La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la mission « Défense » (rapport no 273, annexes 13 et 14 ; no 277, tomes II, III, IV, V, VI et VII ; no 275, tome IV).
La parole est à Mme la ministre des armées.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, on dit parfois que le budget est une science aride, qu'il s'agit d'une accumulation de chiffres et de nombres ou encore d'une collection d'ajustements techniques dont personne ne comprend les ressorts. Ce n'est pas ce que je crois. Le budget du ministère des armées, pour moi, c'est d'abord une vision, une vision pour les femmes et les hommes qui se battent pour notre pays, une vision pour notre avenir, pour nos technologies et pour notre innovation, une vision, enfin, pour tout notre modèle de défense.
Cette vision est claire : face aux menaces, face aux dangers, face au terrorisme, la France ne cédera rien. Elle interviendra partout où ses intérêts sont menacés. Elle conservera sa pleine autonomie stratégique et un modèle d'armée complet et équilibré.
Le projet de loi de finances pour 2018 est l'incarnation de cette volonté, partagée par le Président de la République et le Premier ministre, de ne rien céder pour la sécurité des Français. Il prévoit une hausse historique de 1,8 milliard d'euros du budget du ministère des armées. Cet effort inédit est le point de départ d'une remontée en puissance exceptionnelle, puisque chaque année, ensuite, et jusqu'en 2022, le budget du ministère des armées augmentera de 1,7 milliard d'euros par an, avec toujours en vue l'objectif de consacrer 2 % de notre PIB à la défense en 2025.
Ce budget a au moins deux grandes vertus : il répond aux besoins immédiats et il prépare un avenir ambitieux pour notre défense. Il nous prépare, d'abord, à affronter les menaces. Il prend en compte le niveau d'engagement particulièrement élevé de nos armées et permet un effort considérable pour la soutenabilité de nos opérations. C'est un effort pour la protection du matériel, à laquelle ce projet de loi de finances 2018 consacre 450 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2017. C'est aussi un effort concret pour la protection de nos forces avec une enveloppe de 200 millions d'euros.
Il porte enfin une attention toute particulière à la condition du personnel. J'ai présenté la semaine dernière mon plan famille, un plan ambitieux, concret et moderne, qui répond aux besoins des militaires et de leurs familles : 300 millions d'euros y seront consacrés sur les cinq prochaines années.
Ce budget prépare également l'avenir de nos armées, de nos technologies et de notre ministère. Les équipements qu'utilisent nos forces sont parfois fortement éprouvés, voire vieillissants. Les renouveler est devenu une nécessité absolue, tant pour la sécurité de nos forces que pour la réussite de nos opérations. Le projet de loi de finances pour 2018 relève pleinement ce défi en accordant 1,2 milliard d'euros supplémentaires aux crédits d'équipement.
Les dépenses d'infrastructures, elles aussi, trop souvent variables d'ajustement des précédents budgets, seront considérablement augmentées.
Enfin, ce budget est une porte ouverte sur l'innovation avec un budget recherche et développement porté à 4,7 milliards d'euros. Cet effort est également dirigé vers la cybersécurité et le renseignement, car nous savons que la révolution numérique est source non seulement d'opportunités exceptionnelles mais aussi de défis qu'il nous faut relever.
Ce budget est donc un budget de remontée en puissance. Il répond aux besoins des armées et prépare leur avenir, un avenir que je veux ambitieux, innovant et autonome ; européen aussi. De cet avenir, nous aurons l'occasion de débattre dans le cadre du projet de loi de programmation militaire que je vous soumettrai au cours du premier semestre 2018.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense et des forces armées, monsieur le rapporteur spécial, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, jeudi soir, en commission élargie, le budget de la défense a déjà été amplement décortiqué. Aussi me semble-t-il plus utile, dans cet hémicycle, de revenir sur un sujet devenu central depuis plusieurs mois. Je veux parler de cet objectif des 2 % du PIB qui semble désormais unanimement partagé, ce dont on pourrait se réjouir.
À bien y réfléchir, je crois cependant que, en dépit des apparences, la promotion de ce thème a été une fausse bonne idée. Lors de la campagne présidentielle, états-majors et industriels ont cru habile de promouvoir ce chiffre symbolique pour convaincre les candidats d'accomplir un effort supplémentaire pour nos armées. Reprendre cet objectif, c'était s'engager pour une augmentation significative des moyens alloués à nos armées, mais c'était aussi oublier un point crucial : après cinq années d'opérations extérieures – OPEX – intensives et de progression significative des dépenses du titre 2, nos armées ont non seulement besoin d'une stratégie d'avenir, mais également d'une régénération à court terme face à l'usure des matériels et des hommes. Certes, les 2 % indiquent une ambition louable, mais ils ignorent l'urgence de la situation.
De bonne foi, l'exécutif et la majorité peuvent s'engager significativement mais sans prendre conscience des difficultés actuelles. En caricaturant à peine, il en est des 2 % comme de la transition énergétique : on en parle beaucoup, car l'idée plaît, mais, en pratique, on laisse prudemment aux successeurs le soin d'agir. Loin d'être un levier, les 2 % constituent plutôt un leurre, sans même qu'il y ait nécessairement volonté de tromper. Ils détournent l'attention des sujets urgents pour se projeter dans le souhaitable, alors même que ce souhaitable n'a aucune chance d'advenir si l'on méconnaît la réalité d'aujourd'hui.
Il vous appartient, madame la ministre, de gérer les conséquences de cette situation. L'exercice est difficile, sinon périlleux, tant l'optimisme est aujourd'hui de mise et l'opprobre facilement jeté sur ceux qui se bornent à rappeler quelques données factuelles. Pour réussir, vous n'avez, me semble-t-il, qu'un chemin étroit : détourner les regards de 2025 pour concentrer nos débats et nos efforts sur ces moments de vérité qui sont devant nous – pas dans plusieurs mois ou dans plusieurs années, mais bien dans les jours et les semaines qui viennent. Ces moments de vérité diront si les actes sont conformes aux intentions et si la trajectoire budgétaire envisagée est crédible ou chimérique. En un mot, nous saurons bientôt si la future loi de programmation militaire – LPM – reposera sur une base solide ou si elle ne sera qu'un « plan com' ».
Le premier moment de vérité, c'est ce soir. Certes, l'augmentation de 1,8 milliard d'euros a été saluée sur tous les bancs, mais jeudi dernier, madame la ministre, vous n'avez pas été en mesure de lever des interrogations sur plusieurs points décisifs tels que la pérennité de la solidarité interministérielle sur les surcoûts liés aux OPEX, malgré une provision accrue, ou l'accélération des programmes devant combler nos lacunes capacitaires.
Le deuxième moment de vérité interviendra lors de l'adoption définitive du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, dont l'article 14 plafonne le reste à payer. Jeudi dernier, madame la ministre, vous avez reconnu qu'une application stricte de cet article constituerait un sérieux problème pour la défense. Où en sommes-nous ? Qu'en dit M. le ministre Darmanin ? J'ajoute, en sortant de mon rôle d'opposant : pouvons-nous vous aider ?
Le troisième moment de vérité aura lieu lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, qui viendra solder la gestion 2017. Nous saurons alors si votre ministère sera ponctionné du reliquat des surcoûts liés aux OPEX et des sommes encore gelées. Nous saurons également s'il devra supporter un report de charges approchant 3,5 milliards d'euros. Sur ce dernier point, je veux souligner pour mes collègues de la majorité qu'un report des impayés de 2017 sur l'exercice 2018, à hauteur de 10 % du budget, revient à dénaturer profondément le bel artifice – pardon, le bel édifice que nous nous apprêtons à voter.
Sourires.
Mes chers collègues, dans le domaine économique, la réussite ou l'échec de la politique gouvernementale ne pourra s'apprécier que dans deux ou trois ans. Dans le domaine de la défense, les choses sont bien différentes. L'heure de vérité, c'est maintenant : nous saurons avant la fin de l'année si, dans les faits, les armées constituent bien une priorité.
Madame la ministre, en août 2011, en Corée du Sud, le titre de champion du monde du 100 mètres était promis au jamaïcain Usain Bolt. Vous êtes aujourd'hui dans la position de l'athlète dans les starting-blocks. Vous visez la ligne d'arrivée, les fameux 2 % de 2025. Je ne vous souhaite pas de connaître la mésaventure de Bolt, disqualifié après un faux départ.
Aussi, n'ayez pas peur de monter résolument au créneau, car c'est maintenant que se joue la crédibilité de notre effort de défense.
La parole est à M. Olivier Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la stratégie de la France en matière de défense consiste en un haut niveau d'engagement, dans un cadre national ou au sein d'alliances ou de coalitions, pour faire face aux menaces contre le territoire national, aux trafics de migrants ainsi qu'aux agressions terroristes au Sahel et au Levant. Il s'agit souvent d'opérations conjointes : aux opérations militaires à proprement parler s'ajoutent des interventions en amont pour la formation, la fourniture de moyens ou le soutien.
Notre armée demeure l'une des explications majeures du maintien de la France en bonne et influente place au sein de l'Union européenne, mais aussi dans le concert des 193 États reconnus par l'ONU et qui influencent le cours de l'histoire mondiale. Cela étant, sur le terrain, notre défense est en tension depuis plusieurs années. Les contrats opérationnels figurant dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 se sont trouvés dépassés par l'intensité de l'engagement.
À la fin de l'exercice 2017 et dans le budget de la défense pour 2018, il est apparu fondamental de renouer avec une plus grande sincérité budgétaire. Avec le temps, cette exigence éthique a manifestement pu être dévoyée. Il fallait absolument réagir pour garantir la soutenabilité de nos engagements. Ainsi, la remontée en puissance amorcée par le budget pour 2018 est inédite depuis la fin de la guerre froide : la mission « Défense » bénéficie de 1,8 milliard d'euros de crédits de paiement supplémentaires, pour atteindre 34,2 milliards d'euros en 2018. Cette tendance sera poursuivie jusqu'en 2022 grâce à une augmentation de crédits de 1,7 milliard d'euros chaque année.
Le défi majeur auquel nous sommes confrontés consiste à répondre aux défis opérationnels dans un contexte marqué par la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre. Dans un environnement stratégique de plus en plus instable et incertain, il s'agit d'assumer nos ambitions de défense. Mais ce défi majeur doit s'articuler au mieux avec une réalité budgétaire globale. Le budget de la défense pour 2018 hérite d'un lourd passif, compte tenu de sous-estimations dans des proportions considérables et de reports de charges. En réponse, l'État a exprimé une volonté forte d'assainir les bases budgétaires et d'accompagner un effort de défense soutenu.
Un budget ne peut pas tout résoudre en une seule fois, sur un seul exercice. Il se doit néanmoins de répondre aux besoins immédiats, de faire les choix appropriés et d'engager des efforts à poursuivre pour la préparation de l'avenir. La ligne du budget de la défense pour 2018 est bien celle-là. Les efforts budgétaires se traduisent par des augmentations de crédits significatives dans des domaines tout aussi cruciaux les uns que les autres : l'entretien programmé du matériel, la protection du soldat, les équipements, les infrastructures de défense intimement liées aux programmes d'armement, à la protection des bases et à la condition de vie militaire. Dans ces domaines, les besoins sont très forts et urgents.
Les crédits des deux programmes faisant l'objet de mon rapport spécial sont en hausse.
Sur le programme 178, qui recouvre l'entraînement et l'engagement opérationnel des forces ainsi que le maintien en condition opérationnelle des matériels, les autorisations d'engagement s'élèvent à 8,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à la loi de finances pour 2017. Ainsi, les crédits d'entretien programmé du matériel, abondés de 450 millions d'euros, progressent de 13 %, ce qui permettra la montée en puissance de nouveaux matériels.
Sur le programme 212, qui regroupe les fonctions de direction et de soutien mutualisées au profit du ministère de la défense – ressources humaines, finances, immobilier, logement, action sociale, systèmes d'information, achats, entre autres – , les autorisations d'engagement atteignent 23,25 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,8 % par rapport à la loi de finances pour 2017. La hausse des effectifs, qui va se poursuivre dans les cinq prochaines années, passe par un renforcement accru des capacités de renseignement et de lutte dans le domaine de la cyberprotection.
On note également une augmentation significative des crédits accordés à l'infrastructure et à l'immobilier, de plus de 23 % par rapport à la loi de finances pour 2017. Elle se répartit sur les programmes majeurs d'infrastructures liés à des programmes d'armement tels que Barracuda, MRTT – multi role tanker transport, avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport – et Scorpion, la dissuasion nucléaire, ainsi que les opérations d'investissement justifiées par la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre et les besoins accrus de sécurité et de protection.
Dans un contexte de haut niveau d'engagement et de difficultés de fidélisation, le budget ne peut se résumer à un document financier désincarné, qui se désintéresserait des réalités sociales et familiales des femmes et des hommes de la défense. C'est pourquoi je tiens à souligner l'adoption du plan famille que vous présenté, madame la ministre. Doté de 300 millions d'euros sur cinq ans, il prévoit notamment la rénovation de logements, la création de places de crèche et la communication des ordres de mutation plus en amont de l'affectation.
On le remarque : le budget de la défense pour 2018 s'attelle aux enjeux de court terme – maintien en condition opérationnelle, conditions de vie du personnel – , mais aussi à la préparation de l'avenir en développant nos capacités de renseignement et en renouvelant notre dissuasion nucléaire. Tout cela s'inscrit dans la logique de la future loi de programmation militaire resserrant les liens entre dissuasion, prévention, protection, intervention, connaissance et anticipation.
Ce budget est solide et équilibré, entre renforcement de la sincérité budgétaire et renforcement des moyens. Il opère un retour sur la voie de l'honneur en répondant, par des efforts tenables, aux enjeux prioritaires et d'avenir. Ces efforts nous engagent ; ils renforceront notre pays, tant au niveau national qu'à l'échelle internationale, et permettront à la France d'être une force d'impulsion au sein de l'Union européenne.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Mes chers collègues, de nombreux orateurs doivent s'exprimer. Je vous invite donc à respecter rigoureusement votre temps de parole.
La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons déjà été bien informés sur le budget que le Gouvernement propose pour nos armées en 2018. Je me contenterai donc de quelques observations qui vous apporteront l'éclairage d'un membre de la commission des affaires étrangères, tant les liens entre diplomatie et défense sont étroits, sans avoir à se référer à Clausewitz…
Je me réjouis que la trajectoire budgétaire soit enfin orientée résolument à la hausse. Le cheminement vers les 2 % du PIB, soit 50 milliards d'euros en 2025, constitue en effet un impératif de crédibilité en matière militaire, mais aussi pour notre action extérieure. L'effort annoncé devrait permettre de combler une usure et des lacunes parfois préoccupantes. Une augmentation des crédits de 1,7 milliard d'euros par an ne sera peut-être même pas suffisante, dans le contexte du renouvellement de la dissuasion nucléaire. À cet égard, il sera utile d'avoir une meilleure visibilité sur l'ampleur de cet effort de renouvellement au cours des prochaines années. Je souhaite que le débat sur la loi de programmation militaire nous permette d'avoir un échange ouvert à ce sujet.
Comme mon collègue François Cornut-Gentille, j'émets quelques réserves sur la réalité de l'effort affiché de 1,8 milliard d'euros pour 2018, compte tenu du report de charges considérable induit par les annulations de crédits opérées en 2017, dont il n'a pas toujours été possible d'obtenir un montant certain. J'espère que l'effort de sincérité budgétaire mis en avant par le Gouvernement avec la rebudgétisation progressive des surcoûts liés aux opérations extérieures ira de pair avec une grande rigueur dans l'exécution, afin que les crédits que nous voterons soient effectivement ceux dont disposeront nos armées.
J'en reviens à l'avis budgétaire que j'ai rédigé pour la commission des affaires étrangères, dont j'ai consacré la majeure partie aux enjeux de coopération militaire, qui sont aujourd'hui essentiels pour notre défense. Si la revue stratégique de défense et de sécurité nationale a réaffirmé l'ambition d'autonomie stratégique de la France, cela ne signifie pas que nous devions tout faire tout seuls. Ce n'est déjà plus possible aujourd'hui, et l'impératif de coopération sera encore plus fort à l'avenir, d'autant qu'en matière diplomatique, il est souhaitable que nous tissions des partenariats stratégiques engageants avec les pays qui partagent nos valeurs et nos intérêts.
La question est de savoir avec qui coopérer, comment et pourquoi. Le Parlement me semble devoir exercer un contrôle sur le contenu des partenariats militaires de la France, qui sont parfois très engageants sur des durées fort longues, notamment lorsque des coopérations d'armement sont en jeu. Dans cet esprit, permettez-moi de souligner quelques points qui me semblent requérir une vigilance particulière.
Tous les militaires se félicitent du partenariat avec les États-Unis en disant qu'il a atteint des niveaux de confiance inégalés, en particulier dans l'effort conjoint de lutte contre le terrorisme. Une trop grande dépendance à l'égard des États-Unis pourrait néanmoins être préoccupante, notamment pour le renseignement, alors que nos intérêts ne sont pas toujours convergents.
Nous devons donc concevoir comme une priorité le renforcement de notre autonomie dans ce domaine. Il y va de l'indépendance de notre diplomatie : souvenons-nous de Jacques Chirac et du brillant discours de Dominique de Villepin au Conseil de sécurité des Nations unies.
Notre volonté de combler les lacunes capacitaires de l'Europe pour atténuer sa dépendance à l'égard des États-Unis ne doit cependant pas nous conduire à nous jeter à corps perdu dans des projets industriels conjoints dont notre défense risquerait de sortir perdante. À cet égard, je tiens à mettre en garde contre le risque de montages industriels inégalitaires avec l'Allemagne dans un contexte où nos capacités d'investissement vont diverger et où nos objectifs demeureront différents. J'appelle donc Mme la ministre à nous exposer la stratégie du Gouvernement sur ce point essentiel.
Sur la lancinante question de la défense de l'Europe, je prône une approche pragmatique : nous pouvons progresser sur le financement commun de recherches et de capacités militaires par l'intermédiaire du Fonds européen de défense qui vient d'être créé ; nous pouvons sans doute mieux coordonner et partager l'effort de gestion de crise, notamment dans le Sahel – toutes les avancées dans ce domaine seront les bienvenues – , mais, pour le reste, le principal enjeu des prochaines années, dans le contexte du Brexit, sera de parvenir à arrimer nos amis britanniques à la défense de l'Europe, car ils ont encore le premier budget de défense et sont actuellement nos partenaires les plus proches. Nous devons donc faire vivre ce partenariat par des initiatives concrètes.
Je terminerai ce bref tour d'horizon en évoquant nos partenaires du grand large, en particulier l'Inde, le Japon et l'Australie. Nous pourrions avoir tendance à négliger un peu ces partenariats, surtout si nous sommes concentrés sur la menace terroriste, mais j'insiste sur la nécessité urgente de renforcer notre présence sur les océans, étant donné que nous disposons d'une zone économique exclusive immense, en passe de devenir la première du monde avec plus de 13 millions de kilomètres carrés et dont nous sommes incapables d'assurer la protection.
Des enjeux essentiels se jouent sur et sous la mer. Ce n'est pas un hasard si la Chine modernise considérablement sa marine de guerre : en quatre ans, les Chinois ont construit autant de bateaux que n'en possède toute notre marine nationale. Il est donc indispensable de renforcer nos moyens et nos partenariats dans l'espace maritime Asie-Pacifique et au-delà, sur les trois grands océans, puisque nous sommes les seuls à être présents sur les trois mers.
Dans l'attente des débats, je considère, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, que ce budget va dans la bonne direction, mais les rapports d'étape seront indispensables.
La parole est à Mme Frédérique Lardet, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai ce soir l'honneur et le plaisir de vous présenter les crédits du programme 144 de la mission « Défense », intitulé « Environnement et prospective de la politique de défense ». Ce programme est très ambitieux, car il a le double objectif d'éclairer le présent et de préparer l'avenir. Son poids budgétaire reste toutefois modeste au regard du budget global de la défense, puisque les crédits inscrits au projet de loi de finances 2018 pour ce programme sont de 1,4 milliard d'euros.
Dans ce budget de transition entre deux législatures et deux lois de programmation militaire, les équilibres ont été maintenus et les dynamiques engagées se poursuivent. Les crédits du programme connaissent une très légère variation à la hausse, de 4,5 % en crédits de paiement, et à la baisse, de 5,8 % en autorisations d'engagement. Je considère néanmoins que ce budget s'inscrit déjà – certes timidement – dans la trajectoire des 2 % du PIB qu'il conviendra d'atteindre pour maintenir notre défense au meilleur niveau européen et mondial.
La hausse bénéficie principalement aux services de renseignement, dont l'action éclaire notre présent. Elle leur permettra notamment de mener à bien les opérations immobilières nécessaires pour accueillir leurs agents, toujours plus nombreux.
Le coeur du programme demeure la prospective technologique avec, en son centre, les études amont. En dépit d'une légère baisse des crédits en 2018, la trajectoire fixée lors de la précédente législature est respectée et la moyenne annuelle des crédits consacrés aux études amont aura bien été de 730 millions d'euros au cours des cinq dernières années. Comme le souligne la revue stratégique, les études amont, qui concentrent à elles seules la moitié des ressources du programme, sont la pierre angulaire de l'avenir de l'équipement de nos forces, donc de leur efficacité opérationnelle, et de celui de nos industries de défense. Or, je ne crains pas de le dire, l'effort actuel est très insuffisant et il faudra, à terme, consacrer au moins 1 milliard d'euros aux études amont, ce que la future loi de programmation devrait confirmer.
Nous sommes aujourd'hui face à un défi technologique que nous avons l'obligation de relever. Les équipements de demain devront pouvoir intégrer les développements de l'intelligence artificielle, de la numérisation, du traitement du big data, de la robotique et des nanotechnologies – cet inventaire pourrait se poursuivre longtemps. Il est urgent de capter les innovations issues tant des groupes industriels que de nos PME et de nos start-ups, afin de tirer profit de leur vitalité en leur apportant notre soutien en retour.
Il est impératif de revoir nos procédures et nos méthodes pour mieux capter et transformer les évolutions et les ruptures. Il faut aller plus vite, être plus flexibles, plus ouverts, avancer et savoir aussi reculer, avoir de l'imagination. Des mécanismes mis en oeuvre par la direction générale de l'armement – DGA – , par les grands groupes et leurs organisations professionnelles existent déjà. C'est une bonne chose, mais il faut aller plus loin et multiplier les cercles au sein desquels peuvent se rencontrer les représentants du ministère et les entreprises qui ne sont pas identifiées dans la base industrielle et technologique de défense – BITD – et n'imaginent donc pas les déclinaisons potentielles de leurs inventions. Il faut littéralement traquer l'innovation de rupture et aller, comme l'a évoqué le Président de la République, vers la création d'une DARPA – Defense Advanced Research Projects Agency, ou Agence pour les projets de recherche avancée de défense – européenne.
Tout cela ne se fera pas sans des moyens financiers importants, que notre pays ne sera vraisemblablement pas en mesure de fournir seul. L'Union européenne est, elle aussi, à un tournant, car, pour la première fois, des crédits communautaires seront consacrés à la recherche de défense. Une action préparatoire sur la recherche en matière de défense est lancée cette année. Elle durera trois ans et sera dotée d'un budget total de 90 millions d'euros. Certes, 30 millions d'euros par an, c'est peu à l'échelle de l'Europe, mais cette action marque la fin d'un tabou et préfigure le Fonds européen de la défense annoncé pour 2020. Il faut se féliciter de ces initiatives et les soutenir pour parvenir à un financement à la mesure des enjeux.
Enfin, si le montant des sommes consacrées à la recherche de défense est une chose, leur emploi en est une autre. L'examen de la répartition des crédits d'études amont fait apparaître des disparités étonnantes et regrettables dans certains cas. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui davantage dans une situation de gestion de moyens contraints que dans l'abondance, mais force est de constater que, par exemple, le domaine terrestre, traditionnellement moins technologique et plus rustique, ne figure pas parmi les cibles principales des études amont. Or c'est un secteur qui se modernise à grande vitesse et dont l'évolution technologique s'accélère.
Cette évolution doit se poursuivre et s'intensifier, mais il faudra que les moyens adéquats y soient consacrés. Combat collaboratif, traitement de l'information, robotique, nouveaux matériaux, énergies, optique : toutes ces évolutions vont transformer le combat sur le terrain et nous devons nous y préparer pour le maintien de l'efficacité opérationnelle de nos forces et pour leur protection.
Il faudra pour cela, je le répète, ne pas craindre les remises en cause et avoir de l'audace dans tous les domaines. Mark Twain a dit : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » Je voudrais que cette phrase devienne la devise de notre recherche de défense.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances est le premier de cette législature. Autrement dit : c'est le moment de traduire en actes les promesses de campagne. Vous nous présentez un budget en hausse de 1,8 milliard d'euros, augmentation que vous qualifiez d'« historique » et qui mérite en effet d'être saluée. Avec ces 32,4 milliards d'euros, la France rompt avec des années de coupes sombres dans le budget de la défense. C'est heureux, mais cela permettra tout juste de temporiser.
Ainsi, les ressources affectées à la politique immobilière augmenteront de 404 millions d'euros en 2018, soit 30 % des crédits de paiement supplémentaires. C'est très bien. La majeure partie de cette hausse – 333 millions d'euros – sera consacrée à la rénovation du patrimoine immobilier des armées pour améliorer les conditions de vie des soldats. C'est encore mieux, mais cela couvrira seulement les besoins les plus urgents. L'estimation des besoins de rénovation du patrimoine immobilier des armées à six ans est en effet passée de 79 millions d'euros en 2014 à près de 2,5 milliards d'euros en 2017. C'est ce qui arrive lorsqu'on est contraint de reporter sans cesse des rénovations pour faire face aux urgences opérationnelles : les petites avaries sans gravité finissent par s'accumuler, la situation devient critique et le coût des travaux augmente de manière exponentielle.
Madame la ministre, je suis désolé de vous le dire : vous allez payer très cher la gestion court-termiste de vos prédécesseurs. Certains bâtiments tombent en ruine. Quinze ans après le déclenchement du plan Vivien, de nombreux ensembles d'hébergement ou de restauration ne sont toujours pas aux normes. Le plan d'action Condition du personnel – Condi-pers – de 627 millions d'euros, décidé en 2014, ne permettra, au mieux, que de répondre aux urgences les plus criantes, car 697 points noirs ont été identifiés à l'horizon 2020.
Vos prédécesseurs vous ont laissé d'autres factures à payer, comme les mesures indemnitaires annoncées en 2016 et partiellement financées. Des primes nouvelles ont en effet été créées pour les soldats en opérations intérieures, mais elles n'ont pas été totalement prises en compte dans le budget 2017. En d'autres termes, c'est un chèque sans provision que votre ministère a dû autofinancer en dégageant des ressources sur d'autres actions, moins prioritaires.
Dans le projet de loi de finances pour 2018, vous rectifiez la situation au prix de plusieurs dizaines de millions d'euros pris sur cette hausse « historique » du budget de la défense. En somme, vous faites preuve de vertu budgétaire. Vous « sincérisez » – c'est l'expression à la mode – , ce qui signifie que des dépenses longtemps sous-évaluées sont revalorisées dans ce projet de loi de finances : on arrête la cavalerie, on cesse de se mentir sur les recettes exceptionnelles, les dépenses d'indemnisation chômage et les surcoûts au titre des opérations extérieures. Il semble qu'il faille s'en féliciter, mais cela se traduira-t-il par des améliorations concrètes pour nos soldats et la sécurité de nos concitoyens ?
La provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, par exemple, sera revalorisée de 200 millions d'euros par an. En 2018, elle passera ainsi de 450 à 650 millions d'euros, mais nous restons bien loin de ce que coûtent en réalité ces opérations – près de 1,5 milliard d'euros. La « sincérisation » de ce poste budgétaire est donc toute relative, ce qui laisse intacte l'épée de Damoclès au-dessus des autres programmes de la mission « Défense », sans parler des programmes des autres ministères.
Je rappelle, madame la ministre, que le Gouvernement dont vous faites partie a pris cet été un décret diminuant les ressources du programme 146, « Équipement des forces », de 850 millions d'euros au titre du financement des surcoûts OPEX de l'année en cours et de la participation à un effort collectif de diminution des dépenses publiques. Ce décret contrevient de manière flagrante à la lettre et à l'esprit de l'article 4 de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019, qui prévoyait précisément une prise en charge interministérielle des surcoûts OPEX. On comprend, dès lors, l'indignation du chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers, dont je tiens à saluer une nouvelle fois le courage et le dévouement.
Les réponses que vous nous avez apportées en commission élargie ont un peu atténué mes inquiétudes sur la fin de gestion 2017. Vous semblez confiante dans la capacité de votre ministère à obtenir une prise en charge interministérielle du reste des surcoûts OPEX, conformément à l'article 4 de la LPM. Je salue donc l'effort budgétaire que vous faites en faveur de la défense de notre pays mais, compte tenu des incertitudes qui planent encore sur la fin de la gestion 2017, qui a vu s'envoler le coût des OPEX, et du flou qui règne sur le financement des opérations extérieures et des besoins criants en matière de soutien et de logistique interarmées, je m'abstiendrai dans le vote sur les crédits de la mission « Défense ».
Je serai vigilant quant aux moyens qui seront effectivement dévolus au soutien dans la prochaine loi de programmation militaire et dans les prochaines lois de finances. Et, comme je l'ai fait dans mon rapport pour avis, cette année sur le thème de la reconversion, je ferai des propositions concrètes pour améliorer la condition des personnels qui travaillent au service de la défense. Compte tenu de leur engagement à tous, civils et militaires, il s'agit là d'un devoir moral que je remplirai de mon mieux.
La parole est à M. Thomas Gassilloud, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, j'ai l'honneur d'être le rapporteur pour avis des crédits de l'armée de terre et j'ai étroitement associé à mes travaux ma collègue Sereine Mauborgne, députée du Var, que je tiens à remercier pour son implication.
Le budget de l'armée de terre n'apparaît pas en tant que tel dans la nomenclature budgétaire, largement interarmées, mais la commission de la défense nationale a toujours assuré un suivi particulier de chaque armée, car chacune a un milieu d'opération, une culture et des problématiques spécifiques.
Comme vous le savez, l'armée de terre a un rôle central dans les interventions en assurant la stabilisation des territoires dans le temps long. Elle supporte par ailleurs l'essentiel des pertes au combat. Aux yeux de nos soldats, son budget représente donc plus qu'un instrument d'allocation de crédits : c'est une marque de la reconnaissance de la Nation et de l'attention que nous portons à leur protection.
Nous pouvons, à cet égard, être fiers de ce budget, qui marque une première étape vers la concrétisation de l'engagement présidentiel de porter l'effort de défense à 2 % du PIB.
L'ensemble des dépenses pour l'armée de terre, crédits de personnels et d'équipements inclus, augmentent de 5,4 % par rapport à 2017, pour atteindre 8,5 milliards d'euros. Ce budget est donc parfaitement conforme à la programmation militaire en vigueur, réorientée après les attentats de 2015 pour planifier la remontée en puissance de l'armée de terre.
Cette remontée en puissance, dans un premier temps, a porté pour l'essentiel sur les effectifs avec, comme mesure emblématique, le passage de la force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes. En 2016 et en 2017, on a ainsi paré au plus pressé en recrutant environ 17 500 militaires par an, ce qui était un vrai défi.
Désormais, il faut que nous engagions une deuxième étape de cette remontée en puissance : après le recrutement en masse, la consolidation capacitaire. Cette consolidation passe d'abord par un effort de préparation opérationnelle. Faute de ressources financières, puis faute de temps disponible depuis l'opération Sentinelle, le niveau de préparation est encore inférieur aux objectifs. Tel est le cas, par exemple, pour l'entraînement des pilotes d'hélicoptère : si l'objectif partagé avec nos alliés est de 180 heures de vol par an, nous en étions seulement à 146 heures en 2015 ; le projet de loi de finances pour 2018 en finance 174.
La consolidation de nos capacités terrestres suppose aussi de meilleurs armements. Cela concerne non seulement les matériels les plus connus, mais aussi les petits équipements, du gilet pare-balles au pistolet automatique, qui ont une place particulièrement importante dans l'armée de terre. Or, parce que ces équipements n'ont pas la même intensité technologique qu'une frégate ou la même valeur emblématique qu'un avion de chasse, ces petits programmes servent trop souvent de variable d'ajustement dans le bouclage financier des LPM. L'armée de terre est la première à en pâtir et nous devrons veiller collectivement à ce que cela ne soit plus le cas avec la prochaine LPM.
La consolidation capacitaire de l'armée de terre passe aussi par un programme structurant, appelé « Scorpion ». Il vise à renouveler l'ensemble de nos blindés médians et à les mettre en réseau, en posture de combat collaboratif. La LPM de 2013 a réduit les volumes et repoussé le calendrier de Scorpion, au prix du maintien en service de matériels aujourd'hui à bout de souffle. Nos engins actuels sont en effet vieillissants, à l'image des VAB – véhicules de l'avant blindés – , qui datent de 1976. Pour remettre les choses dans leur contexte, je rappelle que 1976, c'est par exemple l'année de lancement de la R14 – chacun s'en souvient. Or, avec notre intense activité en OPEX, les vieux équipements que Scorpion devait renouveler ne tiendront pas autant que prévu.
Dès lors, deux options s'offrent à nous : soit les moderniser pour les faire tenir un peu plus en attendant leur remplacement par Scorpion, soit accélérer Scorpion. Cette deuxième option n'est pas tellement plus coûteuse que la première : moderniser un VAB au standard Ultima coûte 1,4 million d'euros pour gagner dix ans de sursis, et investir pour trente ans en le remplaçant par son équivalent Scorpion en coûte 1,5 million.
Surtout, les menaces actuelles sur nos théâtres d'OPEX appellent une meilleure protection de nos soldats. Or, en la matière, la plus-value de Scorpion est considérable. L'analyse technico-financière plaide donc, en l'espèce, pour une accélération de Scorpion. Nous pouvons donc nous féliciter que, en commission élargie, Mme la ministre se soit déclarée favorable, sur le principe, à cette idée pour la prochaine LPM.
La commission de la défense nationale et des forces armées a émis un avis favorable aux crédits de l'armée de terre dans le projet de loi de finances pour 2018.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à M. Jacques Marilossian, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense nationale, mes chers collègues, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale d'octobre 2017 a permis une analyse réaliste et exhaustive de la situation internationale. Aujourd'hui, la France est plus menacée, plus exposée dans un environnement stratégique incertain et instable. Dans un monde multipolaire, en mutation, nos forces sont engagées dans des crises sans cesse plus dures, face à des adversaires toujours mieux armés.
La revue stratégique a clairement défini les axes majeurs que notre pays doit poursuivre et qui justifient la nécessaire remontée en puissance de nos armées : consolider notre autonomie stratégique ; conserver un modèle d'armée complet et équilibré dans la durée ; porter une ambition européenne forte ; enfin, entretenir et faire prospérer notre industrie de défense.
Dans ce contexte, la marine nationale doit faire face à des enjeux stratégiques spécifiques. La mondialisation de nos intérêts nationaux est sans précédent. L'économie mondiale est devenue totalement dépendante des espaces maritimes – 90 % des échanges commerciaux, 95 % des communications intercontinentales.
Si la France a 4 082 kilomètres de frontières terrestres, ses frontières maritimes peuvent être estimées à plus de 19 000 kilomètres, dont seulement 5 800 kilomètres de côtes métropolitaines. La souveraineté de la France s'étend aujourd'hui sur une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés. Cet espace maritime, le deuxième au monde, attise les convoitises en raison de ses ressources halieutiques et de son potentiel en hydrocarbures et ressources minérales, avec les fameux nodules polymétalliques.
Les zones maritimes sensibles se multiplient : détroit d'Ormuz, détroit de Bab-el-Mandeb, golfe de Guinée, canal du Mozambique, mer de Chine, Nouvelle-Calédonie ou océan Pacifique. Nous devons faire face à des menaces multipolaires de toutes natures : pêches illégales et destructrices, trafics de drogue, déni d'accès et bien sûr terrorisme.
Or nous avons connu pendant les quinze dernières années une baisse régulière des moyens en effectifs, en équipements et en maintenance, consacrés aux missions de la marine. Un constat lucide peut être dressé : l'ensemble des bâtiments et des effectifs sont en suractivité, bien au-delà du contrat opérationnel qui leur avait été fixé. La vétusté inquiétante de nombreux navires met en danger les équipages, menace les missions et augmente les coûts de maintenance. Des insuffisances capacitaires fragilisent nos opérations, menaçant sécurité et protection, et limitant les possibilités d'interventions stratégiques.
Notre zone économique exclusive et nos territoires d'outre-mer connaissent un déficit de présence et de protection inquiétant. L'arrêt technique majeur du porte-avions Charles-de-Gaulle représente quant à lui une indisponibilité de près de deux ans et se traduit donc par une limitation forte de notre capacité stratégique et surtout diplomatique. L'opérabilité est à améliorer, la présence des bâtiments à la mer n'étant que de 110 jours.
Nous conservons également des modes de gestion budgétaire annualisés, des modes de contractualisation contraignant pour nos industries – souvent contrat unique, au forfait – , sans distinguer prototype et production de série. Ces pratiques sont souvent dangereuses pour nos entreprises : non seulement elles augmentent les coûts de structure et les risques, mais elles fragilisent leur capacité d'investissement et d'innovation et les placent en position difficile dans la concurrence internationale.
Dans ce contexte de réduction des effectifs, de vieillissement des matériels et de limitation des moyens d'intervention, la marine nationale a su tenir son rang malgré tout, en assurant un engagement total au service des missions qui lui ont été confiées. Ses participations à de nombreuses missions internationales ont été unanimement saluées et ses interventions quotidiennes pour la protection de notre territoire et de nos citoyens méritent l'admiration de tous.
Dans ces conditions, le budget de la marine, dans le projet de loi de finances pour 2018, est un budget emblématique et charnière pour la marine nationale pour l'ensemble des programmes 146,178 et 212.
Dans un premier temps, il s'inscrit dans la continuité des exercices précédents, dans la trajectoire de la loi de programmation militaire et de son actualisation de 2015. Cela explique les principaux programmes de commande et de livraison de matériels pour 2018 – hélicoptères, avions Rafale, frégates, missiles, patrouilleurs, sous-marin, etc.
Dans un deuxième temps, ce budget présente une forte régénération et une forte remontée en puissance de nos armées. Cet effort se traduit essentiellement par une augmentation significative du budget consacré au maintien en condition opérationnelle : 512 millions d'euros en autorisations d'engagement et 237 millions d'euros en crédits de paiement.
Oui, le budget 2018 amorce la nécessaire remontée en puissance recommandée par la revue stratégique de défense et de sécurité nationale. Cette remontée en puissance devra trouver toute sa plénitude dans la loi de programmation militaire. La conclusion est donc évidente : avis favorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de commission de la défense nationale, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, bien entendu, l'effort consenti en projet de loi de finances pour 2018 est notable, même si une part importante n'est que la traduction budgétaire de décisions prises ces dernières années ou financera le surcoût des OPEX, auparavant pris en charge de manière interministérielle.
Mais, madame la ministre, la réussite de l'exercice 2018 dépendra des conditions de sortie de l'année 2017. Permettez-moi, à ce titre, d'attendre, le coeur plein d'espoir, le dégel des 700 millions d'euros encore bloqués. Nous comptons tous sur vous, car nous connaissons votre détermination à faire céder Bercy ; vous nous l'avez confirmé la semaine dernière en commission élargie.
Malgré les effets d'annonce, la situation demeure tendue. Permettez-moi de vous faire part de mon inquiétude quant à l'avenir de notre armée de l'air. Bien sûr, celle-ci devrait recevoir, au cours de l'année 2018, un certain nombre d'appareils essentiels au maintien de nos capacités – je pense au premier ravitailleur MRTT Phénix notamment. Mais quel n'a pas été mon désarroi lorsque j'ai pris connaissance des documents annexés au projet de loi de finances ! Il y est froidement écrit que le « niveau élevé d'engagement » de l'armée de l'air « entraîne [… ] des pertes de compétences dans les savoir-faire non utilisés dans les opérations actuelles » et que « le déficit organique va continuer à se creuser ». En somme, le Gouvernement prend acte des difficultés, mais ne semble pas prêt à fournir l'effort nécessaire pour inverser la tendance. Je sais bien que tel n'est pas votre point de vue, madame la ministre, mais l'honnêteté qui transparaît dans ces propos est déconcertante.
Je centrerai ici mon intervention sur trois sujets qui me semblent prioritaires. Le premier concerne les ressources humaines : nous sommes sans nul doute collectivement allés trop loin dans les réductions des moyens de l'armée de l'air. Si la chute des effectifs a été brutale pour toutes les armées, l'armée de l'air a supporté près de 50 % des déflations. Cette pression sur les effectifs est d'autant plus rude que les besoins de recrutement s'accroissent du fait de l'apparition de nouvelles spécialités ou de l'entrée en service de nouveaux matériels. Je pense ainsi à l'essor du cyber, à l'armement des drones, à la livraison des MRTT ou des avions légers de surveillance et de reconnaissance.
Le deuxième point touche aux capacités : je n'évoquerai ici que quelques points méritant selon moi l'attention la plus vive, et d'abord les ravitailleurs. Vous le savez, madame la ministre, nous n'en avons pas assez. Cela est d'autant plus vrai que nos C-135 ont plus de cinquante ans – ils ont été livrés du temps du général de Gaulle ! Sans ravitailleur, un avion de combat ou un hélicoptère reste cloué au sol et nous sommes, en la matière, dépendants de nos alliés. Dans ce contexte, il est essentiel d'accélérer le programme de livraison et d'augmenter la cible d'aéronefs, alors que les douze MRTT ont vocation à remplacer dix-neuf appareils.
Depuis plus de vingt ans, nous dénonçons le trop faible nombre de pods de désignation laser. Les Talios arrivent, ainsi que vous l'avez rappelé en commission élargie, mais, ne nous trompons pas, madame la ministre : les Talios n'équiperont que les Rafale, tandis que les Mirage 2000 D continuent d'opérer avec les pods d'anciennes générations, dont vous nous avez dit qu'ils ont des performances limitées et ne sont donc plus adaptés aux exigences des théâtres d'opérations modernes. Ne faut-il pas augmenter la cible des Talios et prévoir d'en équiper les Mirage 2000 D ? J'en suis convaincu.
Enfin, madame la ministre, concernant la commande d'un Caracal destiné à remplacer l'un des deux détruits en opération, j'ai déposé un amendement qui vous fournira l'occasion de préciser vos intentions à ce sujet. Cet appareil est fondamental pour la conduite des opérations de nos forces spéciales au Sahel. Vous avez dit un peu plus tôt que la France ne céderait rien ; alors ne cédez rien, madame la ministre !
Troisièmement, j'évoquerai le niveau d'engagement actuel, qui contribue à l'épuisement des matériels et pèse sur la préparation opérationnelle. Les avions volent quatre fois plus en opérations qu'en métropole et leur potentiel opérationnel s'épuise plus vite. De plus, la formation et l'entraînement des pilotes sont fortement touchés par le niveau d'engagement. Tout cela pèse sur la préparation opérationnelle.
Pour terminer, je souhaite, en notre nom à tous, rendre hommage aux aviateurs qui partout assurent la protection de la France et des Français, et défendent les valeurs de la Nation. Il y a peu, nous avons célébré la mémoire des As de la Première Guerre mondiale. Aux côtés de Charles Nungesser, René Fonck et tant d'autres, la figure de Georges Guynemer inspire toujours les aviateurs. Aujourd'hui encore, « Faire face » est l'une de leurs devises. Tâchons d'honorer la mémoire de ces chevaliers du ciel en donnant à leurs successeurs les moyens de perpétuer leur héritage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
À vingt-deux heures trente, Mme Carole Bureau-Bonnard remplace M. Sylvain Waserman au fauteuil de la présidence.
La parole est à M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collègues, j'ai l'honneur d'avoir été désigné rapporteur pour avis des crédits inscrits au PLF au titre de l'équipement des forces et de la dissuasion. J'ai conduit ces travaux en étroite association avec mes collègues Guillaume Gouffier-Cha et Christophe Lejeune, que je remercie vivement.
Ce projet de loi de finances pour 2018 se trouve en quelque sorte à la croisée des chemins : dernier exercice de la LPM en cours, il pourvoit à la poursuite des programmes d'armement actuels ; premier budget du quinquennat, il constitue aussi la première marche de la stratégie de réarmement qui sous-tend la prochaine LPM et dont les 2 % du PIB représentent le point de mire.
Ainsi les crédits d'équipement sont en nette hausse par rapport aux dotations pour 2017 : si l'on s'en tient au programme budgétaire 146, ils progressent de 35 % en autorisations d'engagement. Cette hausse est encore plus caractérisée si l'on élargit l'analyse à l'agrégat financier « Équipement » dans son ensemble : de ce point de vue le budget pour 2018 dépasse de 800 millions d'euros les objectifs de la LPM. Ainsi ce PLF permettra de compenser les mouvements réglementaires de crédit opérés en 2017, sur lesquels il n'est dès lors plus lieu de revenir. Il permettra aussi de financer les engagements annoncés en conseil de défense le 6 avril 2016 mais non financés à ce jour.
Le PLF pour 2018 finance un ambitieux plan d'équipement des forces. Sans nous livrer ici à une énumération qui serait quelque peu fastidieuse, citons les livraisons les plus emblématiques : un satellite MUSIS, deux A400M, huit hélicoptères Caïman, cinq Tigre, 8 000 fusils d'assaut, trois Rafale et les trois premiers véhicules Griffon du programme Scorpion. Pour ce qui est des commandes, je pourrais citer trois avions de ravitaillement et de transport MRTT, un sous-marin de classe Barracuda, la rénovation de cinquante chars Leclerc, de cinquante-cinq Mirage 2000D et de trois avions de patrouille maritime Atlantique 2 ainsi que vingt Griffon et 8 000 nouveaux fusils d'assaut.
C'est ainsi que notre effort de réarmement commence dès 2018. Je crois que toute personne de bonne foi peut le saluer. À nous, néanmoins, de veiller à ce que l'effort affiché se concrétise et que sa portée ne soit pas limitée par des effets de base négatifs. Cela suppose, d'une part, que le report de charges du ministère reste sous contrôle et d'autre part, que les mises en réserves, gels et autres « sur-gels » ne grèvent pas la bonne exécution de ce budget. On peut raisonnablement penser qu'en matière de solidarité interministérielle, cette année, les armées ont déjà payé. Or 700 millions d'euros de gels restent à lever. Vous pouvez donc compter, madame la ministre, sur notre plein soutien à vos efforts pour obtenir l'annulation de ces gels.
Ce n'est qu'à ces conditions que l'effort prévu par le prochain PLF sera réel et que 2018 offrira une base sincère et solide à la prochaine LPM. Deux pour cent est certes un effort considérable, mais ce n'est pas pour autant une manne inépuisable. Or les besoins sont grands ; les efforts longtemps repoussés n'en sont que plus lourds. Trop longtemps, s'agissant de l'armement de nos forces, nous avons procrastiné suivant l'adage d'Oscar Wilde qui recommande de ne jamais remettre au lendemain ce que l'on peut faire le surlendemain !
C'est pourquoi, comme la ministre nous l'a dit sans faux-semblants dès sa prise de fonctions, même avec un budget mobilisant 2 % du PIB, si l'on veut accélérer le renouvellement de nos équipements, il ne faut pas exclure des « financements innovants ».
Mes collègues et moi avons donc étudié jusqu'où il ne serait pas déraisonnable d'aller en la matière. Rappelons-nous : en 2015, le ministère imaginait revendre des A400M et des frégates multi-missions, des FREMM, à des sociétés dites « de projet », pour en devenir locataire. Il est intéressant d'analyser le retour d'expérience de nos alliés britanniques, puisque ce sont eux qui sont allés le plus loin en la matière. Or ils en reviennent aujourd'hui. Il paraît donc prudent d'exclure les partenariats public-privé et autres innovations financières pour les matériels opérationnels et les investissements pour lesquels les besoins des armées ne sont pas clairement prévisibles.
Ceux-ci ne peuvent avoir une véritable plus-value que dans l'environnement et le soutien des forces, notamment dans l'optimisation du maintien en condition opérationnelle et la recherche d'utilisateurs tiers. C'est à examiner au cas par cas, sans préjugés favorables ni défavorables. La ministre a annoncé en commission élargie que, pour la prochaine loi de programmation militaire, on ne reviendrait pas aux expédients cavaliers envisagés en 2015, et je ne peux que m'en féliciter.
Le projet de loi de finances pour 2018 offre une base ferme et crédible. Il a donc reçu un avis favorable de la commission de la défense.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, mon intervention en commission élargie portait sur l'exigence de s'inscrire dans une politique de désarmement nucléaire. Pour les députés du groupe de la Gauche démocratique et républicaine, il est grand temps que la France ratifie le traité international d'interdiction des armes nucléaires adopté le 7 juillet dernier par 122 pays à l'initiative de l'ONU.
La France doit s'investir sur la scène internationale en déployant une nouvelle politique étrangère et de sécurité au service de la paix et du désarmement. C'est la paix qui doit être la première de nos visions, d'autant plus que la force nucléaire indépendante française représente une dépense de 4 milliards d'euros, en augmentation de 4,5 % en 2018, soit 10 % du budget de la défense hors pensions, 21,9 % des crédits d'équipement.
Dans votre réponse vous avez botté en touche. « On peut souhaiter une interdiction, avez-vous dit, mais elle ne me paraît pas tenir compte de la réalité de notre environnement stratégique actuel. Nous voyons chaque jour la menace que représente la Corée du Nord, acteur de la prolifération nucléaire. » Vous me faites penser au mot du général Colin Powell, chef d'état-major américain qui disait après la chute de l'Union soviétique être à court de démons et devoir se contenter de Castro et de Kim Il Sung.
Votre déclaration s'inscrit dans la posture offensive et agressive de l'OTAN. Elle est inquiétante en ce qu'elle ouvre la voie à la banalisation de l'usage du nucléaire et à la relance de la course aux armements dans ce domaine. Gardons à l'esprit, chers collègues, les propos d'Albert Camus au lendemain d'Hiroshima : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »
Avec l'OTAN, les États-Unis contrôlent les politiques de défense des États membres. Ils maintiennent sur le territoire européen une présence militaire qui n'a plus lieu d'être depuis la fin de la guerre froide. L'OTAN plombe l'ensemble des budgets de défense européens au profit du complexe militaro-industriel anglo-américain. Depuis la fin de la guerre froide, les budgets de défense des pays de l'OTAN seraient suffisants pour assurer la sécurité de chaque pays s'ils n'étaient pas captés au profit des programmes d'armement surdimensionnés imposés par les États-Unis. L'appétence de l'OTAN pour des stratégies de guerre préventive, pour l'usage du nucléaire tactique et l'implantation d'un bouclier antimissile en Europe en fait un facteur d'insécurité et de danger pour la paix dans le monde.
Les principes d'une défense nationale indépendante et progressiste impliquent que notre pays prenne la décision de quitter l'OTAN et appelle au démantèlement de cette organisation, c'est-à-dire à sortir à la fois du traité de l'Atlantique nord et du commandement militaire intégré.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Une telle décision politique produirait un choc salvateur qui permettrait d'ouvrir le débat sur la mise en oeuvre d'une politique de défense européenne et méditerranéenne fondée sur la paix, la sécurité collective, la coopération et l'indépendance de chaque peuple en liaison avec l'ONU.
Le 6 juillet dernier, madame la ministre, devant la commission de la défense, vous avez dit vouloir « engager une profonde transformation visant à trouver des modes de financement innovant pour accélérer le renouvellement des matériels ». Ne sachant plus comment sortir du programme d'austérité et de rigueur financière, vous préparez en fait la mise en place de sociétés de leasing de matériel militaire. Ces « Kiloutou de l'armement » achèteraient du matériel neuf ou déjà en dotation dans les forces, puis le reloueraient aux forces.
Nous nous opposons à cette transformation des systèmes d'achat de matériels et à ses conséquences sur le maintien en condition opérationnelle. Les armes ne sont pas des marchandises comme les autres : elles doivent relever de l'État, pas des marchands du temple.
J'en veux pour exemple le MCO de nos matériels de défense aéronautiques. Nous le savons, ceux-ci sont particulièrement sollicités par nos opérations extérieures. Ils nécessitent donc que soient confortés à la fois nos outils de maintenance industrielle que sont les ateliers industriels de l'aéronautique, AIA, tout comme le statut et les conditions de travail des personnels ouvriers d'État. Il s'agit bien de garantir une maîtrise technique et une sécurité garantes de notre indépendance nationale et de la protection de nos troupes, que ne peuvent pas nous assurer les montages aujourd'hui prônés par la si libérale Cour des comptes. Nous réaffirmons l'exigence d'un budget du ministère capable d'assurer pleinement le MCO de nos matériels, notamment aéronautiques.
Pour les députés du groupe GDR, ces trois points – désarmement nucléaire, sortie de l'OTAN, maîtrise de nos matériels – sont autant de raisons, parmi beaucoup d'autres, de voter contre ce projet de budget de la défense.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
La parole est à M. Didier Baichère, pour le groupe La République en marche.
Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, permettez-moi de saluer, au nom du groupe La République en marche, le dévouement de nos armées dans un contexte de très haut niveau de sollicitation. Celui-ci oblige la Nation envers nos soldats, leurs familles, et plus largement envers toutes les femmes et les hommes qui sont partie prenante de la défense de la France.
Le budget de la défense 2018 voulu par le Président de la République et que vous présentez, madame la ministre, est à ce titre un budget de fierté. Il rend justice à l'engagement exceptionnel de nos armées et répond à l'exigence de maintenir et de renforcer la singularité stratégique de la France.
Ce budget s'inscrit dans une vision de la souveraineté de la France. Il est également la marque d'une France qui assume doublement sa responsabilité européenne, par le respect des règles budgétaires communes et par l'impulsion donnée à l'Europe de la sécurité et de la défense.
En cohérence avec cette ambition nationale et européenne, vous présentez, madame la ministre, un budget de remontée en puissance avec une augmentation historique de 1,8 milliard d'euros, qui engage de manière crédible la trajectoire qui doit conduire le budget de la défense à 2 % du PIB à l'horizon 2025.
Il est nécessaire d'aller sur le terrain, dans les casernes et plus largement à la rencontre de l'ensemble des acteurs de la défense. Comprendre et analyser, c'est le rôle de l'Assemblée nationale, et c'est la mission que les rapporteurs de la commission de la défense se sont assignée pour appréhender les enjeux de notre défense nationale.
De leurs travaux, je retiens trois axes stratégiques pour le budget de la défense pour 2018. Je fais référence à l'impérieuse priorité de l'amélioration des conditions de vie des militaires et de leurs familles, à l'impact déterminant des équipements et des investissements, que l'on parle de la montre tactique du programme Félin ou d'infrastructures plus lourdes, comme les sous-marins nucléaires d'attaque de type Barracuda, et à notre stratégie dans le domaine de la cyberdéfense. Ces axes seront la pierre angulaire de la future loi de programmation militaire 2019-2025.
Cela va sans dire : il n'y a pas d'armée sans soldats, c'est-à-dire sans recrutement ni fidélisation. Parallèlement à la poursuite du plan d'amélioration de la condition du personnel militaire et d'un vaste plan de recrutement dont le solde net sera positif de 500 effectifs, ce qui n'est pas arrivé depuis dix ans, vous lancez, madame la ministre, le plan famille, doté de 300 millions d'euros de crédits nouveaux sur cinq ans, avec une grande partie des actions mises en oeuvre dès 2018. C'est une fierté autant qu'une nécessité.
Le budget « Équipement » augmente de 1,5 milliard d'euros et permettra d'enclencher une « remontée en puissance qualitative », pour reprendre la formule du général Bosser, avec de premières livraisons de matériel dès 2018 dans le cadre du programme Scorpion par exemple.
Le budget 2018 prépare également l'avenir, avec 4,7 milliards d'euros consacrés à la recherche et développement, dont 720 millions d'euros pour les études en amont. Nos petites et moyennes entreprises, comme nos entreprises de taille intermédiaire du secteur de la défense ne cessent de nous le rappeler : il est capital de financer des démonstrateurs afin de rendre possibles des ruptures technologiques et d'ouvrir les filières de demain.
S'agissant du troisième axe, la cyberdéfense, le budget 2018 prévoit la création de 400 postes, notamment dans le renseignement. Dès 2019, 2 600 combattants du numérique, soutenus par 4 400 réservistes spécialisés, pourront donc être alignés sur ce nouveau front. Nous passons donc, en la matière, d'une posture défensive à une posture clairement offensive.
Vous l'aurez compris, chers collègues, la défense, c'est bien plus que l'armée : c'est tout un pan de notre société en même temps qu'un secteur industriel clé. Il n'y a en effet pas d'armée sans filière industrielle de la défense sur le sol national.
Si l'armée définit et pilote solidement la stratégie de défense, les industriels agissent pour anticiper les technologies à venir et les compétences adéquates.
La défense regroupe également différents métiers, c'est-à-dire qu'elle constitue, pour nombre de jeunes, un creuset. J'appelle votre attention, madame la ministre, sur l'enjeu de la connaissance de notre base industrielle et du maintien des compétences, comme des talents, au sein des industries de défense. Il pourrait nous offrir l'occasion d'expérimenter des dispositifs d'insertion professionnelle, en lien avec la politique de revalorisation de l'apprentissage et de l'enseignement professionnel qu'appellent de leurs voeux tant le Président de la République que le Gouvernement.
Madame la ministre, le budget de la défense pour 2018 que nous examinons permet de maintenir, et surtout de renforcer notre autonomie stratégique comme notre modèle complet d'armée. Aussi le groupe La République en marche votera-t-il sans réserve ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à M. Charles de la Verpillière, pour le groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, deux événements très différents, à savoir la démission au mois de juillet dernier du général Pierre de Villiers…
… et la revue stratégique de défense et de sécurité nationale en octobre ont mis en évidence l'usure de notre armée après six ans d'opérations extérieures et intérieures intensives.
Cette usure se marque de diverses manières : fatigue des militaires, lassitude des familles, usure des matériels, diminution du temps consacré à la formation et à l'entraînement, retard pris dans le renouvellement ou la modernisation des équipements.
Dans ce contexte inquiétant, l'annonce d'un budget de la défense en hausse de 1,8 milliard d'euros en 2018 a été bienvenue, de même que l'objectif affiché de porter l'effort de défense à 2 % du PIB en 2025, c'est-à-dire – tout de même – trois ans après la fin du présent quinquennat.
De même, le plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires 2018-2022 que vous avez présenté, madame la ministre, contient des propositions utiles, dont certaines figuraient d'ailleurs dans un rapport d'information sur la protection sociale des militaires que nous avions déposé, Mme Geneviève Gosselin-Fleury et moi-même, sous la précédente législature.
En regard de ces motifs d'indulgence, les députés du groupe Les Républicains éprouvent des doutes et des inquiétudes que vous n'avez pas dissipés, madame la ministre, ni en commission ni en séance publique, avec le discours que vous venez de prononcer.
Ils portent en premier lieu sur l'exécution du budget de 2017. Vous avez en effet annulé 850 millions d'euros de crédits qui y étaient inscrits : êtes-vous certaine que cela ne va pas affecter nos capacités opérationnelles ? Faut-il le rappeler : cette décision néfaste a précisément provoqué le départ du général de Villiers.
Par ailleurs, 700 millions d'euros de crédits inscrits au budget 2017 restent gelés. En l'absence de votre collègue M. Darmanin, pouvez-vous nous dire quand ils seront débloqués ?
Sourires.
Enfin, le surcoût des opérations extérieures et intérieures devrait s'élever à 1,5 milliard d'euros en 2017, alors que seuls 450 millions d'euros avaient été provisionnés. La différence sera-t-elle bien prise en charge par les autres ministères, comme les années précédentes ?
Quant au budget de 2018, il suscite lui aussi des interrogations auxquelles vous n'avez pas plus répondu, au point que nous sommes fondés à vous demander si l'augmentation de 1,8 milliard d'euros dont vous vous glorifiez n'est pas, en réalité, un trompe-l'oeil.
Nous ignorons ainsi toujours à combien s'élèvera le report de charges des années précédentes, qui sera très certainement en augmentation : nous n'avons en effet obtenu aucune réponse à nos questions concernant les dépenses décalées ou retardées en raison de l'annulation des 850 millions d'euros de crédits inscrits au titre de l'exercice budgétaire 2017 dont j'ai déjà parlés et qui, en 2018, amputeront d'autant nos capacités. Madame la ministre, reconnaissez-le, cette amputation réduira à peu de choses l'augmentation réelle de ce budget pour 2018.
De même, l'augmentation, à hauteur de 650 millions d'euros, de la provision pour le financement des OPEX, contre 450 millions d'euros auparavant, n'est-elle pas une façon déguisée de supprimer progressivement le financement de ces opérations par la solidarité des autres ministères ?
La représentation nationale a le droit, à l'occasion de ce débat budgétaire, d'obtenir enfin des réponses précises, qui détermineront le sens de notre vote. Ces réponses, les hommes et les femmes qui servent dans nos armées, dont l'engagement, le professionnalisme, le courage et l'esprit de sacrifice forcent notre admiration, les attendent également. Je veux ici, au nom des députés du groupe Les Républicains, leur rendre un hommage appuyé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Fabien Lainé, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés souhaite tout d'abord souligner l'effort fait par le Gouvernement en vue de proposer un budget à la hauteur des ambitions élevées affichées par le Président de la République en matière de défense.
Les crédits inscrits au titre de la mission « Défense » nous paraissent en effet porteurs d'espoirs : espoir de consolidation des acquis, de reconstruction de nos capacités et espoir de voir renaître une ambition pour la France en Europe et dans le monde.
La hausse générale du budget de la défense pour 2018, ainsi que l'objectif présidentiel des 2 % de PIB consacrés à la défense en 2025 – dont les prémices figurent dans ce projet de loi de finances – permettent enfin de tourner la page d'une grave attrition des effectifs de nos armées ainsi que d'une lente déliquescence de leurs matériels.
Qu'il s'agisse de la consolidation des effectifs, des investissements en matière d'équipements ou de l'engagement salutaire dans l'amélioration des conditions de vie de nos soldats, ce budget présente des avancées notables, que nous saluons.
Le maréchal Lyautey s'indignait, en son temps, du fait que certains officiers avaient plus d'égards pour leurs chevaux que pour leurs hommes. En faisant du budget de la défense notre première variable d'ajustement, nous en étions, quant à nous, parvenus au point de ne plus avoir d'égards ni pour nos hommes ni pour leurs montures. Coupes drastiques dans les effectifs, logique de rusticité poussée à l'extrême : nos militaires ont vu leur devoir de réserve maintes fois mis à l'épreuve.
Nous apportons tout notre soutien à la formation et à l'exécution budgétaire d'un projet qui recrute, entraîne et soutient la vie professionnelle de nos engagés. Il donne, d'une part, des moyens au maintien en condition opérationnelle des équipements en service, et, d'autre part, prépare leur remplacement.
Il s'accompagne enfin d'un plan de 300 millions d'euros consacrés au soutien aux familles de nos militaires ainsi qu'à l'amélioration de leurs conditions de vie, compensant ainsi les sujétions spéciales qui font leur honneur et légitiment leur place dans la cité.
Nous sommes conscients du fait que le budget que vous défendez, madame la ministre, constitue un premier pas vers l'objectif des 2 % de PIB ainsi que vers la réhabilitation de l'armée française en tant que seconde armée du monde libre.
Nous soutiendrons donc ce projet de bonne volonté tout en nous montrant particulièrement vigilants sur plusieurs points, comme la rationalisation du coût final des OPEX. L'équilibre délicat à trouver entre budgétisation dans le cadre des crédits de la mission « Défense » et budgétisation ad hoc au compte de la solidarité interministérielle mérite en effet un débat raisonné.
Nous nous montrerons également très vigilants s'agissant du programme Scorpion qui bénéficie d'un engagement budgétaire constant. Son déploiement effectif ne peut souffrir de report dans le temps : c'est un impératif si l'on veut éviter les coûts induits par une telle évolution.
Il en va de même s'agissant de la programmation opérationnelle de l'armée de terre qui, rappelons-le, fait reposer son organisation innovante sur la « manoeuvre infovalorisée ».
Si nous soutenons par ailleurs les ambitions affichées en matière de place de la réserve opérationnelle au sein de nos armées, nous souhaiterions affiner avec vous, madame la ministre, la réflexion visant à leur en donner concrètement les moyens. L'interdépendance avec le service national universel à venir nous paraît évidemment primordiale, même si elle n'est pas suffisante.
Plus globalement enfin, nous serons particulièrement attentifs, tant dans le cadre de la future loi de programmation militaire qu'à l'issue de l'exécution de cette loi de finances pour 2018, au respect de la trajectoire budgétaire sur laquelle nous nous sommes collectivement engagés.
Nous serons d'autant plus vigilants que l'effort budgétaire prévu dans le cadre du maintien à niveau technologique de notre arsenal nucléaire ne peut selon nous se faire que dans le respect de nos engagements en faveur de nos capacités conventionnelles.
Pourtant, madame la ministre, cette vigilance, qui pourrait confiner au doute, ne constitue que le pendant raisonnable des espoirs que nous nourrissons et que j'ai évoqués au début de mon intervention.
Nous partageons également celui de voir émerger une véritable Europe de la défense. Ne nous méprenons pas : la France doit garder son autonomie de décision, et cela passe par un investissement constant dans ses propres capacités militaires.
Mais, grâce à ses opérations extérieures notamment, elle participe à la sécurité de l'Union européenne et porte ainsi un fardeau que la solidarité des États membres doit permettre d'alléger.
Nos budgets nationaux sont contraints ? Gagnons donc en interopérabilité, harmonisons les besoins capacitaires de nos armées pour acheter de façon coopérative des matériels militaires similaires, renforçons notre base industrielle et technologique commune afin d'en produire d'autres, alimentons le Fonds européen de défense et réalisons des économies d'échelle industrielle afin de rayonner sur le marché international tout en réduisant le coût de nos équipements.
Nos intérêts politiques extérieurs diffèrent ? Que notre planification commune gagne en efficacité. La mise en oeuvre d'une politique de coopération renforcée, l'installation d'un quartier général européen permanent ou encore l'activation de groupements tactiques interarmes européens sont autant de moyens d'adapter, dans la pratique, nos doctrines et nos besoins communs.
La France a tourné le dos à la Communauté européenne de défense en 1954 ? Elle montrera demain le chemin de l'unité européenne en matière de défense. Or quel ciment plus puissant que la sécurité commune peut-on imaginer pour l'unité d'une société, fût-elle européenne ?
Soutien de l'ambition présidentielle en matière de défense, porté par l'espoir qu'elle suscite mais vigilant quant à sa mise en oeuvre effective, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera les crédits de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2018.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
La parole est à M. Olivier Becht, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de budget pour 2018 que vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, est particulièrement important puisqu'il s'agit de la traduction financière des priorités du Gouvernement en matière de défense, qu'il s'agisse en premier lieu, bien sûr, de la protection du territoire national et de nos concitoyens, mais aussi de la sauvegarde de nos intérêts, de notre capacité à intervenir à l'étranger, ou encore de la modernisation des armées et de leurs équipements.
Nous en avons tous conscience, il s'agit d'une mission difficile. Si, d'une part, le contexte budgétaire nous contraint à contenir les dépenses publiques, d'autre part le contexte de menaces croissantes – à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières – auxquelles nous faisons face doit, lui, nous conduire à renforcer rapidement les moyens de nos forces armées.
Le groupe Les Constructifs tient à saluer l'importance de l'effort financier que le Gouvernement va faire ces prochaines années en augmentant le budget des armées de près d'1,7 milliard d'euros par an jusqu'en 2022, avec l'objectif de porter l'effort de défense, à l'horizon 2025, à hauteur de 2 % du PIB.
S'agissant des opérations extérieures, nous tenons à saluer les milliers de femmes et d'hommes qui, pour nous protéger, risquent leur vie chaque jour sur le théâtre des opérations Chammal et Barkhane.
Il convient néanmoins de s'interroger, et donc de vous questionner, madame la ministre, sur le financement de ces mêmes opérations extérieures. En effet, ce projet de budget prévoit une augmentation significative de la provision inscrite au titre des OPEX, laquelle est portée à 650 millions d'euros pour 2018, ce qui représente une augmentation de près de 44 % par rapport aux crédits inscrits en 2017.
Cette provision augmentera ensuite, chaque année jusqu'en 2020, de 200 millions d'euros, l'objectif étant qu'elle dépasse la barre des 1 milliard d'euros afin de réduire la contribution des autres ministères au nom de l'effort collectif de défense.
Cet objectif, bien que certainement optimiste, nous semble louable. Toutefois, le transfert du financement des OPEX vers le seul budget des armées provoquera inévitablement des difficultés, puisque cette contribution croissante sera autant de crédits en moins pour les investissements et les programmes d'équipement de nos forces. Certes, ce sera sans doute supportable à court terme, d'autant qu'il est prévu que les crédits d'équipement soient augmentés de 1,2 milliard en 2018, mais qu'en sera-t-il à moyen et long terme, sachant que les infrastructures et le matériel de l'armée sont d'ores et déjà vieillissants ?
En outre, le financement des OPEX et du programme 146 pose inévitablement la question du report des charges, donc du respect de l'objectif annuel de stabilisation des restes à payer de l'État, prévu par l'article 14 du projet de loi de programmation des finances publiques.
Enfin, nous nous interrogeons sur la capacité à moyen terme de concilier les nécessaires dépenses d'équipement et de renouvellement des matériels avec les dépenses indispensables relatives à l'humain. Les efforts technologiques sont certes nécessaires, notamment dans le domaine du renseignement et de la logistique, mais ils ne doivent pas éclipser l'investissement humain, qui demeure stratégique pour contrôler les espaces et les milieux.
En ce qui concerne les emplois, nous saluons la création en 2018 de 518 équivalents temps plein travaillés, lesquels permettront notamment de renforcer les effectifs des services de renseignement et de cyberprotection, domaines ô combien stratégiques dès lors que le numérique constitue lui aussi une ligne de front contre le terrorisme. Toutefois, ce nombre demeure faible compte tenu des besoins et, surtout, des baisses passées. Il conviendra, dans les budgets futurs, de ne pas relâcher l'effort, et même de l'accroître.
Au-delà de ces considérations, que nous savons que vous partagez, madame la ministre, le groupe Les Constructifs soutiendra ce projet de budget, dans la mesure où il assurera une hausse inédite de l'effort financier en faveur des armées, seule à même de permettre à nos militaires de protéger nos concitoyens dans un monde qui n'a jamais été aussi dangereux et imprévisible.
Nous savons que ce n'est qu'un début. Nous saluons le signal positif. À vous de le confirmer sur l'ensemble de la stratégie budgétaire de la législature et dans la future loi de programmation militaire. Dans le domaine budgétaire comme dans le domaine militaire, madame la ministre, chers collègues, l'objectif ultime n'est pas de gagner la bataille, mais de se donner les moyens de gagner la guerre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LC et REM.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe Nouvelle Gauche a pris acte de l'augmentation de 1,8 milliard d'euros des crédits du budget des armées, dans un contexte régional et international tendu. Comme l'a souligné la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, la France ne doit négliger aucune menace et disposer de l'ensemble des moyens lui permettant d'agir et de se défendre.
Le maintien des crédits à un niveau élevé pour l'entretien des matériels dans le cadre du programme 178, « Préparation et emploi des forces », est fondamental, en raison notamment des nombreux engagements de la France et des zones dans lesquelles nous opérons : on sait que, dans le Sahel ou dans la zone irako-syrienne, les matériels s'usent cinq fois plus rapidement qu'ailleurs.
De même, l'augmentation des crédits alloués au programme 146, « Équipement des forces », est indispensable. Malgré ces hausses, on constate que certains programmes subissent des baisses importantes, comme la sous-action 09. 75, « Opérer en milieu hostile », qui voit ses autorisations d'engagement et ses crédits de paiement diminuer drastiquement.
La hausse des crédits alloués au programme SCORPION est à souligner. Lors de votre audition devant les commissions des finances et de la défense, vous avez, madame la ministre, exprimé votre volonté de voir ce programme s'accélérer. Nous soutenons cette initiative. Toutefois, nous restons dubitatifs quant à sa faisabilité, en raison des probables reports de commandes consécutifs aux annulations de crédits pour 2017.
Nos soldats sont particulièrement sollicités. Dans son dernier rapport, le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire soulignait leur très fort engagement : en l'espace de deux ans, un soldat doit s'attendre à faire en moyenne quatre mois de déploiement en OPEX et quatre engagements de six semaines dans le cadre d'une mission de protection intérieure, comme l'opération Sentinelle ; à cela s'ajoutent les formations. Le tout peut conduire un militaire à passer près de 250 jours par an loin de sa famille. Il fallait donc assurer une remontée des jours de formation ; cela fut fait pour l'année 2017, mais nous devons poursuivre cet effort. En outre, il était nécessaire de soutenir les familles. Nous saluons l'annonce il y a quelques jours d'un plan d'accompagnement des familles, mais nous resterons vigilants quant à ses applications concrètes et sa mise en place dans le temps.
En ce qui concerne l'avenir, je prends acte des montants alloués à la protection de nos militaires et des installations de défense. Il faut aussi souligner les efforts faits pour renforcer la réserve opérationnelle et la cyberdéfense.
Malgré ces avancées positives, les décisions prises en juillet 2017 par le Gouvernement limitent l'appréciation favorable que nous pouvons avoir de ce budget pour 2018. Les choix faits par Bercy sont implacables.
Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, l'annulation de 850 millions d'euros va limiter les hausses décidées pour 2018. Bien que vous annonciez, madame la ministre, des renégociations de contrats pour pallier ces baisses, nous assisterons à des reports de commandes sur les années à venir – probablement en 2019. Cela retardera les livraisons des nouveaux matériels, pourtant tant attendus par les militaires en opérations.
À ces annulations, s'ajoute le gel toujours en cours de 700 millions d'euros de crédits. Vous avez affirmé votre volonté de voir ces crédits débloqués. Nous ne pouvons qu'appuyer votre demande, mais les orientations financières du budget ne laissent rien présager de bon. Si ce gel n'était pas débloqué, son impact sur les budgets suivants serait très préoccupant.
La limitation de l'effort apparaît aussi avec les orientations prises concernant les OPEX. Le dégel des crédits annoncé il y a quelques semaines fera peser sur le budget de la défense 1,1 milliard d'euros pour financer les opérations extérieures en 2017. Cette décision a déjà un fort impact sur votre ministère. Les estimations tournent autour d'un surcoût total d'environ 1,5 milliard d'euros. Vous nous avez fait part de votre volonté de voir les 350 millions d'euros supplémentaires apportés par la solidarité interministérielle.
La hausse en 2018 de 450 à 650 millions d'euros des crédits destinés aux OPEX va dans le sens d'une meilleure prise en compte des réalités. Toutefois, nous devons impérativement conserver une solidarité interministérielle dans ce domaine. Il s'agit d'un choix pour l'avenir. Jusqu'à présent, la solidarité nationale se traduisait par cette prise en charge. Madame la ministre, notre volonté est de maintenir ce principe, afin de ne pas faire peser cette charge sur le seul budget de la défense ; cela limiterait les capacités d'action et d'investissement des armées.
Le surcoût record des OPEX et le choix assumé de coupes très importantes en 2017 amputent la capacité d'action du ministère et rendent flou l'avenir budgétaire de la défense. Comme l'a écrit le général de Villiers : « Nous ne pouvons plus traiter des problèmes de défense avec une approche comptable » ; nos armées ont besoin « de confiance et de continuité pour assurer des missions toujours plus difficiles ».
Madame la ministre, j'aime les devises. « Croire et oser » : je crois que vous êtes animée par cet état d'esprit. Toutefois, j'ai noté une autre devise, celle d'une compagnie d'un régiment de chasseurs parachutistes : « Pas moyen, moyen quand même ». C'est Bercy qui doit être motivé par elle !
Sourires.
Pour toutes ces raisons, le groupe Nouvelle Gauche s'abstiendra lors du vote sur les crédits de cette mission.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour le groupe La France insoumise.
Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, depuis plusieurs années, nos forces armées sont engagées sur plusieurs théâtres extérieurs et déployées sur le territoire national. Avant d'examiner le budget, je veux rendre hommage aux hommes et femmes mobilisées.
Mes chers collègues, il nous faut décider si le budget proposé par le Gouvernement est suffisant pour leur permettre d'assurer les missions que Mme la ministre leur assigne. Nous pensons que ce n'est pas le cas.
Le Gouvernement s'est beaucoup vanté d'augmenter de 1,8 milliard d'euros le budget de la défense, mais une lecture attentive ruinera les espérances de ceux qui en cultivent encore. De cette somme, on doit en effet défalquer les 850 millions d'euros de crédits annulés en 2017, qu'il faudra bien compenser. On doit également prendre en compte les dépenses induites par les décisions du précédent gouvernement : le maintien de 18 700 emplois décidé avant 2017 absorbera une partie de la somme. En outre, 200 millions d'euros sont d'ores et déjà immobilisés pour les OPEX, et il faut craindre qu'à terme le financement interministériel de celles-ci ne s'érode, jusqu'à disparaître. Le Premier ministre a d'ailleurs fait savoir ici même que tel était son souhait. Les OPEX ont aussi imposé un achat de matériels qui représente une dépense de 3 milliards étalée entre 2017 et 2019. Or l'exercice 2017 n'est pas bouclé : les recettes exceptionnelles prévues n'ont pas été obtenues et, madame la ministre, vous n'êtes toujours pas en mesure de garantir le dégel des 700 millions d'euros en suspens. Votre budget pour 2018 n'est donc pas crédible !
Pourtant, la défense a urgemment besoin que le Gouvernement mette en adéquation les moyens et les missions. Les budgets des précédentes années ont été si insuffisants que l'on demande aujourd'hui aux soldats d'acheter eux-mêmes leur matériel !
Si, c'est vrai !
Les modestes programmes qu'a invoqués la majorité en commission ne suffiront pas à renverser la tendance. Dans la marine, le nombre de patrouilleurs est si faible pour surveiller et protéger notre territoire maritime, le deuxième au monde, que cela reviendrait à protéger l'Hexagone avec deux voitures de police !
L'armée de l'air n'est guère mieux lotie. L'excellent rapport de notre collègue Cornut-Gentille sur le transport aérien stratégique souligne que la flotte, en période d'opérations, atteint un taux de disponibilité de 7 %. Quant à l'armée de terre, le matériel qu'elle utilise est bien souvent d'une ancienneté alarmante. Le cas des véhicules de l'avant blindés, les VAB, est exemplaire : ils ont été mis en service en 1976, et leur reblindage coûte très exactement le prix du véhicule « Griffon » qui devrait déjà les avoir remplacés.
On pourrait continuer le catalogue des misères d'une armée qui, plus que jamais, repose sur la bonne volonté des hommes et des femmes qui la composent ; mais eux aussi s'épuisent, notamment du fait de l'opération Sentinelle, dont les mérites sont largement remis en question par les spécialistes. Les ressources humaines se tarissent : leur renouvellement est loin d'être garanti. On a entendu le chef d'état-major de l'armée de terre se donner pour objectif de disposer en 2018 d'une armée revenue au même niveau de formation qu'en 2015 !
Le Gouvernement pourra bien protester qu'il hérite de cette situation. Ce sera peu crédible, alors que le locataire de l'Élysée a occupé Bercy pendant deux ans et que l'actuel ministre des affaires étrangères était à l'époque le ministre de la défense !
En plus de l'insuffisance des moyens, il faut regretter l'absence de vision. La majorité refuse le débat et nous renvoie à la discussion du prochain projet de loi de programmation militaire. Elle brandit la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, qui a le mérite de dresser une liste exhaustive des menaces, mais qui ne produit aucune réflexion. Elle ne tire aucun bilan stratégique des OPEX. Le repositionnement opéré par les grandes puissances n'est pas examiné. Rien n'est tenté pour produire une doctrine d'emploi des forces en rapport avec la nature des menaces. Le débat nécessaire sur la dissuasion nucléaire a été tranché avant même d'être ouvert. Les effets qu'aura la création d'un nouveau service militaire ne sont pas envisagés.
Une seule ligne stratégique : l'alignement de la France sur l'OTAN, c'est-à-dire sur les intérêts états-uniens.
« Bravo ! » sur les bancs des groupes FI et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Les traités font de l'adhésion à l'OTAN une obligation. Aucun intérêt général européen n'est discernable en matière de défense et les tentatives de coopération à ce sujet n'ont jamais donné satisfaction. Même l'objectif de faire parvenir le budget de la défense à 2 % du PIB n'est rien d'autre que la soumission à une injonction de l'OTAN.
Pour conclure, la stratégie est première : c'est elle qui doit dicter les orientations budgétaires. Or, en l'absence de vision claire du Gouvernement, ce sont les orientations de l'OTAN, cette organisation obsolète et pourtant expansionniste, qui finissent par faire loi.
Les postures ne résistent pas à l'examen des faits. Avec ce budget, le Gouvernement poursuit dans la voie de ses prédécesseurs. Le groupe La France insoumise promeut pour sa part un nouvel indépendantisme français en faveur de la paix. Il ne votera donc pas les crédits de la mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous en arrivons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Je suis saisie d'une question du groupe La République en marche.
La parole est à M. Philippe Chalumeau.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les engagements européens dans le cadre de notre politique de sécurité et de défense commune.
Nous défendons une vision, celle du Président de la République. Elle consiste à parvenir à une autonomie stratégique européenne, comme l'indique la revue stratégique de défense et de sécurité nationale. On peut y lire que la « convergence des menaces sur l'Europe nécessite que les Européens soient davantage engagés en faveur de leur propre sécurité, et travaillent à l'ambition d'une autonomie stratégique commune ». Cette autonomie stratégique n'est pas une volonté unilatérale ; elle a été reconnue en juin 2016 par les vingt-huit chefs d'État et de gouvernement dans la stratégie globale de l'Union européenne.
Cette ambition exigeante suppose un nouvel élan. Pourtant, sur le terrain, les initiatives peinent à se matérialiser. Alors que les pays européens consacrent près de 230 milliards d'euros à la défense, les dépenses demeurent fragmentées et peu coordonnées.
On compte, en Europe, dix-sept programmes de véhicules blindés et sept programmes de frégates, et les rares crédits de recherche et développement sont utilisés à des fins non complémentaires.
Les États membres travaillent donc isolément, et les dépenses en commun sont mineures. Avec un budget cumulé des États européens in fine à la baisse et un manque de coopération entre États membres dont le coût est compris entre 25 et 100 milliards d'euros selon les estimations de la Commission européenne, les efforts de la France en la matière sont à saluer, et la politique du Président de la République à encourager, tant elle redonne un cap à une Europe qui se veut ambitieuse pour sa sécurité et la défense de ses concitoyens.
Un fonds européen de la défense a été créé cet été par la Commission européenne. Il comprend deux volets : un volet « recherche » et un volet « équipements », qui seront respectivement dotés de 500 millions et de 1 milliard d'euros par an. Reste à en définir les modalités de gestion : l'Agence européenne de défense semble avoir toute légitimité en la matière.
Dans ce contexte, madame la ministre, comment la France et les États membres les plus engagés peuvent-ils optimiser leurs efforts pour rendre possible une véritable défense commune ?
Je vous remercie, monsieur le député, pour cette question. Elle revêt un double aspect puisqu'elle porte, d'une part, sur la mutualisation des équipements au niveau européen, et, de l'autre, sur les progrès attendus en matière de politique de défense européenne.
Il existe un certain nombre d'exemples de mutualisation des équipements. Je pense en premier lieu à la mutualisation des moyens de transport et de ravitaillement, avec l'EATC – Commandement européen du transport aérien – , mais aussi au partage de missions de police du ciel, à l'intégration quasi systématique de moyens européens – qu'il s'agisse de frégates ou d'hélicoptères à l'intérieur du groupe aéronaval – et à une série d'initiatives telles que la brigade franco-allemande, le corps expéditionnaire franco-britannique ou l'unité de transport franco-allemande C-130J, sans oublier un certain nombre de formations communes sur le Tigre et sur l'A400M.
Ces coopérations doivent bien sûr être poursuivies ; dans le domaine des équipements, cela passe par le fonds européen de défense, dont les contours sont en cours de précision en vue d'une mise en oeuvre dès 2020.
Nous comptons donc avancer dans le cadre de ce fonds, mais aussi avec nos partenaires, en particulier allemands, pour faire progresser la définition commune de certains équipements futurs : avions de combat, comme prévu lors du sommet franco-allemand de juillet dernier, drones, chars ou artillerie.
Sur le plan opérationnel, enfin, vous l'avez rappelé, le Président de la République nous invite à fixer, grâce à l'initiative européenne d'intervention, un nouveau cap. Il revient aussi à nos voisins européens, désormais, de saisir la perche qui leur a été tendue.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Je vous concéderai, madame la ministre, que ma question ne porte pas sur le budget d'aujourd'hui mais sur celui de demain : un parlementaire saisit toute occasion pour recueillir l'avis du Gouvernement.
Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée, tout le monde évoque, à juste titre, une remontée en puissance et la préservation du modèle d'armée complète, ce dont on ne peut que se réjouir. Je veux cependant exprimer, devant le Gouvernement, la majorité et l'ensemble de la représentation nationale, mon inquiétude après les auditions menées ces derniers mois, tant sur la revue stratégique que pour entendre les responsables de nos armées et du Gouvernement.
Chacun plaide pour l'armée complète, mais il semble que l'on accepte qu'elle ne le soit que par intermittence. Je veux parler du renouvellement du porte-avions Charles de Gaulle. Notre nation, engagée dans une guerre longue, voit un élément essentiel de sa capacité militaire paralysé en raison d'opérations de maintenance – mais le délai pourrait être moins long – , compte tenu de l'usure des équipages et du besoin de repos, de renouvellement et de remise en condition. La revue stratégique évoque très justement la multiplicité des menaces, y compris quant à leur nature, et les atteintes possibles à nos intérêts dans des zones géographiques très différentes. Plutôt que le renouvellement du Charles de Gaulle, la question n'est-elle pas de savoir s'il nous faut un ou deux porte-avions ? De mon point de vue, d'ailleurs, l'alternative est plutôt entre aucun ou deux. Je m'explique.
À quoi sert d'avoir un porte-avions si l'on en est régulièrement privé ? Les Anglais ont d'ailleurs fait la même analyse : ils sont en train de mener, sur leur premier porte-avions, une deuxième série d'essais, et ont choisi d'en avoir deux. Nous ambitionnons d'être la première armée européenne, mais tout indique un renoncement à un second groupe aéronaval – puisque la question ne porte pas sur le porte-avions en tant que tel.
J'aimerais connaître la réflexion du Gouvernement en la matière, étant entendu que les décisions, elles, interviendront dans le cadre de la loi de programmation militaire.
Je termine, madame la présidente. De fait, disais-je, il faudra bien ouvrir les premiers crédits d'étude avant la fin de la présente législature.
Le Gouvernement a-t-il évacué d'avance l'idée qu'une armée complète doit l'être en permanence et non par intermittence ? Entre un ou deux porte-avions, il faudra bien entendu trancher à un moment ou à un autre.
En ce moment, l'industrie du porte-avions se porte bien dans le monde, de très nombreux bâtiments étant en cours de construction. La raison, d'ailleurs, en est simple : ce sont des outils militaires exceptionnels, en termes de capacités de projection vers la terre mais aussi d'acquisition autonome de renseignements et, surtout, de maîtrise des espaces aéromaritimes.
Ce sont aussi des outils politiques à forte visibilité médiatique et des instruments de crédibilité vis-à-vis de nos alliés, ce qui est un facteur d'intégration des volontés politiques européennes : un certain nombre de déploiements récents autour du Charles de Gaulle l'ont prouvé.
Dès la prochaine loi de programmation militaire, nous devrons, en tout état de cause, lancer un processus de préparation a minima du remplacement du porte-avions Charles de Gaulle, dont la fin de vie est estimée à 2040. Mais, vous avez raison, une autre question devra être posée : est-il nécessaire, avant cette échéance, de nous doter d'un second porte-avions ?
Je voulais seulement connaître la réflexion du Gouvernement sur ce point.
La réponse est prématurée à ce stade, mais la question sera largement débattue d'ici à quelques mois.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, les crédits du programme 146, relatif à l'équipement des forces, sont en augmentation.
Cependant, nombre d'entre nous l'ont rappelé ce soir, l'annulation de 850 millions d'euros de crédits sur l'exercice 2017 et le gel, toujours d'actualité, de 700 millions d'euros supplémentaires, devraient faire peser un risque sur les commandes en 2018 et en 2019.
Or une note que votre cabinet a adressée aux membres de la commission de la défense après votre audition le 3 octobre dernier, madame la ministre, indique que l'annulation déjà décidée sera « sans impact physique à long terme » du fait d'une « réévaluation des besoins de paiement et de la renégociation de contrats d'armement qui sont en cours de discussion avec les industriels ». Nous pouvons donc nous interroger sur ces contrats, dont la renégociation devrait faire économiser des sommes importantes et qui auraient pu être dès l'origine moins onéreux.
Dans un contexte budgétaire contraint, où la coopération et la solidarité européennes ne sont de surcroît qu'à un stade encore peu avancé, la question des montants qui pourraient être économisés par une meilleure information des marges disponibles ne semble pas négligeable. Aussi le groupe Nouvelle Gauche a-t-il déposé un amendement pour qu'un point plus précis soit fait sur cette question.
Pouvez-vous donc, madame la ministre, nous donner des informations plus précises sur ces renégociations qui devraient limiter les reports de charges de 2017 vers les années suivantes ?
L'annulation de 850 millions d'euros de crédits a eu trois effets principaux : le premier fut la révision à la baisse d'un certain nombre de contributions à des organismes qui disposaient d'une trésorerie importante ; le second, le décalage de quelques mois de la livraison de certains équipements ; le troisième, que vous venez de mentionner, la renégociation d'un certain nombre de contrats, s'agissant principalement du délai des études relatives au standard F4 de l'avion Rafale – c'est ce dernier point qui a fait l'objet d'une renégociation avec l'industriel.
Le deuxième programme renégocié a été celui des frégates de taille intermédiaire. Il s'agit, en l'espèce, de la renégociation des conditions logistiques entourant l'acquisition de ces frégates.
Troisième et dernier programme concerné, enfin : les Mirage 2000-D, pour lesquels une tranche conditionnelle du programme de rénovation a été décalée et renégociée à la baisse.
Tels sont les trois principaux programmes dont la révision a permis de générer des économies définitives.
J'appelle les crédits de la mission « Défense », inscrits à l'état B.
Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements. La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 762 .
Comme le président Mélenchon, mon collègue Lachaud a clairement posé, tout à l'heure, les termes du débat.
Nous souhaitons revenir sur la contribution financière de la France à l'OTAN, contribution qui se monte aujourd'hui à 143,27 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 142,07 millions en crédits de paiement. L'appartenance de notre pays à l'Alliance atlantique nuit, selon nous, à son indépendance militaire et stratégique.
Cette Alliance, dont la vocation historique était défensive, intègre désormais une vocation préventive : le poids des mots, ici, est considérable, car c'est à titre « préventif » que les États-Unis ont décidé d'intervenir militairement en Irak, ne vous en déplaise, ce qui a conduit à la situation désastreuse que nous connaissons aujourd'hui.
En outre, l'extension géographique de l'OTAN, qui intègre désormais près de trente pays et s'étend jusqu'en Europe de l'Est, témoigne de la volonté américaine de constituer un bloc militaire, instrument d'un rapport de force avec le reste du monde, notamment la Russie.
Qu'allons-nous donc faire dans cette galère ? Nous refusons de souscrire à une telle stratégie belliciste et atlantiste, et souhaitons réaffirmer l'indépendance stratégique de la France en matière de politique étrangère en permettant l'accélération de programmes d'armement essentiels à notre souveraineté militaire.
Aussi le présent amendement tend-il à supprimer les contributions françaises au fonctionnement de l'OTAN, au bénéfice de grands programmes d'armement, comme le programme Scorpion ou l'A400M.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La commission des finances n'ayant pas été saisie de cet amendement non plus que des suivants, j'exprimerai, sur leur compte, mon avis personnel et celui de M. Cornut-Gentille.
La France entend renforcer son effort de défense et jouer un rôle croissant au sein de l'OTAN dans les années à venir. D'un point de vue stratégique, il ne serait donc pas cohérent de remettre en cause les contributions françaises à l'Alliance.
D'autre part, le nécessaire soutien au programme Scorpion est réel puisque les crédits qui lui sont alloués passent de 100 millions à 1 milliard d'euros. Quant à la cadence de livraison, il n'y a plus lieu de la bouleverser, à moins d'augmenter le nombre d'appareils commandés.
L'avis est donc défavorable.
Comme vient de l'indiquer le rapporteur spécial, l'amendement tend à redéployer les quelque 143 millions d'euros de la contribution française au budget de l'OTAN vers le programme de l'A400M ou le programme Scorpion. Je n'y suis pas favorable, la France ayant décidé, en 2009, d'adhérer à nouveau au commandement intégré de l'OTAN.
Par cet engagement, le ministère des armées participe pleinement à l'ensemble des structures et budgets de cette organisation.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Le projet de loi de finances n'est pas le lieu où rediscuter de décisions majeures prises par notre pays.
Il est là pour les mettre en oeuvre. Dès lors que ces décisions ont été prises, mettre fin à ces subventions remettrait en cause ces engagements, au mépris notamment des bénéfices apportés par les structures intégrées. Celles-ci permettent par exemple de participer à des programmes de coopération initiés par les États membres, comme l'hélicoptère NH90.
Pour ce qui concerne les redéploiements qui ont été proposés, cela a été dit à l'instant, le programme A400M est tout à fait correctement doté. Deux livraisons vont être réalisées l'année prochaine. Il en va de même pour le programme Scorpion.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
Je remercie M. le rapporteur spécial et Mme la ministre de leurs réponses.
Cependant, monsieur le rapporteur spécial, j'ai présenté cet amendement en commission élargie. Ne perdons donc pas de temps à dire qu'il n'a pas été présenté : ce n'est pas le sujet.
Je suis aussi surpris du niveau des réponses que vous et Mme la ministre apportez. Vous me dites que c'est ainsi, et la ministre affirme que cela a été décidé en 2009 par le président Nicolas Sarkozy. Mais même lorsque le président Sarkozy a pris cette décision, elle n'a jamais été discutée ici, devant la représentation nationale. Quand allons-nous donc en discuter ? Mettons ce sujet à l'ordre du jour ! C'est à nous de prendre la décision : faut-il ou non participer à l'OTAN ?
Pour quelles raisons ? Vous avez le droit de penser que oui, mais discutons-en ! Vous ne pouvez pas nous répondre uniquement par un argument d'autorité, parce que Nicolas Sarkozy l'a décidé en 2009. C'est tout de même une façon de rabaisser notre rôle !
Nous devons en discuter. Que vous défendiez le fait qu'il faille y participer, soit, mais c'est ici qu'il faut prendre la décision. Je trouve assez incroyable que les parlementaires que nous sommes ne reçoivent pour toute réponse qu'un« circulez, il n'y a rien à voir ». C'est une décision lourde, qui nous engage, qui a un sens stratégique, politique.
Madame la ministre, excusez ce ton un peu courroucé, mais je suis surpris qu'une décision aussi lourde soit balayée d'un revers de main au motif que c'est le président Sarkozy qui a pris la décision et que les députés que nous sommes n'ont plus à se prononcer dessus. Souffrez que nous voulions à nouveau en débattre, précisément parce que jamais la représentation nationale n'en a débattu !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 762 n'est pas adopté.
« Nous sommes l'armée de la Nation et non celle du ministère des armées. La clause de sauvegarde consacre le principe de contribution de la Nation tout entière à l'effort que suppose tout engagement militaire en opération, sous le contrôle du Parlement. » C'est exactement dans la lignée de ces mots, prononcés par le général Lecointre, chef d'état-major des armées devant notre commission de la défense, que s'inscrit cet amendement.
Il prévoit ainsi de laisser la contribution du ministère des armées au financement des opérations extérieures – OPEX – au même niveau que la loi de finances initiale pour 2017. Le surcoût des OPEX sera pris en charge par un effort interministériel. Les crédits ainsi dégagés seront reversés au programme d'équipement des forces.
L'obsolescence d'un très grand nombre de nos matériels est un réel problème pour l'efficacité de nos opérations et pour la sécurité de nos soldats. En outre, pour préserver notre savoir-faire industriel et militaire, il est urgent que les différents programmes d'équipement de nos forces soient lancés, et ce dans nos trois armées. La revue stratégique voulue par le Président de la République défend le maintien d'un modèle d'armée complet et équilibré. Nous sommes bien évidemment sur cette ligne, mais pour garder ce modèle il faut s'en donner les moyens.
Or malgré l'augmentation de façade du budget de la mission « Défense », lorsque l'on y regarde dans le détail, on est encore loin, très loin du compte.
Je souhaiterais simplement rappeler que l'augmentation des crédits OPEX vise à rendre plus sincère le budget. L'adoption de cet amendement minorerait cet effort de sincérisation et réduirait les moyens alloués à nos militaires, donc le financement de la guerre que nos forces mènent contre le terrorisme. J'y suis donc défavorable.
Avis défavorable. Comme cela a été indiqué au cours de cette séance et en commission élargie, le Gouvernement a souhaité réduire l'écart qui séparait dans le passé le montant de la provision destinée à financer les OPEX en loi de finances initiale et le montant définitif de ces opérations.
Je ne dis pas que le projet de loi de finances pour 2018 comble totalement cet écart, mais il le réduit. Votre amendement, monsieur Bilde, aurait pour effet d'anéantir potentiellement cet effort de sincérisation que certains de vos collègues ont salué.
Par ailleurs, l'objectif de l'amendement consiste à abonder le programme 146 qui, dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2018, bénéficie d'une très forte revalorisation, puisque les autorisations d'engagement progressent de 35 %. Cela permettra de lancer certains travaux, notamment sur le standard F4 de l'avion Rafale, qui ont été légèrement décalés mais que nous retrouverons en 2018. D'autres programmes concernent par exemple la commande de trois avions ravitailleurs MRTT.
Pour ces deux raisons, je suis défavorable à cet amendement.
L'amendement no 722 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 512 .
Des rangers aux semelles qui se décollent et fondent sous la chaleur dans les montagnes des Ifoghas ; une intervention au Mali avec 27 hélicoptères entre trois zones de combat séparées de 500 kilomètres, là où les Etats-Unis auraient déployé 50 hélicoptères ; nos chars AMX-10, nos chars Leclerc, nos véhicules blindés de combat d'infanterie dont les moyennes d'âge respectives de 31, 14 et 5 ans ne permettent respectivement une disponibilité qu'à 55 %, 65 % et 75 % ; des sous-marins qui prennent l'eau –
« Vraiment ? » sur les bancs du groupe REM
il y a des fuites, paraît-il, ce sont les militaires qui le disent – ; un porte-avion immobilisé tous les six mois ; une faiblesse des stocks de munitions qui limite considérablement la marine dans son rayon d'intervention et dans ses entraînements : voilà le quotidien des militaires français.
Ce quotidien, c'est le système D à chaque instant, des jeunes qui quittent l'armée, mettant en péril sa pérennité. Désormais, la vie des militaires n'est plus seulement menacée par ceux qu'ils combattent mais aussi, parfois, par le matériel avec lequel ils combattent, celui-là même que l'armée met à leur disposition.
Est-ce digne de la France, alors que nos militaires oeuvrent quotidiennement à repousser les terroristes islamistes avec les opérations Barkhane au Sahel et Chammal en Irak et en Syrie ?
Est-ce ainsi que nous espérons faire rayonner le savoir-faire français et notre génie militaire, pour venir en aide aux populations qui en ont besoin ? Si la France est toujours sur le podium des armées les plus puissantes du monde, avec une cinquième place préservée, selon Global Firepower, ne cessons pas nos efforts. L'armée ne pourra pas garder son rang en rafistolant son matériel par tous les bouts.
Parce que notre armée doit protéger ses soldats, parce qu'elle est compétente et efficace, parce qu'elle est une vitrine de notre nation, la France doit lui donner plus de moyens pour améliorer sa capacité d'intervention dans les zones de combat.
La commission de la défense n'a pas examiné cet amendement. Pour ce qui me concerne, j'émettrai un avis défavorable.
Supprimer 123 millions d'euros de dépenses de personnel comme vous le proposez, c'est mettre en péril le fonctionnement des services concernés, notamment ceux chargés du soutien des forces en carburant et en munitions, du soutien sanitaire, du soutien général par le commissariat des armées.
Contrairement aux arguments que vous avancez, madame la députée, on peut craindre qu'au fond, cet amendement n'améliore pas nos capacités d'intervention dans les zones de combat comme vous le souhaitez. Si nos soldats n'ont personne pour les ravitailler en essence et en munitions ou pour prendre en charge les décès, on voit mal comment il pourrait atteindre son objectif.
Avis défavorable.
Cet amendement consisterait à réduire de 123 millions d'euros le montant des crédits du programme 212. Ces dépenses de masse salariale sont dans une très large mesure obligatoires. La réallocation de crédits que vous proposez, madame la députée, conduirait donc très probablement à un risque d'insuffisance de crédits en gestion 2018, ce qui n'est pas l'objectif que nous recherchons. Nous souhaitons voter en loi de finances initiale un budget sincère. Je crains donc qu'un risque d'insincérité ne soit potentiellement relevé par le Conseil constitutionnel.
Vous proposez par ailleurs de réallouer des crédits à l'action 09 « Engagement et combat », qui bénéficiera en 2018 d'autorisations d'engagement élevées – 4,817 milliards d'euros – , soit une croissance de 5 %, et de crédits de paiement atteignant 3,508 milliards.
Ces dotations permettront de lancer des commandes nouvelles d'armements individuels, de lancer la commande de vingt véhicules blindés multi-rôles lourds Griffon, d'engager des rénovations de matériels, par exemple les Mirage 2000 D. Dès lors, augmenter de 123 millions d'euros les crédits alloués à cette action serait très probablement sans effet à court terme sur le volume des matériels livrés.
Entre l'inconvénient qui consisterait à annuler des crédits sur le titre 2, soit des dépenses de masse salariale, et l'avantage, peu visible, qu'il y aurait à abonder les crédits de l'action 09 du programme 146, cet amendement ne remplit pas son objectif.
Les réponses que vous faites, messieurs les rapporteurs, madame la ministre, sont d'assez mauvaise foi. Vous savez comme nous que nous sommes obligés de prendre une somme d'argent dans une ligne pour la mettre dans une autre – c'est l'article 40 qui nous y contraint. Évidemment, je ne souhaite pas diminuer les crédits alloués au personnel pour les mettre ailleurs, mais nous n'avons pas le choix. Si nous ne le faisons pas, l'amendement est retoqué.
Ce transfert d'argent est donc un symbole pour vous alerter sur autre chose. Je sais bien que prendre une somme dans les dépenses de personnel pour l'affecter aux dépenses de matériel n'est pas la panacée.
Pour pouvoir défendre un amendement dans cet hémicycle, chacun est néanmoins obligé de se prêter à ce petit jeu. Tout le monde le sait, et tout le monde est obligé de faire la même chose. Et à chaque fois, vous retoquez nos amendements en disant que ce n'est pas bien. Je suis d'accord avec vous, mais nous n'avons pas le choix.
Madame Ménard, contrairement à ce que vous venez de dire, cet amendement ne permettrait pas d'accroître nos capacités de déploiement, mais les réduirait. En effet, le programme 212 finance les soldes des militaires et l'ensemble du soutien des armées. Concrètement, l'amputer de 123 millions d'euros, ce sera réduire d'un quart l'effort crucial contenu dans le projet de loi de finances pour l'amélioration des infrastructures au titre du plan Famille, de 413 millions d'euros.
L'amendement no 512 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 506 .
Je prendrai donc une précaution oratoire : encore une fois, ce transfert d'argent sera de l'ordre du symbole. Je ne tiens pas à déshabiller Jacques pour habiller Paul : ce n'est pas mon propos.
Je suis d'accord avec vous : la politique immobilière est indispensable pour soutenir la politique de défense. Aussi, je regrette d'avoir à prendre dans cette enveloppe pour alimenter celle du renseignement. Ainsi, les choses sont claires. Je ne le fais pas de gaieté de coeur : j'y suis simplement contrainte par ce fameux article 40.
Mais il faut bien faire un choix, d'autant que la menace terroriste ne faiblit pas et que la situation géopolitique internationale est extrêmement complexe et tendue.
En France, en 2018, 1,4 milliard d'euros sera consacré aux services de renseignement. C'est mieux que le 1,17 milliard de l'année dernière, mais nous sommes loin des 3,5 milliards qui nous permettraient d'être à la hauteur des 0,15 % du produit intérieur brut de nos voisins d'outre-Manche.
Je regrette par exemple que ce budget serré fasse l'impasse sur un volet essentiel : le renseignement économique. Car, d'évidence, nous sommes bien en guerre, dans ce domaine, avec nos alliés ; nous avons régulièrement l'occasion de nous en rendre compte.
Mais, si l'argent est bien souvent le nerf de la guerre, il ne fait pas tout : l'adaptation de nos services de renseignement est également indispensable. Nombreux sont ceux, en effet, qui dénoncent le caractère épars de nos services et le manque de fluidité affectant la transmission des renseignements qu'ils collectent. Le rapport pour 2016 de la délégation parlementaire au renseignement, remis il y a quelques mois, souligne notamment l'importance de la collecte de renseignements dans le monde pénitentiaire, véritable incubateur du terrorisme islamiste.
Les chantiers sont nombreux, je le sais, mais devraient permettre d'améliorer encore les résultats de nos services, que je veux saluer ici : faut-il rappeler qu'ils ont déjoué pas moins de vingt attentats en 2016 ? Donnons-leur les moyens d'améliorer encore leurs performances.
Il n'y a pas lieu d'opérer le transfert proposé, car, si l'on examine l'équilibre du PLF, on constate qu'un important effort est consacré aux moyens du renseignement : 1 000 postes supplémentaires seront créés entre 2017 et 2019 et, en matière d'équipement, le renseignement bénéficiera largement des crédits d'investissement.
Avis défavorable.
J'ai bien noté, madame la députée, votre précaution oratoire. Je suis néanmoins contrainte de vous répondre que la politique immobilière, sur l'enveloppe de laquelle vous suggérez – faute de mieux, je l'ai bien compris – de prélever pour abonder l'action no 3 du programme 144, est l'une des priorités de ce budget…
… puisque, vous le savez, elle a fait l'objet de nombreuses restrictions au cours des années précédentes et que nous devons non seulement améliorer la sécurisation des emprises militaires, mais aussi faire un effort, qui se poursuivra les années suivantes, en faveur du logement et de l'hébergement des militaires.
Par ailleurs, comme cela vient d'être indiqué, les crédits de paiement de l'action au bénéfice de laquelle vous souhaitez un abondement sont en forte progression, puisqu'ils augmenteront de 20 % en 2018.
L'amendement no 506 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Jacques Ferrara, pour soutenir son amendement no 771 .
Je tiens à rassurer le président Bridey ainsi que mon collègue Cornut-Gentille : je ne fais pas de « fixette » sur le Caracal. Je vais vous expliquer les raisons de ma persévérance à son sujet.
Je l'ai annoncé tout à l'heure, j'ai déposé cet amendement pour que le renouvellement de cet hélicoptère, dont deux exemplaires ont été détruits en opération, soit prévu dans le projet de loi de finances pour 2018. Ce renouvellement était prévu fin 2017 ; il a été annulé. Peu importent les raisons de cette annulation ; je ne souhaite pas polémiquer à ce sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ce qui est important, c'est que le Caracal est utilisé par nos forces spéciales pour mener leurs actions, surtout au Sahel.
Je ne me fais pas ici le défenseur de l'armée de l'air, ni d'ailleurs celui des forces spéciales. Cet hélicoptère est piloté par des membres de l'armée de l'air, mais il est au service des forces spéciales, issues de toutes les armées. Je me fais le porte-parole des gens que j'ai rencontrés sur le terrain, militaires ou responsables politiques bien informés de la situation.
Vous connaissez l'importance des actions menées par nos forces spéciales et ce qu'il en sera au cours des mois à venir. Dans ce contexte, il me paraît dommageable – et le mot est faible – que le renouvellement de cet hélicoptère ne soit pas prévu. S'il ne l'est pas en 2017, s'il n'est pas inscrit en 2018, cela nous amène en 2019 ; il sera alors trop tard, madame la ministre.
Je souhaite vous sensibiliser à ce problème. Je m'adresse à tous nos collègues, sans nulle intention polémique. Il ne s'agit pas d'une discussion politique ; il y va de l'intérêt de nos forces armées, engagées loin de chez nous. Nous parlons de 40 millions d'euros ! Voilà pourquoi je vous propose d'abonder de cette somme, en autorisations d'engagement, l'action no 9, « Engagement et combat », du programme 146, …
… en la prélevant sur les actions nos 8 et 11 du programme 212, « Soutien de la politique de la défense », qui concernent la communication et la politique culturelle et éducative.
Loin de moi l'idée de dénigrer ces actions de communication ; simplement, compte tenu du niveau d'engagement opérationnel de nos forces, la priorité me semble être d'équiper nos soldats pour leur permettre d'effectuer les missions que les autorités politiques que nous sommes leur confient.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La commission de la défense n'a pas examiné cet amendement, mais j'aimerais formuler à son sujet quelques observations qui me paraissent importantes.
D'abord, l'amendement répond à une demande de l'armée de l'air, dont mon rapport fait d'ailleurs état.
Vous l'avez dit, mon cher collègue : la commande d'un Caracal destiné à remplacer celui des deux appareils détruits qui n'était pas réparable était prévue en 2017, mais elle n'a pas été effectuée, et le projet de loi de finances pour 2018 ne la prévoit pas non plus. Cette réduction temporaire de capacité pose problème, d'autant plus que l'on évoque la mobilité des forces spéciales.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Mais vous soulevez une autre véritable difficulté : le taux de disponibilité opérationnelle de ces matériels. Pour la flotte de Caracal, il est particulièrement faible : on parle de moins de 25 %. Le maintien en condition opérationnelle de cette flotte est un vrai problème. Je ne veux pas dire que l'optimisation du maintien en condition opérationnelle suffirait à remplacer l'appareil manquant, mais il y a quelque chose à faire en ce domaine, et c'est une réflexion globale qu'il faut mener à ce sujet.
Tel est l'objet de la mission que Mme la ministre a confiée à M. Chabbert et dont nous devons, me semble-t-il, attendre les conclusions. Cette mission porte non seulement sur le MCO, mais aussi sur le renouvellement de certaines flottes – je songe au programme HIL, hélicoptère interarmées léger – et, plus généralement, sur l'homogénéité de nos flottes d'hélicoptères.
À ce propos, peut-être Mme la ministre pourra-t-elle nous préciser où en est le projet de transfert à l'armée de l'air des Caracal du 4ème régiment d'hélicoptères des forces spéciales, qui appartiennent aujourd'hui à l'armée de terre, mais pourraient utilement être remplacés par des Caïman afin de simplifier la gestion des flottes.
Nous avons effectivement été amenés, compte tenu des annulations de crédits à hauteur de 850 millions d'euros, à reporter le remplacement de l'hélicoptère Caracal. L'état-major des armées est en train d'étudier la reprogrammation de différents équipements qui, comme celui-ci, ont fait l'objet d'un décalage. Je crois pouvoir vous répondre très simplement, monsieur Ferrara : au nombre de ces reprogrammations figure le Caracal, en 2018. Votre amendement me paraît donc satisfait.
Quant au regroupement et à la rationalisation du parc des hélicoptères de l'armée de l'air et de l'armée de terre, en particulier afin d'améliorer les capacités dévolues aux opérations spéciales, nous envisageons de rassembler sur une seule et même base, la base aérienne de Cazaux, l'ensemble des moyens, mais pas tout de suite : cela se ferait progressivement, à l'horizon 2025.
S'agissant enfin de la mission que j'ai confiée à M. Chabbert, et qui est justifiée par le très faible taux de disponibilité que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, ses conclusions me seront rendues dans quelques semaines. Je précise simplement, à l'intention de l'ensemble des députés ici présents, que les taux évoqués sont des taux moyens. Ils sont très insatisfaisants, je vous le concède, …
… mais les taux de disponibilité de nos équipements en opération sont évidemment très différents : ils tournent autour de 80 %, voire davantage. C'est l'ensemble du parc qui est visé par les moyennes dont il a été question.
Sous le titre Servir, le général Pierre de Villiers, ancien chef d'état-major des armées, publie demain un livre de réflexions sur la défense de la France et l'état militaire.
A priori, d'après ce que l'on peut en lire dans les médias, notamment dans Le Monde, le général ne règle pas ses comptes, mais veut faire avant tout oeuvre de pédagogie. Au nom d'une conception digne de son passé de militaire de haut rang, il détaille les engagements actuels des armées et justifie la nécessité de leur donner des moyens, au service de la France.
Il rappelle, s'il en était besoin, que l'on ne gagne pas une guerre sans effort de guerre, ajoutant que « les cimetières militaires, s'ils pouvaient parler, nous le diraient ». Il considère que les données de l'équation n'ont guère évolué depuis juillet et son éviction.
L'ancien CEMA estime ainsi que « les arbitrages budgétaires pour la gestion du budget 2017 et [le] projet de loi de finances pour 2018 » ne peuvent, en l'état, « assurer la pérennité [de notre] modèle d'armée [de manière à] garantir la protection de la France et des Français, aujourd'hui et demain » – fermez le ban.
Vous venez d'en donner un exemple concret, madame la ministre, à propos de l'annulation des 850 millions d'euros de crédits : celle-ci nous a notamment empêchés d'acheter un Caracal en 2017 ; de plus, pour 40 millions d'euros, nous allons aussi nous priver d'en acheter un en 2018, …
… ce qui va amener nos forces spéciales à limiter leurs actions. En votant l'amendement de notre collègue Ferrara, nous leur permettrions de continuer de servir notre pays conformément aux commandes politiques qui leur sont faites, comme l'a rappelé notre collègue.
Voilà une démonstration supplémentaire du fait que c'est bien cette annulation de crédits qui a entraîné le report de certains achats…
… à une date que l'on ignore : 2018 ? Non. 2019 ? Non plus !
Le rapporteur pour avis, lorsqu'il s'est exprimé, semblait d'ailleurs très gêné : il a eu bien du mal à justifier son avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Madame la ministre, j'ai entendu ce à quoi vous vous engagez, et je m'en réjouis. Nous serons vigilants concernant la reprogrammation en 2018 de la commande du Caracal. Vous l'avez bien compris, notre démarche n'était ni politicienne ni polémique.
L'amendement no 771 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 510 .
Je ne reviens pas sur les précautions oratoires devant entourer les propositions de transferts de crédits d'une ligne budgétaire à une autre.
« Non ! » sur divers bancs.
La France est le troisième pays au monde le plus représenté et le plus actif à l'étranger. Cette position, dont on pourrait s'enorgueillir, est le fruit d'une longue histoire, riche et prestigieuse. Ainsi la France est-elle encore représentée par 160 ambassades, 89 consulats généraux ou consulats, 120 sections consulaires d'ambassade et 154 services de coopération et d'action culturelle, auxquels s'ajoutent les services scientifiques.
Mais cette représentation française est en danger. Car, sous prétexte qu'il faut porter au pinacle une diplomatie européenne – qui est plutôt, si l'on se montre réaliste, une absence de diplomatie européenne – , la France tend à négliger sa représentation dans le monde, alors que celle-ci est cruciale pour les accords économiques, pour la protection des Français à l'étranger comme pour ceux qui sont sur notre sol, enfin pour que la civilisation française continue de rayonner dans le monde.
Ainsi, ces dernières années, les fermetures d'ambassades et de consulats ont été plus nombreuses que les ouvertures.
J'aimerais en citer un exemple. La fermeture de notre ambassade à Damas, en 2012, a été ressentie comme un abandon de la population syrienne, du lycée français – qui ne reçoit plus de subventions mais continue malgré tout de faire rayonner la culture française – , et, en prime, comme une sacrée marque d'hypocrisie, si l'on se souvient que, au moment même où l'État français fustigeait le régime de Bachar al-Assad, il finançait les Syriens de l'opposition qui, pour certains, n'étaient autres que des combattants d'Al-Nosra.
Le Président de la République, Emmanuel Macron, a admis lui-même en juillet dernier que la fermeture de notre ambassade en Syrie n'avait été d'« aucune efficacité ». Dès lors, quand envisagerez-vous sérieusement de la rouvrir ? Ce serait une mesure symbolique, mais nécessaire pour que la France conserve son rang et son rayonnement diplomatique dans le monde.
Madame la députée, la diplomatie de la défense regroupe diverses activités qui ne sont pas toutes strictement militaires et dont la finalité est de créer un environnement stable et pacifique. Cet amendement, qui aurait vocation à intervenir dans la mission « Action extérieure de l'État », ne s'adresse donc pas à la bonne mission, en visant la diplomatie de défense. Avis défavorable.
L'amendement no 510 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Madame la ministre, vous avez dit vouloir un budget sincère, ce qui a conduit à un certain nombre de rebudgétisations dans votre projet de budget pour 2018. Un budget sincère intègre les augmentations des prix des carburants, au regard notamment des prévisions de la Banque mondiale et de l'évolution de la fiscalité écologique. Il tient également compte des prévisions de recrutement qui vont, de fait, augmenter la circulation des véhicules. Cet amendement vise à donner un petit coup de pouce à la ligne budgétaire des carburants, pour que votre budget soit sincère. Vous allez me dire que je l'ai gagé, mais c'est parce que la Constitution nous corsète en tant que députés : si vous levez le gage, ce sera encore mieux. Les trois amendements correspondent à des versions légèrement différentes de la mesure proposée.
Il est difficile de faire reposer la prévision budgétaire des dépenses en carburants opérationnels sur une estimation globale du prix du baril réalisée par la Banque mondiale. Les variations de prix pouvant intervenir entraîneront des ajustements en gestion, comme il est normal en pareil cas. Avis défavorable.
Madame la députée, je comprends votre souci d'évaluer correctement la dotation en carburants, et je crois pouvoir dire que, dans le projet de loi de finances pour 2018, c'est le cas. Comme vous l'avez sans doute vous-même constaté, la dotation consacrée aux carburants a été fortement revue à la hausse, puisqu'elle passe de 460 millions d'euros en 2017 à près de 480 millions en 2018. Nous avons pris en compte l'évolution du cours de baril de Brent, en retenant un prix de 55 dollars le baril comme hypothèse de construction, soit 10 dollars de plus que ce qui avait été pris en compte dans la loi de finances pour 2017. C'est une hypothèse qui est proche de celle de la Banque mondiale.
Par ailleurs, nous savons tous que cela est soumis à de très fortes incertitudes compte tenu d'une certaine volatilité de ces marchés.
Par ailleurs, je tiens à préciser que, dans le calcul de la dotation, il est également pris en compte des coûts d'achat du raffinage et du transport, des coûts de fonctionnement du service des essences des armées, ainsi que d'un mécanisme de couverture sur les marchés financiers qui fonctionne comme un stabilisateur de prix. Il ne me paraît donc pas utile de procéder à une dotation supplémentaire. Je suis défavorable aux trois amendements défendus.
Madame Rabault, on retrouve bien là votre affection pour les « amendements carburant », après la police et la gendarmerie.
Sourires.
La provision pour les carburants est suffisante pour couvrir les besoins, même en cas de fluctuations à la hausse des prix du pétrole. Si les prix devaient flamber, ce qui est jugé peu probable par le service des essences des armées, des dispositions seraient prises en gestion par le Gouvernement, sans que cela soit au détriment d'autres actions. Par ailleurs, nos chiffres sont différents des vôtres. Le FMI prévoit, par exemple, une hausse de 4,6 % entre le quatrième trimestre 2017 et le quatrième trimestre 2018. En somme, chers collègues, nous vous suggérons de faire confiance aux statisticiens français de l'INSEE et, partant, de rejeter ces amendements.
Ça vous manquait ?
Au nom de mon groupe, je soutiens cet amendement réaliste et pragmatique, qui vise à faire en sorte que les forces armées aient les moyens de leur fonctionnement, en prenant en compte les fluctuations liées au carburant, lesquelles relèvent, pour nos concitoyens comme pour nos forces armées, d'un principe de réalité.
À cette heure tardive, si la députée du groupe REM a l'air d'être joyeuse pour combattre cet amendement, nous, nous sommes sérieux pour…
Nous sommes sérieux de temps en temps ! Ça nous arrive ! Et même plus souvent qu'à notre tour… Nous considérons que cet amendement a la force du pragmatisme et qu'il faut le soutenir.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et FI.
Les crédits de la mission « Défense » sont adoptés.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Cet amendement concerne la prolongation du délai de transfert des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – les EHPAD – de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Alors qu'ils dépendaient de cet office, l'article 74 de la loi de finances pour 2016 a permis leur transfert à titre gratuit et en pleine propriété à des établissements publics nationaux de santé ou médico-sociaux identifiés conjointement par l'agence régionale de santé et le conseil départemental concerné.
Le cadre juridique, patrimonial, financier et comptable des transferts devait être établi par décret ainsi que par des conventions approuvées par arrêté et devait définir les modalités de mise en oeuvre. Aujourd'hui, six des huit EHPAD concernés par ce dispositif ont d'ores et déjà été transférés. Les deux restants, qui étaient dans l'attente d'une solution de reprise, ont récemment trouvé preneur. Néanmoins, le transfert ne sera pas possible avant la fin de l'année. C'est pourquoi je vous propose de prolonger le délai initialement fixé pour achever ces transferts et permettre ainsi à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de se concentrer sur son coeur de métier, c'est-à-dire le soutien de ses ressortissants.
L'amendement no 447 est adopté.
Vous conservez la parole, madame la ministre, pour soutenir l'amendement no 970 .
Le premier aspect de cet amendement est d'instaurer au profit des militaires un dispositif de réparation des maladies professionnelles provoquées par l'amiante équivalent à celui qui existe pour les salariés de droit privé ainsi que pour les fonctionnaires et agents contractuels de droit public. L'article 146 de la loi de finances pour 2016 avait en effet généralisé au profit des agents des trois fonctions publiques le dispositif de réparation de ces maladies professionnelles, sans inclure les militaires. Les dispositions proposées prévoient donc le bénéfice de la cessation anticipée d'activité ainsi que d'une allocation spécifique pour les militaires, dès lors qu'ils sont reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante.
Le second aspect de cet amendement consiste à harmoniser les conditions d'éligibilité, de calcul et de cumul de cette allocation de cessation anticipée d'activité pour les fonctionnaires et agents de droit public exerçant ou ayant exercé certaines fonctions dans des établissements ou des parties d'établissements de construction et de réparation navale du ministère de la défense ou du ministère chargé de la mer. Il prévoit donc d'abroger l'article 96 de la loi de finances rectificative pour 2003 et l'article 157 de la loi de finances pour 2011, les agents du ministère de la défense et du ministère chargé de la mer étant désormais régis par les dispositions de l'article 146 de la loi de finances pour 2016.
Le troisième aspect est de permettre aux fonctionnaires placés en disponibilité ou en position hors cadre ainsi qu'aux ouvriers de l'État en fonction au sein de Naval Group, qui ont signé un contrat à durée indéterminée avec l'entreprise, de bénéficier d'une reconstitution de carrière pour le calcul du montant de leur allocation amiante et de leur pension de retraite. Cette mesure prend ainsi en compte l'impact de ce recrutement sur les droits à l'allocation de ces personnels qui, au moment où ils ont exprimé leur choix pour un recrutement par Naval Group, n'ont pas été informés des conséquences de ce changement de statut sur les modalités de calcul du montant de leur allocation.
Nous ne pouvons que soutenir cette mesure de régularisation. Avis favorable.
Je voudrais inciter nos collègues de la France insoumise à voter cet amendement qui est le fruit d'un travail de longue haleine mené avec les syndicats. Rien que sur les sites de Naval Group – ex-DCNS – , ce sont environ 200 ouvriers d'État ayant choisi de contractualiser en CDI avec Naval Group qui pourront voir leurs droits reconnus et leur carrière reconstituée pour le calcul de leurs droits aux réparations des expositions à l'amiante. Le groupe REM votera cet amendement qui montre que la flexibilité des carrières militaires entre les secteurs public et privé peut être accompagnée de la sécurité des parcours professionnels mixtes.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
De la même manière, notre groupe votera favorablement cet amendement qui est une mesure de bon sens. On connaît le parcours du combattant de tous ceux qui ont été atteints par l'amiante et de leur famille. C'est une véritable mesure de justice sociale. Il serait d'ailleurs intéressant que l'unanimité qui se dessine autour de cette mission « Défense » se manifeste également avec d'autres ministères sur des sujets équivalents.
En tant qu'élu normand, j'ai des relations quotidiennes avec les salariés de la DCNS, notamment les chaudronniers soudeurs, qui ont été victimes de l'amiante comme de nombreux autres salariés en Normandie. Il est juste que cet amendement permette une reconnaissance de leur exposition au risque de l'amiante.
L'exposition à l'amiante représente un risque majeur et provoque l'une des maladies professionnelles les plus répandues ; je regrette – avec vous, je l'espère – que la jurisprudence éteigne désormais pour les victimes toute perspective de recours. Je partage l'opinion qui vient d'être exprimée : il serait bon que cette décision, qui fait l'unanimité de notre assemblée, permette aux salariés des chantiers du Havre, à ceux des raffineries de France et de Navarre, et à ceux de toutes les industries où ils ont risqué leur vie – alors qu'ils n'ont fait que mettre leurs compétences au service d'un métier qu'ils aimaient – d'obtenir la juste reconnaissance et la réparation du préjudice subi. Oui, nous voterons cet amendement et nous souhaitons que le ministre du travail, ainsi que vos autres collègues, se l'approprient pour le plus grand nombre des salariés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.
Il n'était pas besoin d'interpeller notre groupe pour que nous votions cet amendement qui prévoit la juste reconnaissance du drame que constitue l'amiante. En revanche, je tiens à rappeler que de nombreux travailleurs qui ont été exposés à ce risque ne peuvent pas, aujourd'hui, voir leurs droits reconnus. Il faut que la représentation nationale et le Gouvernement avancent sur cette question. En attendant, nous voterons évidemment cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI
L'amendement no 970 est adopté.
Belle unanimité ! La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour soutenir l'amendement no 709 .
Madame la ministre, cet amendement reprend la question que M. Luc Carvounas vous a posée il y a quelques instants. Il tend à évaluer la politique d'équipement de la France, et notamment ses coûts en comparaison avec nos alliés européens au sein de l'OTAN. En effet, à la suite de l'audition que vous nous avez accordée, une note du ministère est parvenue aux parlementaires, indiquant que l'annulation de 850 millions d'euros de crédits en 2017 serait « sans impact physique à long terme », du fait d'une « réévaluation des besoins de paiement sur les programmes » et de la « renégociation de contrats d'armement qui sont en cours de discussion avec les industriels ». Cela m'a interpellé ; je pense qu'une bonne étude pourrait permettre d'identifier les marges de manoeuvre. La question est de savoir si les contrats d'équipement initiaux ne sont pas surévalués par rapport aux prix appliqués pour des matériels de même gamme dans des pays alliés ou comparables. Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement un rapport pour évaluer les politiques menées par les industriels du secteur de la défense dans ce domaine et les contrats passés avec notre pays pour équiper nos forces. Ce rapport pourrait également dégager des pistes pour améliorer l'équipement de nos militaires tout en mesurant l'impact des gels et annulations de crédits sur l'exercice 2017 et leurs conséquences sur les budgets 2018 et 2019.
Monsieur le député, les mesures de fin de gestion de 2017 ont été conçues pour ne compromettre ni l'activité opérationnelle ni la sécurité des forces, sans oublier celle de nos concitoyens. Le groupe Nouvelle Gauche estime qu'il existe des marges de manoeuvres budgétaires structurelles dans les contrats liant la DGA aux industriels ; comme on peut le voir, ce n'est pas le cas. Les seules marges de manoeuvre qui existent sont nécessaires pour nourrir la discussion. Ce rapport ferait double emploi avec la documentation dont nous disposons actuellement. Avis défavorable.
Madame la présidente, monsieur Pueyo, comme vous l'avez rappelé, une série d'informations ont été transmises à l'Assemblée, détaillant les éléments de comparaison, notamment les publications statistiques de l'OTAN qui mettent en rapport les efforts des uns et des autres en matière d'équipement. Vous appelez à une meilleure information encore ; mais nous aurons l'occasion, dans le cadre de la loi de programmation militaire, de produire des notes très détaillées bien avant les douze mois préconisés par l'amendement. De plus, cet amendement, s'il était voté, pourrait être invalidé car il s'agit manifestement d'un cavalier législatif ; je ne pense pas qu'il soit nécessaire de prendre ce risque. Je réponds donc oui sur le fond : nous transmettrons toutes les informations utiles au Parlement pour l'éclairer dans les prochains débats ; mais il n'est pas utile d'adopter cet amendement. Avis défavorable.
Madame la ministre, je pense au contraire que cet amendement permettrait d'y voir un peu plus clair, notamment dans le budget 2018. Quand on regarde l'action 08. 42, on voit que pour la projection des forces, avec l'avion A400M, on passe de 325 à 190 millions d'euros ; il serait intéressant de distinguer l'effet-prix et l'effet lié au nombre d'avions concernés – sauf si vous pensez que l'A400M n'a plus d'avenir. Pour l'hélicoptère Tigre, à l'action 09. 68, on passe, entre 2017 et 2018, de 299 à 217 millions. Là aussi, que se passe-t-il ? Notre collègue a raison de poser la question : est-ce un effet-prix ou bien, là aussi, un effet lié au nombre d'appareils concernés ? Pour le Rafale, la variation est inverse. Vous l'avez dit : il y aura des livraisons de Rafale en 2018, mais on passe, entre 2017 et 2018, de 483 à 585 millions d'euros, alors que vous nous avez dit que vous étiez en train de renégocier le contrat. On a du mal à s'y retrouver, entre l'effet-prix et l'effet-nombre. Vu les montants en jeu, la représentation nationale doit absolument y voir clair.
L'amendement no 709 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 755 .
Mes chers collègues, cet amendement a pour nous beaucoup d'importance. Nous demandons un rapport mesurant l'impact du surcoût des OPEX sur le budget de la défense. En effet, permettez-moi cette familiarité, c'est un peu le tour de bonneteau fondateur de votre budget, qui intègre le coût des OPEX en ne faisant plus appel à la solidarité interministérielle. Nous en avons débattu en commission : vous êtes, de bonne foi, dans l'incapacité de juger combien coûteraient ces OPEX. C'est précisément ce qui donne à ce budget ses contours flous et amène à considérer, comme l'a noté mon collègue Lachaud, qu'il n'est pas à la hauteur des besoins. Considérant toutes ces hésitations et le peu d'éléments transmis par le Gouvernement sur le sort budgétaire des OPEX, il nous semble essentiel que le Parlement obtienne une information précise sur leur coût et leur mode de financement. Nous réaffirmons notre volonté : le surcoût des OPEX doit être assumé via la solidarité interministérielle, comme précédemment. Ce rapport, si vous l'acceptiez, permettrait d'évaluer les conditions dans lesquelles nous décidons d'engager nos forces militaires sur le théâtre extérieur et le coût des OPEX menées hors mandat de l'ONU. Voilà le sens de notre amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Défavorable également. Nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre. Il s'agit d'une provision inscrite dans le projet de loi de finances. Par définition, une provision ne permet pas de couvrir 100 % d'une dépense qui, elle-même, n'est pas évaluable de façon parfaitement précise au moment où ce budget est discuté devant la représentation nationale. Les 650 millions d'euros de crédits qui représentent 200 millions de plus que l'année dernière ne régleront pas, en 2018, la totalité de la dépense finale des OPEX qui seront menées cette année-là.
Pour ce qui est de l'autre aspect de votre question – savoir si la représentation nationale est correctement informée du surcoût total des OPEX – , elle l'est a posteriori, par définition. Ce sujet reviendra très prochainement devant votre assemblée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative ; enfin, ces éléments seront à votre disposition dans le projet de loi de règlement.
Madame la ministre, je vous remercie pour votre franchise. J'ai d'ailleurs peut-être été imprécis quant à ce qui nous a semblé flou en commission : si cette provision venait à être utilisée, que se passerait-il après ? Avec beaucoup d'honnêteté, vous avez répondu qu'à ce stade, vous ne saviez pas si la solidarité interministérielle permettrait à nouveau de financer les OPEX. Voilà le fond du problème ! Admettez que cela puisse représenter une difficulté. Je ne suis pas vraiment éclairé par la réponse que vous venez d'apporter, mais il s'agit d'un désaccord de fond entre nous.
L'amendement no 755 n'est pas adopté.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 756 .
Nous l'avons dit, la France possède le deuxième territoire maritime au monde, et peut-être bientôt le premier. Cela nous engage. Nous avons une responsabilité et nous nous devons de protéger nos zones économiques exclusives. Pourtant aujourd'hui, nous n'en avons plus vraiment les capacités. C'est pourquoi cet amendement vise à établir un rapport d'information…
… sur les coûts engendrés par le retard pris par le programme BATSIMAR – bâtiment de surveillance et d'intervention maritime. Aujourd'hui, nous n'avons plus assez d'avisos patrouilleurs disponibles et leur obsolescence grandissante rend la protection de nos zones économiques exclusives impossible. Le programme BATSIMAR comprend l'achat de douze patrouilleurs. Le chef d'état-major de la marine a affirmé : « Au vu de l'usure de nos patrouilleurs, une livraison en 2021 me semble une date convenable pour pouvoir garantir l'exercice de notre souveraineté dans nos zones économiques. » Cependant, madame la ministre, vous nous avez confirmé en commission élargie que selon le ministère des armées, la livraison des premiers éléments du programme BATSIMAR n'aura lieu qu'en 2024. L'achat des patrouilleurs légers guyanais ne semble pas résoudre complètement le problème du retard du programme BATSIMAR ; ce rapport devrait donner au Parlement une vision exhaustive des raisons de ce retard et des conséquences qu'il aura. En effet, qu'allons-nous faire entre 2021 et 2024 pour assurer la protection de nos zones économiques exclusives ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La commission avait rejeté un amendement de M. Lachaud allant dans le même sens, et à titre personnel je reste défavorable à cet amendement, même modifié à la marge. Je tiens cependant à souligner l'importance du programme BATSIMAR, que vous avez raison de rappeler. C'est un programme relativement peu coûteux et crucial pour l'affirmation de notre souveraineté outre-mer. Cela dit, on ne peut pas affirmer que rien n'est fait en la matière. Le projet de loi de finances pour 2018 comprend deux bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers, BSAH, la commande d'un bâtiment multimissions, B2M, qui aura Fort-de-France pour port d'ancrage, et un patrouilleur léger guyanais. Un premier effort est donc engagé. Par ailleurs, dans le cadre de la discussion de la prochaine loi de programmation militaire, certains programmes devront être accélérés, et BATSIMAR peut en effet sembler tout désigné car il faudra l'adapter à des milieux particuliers. Vous avez donc raison de souhaiter que ce sujet soit abordé lors de la discussion. Avis défavorable.
Madame la présidente, monsieur le député, je voudrais répondre en deux points. D'abord, le programme BATSIMAR est encore au stade d'orientation. La DGA est en train d'analyser et d'évaluer les options proposées afin de trouver la solution la mieux adaptée aux besoins de la marine. Il serait donc plus opportun de parler d'horizon de livraison encore lointain plutôt que de retard par rapport à un échéancier qui n'existe pas.
Ce qui est certain, en revanche, comme je l'ai indiqué en commission élargie, c'est que dans le cadre du programme BATSIMAR, nous avons anticipé le lancement des quatre bâtiments multi-missions qui ont été commandés en 2013. En outre, après que les deux patrouilleurs légers guyanais commandés en 2014 ont rejoint la Guyane en 2017, nous en avons commandé un troisième. Nous répondons ainsi à certaines questions laissées en suspens. Je le répète : le programme BATSIMAR sera mis en oeuvre ; il sera consolidé dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.
Les députés du groupe Les Républicains voteront cet amendement. Nous avons bien pris note des explications données par Mme la ministre. Cependant, nous considérons que cet amendement nous permettrait de prendre date.
Nous partageons tous, dans cet hémicycle, deux convictions. La première est qu'il faut absolument défendre et mettre en valeur notre domaine maritime. Nous disposons de la deuxième zone économique exclusive : il ne faut pas cesser de le rappeler. La deuxième est que cet espace maritime est pour l'instant mal surveillé, mal défendu, et donc pillé. C'est pourquoi il faut inciter le Gouvernement à prendre date pour accélérer la mise en oeuvre de mesures de protection.
Nous voterons donc cet amendement.
Je remercie M. de la Verpillière de soutenir cet amendement.
Madame la ministre, je veux bien retirer le mot « retard » que j'ai employé à propos du programme BATSIMAR. Il n'empêche que les livraisons n'ont pas lieu selon le tempo que la Marine nationale souhaiterait : il y a donc un problème. Vous nous dites : nous verrons cela lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire. Très bien, alors prenons date.
Mais cela ne vous empêche en rien de donner à la représentation nationale un rapport sur l'état du programme BATSIMAR et sur la protection de notre zone économique exclusive. En nous rendant ce rapport avant que commencent les débats sur le projet de loi de programmation militaire, nous pourrons avoir un débat serein, argumenté, fondé sur des faits. Je ne vois vraiment pas en quoi le fait d'aborder ces sujets dans le cadre du futur projet de loi de programmation militaire vous empêche d'accepter cette demande d'un rapport qui permettrait à la représentation nationale de débattre de ces questions de façon éclairée.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 756 n'est pas adopté.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 758 .
La dissuasion nucléaire, dans notre pays, est actuellement formée d'une composante océanique et d'une composante aéroportée. Chacune d'elle a une fonction particulière dans le dispositif général de la dissuasion nucléaire : nous en avons bien conscience. Toutefois certains experts considèrent que la composante aéroportée est superflue dès lors que la doctrine d'emploi est strictement défensive.
Par ailleurs la France agit avec constance, depuis de nombreuses années, en faveur de la non-prolifération et du désarmement, et elle a raison de le faire. Le désarmement unilatéral n'est pas une option crédible, mais le redimensionnement de la dissuasion est l'une des mesures que la France pourrait mettre en oeuvre afin de donner un nouvel élan aux négociations internationales.
Les chiffres présentés dans les documents annexes au projet de loi de finances ne donnent pas un aperçu complet des dépenses engagées pour la dissuasion nucléaire. L'avis de M. le rapporteur spécial sur le budget opérationnel de la défense, disponible depuis hier seulement, et que j'ai consulté avec attention – comme il me l'avait conseillé en commission élargie – , n'apporte pas non plus suffisamment d'éléments pour éclairer les débats : il se contente de transcrire les propos du chef d'état-major de l'armée de l'air, d'ailleurs cités mot pour mot en commission.
La complémentarité des deux composantes n'a rien d'une évidence, contrairement à ce que certains prétendent. La suppression de la composante aéroportée est une possibilité. Elle pourrait être un élément d'une stratégie diplomatique en faveur du désarmement ; encore faut-il disposer d'éléments précis afin de juger de l'opportunité de la suppression de cette composante. Or pour distinguer les dépenses engagées pour chaque composante, et pour estimer les coûts d'une opération de démantèlement menée dans des conditions de sécurité optimale, des éléments budgétaires sont nécessaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le débat sur la composante aéroportée de la dissuasion est récurrent. Pour l'essentiel, je crois qu'il est désormais derrière nous. Il y a à cela de solides raisons, que j'ai déjà évoquées en commission, et que je rappellerai ici.
Le seul intérêt de la suppression de la composante aéroportée, dans l'esprit de ceux qui la défendent, est qu'elle permettrait de réaliser des économies.
Mais les moyens de la dissuasion sont largement duaux. Les contraintes budgétaires ne sont pas les mêmes : il n'y a donc pas tant de crédits que cela à économiser en la matière. Voilà pour la question du coût de la composante aéroportée.
Concernant sa complémentarité avec la composante océanique, elle me semble évidente : l'une est invisible – vous l'avez dit – tandis que l'autre se veut visible, pour entrer dans une sorte de dialogue de dissuasion. C'est essentiel à notre posture en la matière.
Enfin, comme l'a montré la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, les incertitudes quant aux mutations technologiques à venir et à leur rapidité nous appellent à une certaine prudence. À cet égard, conserver les deux composantes, c'est préserver notre dissuasion pour le cas où la crédibilité de l'une ou l'autre des composantes serait remise en cause.
Pour être honnête, la demande de rapport que vous nous présentez par cet amendement n'a pas beaucoup de sens. Toutes les forces conventionnelles et les forces aériennes stratégiques conduisent des opérations de manière intégrée, conjointe. Ainsi, sachez que l'avion qui a été endommagé il y a peu sur la base aérienne projetée au Tchad était un Mirage 2000N, qui participe à nos opérations au Sahel. Dans le même ordre d'idées, sachez que nos ravitailleurs assument des missions tant dans le cadre de la dissuasion nucléaire que des opérations extérieures. Un raid nucléaire nécessiterait par ailleurs la mobilisation d'éléments des forces conventionnelles.
Je voudrais renouveler l'attachement de la plupart de mes collègues au maintien des deux composantes de la dissuasion. Je pense que ce débat a été tranché.
Monsieur le député, je ne suis pas favorable à cet amendement, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les raisons qui justifient la nécessité de maintenir les deux composantes de la dissuasion nucléaire ont été rappelées par MM. les rapporteurs ; il n'est pas besoin, je crois, de les exposer plus avant ce soir, dans le cadre de ce débat budgétaire. Ce débat aurait en revanche toute sa place dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation militaire.
Ensuite, vous m'avez demandé les éléments nécessaires pour apprécier le volume de crédits alloués à cette composante. Je rappelle à cet égard que des informations sont déjà présentes dans les documents budgétaires, au niveau des actions et des sous-actions, notamment les sous-actions 06. 17, 06. 19 et 06. 22. Tous ces détails sont donnés, bien évidemment, dans la limite qu'impose par ailleurs la protection du secret de la défense nationale. Des éléments substantiels ont donc déjà été fournis sur ce point.
Pour finir, je pense que ce débat mérite d'être abordé d'une autre manière qu'à l'occasion de l'examen d'un amendement à un projet de loi de finances, à minuit quarante ! Mais n'en concluez pas que cette question n'est pas importante à mes yeux – bien au contraire.
Mme la ministre a répondu à notre collègue Lachaud concernant l'aspect proprement budgétaire de sa question. Je voudrais ajouter un élément pour réfuter que cette composante soit désormais superflue. Pour des raisons stratégiques, nous ne pouvons être d'accord avec l'esprit de votre amendement. Le démantèlement de la composante aéroportée porterait atteinte à la crédibilité de notre dissuasion, qui est l'un de ses principes les plus importants – cela a déjà été dit.
La visibilité de cette composante nous permet de montrer notre détermination politique à agir. En outre, elle a de nombreux avantages en termes de portée, de précision, de mode de pénétration, de maîtrise des effets. Au-delà même des questions budgétaires, tous ces aspects me semblent essentiels.
Vous voyez bien qu'il y a là un débat – je remercie mes collègues du groupe Les Républicains de l'avoir souligné – quant à l'utilisation de l'arme nucléaire. Nous considérons pour notre part que c'est un strict outil de dissuasion, et donc de seconde frappe. Or pour une frappe en second, seule la composante navale est utile.
Madame la ministre, je ne vous propose pas de supprimer la composante aéroportée à minuit quarante lors de ce débat : je vous demande simplement un rapport pour que nous puissions examiner cette question lors de l'examen du prochain projet de loi de programmation militaire. Je considère que ce débat n'est pas derrière nous : aucun débat n'est définitivement tranché, encore moins en matière de défense. La ligne Maginot, elle aussi, avait permis de trancher beaucoup de débats : on a vu le résultat !
Je pense que nous devons continuellement nous interroger sur nos capacités militaires et nos objectifs. Or l'un de nos objectifs diplomatiques les plus importants doit être la paix, et pour y arriver il faut dénucléariser le monde. Cela passe par des négociations internationales, et pour être crédible dans ces négociations, pour être en mesure de demander à la Russie, aux États-Unis, à la Chine de diminuer leur arsenal nucléaire, il faut que la France soit capable de diminuer le sien.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 758 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous demandons un rapport sur l'impact budgétaire du recours à des prestataires privés pour assurer la sécurité des emprises militaires. Le rapport de MM. Ménard et Viollet de février 2012 appelait sans équivoque à soutenir l'activité des sociétés militaires privées. Cinq ans après, il nous paraît nécessaire d'effectuer un bilan de cette décision.
C'est particulièrement important pour ce qui concerne la sécurité des emprises militaires et des navires de commerce. Le président du syndicat national des entreprises de sécurité s'est en effet réjoui que « toutes les casernes, à l'instar de l'École militaire, soient gardées par des sociétés de sécurité privées ». De plus, d'après le ministère des armées, 30 % des navires de commerce embarquent des équipes de SMP-ESSD – sociétés militaires privées ou entreprises de services de sécurité et de défense – faute d'une protection étatique suffisante.
Quel est le coût réel de cette décision ? Ne serait-il pas moins onéreux de simplement augmenter le budget des armées pour embaucher des personnels supplémentaires ? Il nous semble donc qu'un rapport sur ce point est non seulement nécessaire, mais encore urgent, pour que la représentation nationale puisse répondre à ces questions.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Un rapport qui serait centré sur les sociétés militaires privées, sans mise en perspective avec la réforme des bases de défense, ne répondrait pas aux questions qui se posent. Le Parlement aura à débattre du projet de loi de programmation militaire au cours du premier semestre de l'année 2018. Le ministère des Armées fournira à cette occasion tous les éléments nécessaires pour alimenter nos débats. L'avis de la commission est défavorable.
Madame la députée, je crois pouvoir vous dire que le ministère des armées ne recourt pas aux services de sociétés militaires privées. Nous pouvons être amenés à recourir aux services de sociétés privées, mais pas de sociétés militaires. Je vous signale en outre que dans le rapport annuel de performance annexé au projet de loi de finances se trouvent des informations relatives aux dépenses budgétaires consacrées à des contrats d'externalisation bénéficiant à des sociétés privées.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
L'amendement no 759 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous demandons un rapport d'information sur les origines financières éventuelles du retard accumulé dans la réalisation du programme de construction de l'A400M. Mon collègue Bastien Lachaud a déjà évoqué tout à l'heure, dans une brillante intervention, le très bon – et néanmoins très alarmant – rapport réalisé en mars dernier par notre collègue François Cornut-Gentille.
La part du transport aérien dans le surcoût des OPEX est de 14 %. Les capacités patrimoniales, c'est-à-dire les avions que la France possède en propre, ne couvrent qu'un quart des besoins, ce chiffre pouvant encore baisser en période de déploiement, comme en 2013, à 7,4 %. Et la situation du transport tactique n'est guère plus rassurante. Tout cela nous place dans la dépendance de forces étrangères et d'entités privées, et implique des dépenses fort mal maîtrisées au titre des marchés passés dans des conditions qui posent question, comme le montrent les récentes perquisitions à l'état-major.
Même si cet appareil ne peut être la solution miracle, il est évident que la livraison dans les délais des A400M aurait bien entendu modifié la donne. Il importe donc de savoir si la rhétorique de la bonne gestion qui prévaut depuis de trop nombreuses années n'a pas, contrairement aux objectifs affichés, engendré toutes sortes de surcoûts, et si le souci d'affichage proeuropéen, qui a largement déterminé le lancement de ce projet, méritait bien que la nation lui consacre tant d'efforts.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Plutôt que d'insister sur ce qui ne va pas, insistons d'abord sur ce qui va : l'A400M est le meilleur avion de transport du monde parce qu'il est le seul de cette taille à disposer de capacités tactiques et stratégiques. De plus, il est européen et en service dans plusieurs armées de l'air, dont la nôtre, et fonctionne très bien de l'avis des opérateurs que j'ai rencontrés avec mes collègues de la commission de la défense à l'université d'été de la défense à Toulon – les opérations conduites à la suite du passage du cyclone Irma le prouvent. Quant à faire un rapport sur les causes du retard, c'est une bonne idée que nos homologues du Sénat ont déjà eue en 2009. Ils ont rendu un rapport d'information ainsi résumé sur le site du Sénat : « L'Airbus militaire A400M sur le chemin critique de l'Europe de la défense ». M. Masseret et M. Gautier y ont donné toutes les raisons du retard – il s'agissait là d'un vrai travail de contrôle et d'information. Les difficultés rencontrées tiennent en partie à la nouveauté de l'appareil, à la gestion multinationale du programme, aux exigences industrielles qui s'y attachent et peut-être aussi à l'industriel lui-même. Quant aux conséquences budgétaires du retard, elles ont été évoquées dans le rapport d'information de MM. Auban, Reiner et Gautier en 2012. Leur travail fut, lui aussi, salutaire.
En conclusion, je souhaite comme vous, madame Fiat, que soient tirées les leçons du retard du programme, mais elles l'ont déjà été en grande partie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Face à cette floraison nocturne de demandes de rapport de la part de nos collègues de La France insoumise, je me permets de leur faire une suggestion, en particulier suite à la dernière demande.
Sourires.
La commission de la défense a en effet mis en place, il y a quelques semaines, une mission d'information, dont je suis le co-rapporteur avec M. Pueyo, sur l'exécution des crédits de l'actuelle loi de programmation militaire. Cette mission est censée représenter l'ensemble des sensibilités de cet hémicycle – je regrette qu'il n'y ait pas eu de membres de La France insoumise pour sa séance d'installation, mais il s'agit sûrement d'un acte manqué. Son calendrier vient d'être arrêté. Vous allez recevoir si ce n'est déjà fait, mes chers collègues, des invitations pour assister à ses réunions. Je vous invite à y participer avec assiduité. Vous pourrez ainsi mener tout le travail d'investigation que vous souhaitez avec les co-rapporteurs et tous les autres membres présents, assister à toutes les auditions, avoir toutes les réponses à vos questionnements, ce qui satisfera vos demandes.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Nos demandes de rapport ne sont pas nocturnes : nous avons déposé nos amendements pendant la journée, c'est l'ordre du jour de la séance publique qui fait que nous les traitons cette nuit. Par conséquent, votre argument ne tient pas, mon cher collègue. Quant à la mission d'information sur la LPM, ne vous inquiétez pas : nous y prendrons toute notre part, vous vous en doutez.
Concernant les rapports évoqués par Mme Gipson, je constate que cela fait cinq ans que l'on n'a pas de bilan sur les conséquences budgétaires du retard de l'A400M, huit ans sur les causes du retard, et on attend toujours de savoir pourquoi cela continue. Je ne pense pas qu'un rapport, ministériel de surcroît, serait redondant avec ce qui a déjà été fait il y maintenant un certain nombre d'années. Le retard de ce programme est un vrai problème pour nos forces et ne devra pas se reproduire pour d'autres programmes militaires. Il est donc important que nous disposions de tous les éléments pour l'éviter. Cette demande de rapport ne me semble pas superfétatoire. Il compléterait les travaux de la mission d'information.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 761 n'est pas adopté.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 764 .
Cet ultime amendement n'en est pas moins important, et nous y passerons le temps nécessaire.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Il vise à établir un rapport d'information sur le coût du développement éventuel d'une industrie publique de fabrication de l'équipement léger du soldat. En effet, alors que la commande de matériels provenant de pays étrangers place l'armée française dans une situation de dépendance à l'égard de puissances étrangères pour la fourniture de l'armement léger, la question demeure posée de la pertinence de l'abandon de ces capacités de production, tant du point de vue de la souveraineté que de l'opportunité économique et de la rigueur budgétaire. Le précédent ministre de la défense l'avait lui-même soulevée.
L'exemple des munitions de petits calibres est à cet égard particulièrement probant. Début 2000, la France perdit en effet une de ses capacités industrielles majeures avec la fermeture du site de GIAT Industries au Mans, qui produisait ce type de munitions. Pour s'approvisionner, les forces françaises durent alors se tourner vers l'étranger, ce qui entraîna un coût important pour une qualité souvent inférieure et des problèmes d'adaptation. Le ministre de la défense avait d'ailleurs pris acte de ce problème en s'exprimant en mars 2017 en faveur du retour d'une industrie française des munitions de petits calibres. Nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport examinant la possibilité de développer une industrie nationale de production de l'armement léger qui inclurait, en plus des munitions, la fabrication des armes de service – aujourd'hui fournies par des entreprises situées en Allemagne et en Norvège – ; il proposerait notamment plusieurs scénarios budgétaires et une comparaison des mises en oeuvre possibles par un ou plusieurs organismes publics.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le député, je vous rappelle qu'il s'agit pour nous de soutenir les industries de demain au travers des nouvelles technologies – chantiers navals, missiles de dissuasion – , ce que nous faisons avec ce PLF 2018. La question d'actualité, c'est la consolidation industrielle européenne. Avis défavorable.
J'entends bien, monsieur le député, qu'à travers l'aspect formel de votre amendement, c'est-à-dire la mise à disposition d'un nouveau rapport, vous voulez savoir quelles sont les conditions de réussite de la réacclimatation d'une filière en matière de petites munitions.
Mon prédécesseur avait évoqué devant la représentation nationale cette idée. Et nous allons en analyser toutes les conséquences puisque tout doit être examiné, notamment à l'aune du coût de la recréation d'une filière dans ce domaine, sachant que des moyens d'approvisionnement existent actuellement. Je ne préjuge donc pas de la réponse qui sera finalement apportée à votre question, mais nous y travaillons.
Monsieur le rapporteur, nous parlons d'armement léger, d'équipement du soldat, et vous nous répondez : « missiles balistiques ». Cela dénote bien qu'il y a un problème. C'est toujours l'armement du soldat qui subit de plein fouet les choix budgétaires ; je pense ainsi au report de la livraison du fusil d'assaut HK416F à cause des annulations de crédits.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous avez très bien compris le sens de notre amendement : c'était un amendement d'appel. Nous serons très vigilants sur les suites que vous donnerez à ce que vous venez d'annoncer, qui nous paraît très satisfaisant, et nous espérons avoir très rapidement un retour de votre part. En conséquence, nous retirons notre amendement.
« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe REM.
L'amendement no 764 est retiré.
Nous avons terminé l'examen de la mission « Défense ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018 : examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 8 novembre 2017, à zéro heure cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly