Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai ce soir l'honneur et le plaisir de vous présenter les crédits du programme 144 de la mission « Défense », intitulé « Environnement et prospective de la politique de défense ». Ce programme est très ambitieux, car il a le double objectif d'éclairer le présent et de préparer l'avenir. Son poids budgétaire reste toutefois modeste au regard du budget global de la défense, puisque les crédits inscrits au projet de loi de finances 2018 pour ce programme sont de 1,4 milliard d'euros.
Dans ce budget de transition entre deux législatures et deux lois de programmation militaire, les équilibres ont été maintenus et les dynamiques engagées se poursuivent. Les crédits du programme connaissent une très légère variation à la hausse, de 4,5 % en crédits de paiement, et à la baisse, de 5,8 % en autorisations d'engagement. Je considère néanmoins que ce budget s'inscrit déjà – certes timidement – dans la trajectoire des 2 % du PIB qu'il conviendra d'atteindre pour maintenir notre défense au meilleur niveau européen et mondial.
La hausse bénéficie principalement aux services de renseignement, dont l'action éclaire notre présent. Elle leur permettra notamment de mener à bien les opérations immobilières nécessaires pour accueillir leurs agents, toujours plus nombreux.
Le coeur du programme demeure la prospective technologique avec, en son centre, les études amont. En dépit d'une légère baisse des crédits en 2018, la trajectoire fixée lors de la précédente législature est respectée et la moyenne annuelle des crédits consacrés aux études amont aura bien été de 730 millions d'euros au cours des cinq dernières années. Comme le souligne la revue stratégique, les études amont, qui concentrent à elles seules la moitié des ressources du programme, sont la pierre angulaire de l'avenir de l'équipement de nos forces, donc de leur efficacité opérationnelle, et de celui de nos industries de défense. Or, je ne crains pas de le dire, l'effort actuel est très insuffisant et il faudra, à terme, consacrer au moins 1 milliard d'euros aux études amont, ce que la future loi de programmation devrait confirmer.
Nous sommes aujourd'hui face à un défi technologique que nous avons l'obligation de relever. Les équipements de demain devront pouvoir intégrer les développements de l'intelligence artificielle, de la numérisation, du traitement du big data, de la robotique et des nanotechnologies – cet inventaire pourrait se poursuivre longtemps. Il est urgent de capter les innovations issues tant des groupes industriels que de nos PME et de nos start-ups, afin de tirer profit de leur vitalité en leur apportant notre soutien en retour.
Il est impératif de revoir nos procédures et nos méthodes pour mieux capter et transformer les évolutions et les ruptures. Il faut aller plus vite, être plus flexibles, plus ouverts, avancer et savoir aussi reculer, avoir de l'imagination. Des mécanismes mis en oeuvre par la direction générale de l'armement – DGA – , par les grands groupes et leurs organisations professionnelles existent déjà. C'est une bonne chose, mais il faut aller plus loin et multiplier les cercles au sein desquels peuvent se rencontrer les représentants du ministère et les entreprises qui ne sont pas identifiées dans la base industrielle et technologique de défense – BITD – et n'imaginent donc pas les déclinaisons potentielles de leurs inventions. Il faut littéralement traquer l'innovation de rupture et aller, comme l'a évoqué le Président de la République, vers la création d'une DARPA – Defense Advanced Research Projects Agency, ou Agence pour les projets de recherche avancée de défense – européenne.
Tout cela ne se fera pas sans des moyens financiers importants, que notre pays ne sera vraisemblablement pas en mesure de fournir seul. L'Union européenne est, elle aussi, à un tournant, car, pour la première fois, des crédits communautaires seront consacrés à la recherche de défense. Une action préparatoire sur la recherche en matière de défense est lancée cette année. Elle durera trois ans et sera dotée d'un budget total de 90 millions d'euros. Certes, 30 millions d'euros par an, c'est peu à l'échelle de l'Europe, mais cette action marque la fin d'un tabou et préfigure le Fonds européen de la défense annoncé pour 2020. Il faut se féliciter de ces initiatives et les soutenir pour parvenir à un financement à la mesure des enjeux.
Enfin, si le montant des sommes consacrées à la recherche de défense est une chose, leur emploi en est une autre. L'examen de la répartition des crédits d'études amont fait apparaître des disparités étonnantes et regrettables dans certains cas. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui davantage dans une situation de gestion de moyens contraints que dans l'abondance, mais force est de constater que, par exemple, le domaine terrestre, traditionnellement moins technologique et plus rustique, ne figure pas parmi les cibles principales des études amont. Or c'est un secteur qui se modernise à grande vitesse et dont l'évolution technologique s'accélère.
Cette évolution doit se poursuivre et s'intensifier, mais il faudra que les moyens adéquats y soient consacrés. Combat collaboratif, traitement de l'information, robotique, nouveaux matériaux, énergies, optique : toutes ces évolutions vont transformer le combat sur le terrain et nous devons nous y préparer pour le maintien de l'efficacité opérationnelle de nos forces et pour leur protection.
Il faudra pour cela, je le répète, ne pas craindre les remises en cause et avoir de l'audace dans tous les domaines. Mark Twain a dit : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » Je voudrais que cette phrase devienne la devise de notre recherche de défense.