période actuelle, des chiffres qui apparaissent aujourd'hui totalement ubuesques. Pouvez-vous nous préciser comment vous comptez garantir la pertinence des projections sur lesquelles vous vous appuyez ?
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir le sous-amendement no 42332 .
M. le secrétaire d'État et notre collègue Frédéric Petit ont indiqué que c'est en progressant dans l'examen du projet de loi qu'on y verrait plus clair. Précisément, pour avoir un peu lu le reste de la loi tout à l'heure, je constate au contraire que, plus on avance, moins on y voit clair. L'article 8 prévoit bien que…
Ce n'est pas l'objet de la présente discussion ! Nous en sommes à l'article 1er !
Il faudrait savoir ! Tout à l'heure vous vouliez parler de l'article 8, maintenant vous considérez qu'il est hors sujet !
Je connais l'article 8 : les modalités d'attribution des points et la façon dont la solidarité nationale jouera y restent floues, on ne les connaît pas.
Alors amendez l'article 8, au lieu de vouloir sous-amender un amendement à l'article 1er !
De ce fait, il est difficile de savoir combien de points on obtiendra in fine. On apprend même, à l'article 9, que la valeur de service du point sera fondée sur un indicateur – le revenu moyen par tête – qui n'est pas encore défini. Il en va de même pour l'article 10 et les suivants – sans compter les vingt-neuf ordonnances.
En vérité, plus on avance dans la loi, …
… plus le brouillard s'épaissit !
Et puis, chers collègues, si le futur système est si clair et lisible que vous le prétendez, pourquoi ne pas adopter l'amendement no 23856 en inscrivant les mots « clarté » et « lisibilité » dans la loi ?
Mme Caroline Fiat applaudit.
Quel est l'avis de la commission spéciale sur l'amendement et les sous-amendements ?
Revenons sur le texte de l'amendement lui-même. Il est proposé d'insérer, après l'alinéa 1er, la phrase suivante : « La Nation garantit la clarté et la prévisibilité de toute réforme relative aux retraites. »
Il me semble d'abord que garantir la clarté du projet de réforme supposerait de pouvoir examiner le texte et les articles afférents. Cela apporterait un premier éclairage.
S'agissant de la prévisibilité, je ne peux m'empêcher de rappeler que l'amendement précédent, déposé lui aussi par le groupe SOC, proposait d'introduire, au même endroit du texte, la phrase suivante : « La Nation garantit, pour tous les assurés, la clarté et la prévisibilité de toute réforme relative aux retraites. » C'est donc le groupe SOC qui fait preuve d'une prévisibilité sans faille, puisqu'il présente le même amendement – amputé de quatre mots – , ce qui nous conduit à traiter à nouveau les mêmes sujets. Il faut être sérieux et aborder le fond pour mettre en lumière les mots évoqués.
Pour en revenir à la notion de clarté, je rappelle que nous proposons un système par répartition, qui couvrira tous nos concitoyens jusqu'à 120 000 euros de revenus, c'est-à-dire, pour 99 % d'entre eux, l'intégralité de leurs salaires. C'est-à-dire une meilleure répartition qu'actuellement. On peut nous objecter qu'1 % des personnes concernées se situeront au-dessus de 120 000 euros, mais la proportion des revenus actuellement concernés par la répartition n'est pas la même.
Il s'agit d'un système par répartition et aussi par points. Le point se voit attribuer une valeur d'acquisition et une valeur de service, avec un âge d'équilibre et un niveau de pension : il y aura quatre critères pour un seul régime, alors qu'il y a aujourd'hui de nombreux critères pour quarante-deux régimes. La gouvernance sera ainsi beaucoup plus simple et plus lisible. Lors des précédentes réformes, en effet, les gouvernements se heurtaient à la difficulté de transmettre à ces quarante-deux régimes les différentes modifications prévues par la loi. Le nouveau dispositif apporte une grande clarté.
Monsieur Vatin, vous avez évoqué la prévisibilité en disant que les chiffres ont changé entre l'époque où vous étiez au collège et aujourd'hui. Il me semble que nous avons dû fréquenter le collège vers la même époque, laquelle commence à dater un peu…
Sourires.
L'important est d'être conscient que la prévisibilité à dix ans est limitée, qu'elle est très compliquée à vingt ans…
… et qu'elle relève du fantasme à cinquante ans. La réforme se limite à donner des outils clairement définis pour permettre à ce gouvernement, à celui qui lui succédera et à ceux qui suivront de gouverner, d'affiner et de piloter au mieux. C'est la définition même de toute politique publique. Nous nous fondons, en effet, sur des hypothèses, mais il est plus que vraisemblable que celles-ci devront être revisitées en fonction des événements et des évolutions, de même que la trajectoire.
Monsieur Vigier, vous avez évoqué tout à l'heure la carrière ascendante. Votre remarque portait sur un amendement précédent, mais puisqu'il avait le même objet que celui dont nous débattons maintenant, je peux apporter une précision. Pour ce qui est, d'abord, de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années, j'entends votre argumentation. La différence majeure avec le système futur est qu'actuellement, le calcul de la retraite retient les vingt-cinq meilleures années, revalorisées suivant l'inflation, avec application d'un coefficient de service de 50 %. Or, sur les vingt-cinq dernières années, l'écart entre l'inflation et l'évolution des revenus représente une perte de 30 %. La réforme permet donc déjà de lisser la pente que vous évoquez. L'enjeu n'est pas de raisonner sur une carrière ascendante déjà connue, en me demandant par exemple ce qu'il en serait, dans le système futur, pour ma propre carrière ascendante dans les vingt-cinq prochaines années, mais bien plutôt d'adapter le système futur aux carrières professionnelles que connaîtront nos futurs citoyens et à la fin de ces carrières. Or force est de constater que les carrières ascendantes linéaires sont de plus en plus rares, car on change souvent de métier et une carrière peut connaître divers accidents, positifs ou négatifs, dont il faut tenir compte. En 2018, on liquide en moyenne plus de trois régimes de pension, situation qui sera mieux prise en considération dans le système futur que dans le système actuel, où les grandes différences entre les règles des régimes se traduisent parfois par des sous-indexations de fait. Le nouveau régime s'adapte donc plutôt mieux à l'évolution du marché du travail et de nos sociétés.
Je suis donc défavorable à cet amendement et à ces sous-amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Comme l'a dit le rapporteur, cet amendement est très proche du précédent, et ils induisent des discussions assez larges voire un peu récurrentes. Je vais toutefois m'efforcer d'apporter des éclairages sur les questions qui m'ont été posées.
Monsieur Vallaud, monsieur Dharréville, vous dites que tout bougera tout le temps, qu'on ne sait pas comment les choses fonctionneront et qu'on ne connaît ni les règles d'équilibre ni le niveau des cotisations. En pragmatique que je suis, j'ai regardé comment cela fonctionnait. En 1990, voilà donc trente ans – ce n'est pas si loin – , ce que l'on me promettait au moment où j'entrais, à 20 ans, sur le marché du travail, était un âge minimum de départ fixé à 62 ans et une durée de cotisation de trente-sept ans et demi. À cette époque, comme pendant trente ans après cela, au cours desquelles je ne faisais pas de politique, …
… je suppose que les décisions prises par des décideurs politiques l'ont été en conscience pour faire évoluer les choses. Le calcul portait alors sur les dix meilleures années et la pension était indexée sur le salaire moyen, sans surcote ni décote, et sans garantie. Le dispositif a été adapté et a évolué, tout comme les conditions démographiques et le marché du travail. On peut jouer à se faire peur en se disant que demain sera pire qu'aujourd'hui, mais on peut aussi essayer d'être pragmatique et réaliste pour construire un système qui maintiendra un haut niveau de solidarité et créera des droits nouveaux, avec un minimum de pension de retraite à 1 000 euros et bientôt, en 2025, à 85 % du SMIC, plus un accès à la retraite progressive dès 60 ans.
Nous pouvons créer tout cela ensemble, et c'est ce que le Gouvernement vous propose, mesdames, messieurs les députés.
Monsieur Coquerel, j'ai été attentif à vos propos et je ne voudrais pas que vous pensiez encore que je ne suis pas soucieux de vous répondre. Vous avez évoqué la capitalisation, comme Adrien Quatennens, votre collègue du groupe La France soumise, et Elsa Faucillon, faisant suite en cela au débat lancé tout à l'heure par François Ruffin. Pour ma part, j'observe les choses et je reste pragmatique. En France, 2 % des prestations retraite ont un lien avec la capitalisation. Ce système existe donc bien : il s'agit des contrats Madelin pour les indépendants, des plans d'épargne retraite populaire dans les entreprises couvertes par des accords pour les salariés, qui représentent 70 % des actifs, et des dispositifs relevant des articles 39 et 83 du code général des impôts. Dans la réalité, la capitalisation existe donc, mais elle est très minoritaire, et l'idée que nous puissions demain être envahis par une dynamique de capitalisation est battue en brèche par le projet que nous portons. C'est du reste pour cela que nous avons fixé un plafond aussi élevé – il est, avec un niveau de 3 PASS, ou plafond annuel de la sécurité sociale, le plus élevé des pays industrialisés possédant des systèmes de retraite par répartition. C'est parce que nous ne voulons pas que se produise une perte affectant la répartition au profit de la capitalisation que nous avons construit ce dispositif et le proposons au débat et à votre vote. Il faut, en la matière, raison garder – le rapporteur a même évoqué à plusieurs reprises, au cours des nombreuses journées que nous passons ensemble, le PREFON, système de capitalisation en vigueur pour la fonction publique.
Il faut dire ce qui est et ne pas chercher à se faire peur. Il faut regarder la situation et construire un modèle qui sécurise les dimensions de solidarité et de répartition, autour desquelles nous pouvons nous retrouver tout en restant attentifs au fait que le monde évolue – de fait, nous serions bien en peine de dire qu'il n'a pas évolué entre 1990 et 2020. Constatons donc les évolutions et créons les conditions qui permettront à notre système de retraite de s'adapter à celles du monde de demain tout en conservant ses qualités et son ADN, auxquels nous sommes attachés : la répartition et la solidarité entre les générations, le fait que ce soient les plus jeunes, ceux qui sont au travail, qui paient, par leurs cotisations, les pensions de nos aînés. C'est ce qui assure le fondement de notre démocratie et de notre vivre-ensemble ; comme vous le savez, je crois beaucoup à cette dimension.
Monsieur Vatin, le rapporteur vous a répondu, mais vous m'avez sollicité à nouveau à propos des aspects budgétaires. Je vois ainsi que la proximité avec vos voisins reste très forte et que votre conviction en la matière n'a pas bougé. J'aurais bien voulu vous convaincre, non pas tant pour le principe que parce que ce que je dis est conforme à la réalité. Vous m'objectez que les projections ne sont pas forcément prédictives, et vous avez raison. Du reste, comme l'a dit le rapporteur, il ne s'agit pas de prédictions : plus les projections concernent des termes éloignés, moins elles sont prédictives et plus elles relèvent d'un élément d'information intégrant divers indicateurs et diverses constantes. Il faut donc les regarder pour ce qu'elles sont : plus les échéances sont lointaines, plus il faut être prudent. C'est le boulot des statisticiens, qui les font d'ailleurs assez bien. Le COR utilise ces données de manière pragmatique, ce qui explique que le Premier ministre lui ait demandé un rapport, rendu en novembre, sur la réalité du déficit à l'horizon 2025-2027. C'est là une réalité que nous pouvons matérialiser, car il s'agit d'échéances de court terme. C'est aussi ce qui permet la tenue de la conférence de financement, qui a par ailleurs fait l'objet de plusieurs interventions, notamment de la part de Boris Vallaud et de Pierre Dharréville. Ils se sont inquiétés de la présence du Gouvernement au milieu des partenaires sociaux, mais je suis très à l'aise pour leur répondre : avec le Premier ministre, Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, et Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités de la santé, nous étions tous là, représentant le Gouvernement, pour installer cette commission et partager avec Jean-Jacques Marette les objectifs des partenaires sociaux.
Monsieur Vallaud, il faut laisser vivre le dialogue social et la démocratie sociale.
Est-ce ici que cette démocratie sociale se fait ? Lui laissons-nous de la place ? J'ai compris tout à l'heure que vous n'étiez pas très favorables à ce que faisaient les partenaires sociaux dans l'AGIRC-ARRCO – Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés. J'entends maintenant que vous n'êtes pas très favorable au fait qu'ils puissent se réunir tout seuls et que vous souhaiteriez la présence de membres du Gouvernement. Vous avez raison de dire que nous avons une vision assez différente de ce que doit être le dialogue social.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Pour conclure, je confirme mon avis défavorable sur l'amendement et les sous-amendements.
Sur les sous-amendements nos 41789 et identiques, 41796 et identiques, 41798 et identiques et 42332, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 100, alinéa 3, du règlement et sur l'article 11 de l'instruction du bureau.
J'ai raté tout à l'heure un sous-amendement à cause d'un défaut de synchronisation des écrans. C'est bien de tout faire par voie électronique, mais, lorsqu'il nous arrive de sortir brièvement de l'hémicycle, ce ne serait pas mal non plus que les informations s'affichent.
J'ajoute que le système de suivi des amendements mouline un peu au moment des scrutins et qu'il est assez difficile de savoir sur quoi nous votons. Il faudrait donc vérifier que tout est bien indiqué, afin que nous puissions mieux suivre les débats.
Monsieur Aubert, je vous remercie pour ces remarques. Les informations figurent bien sur les écrans mais, les sous-amendements étant très nombreux, on ne voit pas forcément tout. Toujours est-il qu'au moment du vote, j'indique le nom du premier signataire, afin d'éviter les confusions – pour le cas où vous douteriez du bouton sur lequel vous devez appuyer.
Article 1er
Monsieur le secrétaire d'État, si vous aviez 20 ans voilà trente ans, l'âge de départ en retraite n'était pas de 62 ans, mais de 60 ans, ce qui est très différent. L'âge de 62 ans a été fixé un peu plus tard.
C'est vrai.
Si le Parlement peut être bavard, la loi, elle, ne peut pas l'être. On peut certes parler de clarté, mais cela ne change pas grand-chose, M. Vallaud le sait parfaitement. C'est cependant une bonne intention et un bon thème de débat.
Ce qui m'importe, c'est la clarté maintenant, car il est difficile d'assurer qu'elle sera là dans trente ans – ça l'est déjà assez pour lundi prochain… La question est donc celle de la clarté du texte que nous examinons. Or on voit bien qu'elle n'est pas suffisante.
D'abord, ce texte prévoit de nombreuses ordonnances, autant de boîtes noires que l'on entrouvre sans trop savoir ce qu'elles contiennent. Sur la valeur du point non plus, les choses ne sont pas très claires, selon que l'on se situe avant ou après 2045, et pas davantage pour ce qui concerne la décorrélation entre les revalorisations de la valeur de service et de la valeur d'acquisition. La durée interminable des phases de transmission n'est pas non plus source de clarté. On ne peut pas dire qu'il soit clair de greffer trente-neuf sujets sur dix-huit dates. Personne ne s'y retrouve.
La lisibilité d'une loi assure aussi sa constitutionnalité et le fait qu'une loi soit incompréhensible pour les Français pose problème. Peut-être l'objectif du Gouvernement est-il louable, mais le résultat est impossible à comprendre.
Le financement pour 2027 et pour l'ensemble du système n'est évidemment pas clair non plus. En réalité, rien n'est garanti.
Cet amendement d'appel et ces sous-amendements sont extrêmement importants parce que le système de retraite exige de la clarté. Il est parfois préférable d'être un peu moins universel et beaucoup plus clair. Vous avez choisi une grande universalité et une petite clarté ; vous auriez dû opter pour le contraire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je profite de cet amendement générique pour parler des oubliés que sont les exploitants agricoles, oubliés par l'histoire et par les majorités précédentes.
Ah non ! Il faut que vous regardiez ce qui a été fait par les majorités précédentes !
Ce public est même oublié dans certains contre-projets élaborés dans cette assemblée, le mot « agriculteurs » ne figurant même pas dans leurs propositions. La réforme des retraites est pourtant attendue de longue date par les retraités agricoles, qui font partie de ceux qui touchent le moins.
La retraite d'un chef d'exploitation n'excède pas 760 euros par mois alors qu'elle est de 1 380 euros en moyenne pour l'ensemble des Français. Les avancées de ce projet de loi sont donc saluées par le monde agricole. L'instauration d'un système par points et d'un montant minimum de pension fixé à 85 % du SMIC net pour l'ensemble des Français était une revendication ancienne des syndicats agricoles.
Je voudrais enfin apporter quelques précisions au sujet des retraités agricoles actuels. Sur 30 000 agriculteurs qui partent à la retraite, 20 000 touchent une pension inférieure à 1 000 euros par mois et 10 000, une pension supérieure à 1 000 euros : les deux tiers des retraités reçoivent actuellement une pension qui se situe en dessous du niveau de la retraite universelle. Pour remédier à cette injustice, nous souhaitons également, après avoir participé à de nombreuses réunions et à de longues négociations, que chaque agriculteur puisse demander l'ASPA – l'allocation de solidarité aux personnes âgées, ou minimum vieillesse – , sans que cela ait de conséquence sur son patrimoine. Grâce à cette grande avancée, le niveau de revenus atteindrait immédiatement les 85 % du SMIC.
Les femmes d'exploitants agricoles étaient jusqu'à présent les grandes oubliées.
Voilà, chers collègues, quelles sont les propositions concrètes que nous avons mises sur la table.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
« Si ! » sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous abordons ce sujet de façon globale dans le cadre d'une réforme systémique car il renvoie à la question du financement de la retraite de tous les Français qui entreront dans le système universel, au-delà du cas des agriculteurs. Je sais d'ailleurs que de nombreux collègues se rendront au salon international de l'agriculture. Le SIA, il n'y a rien que ça !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai entendu les réponses du secrétaire d'État et du rapporteur.
Monsieur Pietraszewski parlant de démocratie sociale à propos d'un Gouvernement dont une des premières lois visait à réduire la représentativité des salariés, ça ne manque pas de sel !
Monsieur le rapporteur, vous parlez de clarté et de prévisibilité tout en employant une fois de plus l'expression « régime universel ». Or je vous rappelle que, dans son rapport, le Conseil d'État note que « le projet de loi ne crée pas un "régime universel de retraite" » mais « un "système universel par points" » et qu'« à l'intérieur de ce "système" existent cinq "régimes". Puis il est indiqué : « À l'intérieur de chacun de ces régimes créés ou maintenus, des règles dérogatoires à celles du système universel sont définies pour les professions concernées. » À votre place, je cesserais donc de parler de « régime universel » puisque même le Conseil d'État vous contredit.
Concernant la prévisibilité, on ignore toujours quelle sera la valeur du point, comment il sera calculé. Le simulateur ne sera prêt que dans six mois, après le vote de la loi – si toutefois la loi est votée, ce que je ne souhaite pas. D'autre part, nous savons que le point de sortie, autrement dit l'année où ce point acquis aura atteint toute sa valeur, dépendra de différents critères, si bien qu'au moment où une personne commencera à travailler, elle ne saura pas à partir de quand elle pourra bénéficier des points acquis.
Le financement a fait l'objet d'un vif débat. Monsieur Pietraszewski, vous êtes très fort : vous expliquez que le fait d'avoir fixé le plafond de cotisations à trois fois le PASS constituait un progrès parce qu'il s'agirait du niveau le plus élevé d'Europe. Or vous l'avez abaissé de 8 fois le PASS à 3 fois le PASS !
Comme sophisme, on ne fait pas mieux ! En outre, vous avez renvoyé à une ordonnance le soin de déterminer la manière dont on trouvera les 4 milliards d'euros de cotisations qui manqueront chaque année. Il en va de même, comme le rapporteur l'a d'ailleurs admis, pour les 42 milliards qui manqueront chaque année en raison de la baisse du taux de cotisation de l'État employeur et des collectivités territoriales, qui tombera de 74 %, pour le premier, et 33 %, pour les secondes, à 17 %. Vous-même avez assuré que ce manque serait compensé mais vous ne pouvez vous engager à la place des futures majorités. Votre loi ne permet pas de prévoir quoi que ce soit, sauf le fait que l'âge de départ à la retraite dans ce pays reculera considérablement et que, à âge de départ égal, les pensions diminueront. Ça, c'est prévisible.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.
Je veux tout d'abord préciser à mes collègues que je n'ai pas le sentiment d'être un « adversaire », terme qui vient d'être employé par un collègue pour nous qualifier. Nous sommes ici pour construire la loi ensemble. Je sais que vous n'avez pas envie de travailler avec nous, mais vous n'êtes pas des adversaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
Je tiens à faire une deuxième remarque : j'ai 59 ans, et personne ne peut me dire quel sera le montant de ma pension ni quand je la toucherai – j'ai essayé cette semaine encore de le savoir.
Mêmes mouvements.
J'aimerais insister sur la question du plafond. Chers collègues de l'opposition, sur tous les bancs, vous revenez régulièrement sur le fait que, pour 1 % de nos compatriotes, le plafond a été baissé de huit à trois PASS. Or je vous rappelle que, entre un et huit PASS, on ne se situe pas dans le cadre du régime universel mais dans celui des régimes complémentaires. Le passage de huit à trois ne doit donc pas masquer une autre réalité : la décision de faire passer le plafond d'un à trois PASS en restant à l'intérieur du régime général.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM. et LaREM.
J'aimerais qu'on me démontre mathématiquement où se trouve l'injustice dans le fait que les dizaines de milliards d'euros issus des revenus des plus riches se retrouvent dans le panier unique du régime général. Les 120 000 euros de revenus que touche une seule personne équivalent à trois minimums retraite. Désormais cette somme intégrera le panier commun. Vous ne pouvez pas dire que c'est injuste ! Comme l'a très bien expliqué mon collègue Fuchs mercredi, en s'appuyant sur les études de M. Piketty, nous sommes bien obligés de fixer le plafond quelque part. Que nous ayons décidé de le fixer à trois PASS, c'est une autre question.
Concernant les 4 milliards, vous l'avez dit, monsieur Coquerel : l'épargne populaire représente 5 000 milliards d'euros. Dans un marché qui brasse plusieurs fois 5 000 milliards d'euros, et alors que nous faisons revenir des dizaines de milliards d'euros dans le régime général, vous vous offusquez que ces 4 milliards profitent à certains, cela prouve que vous ne connaissez pas les vrais chiffres.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 100. Pour le bon déroulement des débats, je souhaite apporter deux précisions.
Monsieur le président Woerth, vous avez mentionné les ordonnances – et vous n'avez pas été le seul. Je veux rappeler quelques chiffres car il est toujours intéressant d'étayer son propos par des chiffres.
Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.
Avec tout le respect que je dois aux membres du groupe Les Républicains, 282 ordonnances ont été publiées sous le mandat de Jacques Chirac, 274 – chers amis socialistes – sous celui de M. Hollande et 171 sous celui de M. Sarkozy.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous affirmez, chers députés insoumis, que nous sommes flous, que nous manquons de précision. Je suis donc allée consulter votre programme.
Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Les approximations ne sont pas du côté qu'on croit. Votre programme n'en est pas avare.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Madame Grégoire, j'ai écourté le rappel au règlement car je tiens à ce qu'on s'en tienne au contenu du règlement.
Je vous informe que plusieurs prises de parole sont prévues maintenant. Puis, à l'occasion de l'examen d'amendements identiques, la discussion se poursuivra et nous laisserons alors vivre le débat. Les prises de parole seront donc possibles : ne craignez pas de voir votre temps de parole contraint.
Article 1er
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, car j'observe que vous en avez rabattu s'agissant de vos certitudes et de vos promesses. Vos hypothèses sont aléatoires, incertaines, sujettes à caution. Vous semblez dire : « On verra. » Vos grands principes énoncés dans l'article 1er me rappellent la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2005 à propos de la loi Fillon sur l'école, dont l'article 7 proclamait : « L'objectif de l'école est la réussite de tous les élèves. » Le Conseil constitutionnel avait jugé qu'une telle disposition, dépourvue de portée normative, n'avait pas sa place dans une loi, et que par conséquent cet article était inconstitutionnel. Il est vraisemblable que de nombreux principes sans portée normative que vous avez énoncés soient soumis au même traitement.
Pourquoi dit-on que la loi est incompréhensible ? En dehors de ce qu'a indiqué le Conseil d'État, et sur lequel je ne reviendrai pas, elle l'est parce que l'article 1er ne donne aucune garantie concernant le niveau des pensions relativement à celui des salaires. Or l'ajustement devra s'opérer sur les pensions et non sur les ressources. Le texte ne reprend pas le taux de rendement de 5,5 % qui figurait dans le rapport Delevoye. Les règles d'indexation sont sujettes à caution. Elles sont d'ailleurs différentes avant et après 2045. Avant cette date, comme l'a rappelé M. Woerth – ce que j'avais également fait – , les indexations de la valeur d'achat et de la valeur du point sont dissociées. Évidemment, on imagine bien ce que ça peut produire, d'autant que c'est le Gouvernement qui aura finalement la main sur l'évolution de ces taux.
Le taux de rendement du point pourra baisser pendant vingt-trois sans aucune garantie avant 2045, et il en sera d'ailleurs de même après cette date puisque ce sera la règle d'or. Compte tenu du fait qu'aucune retraite ne sera versée avant 2037, la valeur du point de 2022 aura très peu d'influence sur l'équilibre cumulé de 2022 à 2061. Ce sera donc la porte ouverte à tous les arbitrages et le Gouvernement sera tenté – comme il l'est souvent – de faire des économies. On a bien compris qu'il était essentiellement l'exécuteur de la réforme avortée de 1995, dont les objectifs étaient de repousser l'âge du départ à la retraite et de supprimer les régimes spéciaux. Nous n'avons aucune garantie concernant la stabilité de la part des pensions dans le PIB.
J'enfoncerai le clou après les propos de mon collègue concernant les agriculteurs. Je n'avais pas prévu de m'exprimer maintenant à ce sujet mais je le fais puisque nombre de nos amendements ont été jugés recevables et que nous n'aurons pas forcément la chance de pouvoir défendre beaucoup de ceux qui restent… Nous aimerions bien pouvoir parler sans devoir attendre nos amendements car ils tardent à arriver…
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.
Comme notre collègue Damaisin, nous nous félicitons de la revalorisation des pensions agricoles à 1 000 euros net pour une carrière complète à compter de 2022 puis à 85 % du SMIC dès 2025. Mais, bien sûr, nous nous inquiétons du sort des agriculteurs retraités d'aujourd'hui et souhaiterions, comme beaucoup ici, que ceux-ci puissent bénéficier d'une hausse de leur retraite qui est malheureusement, pour certains, largement en dessous de la moyenne nationale. En effet, la retraite moyenne d'un chef d'exploitation ne dépasse pas 750 euros. Nous aimerions donc que le Gouvernement s'engage à faire, pour ces agriculteurs, un geste à la mesure des espoirs suscités par l'annonce d'une pension de retraite à 1 000 euros.
Enfin, si le sous-amendement no 42332 de Mme Rubin nous transportait dans le temps jusqu'aux articles 8 et 9 – auxquels elle a fait référence lors de sa présentation – , alors que nous n'en sommes qu'à l'article 1er, je prendrais l'engagement de voter pour !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.
On a parlé de prévisibilité. Qui aurait pu prévoir que M. Delevoye allait quitter le navire en cours de route ? Qui aurait pu prévoir que nous allions perdre la ministre chargée du dossier en cours de route ?
La continuité est parfaite ! N'insultez pas les hauts fonctionnaires qui sont restés !
Qui aurait pu prévoir que la conférence de financement serait une coquille vide, jugée inopérante par l'ensemble des organisations syndicales ?
J'en viens aux agriculteurs. Ça suffit ! Nous sommes à la veille de l'ouverture du salon international de l'agriculture. À deux reprises, vous avez refusé, en ayant recours à tous les dispositifs de blocage, la proposition de loi d'André Chassaigne permettant de gérer le stock, d'accorder aux agriculteurs la retraite à 85 % du SMIC à laquelle ils ont droit.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe FI.
Ce n'est pas vous qui allez le faire ! Vous rêvez si vous vous imaginez qu'on va vous laisser le faire !
Aujourd'hui vous amusez la galerie – ou plutôt vous l'enfumez – en promettant de régler la situation pour les agriculteurs de demain alors que vous êtes incapables de le faire pour les 300 000 agriculteurs qui vivent actuellement en dessous du seuil de pauvreté.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Vous dites que des amendements sont prévus. Mais ces amendements ne font que préciser qu'il faudra procéder à un examen pour savoir quand il sera possible, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, de s'occuper de cette population. C'est du foutage de gueule !
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ce n'est pas possible de parler comme ça ! Nous ne sommes pas dans une cour de récréation !
Je vous le dis avec mes mots, des mots simples, ceux qu'emploient les gens.
Protestations continues sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je résume l'article 1er : demain il fera beau, peut-être, s'il ne pleut pas. Autrement dit : aucune garantie, aucune prévisibilité, aucune certitude pour les gens de savoir combien ils gagneront quand ils partiront à la retraite.
Je souhaite seulement répondre à l'auteur de l'amendement – momentanément absent – , qui pointait le manque de clarté, de visibilité…
Brouhaha. – Invectives.
Monsieur le rapporteur général, vous avez la parole et nous vous écoutons.
Il n'est pas admissible de s'entendre dire : « Si tu viens me chercher, tu vas me trouver ! »
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Les invectives se poursuivent.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures dix.
Rappel au règlement
Je souhaite, monsieur le président, que l'expression employée par M. Jumel figure bien au compte rendu. La conférence des présidents a en effet donné des consignes sur le niveau de vocabulaire. Ainsi pourra-t-on en tirer les conséquences nécessaires.
Il ne faudra pas non plus oublier de faire figurer le mot « fantasme » qui a été employé contre nous !
Article 1er
Je reviens sur l'amendement no 23856 , plus précisément sur la clarté et la prévisibilité du futur système universel de retraite. Nous ne sommes pas en train d'examiner une réformette paramétrique : nous proposons en effet un changement majeur de système, le futur dispositif gardant du reste le principe de financement par répartition. Notre projet est bien construit, il est clair. Le titre Ier définit précisément les grands critères et le fonctionnement du système universel, de la future « maison commune », comme l'appelle souvent le rapporteur Nicolas Turquois. Le titre II fixe précisément les règles de départ à la retraite et de prise en compte de la pénibilité. Le titre III détermine les nouvelles solidarités, notamment les nouveaux droits familiaux. Le titre IV prévoit la gouvernance du futur système – avec la création de la Caisse nationale de retraite universelle – , une gouvernance paritaire et associant le Parlement. Enfin, le titre V fixe, là aussi clairement, les règles de transition.
Vous avez par ailleurs évoqué la question des ordonnances. Il ne faut pas les diaboliser : elles se justifient sur les questions très techniques. Notre rôle est de définir le périmètre politique des ordonnances.
Rappels au règlement
Il semble que, pendant mon absence momentanée, mon nom ait été cité pour que figure au compte rendu je ne sais quel propos que j'aurais tenu. Je tiens à confirmer deux ou trois choses. J'ai dit ici qu'après avoir bloqué la proposition de loi Chassaigne, votre attitude relève du « foutage de gueule », et j'assume mes propos. Ce n'est d'ailleurs ni une attaque personnelle ni une insulte.
En revanche, quand un collègue m'appelle à sortir pour m'expliquer, …
… je considère que c'est une attaque personnelle, que c'est porter atteinte à mon intégrité politique et à mon intégrité physique.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Si vous voulez que soient inscrits ces propos au compte rendu, d'accord, mais je demande que la présidence de l'Assemblée garantisse la liberté d'expression des députés de l'opposition et que les menaces physiques, dans cet hémicycle, soient interdites.
Nouvelles protestations sur les bancs du groupe LaREM.
J'assume en revanche de penser que, lorsque la majorité ne respecte pas sa parole vis-à-vis des agriculteurs, cela relève du foutage de gueule.
Ce n'est pas le moment d'évoquer les agriculteurs car vous étiez censé formuler un rappel au règlement.
Premièrement, monsieur Jumel, quand vous avez laissé entendre que la présidence de l'Assemblée ne garantissait pas la liberté de parole des députés, j'espère que vous ne vous adressiez pas à moi et à mes collègues vice-présidents pour nous reprocher notre façon de diriger les débats.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Absolument pas : ce n'était pas une attaque personnelle, monsieur le président.
Nous n'avons rien à reprocher aux présidents qui se succèdent au perchoir.
Vous considérez donc que la liberté de parole de l'opposition est garantie, c'est important.
Je dis seulement que la police de l'Assemblée doit garantir la sécurité physique des députés de l'opposition.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Deuxièmement, monsieur Jumel, ne laissons pas entendre que quiconque ait peur et se sente en insécurité physique quand il entre dans l'hémicycle.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Non, ce n'est pas le cas. Ne disons pas n'importe quoi : à aucun moment les députés ne sont menacés, ni dans leur liberté d'expression ni dans leur intégrité physique.
Nous allons en rester là sur ce point.
La parole est à M. François Ruffin pour un autre rappel au règlement.
M. Fuchs demande que les propos de M. Jumel figurent bien au compte rendu. Comme je sais la qualité du travail fourni par le personnel de l'Assemblée, je ne doute pas que les propos de M. Fuchs me mettant en cause concernant des conflits d'intérêts soient également portés au compte rendu. J'espère qu'il apportera les preuves de ses affirmations à la présidence de l'Assemblée. Quant à moi, je vous le dis : plutôt que de chercher la paille que vous ne trouverez pas dans mon oeil, vous feriez mieux de regarder la poutre des conflits d'intérêts qui se trouve dans celui des membres de la majorité.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, plusieurs d'entre vous souhaitent intervenir, mais nous n'allons pas entendre 247 rappels au règlement sur le même sujet ! Je vous rappelle que le président de séance peut clore une série de rappels au règlement lorsqu'ils ont le même objet. Je prends encore un intervenant avant que nous ne passions aux votes.
Monsieur Damaisin, vous avez demandé la parole pour un rappel au règlement. Je vous demande d'être précis sur son objet et de ne pas vous en écarter : vous ne vous adresserez pas aux agriculteurs et vous n'évoquez ni une question de fond ni l'amendement en cours d'examen. Vous avez la parole.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 100 du règlement. Je souhaite répondre à notre collègue Jumel. Je ne vous ai pas menacé physiquement mais j'ai dit : « Si vous me cherchez, vous allez me trouver. »
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Je voulais dire : vous allez me trouver pour débattre. Vous savez très bien que, depuis deux ans, je travaille avec André Chassaigne sur ce sujet et que les choses avancent. Monsieur Jumel peut dormir tranquille, je ne l'ai pas menacé : nous pouvons aller boire une coupe à la buvette !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Merci, monsieur Damaisin. La précision est donc apportée : il n'y a pas eu de menaces.
Il se fonde sur l'article 58, alinéa 3 du règlement. Je veux alerter ceux qui nous accusent collectivement, par amalgame, en affirmant que nous, élus de la majorité, formons une secte, sommes des Playmobil, des suppôts des sociétés de banque, en situation de conflit d'intérêts.
Lorsque vous dites cela, vous visez chacun d'entre nous, et je le supporte depuis deux ans. Compte tenu de ma vie et de mon parcours, je considère qu'il s'agit d'attaques personnelles complètement injustifiées.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Le sous-amendement no 42333 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 12
Contre 70
Le sous-amendement no 41793 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 10
Contre 70
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 12
Contre 68
Le sous-amendement no 42178 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 12
Contre 69
Le sous-amendement no 42332 n'est pas adopté.
L'amendement no 23856 n'est pas adopté.
Mes chers collègues, après trois jours de débats, je suis très heureux de vous informer que nous attaquons l'alinéa 2 de l'article 1er.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Je suis saisi de dix-huit amendements identiques, nos 1548 et identiques déposés par les membres du groupe de la France insoumise, et no 3926.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement nos 1548 et les seize amendements identiques déposés par les membres du groupe de la France insoumise.
Ils visent à supprimer l'alinéa 2 de l'article 1er.
Au-delà, on nous dit que les agriculteurs seront les grands gagnants de la réforme.
Un article paru ce matin traite de l'application aux agriculteurs de la promesse d'une pension de retraite à 1 000 euros nets minimum par mois pour quiconque aura fait toute sa carrière au SMIC. On peut lire la réaction d'André Tissot de la Confédération paysanne : « Quand on commence à creuser, c'est épouvantable. » L'article précise que les agriculteurs n'étaient pas initialement défavorables à l'idée d'un système universel en citant de nouveau André Tissot : « C'était trop beau, on voulait y croire. On n'avait pas d'a priori contre cette réforme et quand on a commencé à creuser, c'était la déception. » Il parle même de « trahison ».
Pourquoi vos prétendus « grands gagnants » de la réforme font-ils ce constat, poursuit l'article ? Parce que, comme dans les contrats d'assurance d'Axa, derrière les 1 000 euros pour tous, il y a de nombreux astérisques. Il faudra par exemple avoir fait une carrière complète de 43 ans et cotisé à hauteur du SMIC. Autrement dit, on élimine les femmes de paysans, ceux qui ont eu une carrière hachée, ceux qui ont connu des périodes d'incapacité ou d'invalidité…
D'après André Tissot, « ces règles excluent 40 % du monde agricole ». L'article constate aussi que, du côté de la Coordination rurale, on n'est guère plus à l'aise avec la réforme. Armand Paquereau déclare que la promesse d'une retraite à 1 000 euros pour tous les agriculteurs n'est rien d'autre qu'une « fausse information ». Il ajoute : « Quand on connaît le revenu d'une grande partie des agriculteurs, on sait que beaucoup n'auront pas le droit à cette pension. »
L'article rappelle que le groupe GDR de l'Assemblée avait proposé une revalorisation des pensions à 85 % du SMIC. Depuis 2017, votre majorité l'a constamment refusée, alors que la FNSEA la réclame de manière urgente.
Vous prétendez que les grands gagnants seront les femmes et les agriculteurs. Pourtant la présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes constate que l'on ne sait pas ce que donnera le nouveau système et qu'il comporte des dispositions qui défavoriseront les femmes, et tous les syndicats agricoles vous expliquent que vos 1 000 euros pour les agriculteurs sont une fausse information et en parlant même de « trahison ».
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement no 3926 .
La réforme des retraites a d'abord été défendue en avançant l'argument de la nécessité d'une plus grande équité : un régime plutôt que quarante-deux pour que la promesse du Président Macron soit effective ; à chaque euro cotisé, le même nombre de points pour tous. Mais, si cela était exact, pourquoi autant de Français se retrouveraient-ils dans la rue pour contester votre réforme ?
Si elle est à ce point contestée, c'est qu'en réalité elle n'est pas équitable. Le Conseil d'État relève que « l'objectif "chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous" reflète imparfaitement la complexité et la diversité des règles de cotisation ou d'ouverture de droits définies par le projet de loi ».
Chaque euro cotisé n'ouvrira pas les mêmes droits pour tous car l'effort de cotisation ne cesse d'augmenter sans que le revenu de retraite n'augmente. La conversion de l'euro cotisé en pension de retraite ne sera pas la même pour tous. Décidément, la plus grande équité est loin d'être défendue, et encore moins respectée.
M. Nicolas Meizonnet applaudit.
Quel est l'avis de la commission spéciale sur ces amendements identiques ?
Il est défavorable car les arguments qui nous sont exposés n'ont rien à voir avec l'alinéa que ces amendements visent à supprimer.
Défavorable.
Je regrette que nous ne saisissions pas l'occasion pour débattre de la situation des agriculteurs. J'ai entendu des dénégations du côté des bancs de la majorité lorsque mon collègue François Ruffin s'est exprimé. Je souhaite donc compléter ses propos.
Je vous rappelle que, dans votre réforme, seuls les chefs d'exploitation justifiant d'une carrière complète de quarante-trois ans et ayant cotisé à hauteur du SMIC seront éligibles à la pension minimale que vous avez définie. Exit donc les conjoints de paysans et les agriculteurs aux carrières hachés en raison d'incapacité, d'invalidité ou de toute autre cause. En d'autres termes, tous les plus fragiles sont exclus par les règles que vous mettez en place.
En outre, alors qu'un agriculteur touche en moyenne 855 euros de retraite, vous laissez penser qu'on atteindrait un palier considérablement élevé si l'on portait les pensions à 1 000 euros – ce qui ne vaudrait, je l'ai dit, que pour certains. Je trouve que vous portez peu de considération à ce que les agriculteurs apportent, à leur travail et à leur situation. Leur nombre ne cesse pourtant de diminuer, et je vous rappelle qu'un agriculteur se suicide chaque jour en France.
Ce n'est pas votre réforme qui permettra qu'une partie des agriculteurs perçoive une retraite minimale de 1 000 euros. En revanche un texte a autrefois été adopté en ce sens, auquel vous vous êtes opposés dès votre arrivée au pouvoir. Vous n'avez fait que ralentir l'application de cette mesure, à laquelle vous vous ralliez aujourd'hui, mais ne laissez pas penser qu'il y a le moindre rapport avec votre réforme et le système par points.
M. François Ruffin applaudit.
Les amendements identiques que nous examinons visent à supprimer l'alinéa 2 de l'article 1er, qui est ainsi rédigé : « 1° Après l'article L. 111-2-1, il est inséré un article L. 111-2-1-1 ainsi rédigé : ». Cela suffit à nous montrer que ces amendements sont complètement décalés et ridicules.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons compris que vous saisissez l'occasion d'organiser une nouvelle discussion générale, mais franchement… Je demanderai peut-être à faire un rappel au règlement tout à l'heure pour savoir si l'on ne peut pas se concentrer sur l'amendement sur lequel on intervient.
Nous avons la responsabilité d'apporter des réponses aux questions que se posent nos concitoyens. À la veille du salon de l'agriculture, les agricultures s'interrogent : sachant qu'un agriculteur gagne en moyenne 780 euros et une agricultrice 750 euros, …
… ils se demandent, si après une vie de labeur consacrée à nourrir le pays, ils pourront prétendre à une retraite équivalente à 85 % du SMIC, conformément aux promesses qu'on leur a faites. Ce n'est quand même pas la mer à boire !
Force est de constater que vous êtes incapables de répondre à cette question et que le projet de loi n'apporte pas de réponses en la matière. Même si vous préparez un amendement visant à demander qu'un rapport soit publié dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous n'apportez pas de réponse concrète à la gestion du stock de ceux qui vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. Alors que le règlement de la situation des agriculteurs est agité comme un leurre depuis le début du débat sur les retraites, force est de constater qu'Emmanuel Macron va les laisser sur la paille à la faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. François Ruffin applaudit également.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai un cas d'école à vous soumettre concernant le cumul emploi-retraite. M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, ici présent, connaît bien, lui aussi, les agriculteurs. Je pense aux bi-actifs : ils travaillent pour une entreprise et, à d'autres horaires, travaillent aussi dans une exploitation agricole. Une fois à la retraite dans leur activité principale – qui correspondait souvent à un mi-temps ou un gros mi-temps – , ils ne peuvent pas bénéficier du cumul emploi-retraite qui leur permettrait de percevoir leur pension en continuant de travailler dans une exploitation agricole. Comme nous réorganisons profondément le système des retraites, il serait bien de rendre ce cumul possible. Quand on considère les difficultés de transmission des exploitations et leur concentration, quand on sait que la nouvelle PAC supprimera les aides pour ceux qui n'exercent pas une activité unique, on comprend que l'on pourrait toucher un segment de la population agricole de personnes ayant 60 ou 62 ans qui veulent poursuivre leur activité mais qui ne peuvent plus le faire. Au détour de la réforme, ce serait bien de ne pas laisser passer l'occasion qui s'offre à nous de leur en donner la possibilité.
Les amendements nos 1548 et identiques ne sont pas adoptés.
Ils visent à supprimer l'alinéa 3 de l'article 1er, car nous estimons qu'il est le symbole du déguisement sous lequel vous présentez votre réforme.
Vous annoncez un « système universelle de retraite » exprimant « la solidarité entre les générations unies dans un pacte social », mais, en réalité, vous allez faire tout l'inverse. Or le système que vous proposez n'a rien d'universel car en réalité, chaque génération sera traitée de manière différente, selon le nombre de personnes qui partiront à la retraite en même temps. On l'a vu, la valeur de sortie du point empêchera le système d'être le même pour tous. Le Président de la République l'admet lui-même, lui qui explique qu'il y aura au fond 66 millions d'âges pivots !
Vous parlez de solidarité entre les générations, mais le système actuel, qui assurait cette solidarité, et que vous démolissez, était financé par des cotisations sur les revenus du travail. Vous allez étatiser le système de retraite, comme vous l'avez fait pour la santé, avec les mêmes conséquences. Au lieu d'inscrire dans la loi l'âge de départ à la retraite et la durée de cotisation puis de chercher les financements nécessaires, vous allez faire l'inverse : fixer d'abord les financements possibles – vous avez déjà décidé qu'ils seraient inférieurs à 13 % du PIB – puis en déduire l'âge auquel nos concitoyens auront le droit de partir à la retraite. Ce n'est plus de la solidarité entre les générations, mais la subordination des individus à une politique d'austérité néolibérale. Voilà ce que vous proposez !
Monsieur Petit, pour répondre à votre interrogation – je vous ai vu prêt à brandir le règlement – , je vous rappelle la nouvelle procédure. Nous sommes saisis de dix-huit amendements identiques du même groupe, et, selon la nouvelle rédaction du règlement, un député défend l'ensemble d'entre eux, au nom du groupe.
C'est une possibilité que la conférence des présidents a formellement actée, et je ne fais qu'appliquer ses décisions.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 3939 .
Il vise à supprimer l'alinéa 3 de l'article 1er, qui laisse entendre que le projet de loi va instaurer un système universel de retraite exprimant la solidarité entre les générations.
Le but est louable mais, dans l'état actuel, votre projet de loi ne permet pas d'assurer avec certitude le principe de solidarité entre les générations, puisque le coût de la réforme n'est toujours pas connu avec précision, en particulier à cause des très nombreuses concessions déjà accordées aux bénéficiaires des régimes spéciaux. La conférence de financement est au point mort – hier, on parlait de se servir dans le Fonds de réserve pour les retraites. Bref, le coût comme le financement de la réforme restent imprévisibles, voire illisibles.
Si ce coût n'était pas maîtrisé, il s'agirait de nouveaux reports de dépenses que devront supporter les nouvelles générations – qui vont déjà payer la dette publique et ses intérêts, sans compter le futur plan dépendance. Difficile, dans ces conditions, de prétendre que le présent projet de loi est fondé sur la solidarité entre les générations, vous l'avouerez.
Quel est l'avis de la commission spéciale sur ces amendements identiques ?
Je reprendrai mes propos précédents. Libre à l'opposition de contester la pertinence des outils retenus dans le projet de loi, mais l'amendement tend à supprimer l'alinéa 3, qui dispose : « La Nation affirme solennellement son attachement à un système universel de retraite qui, par son caractère obligatoire et le choix d'un financement par répartition, exprime la solidarité entre les générations, unies dans un pacte social. » Supprimer cela revient à nier le choix du caractère obligatoire et du financement par répartition du système de retraite, qui exprime la solidarité entre les générations. C'est ainsi que je lis votre amendement. En conséquence, l'avis est évidemment défavorable.
L'intervention de Mme Ménard, et je l'en remercie, nous donne l'occasion de faire une précision intéressante sur l'article 39 et la question des régimes spéciaux. À l'entendre, on a l'impression que le devenir des régimes spéciaux induira davantage de dépenses. En réalité, ce n'est pas le cas : les régimes spéciaux sont mis en extinction, et la transition leur fera faire des économies, année après année. L'article 39 prévoit bien la conservation des droits acquis, pour autant que les durées d'activité soient suffisantes, et renvoie l'organisation de l'extinction à une ordonnance. En tout état de cause, année après année, le système universel fera des économies liées à cette transition. Il n'y aura donc aucun coût supplémentaire. Je suis défavorable à ces amendements identiques.
Défavorable.
S'il faut éviter d'entrer en permanence dans des discussions qui enjambent les amendements, je voudrais quand même répondre au président Vigier.
Dans l'étude d'impact, pages 204 et 205, il trouvera les cas types qui montrent bien qu'au-delà de 65 ans – âge du taux plein qui a été retenu pour la comparaison avec le système actuel, en se basant sur l'hypothèse d'une entrée dans la vie active à 22 ans et d'une durée d'activité de 43 ans, conformément aux dispositions contractuelles actuelles – , le taux de remplacement progresse significativement. Bien sûr, plus on travaille d'années au-delà de cet âge, plus le taux est important, mais celui-ci progresse dès l'âge du taux plein – lequel, je le rappelle, ne représente qu'une hypothèse renvoyant au système actuel et ne présage en rien de ce que sera l'âge d'équilibre, qui reste à définir.
Quant à votre deuxième question, monsieur le président Vigier, relative au cumul entre emploi et retraite pour les professions agricoles, le rapporteur aurait pu vous répondre car il connaît bien le sujet, mais je vais le faire volontiers. Il s'agit d'une profession dont j'ai rencontré à de nombreuses reprises les représentants en travaillant sur le projet de loi, y compris avant d'arriver au Gouvernement. Ils nous ont demandé d'encadrer le cumul emploi-retraite pour faciliter la transmission des exploitations – un souhait fréquent et parfaitement légitime – et éviter la concurrence implicite entre les dispositifs. Il sera bien sûr toujours possible de travailler dans une exploitation agricole tout en étant en retraite, mais dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, c'est-à-dire sans constitution de droit contributif.
Pour revenir à l'alinéa 3, étant curieux, je suis allé voir la façon dont étaient rédigées les lois précédentes réformant le système de retraite. Je voulais notamment savoir s'il était ou non d'usage de soumettre à la représentation nationale des principes généraux – ces principes dont on débat depuis cinq jours. Peut-être, me suis-je dit, ai-je été trop présomptueux en incluant des principes généraux dans le texte, là où d'autres, plus pragmatiques et plus efficaces que moi, ne l'avaient jamais fait. Par curiosité, je suis donc allé voir ce qu'avait proposé la majorité socialiste de l'époque dans sa loi de 2014 : je n'en ferai pas la lecture à l'Assemblée nationale, mais vous aurez compris que les principes généraux y figurent bien sûr au début.
Pourtant – j'étais alors un citoyen attentif à la politique – il ne me semble pas avoir vu les oppositions bloquer le débat et obliger le Gouvernement à passer plus de cinq jours sur deux alinéas !
Mes chers collègues, franchement, dans quelle langue faut-il vous le dire ? Vous avez l'art de la redondance, alors nous devons nous aussi pratiquer l'art de la répétition. Vous ne voulez pas comprendre, vous ne voulez pas entendre, non, parce que votre seul et unique objectif est de plomber les débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Oui, la solidarité est au coeur de ce système. Oui, pour réduire les inégalités qui affectent le système actuel, nous voulons mettre en place le minimum contributif. D'ailleurs, c'est une si belle mesure que certains d'entre vous demandent de la voir appliquée à tout le stock. Avançons donc dans le texte pour l'adopter !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Contrairement à ce que vous dites, il s'agit bien d'un système par répartition. Pourquoi ? Parce que ce sont les cotisations des actifs qui assureront les pensions des retraités. Alors pourquoi dire le contraire, sinon pour faire peur aux Français par vos discours anxiogènes ? Sachez que les Français ne sont pas dupes de votre perfidie !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI. – « Référendum ! » sur les bancs des groupes GDR.
Même si nous avons examiné des sujets, non pas de détail, mais techniques et précis – presque des niches – , nous en sommes toujours aux principes généraux. Alors rappelons-les. Lorsqu'à la fin du processus législatif, le projet de loi sera adopté – ce dont, au fond, personne ne doute, dans la majorité comme dans l'opposition – ,…
… la France se sera dotée d'un système de retraite plus juste, plus moderne et plus pérenne.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.
Sourires.
Plus juste car il sera le même pour tous : pour les agents du service public, les salariés du secteur privé, les indépendants et les artisans, chaque point obtenu dans les mêmes conditions procurera les mêmes droits.
Plus adapté : qui aujourd'hui – pensez à nos enfants ! – effectue l'ensemble de son parcours professionnel chez un même employeur ? Presque personne.
Plus pérenne enfin, puisqu'une conférence de financement doit fixer les conditions de l'équilibre en tenant compte d'une double exigence : ne pas compromettre la compétitivité de nos entreprises car, sans elle, il n'y a pas de croissance et, partant, pas de financement possible ; garantir le pouvoir d'achat de nos aînés. Il est un fait incontestable : l'espérance de vie progresse.
Tant mieux pour nous tous. Dans le demi-siècle à venir, le nombre des plus de 75 ans aura plus que doublé. Il faudra donc travailler plus pour ne pas compromettre les équilibres financiers, c'est une évidence. Je suis certaine que, si nous ne faisons rien maintenant, nos petits-enfants n'auront rien. Les réformes qui font gagner tout le monde sont rares : si l'on veut être juste, certains doivent accepter de perdre un peu…
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM. – Mme Patricia Lemoine applaudit également.
Puisque l'article 1er énumère les grands principes, parlons-en ! En supprimant l'alinéa 3, on ne nie pas notre attachement à ces principes, on en dénonce la vacuité, le caractère novlangue.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit que la réforme ne faisait que s'adapter aux évolutions du monde, ce « monde de demain » que vous aimez évoquer. Comme le dit une publicité – elle fait la promotion d'une banque, mais je la trouve intéressante – , « Ce n'est pas le monde qui change, c'est vous qui le faites changer ». Nous sommes là pour changer le monde, en effet. Mais il existe une différence entre vous et nous : votre monde de demain, celui que vous laissez filer depuis trente ans, est soumis à une logique économique et financière qui ne profite qu'au capital, au détriment du travail et de l'activité en général,
M. François Ruffin applaudit
et de manière de plus en plus nette.
C'est d'ailleurs dans ce contexte que nous avons vu émerger les assurances complémentaires et les produits d'épargne retraite que vous avez mentionnés, monsieur le secrétaire d'État. C'est parce que vous voulez soumettre les gens à ce monde, présenté comme inéluctable, obéissant à une loi naturelle, que vos propos sonnent faux lorsque vous employez les mots solidarité, universalité, répartition.
M. François Ruffin applaudit.
Si vous voulez vraiment faire de la solidarité et de la répartition, commencez par mieux répartir les revenus du travail et du capital.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je ne suis pas dupe de la tactique de répétition employée par les orateurs de la majorité, consistant à faire du commentaire sans jamais entrer dans le coeur du débat que, pour notre part, nous essayons d'avoir dans l'hémicycle.
Rires.
Sourires.
J'en reviens aux amendements. Moi qui suis attaché à la sincérité de la loi, je pense qu'il y a une forme de duplicité dans ce texte : les grands principes généreux et rassembleurs qui sont affichés ne correspondent pas à la réalité que nous voyons transparaître.
J'admire la foi qui s'exprime parfois sur certains bancs. Je viens d'ailleurs d'entendre une remarque qui me semble être assez fondamentale concernant le texte : il révèle une volonté de peser, de contraindre, de ne pas donner droit à la rémunération du travail. Vous parlez de compétitivité, de coût du travail. Nous connaissons ce discours, que vous appliquez là aux retraites.
A aussi été évoqué le danger que court notre système actuel, la situation dans laquelle vont se trouver nos enfants et petits-enfants si nous ne faisons rien. Le COR dit exactement l'inverse.
Vous ne pouvez pas justifier votre réforme par des arguments de ce type ; ce n'est absolument pas sérieux.
Enfin, nous dénonçons le fait que cette déclaration de principe ne soit pas conforme à votre projet. La loi doit être cohérente et sincère ; or, en l'occurrence, ce n'est pas le cas. Nous doutons de votre capacité à faire évoluer le texte car nous constatons qu'au cours des débats vous n'entendez pas grand-chose, pour ne pas dire rien.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.
Pour résumer, votre démarche, dans l'article 1er, ressemble à du tuning.
Commençons par les ordonnances prévues dans les réformes des retraites : il n'y en avait pas dans la loi Fillon ; il y en avait deux dans la loi Touraine, dont l'une était destinée à étendre les mesures aux territoires d'outre-mer.
Le secrétaire d'État a renvoyé M. Vigier à l'étude à l'étude d'impact, à laquelle je vais moi-même me référer pour apporter quelques précisions. Page 117, un tableau illustre le fait que la prise en compte de l'ensemble de la carrière indexée sur le salaire moyen est moins favorable que celle des vingt-cinq meilleures années indexées sur l'inflation pour les cas types à carrière ascendante ou très ascendante ; à l'inverse, ce mode de calcul est plus favorable pour les personnes rémunérées au SMIC. Il est ainsi estimé que la pension d'un non-cadre baissera de 4 % tandis que celle d'un salarié au SMIC progressera de 5 %.
Cependant, les auteurs de l'étude d'impact omettent de préciser que tous les cas types ont été construits sur des hypothèses d'un départ à 65 ans, quelles que soient les générations nées à partir de 1975, alors que cet âge pivot, on le sait, va augmenter – c'est le but même de ce texte.
En outre, le taux de rendement est constant à 5,5 % pendant toute la durée de la réforme, ce qu'absolument rien ne garantit. En réalité, le nouveau système induira une baisse du taux de remplacement : de 8 points pour un départ à 64 ans et de 18 points avec les décotes dans le cas d'un départ à 62 ans.
Autre oubli : les désavantages liés aux carrières hachées – souvent associées à des bas salaires – sont gommés dans un système qui prend en compte les vingt-cinq meilleures années, ce qui ne sera pas le cas dans le nouveau système.
Du reste, vous omettez aussi de dire que toutes vos règles d'indexation sont en mousse : elles ne sont garanties – et encore très relativement – qu'à partir de 2045.
J'en termine sur l'impatience de certains de nos collègues. C'est probablement la plus grande réforme depuis des décennies, nous disent-ils. Nous sommes prêts à la considérer comme telle, et c'est pourquoi nous nous émouvons des délais d'examen qui nous sont imposés. Douze ans s'écoulèrent entre le rapport de Jules Ferry sur l'école et la loi sur l'école : de 1870 à 1882.
Quant à l'amendement Wallon, grand amendement, son seul examen nécessita trois heures cinquante de discussion.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
J'avoue que je ne sais pas non plus. Et même si s'expriment des convictions personnelles parfois peu objectives, j'ai l'impression que personne ne sait.
C'est bien le problème de ce texte : rien ne permet de le dire et personne n'aura ce ressenti. Or, c'est comme pour la température : celle que l'on ressent est en général celle qui nous tue car c'est la température réelle subie par notre corps.
Ce texte n'est pas clair, cela a déjà été dit à plusieurs reprises. Je le regrette profondément. Je pense qu'on aurait pu respecter la parole du Président de la République durant sa campagne électorale, avec un texte clair, précis, net. C'est pour cela qu'il faut laisser le débat se poursuivre. Le Gouvernement aurait tort de l'interrompre. Il a fallu deux ans pour construire un texte qui n'est pas fini ; il me semblerait normal d'avoir deux mois pour en discuter au Parlement.
Du débat naît un peu plus de clarté. Vous devez laisser les débats se poursuivre. Vous devez réorganiser le calendrier du Parlement – c'est le Gouvernement qui a la main en la matière. Vous devez déplacer les autres textes éventuellement programmés.
Vous devez laisser le Parlement débattre tranquillement et aboutir à l'adoption d'un texte, ce que nous n'avons pas su faire en commission, alors qu'il aurait pu en être décidé autrement.
Nous devons aller jusqu'au bout de ce texte, quitte à y consacrer deux mois au Parlement. Ce texte engage la vie de tous les Français et quelque 320 milliards d'euros sont en jeu : cela vaut bien deux mois de débats à l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Les amendements nos 1582 et identiques ne sont pas adoptés.
Le groupe Les Républicains souhaite qu'une réforme des retraites pérenne et profonde soit élaborée au cours de ce quinquennat. Nous travaillons sur un véritable projet depuis 2019, afin d'apporter une brique complémentaire pour consolider la loi Woerth.
Notre projet repose sur un financement pérenne avec une redistribution juste et cohérente, ce qui implique de disposer des ressources nécessaires. La pérennité financière du système ne peut être garantie que par un ajustement des trois critères suivants : hausse des cotisations, baisse des pensions ou relèvement de l'âge de départ à la retraite.
Le socle du raisonnement d'une redistribution cohérente doit viser certains objectifs : suppression de tous les régimes spéciaux en douze ans ; protection des droits familiaux et conjugaux ; stabilité des taux de protection. Face à l'allongement de l'espérance de vie, il nous paraît obligatoire de faire reculer progressivement l'âge du départ à la retraite jusqu'à 65 ans, en compensant cette mesure par un renforcement des dispositifs de pénibilité, en fonction de l'évaluation de l'incapacité relative à la situation personnelle de chacun.
Notre réforme est la seule qui soit juste, responsable, lisible et qui maintienne le pouvoir d'achat des retraités avec certitude. Tel est l'objet de cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Tout le monde souhaite une réforme profonde du système des retraites pour que celui-ci soit pérenne : c'est absolument nécessaire. Or le projet de réforme qui nous est proposé manque de clarté, alimente les procès en défiance et en impréparation. Son financement est peu clair et inquiétant. Par ailleurs, le Conseil d'État a pointé certains dysfonctionnements.
Y avait-il réellement urgence à réformer les retraites ? Je pense que nos débats auraient dû se prévoir et s'étaler sur un temps plus long. Ne pouvons-nous pas, pendant nos débats, apporter tous notre pierre à l'édifice ? Que le Gouvernement accepte les propositions réalistes et raisonnables de groupes qui soumettent de vraies réflexions et n'adoptent pas la solution extrême de l'obstruction et du refus catégorique de certains. Je pense aux propos tenus concernant les avocats ou les enseignants : ce que dit l'opposition n'est pas forcément sot.
La conférence de financement semblait très conflictuelle sur trois leviers possibles : baisse des pensions, hausse des cotisations, augmentation de l'âge du départ. On ne peut retenir une baisse des pensions alors qu'il faut au contraire maintenir, voire augmenter, le pouvoir d'achat des retraités. La hausse des cotisations conduirait inévitablement à une hausse du coût du travail, déjà l'un des plus élevés des pays développés et qu'il n'est pas raisonnable de faire supporter aux entreprises.
En l'absence d'autre solution possible et sérieuse, pourquoi ne pas proposer d'augmenter progressivement l'âge de départ à la retraite à 64 ans ? Cette mesure serait compensée par un renforcement des dispositifs de pénibilité et de retraite progressive. Cette augmentation programmée pourrait être envisagée sous la forme de deux mois par an, par exemple, pour aboutir à 64 ans à l'horizon 2028-2030.
Le rôle de chacun d'entre nous et de débattre, afin de trouver des consensus tous ensemble et non pas, me semble-t-il, d'empêcher de faire ce travail que tous les Français attendent de notre part.
Je voudrais compléter les propos de ma collègue Marianne Dubois. Que l'on s'entende et que l'on se comprenne bien : nous voulons que tous les Français obtiennent une réponse forte, claire et lisible sur leur système de retraite ; nous le demandons pour les générations actuelles et futures.
Quelles que soient nos positions, nous sommes, me semble-t-il, sur tous les bancs, pétris des mêmes intentions : nous voulons un système juste, équitable et financé. En revanche, nous ne sommes pas d'accord sur le périmètre et le mécanisme. Nous souhaitons réécrire le projet de loi du Gouvernement afin de le rendre plus lisible. Nous proposons de créer un régime universel de base afin de mettre fin aux disparités entre les Français, tout en admettant des régimes spéciaux pour les militaires, les gendarmes, les policiers et les pompiers. Les autres régimes spéciaux seraient supprimés dans un délai raisonnable – douze ans – car il ne faut pas reporter la mesure aux calendes grecques.
Pour ne pas écraser l'existant, nous préconisons un régime universel avec un PASS incluant une grande partie des Français tout en laissant vivre les systèmes de retraite afin de leur permettre de s'adapter à la vraie vie de nos concitoyens.
Pour la pérennité financière, sujet essentiel, il faut augmenter les cotisations, diminuer les pensions ou demander aux gens de travailler un peu plus longtemps. Il faut le dire et l'admettre. À défaut, le système ne tiendra pas, ce ne sera qu'une demi-mesure. Celle que vous proposez, l'âge d'équilibre, nous paraît être une forme de d'hypocrisie ou de lâcheté.
Puisque l'espérance de vie en bonne santé augmente, il faut admettre de travailler plus longtemps. C'est le sens du contre-projet de réforme proposé par le groupe Les Républicains. La réforme que nous proposons est juste, responsable et lisible. Tel est l'objet de cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un régime universel de retraite et du projet de loi organique relatif au système universel de retraite.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra