Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du mardi 7 novembre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe Nouvelle Gauche a pris acte de l'augmentation de 1,8 milliard d'euros des crédits du budget des armées, dans un contexte régional et international tendu. Comme l'a souligné la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, la France ne doit négliger aucune menace et disposer de l'ensemble des moyens lui permettant d'agir et de se défendre.

Le maintien des crédits à un niveau élevé pour l'entretien des matériels dans le cadre du programme 178, « Préparation et emploi des forces », est fondamental, en raison notamment des nombreux engagements de la France et des zones dans lesquelles nous opérons : on sait que, dans le Sahel ou dans la zone irako-syrienne, les matériels s'usent cinq fois plus rapidement qu'ailleurs.

De même, l'augmentation des crédits alloués au programme 146, « Équipement des forces », est indispensable. Malgré ces hausses, on constate que certains programmes subissent des baisses importantes, comme la sous-action 09. 75, « Opérer en milieu hostile », qui voit ses autorisations d'engagement et ses crédits de paiement diminuer drastiquement.

La hausse des crédits alloués au programme SCORPION est à souligner. Lors de votre audition devant les commissions des finances et de la défense, vous avez, madame la ministre, exprimé votre volonté de voir ce programme s'accélérer. Nous soutenons cette initiative. Toutefois, nous restons dubitatifs quant à sa faisabilité, en raison des probables reports de commandes consécutifs aux annulations de crédits pour 2017.

Nos soldats sont particulièrement sollicités. Dans son dernier rapport, le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire soulignait leur très fort engagement : en l'espace de deux ans, un soldat doit s'attendre à faire en moyenne quatre mois de déploiement en OPEX et quatre engagements de six semaines dans le cadre d'une mission de protection intérieure, comme l'opération Sentinelle ; à cela s'ajoutent les formations. Le tout peut conduire un militaire à passer près de 250 jours par an loin de sa famille. Il fallait donc assurer une remontée des jours de formation ; cela fut fait pour l'année 2017, mais nous devons poursuivre cet effort. En outre, il était nécessaire de soutenir les familles. Nous saluons l'annonce il y a quelques jours d'un plan d'accompagnement des familles, mais nous resterons vigilants quant à ses applications concrètes et sa mise en place dans le temps.

En ce qui concerne l'avenir, je prends acte des montants alloués à la protection de nos militaires et des installations de défense. Il faut aussi souligner les efforts faits pour renforcer la réserve opérationnelle et la cyberdéfense.

Malgré ces avancées positives, les décisions prises en juillet 2017 par le Gouvernement limitent l'appréciation favorable que nous pouvons avoir de ce budget pour 2018. Les choix faits par Bercy sont implacables.

Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, l'annulation de 850 millions d'euros va limiter les hausses décidées pour 2018. Bien que vous annonciez, madame la ministre, des renégociations de contrats pour pallier ces baisses, nous assisterons à des reports de commandes sur les années à venir – probablement en 2019. Cela retardera les livraisons des nouveaux matériels, pourtant tant attendus par les militaires en opérations.

À ces annulations, s'ajoute le gel toujours en cours de 700 millions d'euros de crédits. Vous avez affirmé votre volonté de voir ces crédits débloqués. Nous ne pouvons qu'appuyer votre demande, mais les orientations financières du budget ne laissent rien présager de bon. Si ce gel n'était pas débloqué, son impact sur les budgets suivants serait très préoccupant.

La limitation de l'effort apparaît aussi avec les orientations prises concernant les OPEX. Le dégel des crédits annoncé il y a quelques semaines fera peser sur le budget de la défense 1,1 milliard d'euros pour financer les opérations extérieures en 2017. Cette décision a déjà un fort impact sur votre ministère. Les estimations tournent autour d'un surcoût total d'environ 1,5 milliard d'euros. Vous nous avez fait part de votre volonté de voir les 350 millions d'euros supplémentaires apportés par la solidarité interministérielle.

La hausse en 2018 de 450 à 650 millions d'euros des crédits destinés aux OPEX va dans le sens d'une meilleure prise en compte des réalités. Toutefois, nous devons impérativement conserver une solidarité interministérielle dans ce domaine. Il s'agit d'un choix pour l'avenir. Jusqu'à présent, la solidarité nationale se traduisait par cette prise en charge. Madame la ministre, notre volonté est de maintenir ce principe, afin de ne pas faire peser cette charge sur le seul budget de la défense ; cela limiterait les capacités d'action et d'investissement des armées.

Le surcoût record des OPEX et le choix assumé de coupes très importantes en 2017 amputent la capacité d'action du ministère et rendent flou l'avenir budgétaire de la défense. Comme l'a écrit le général de Villiers : « Nous ne pouvons plus traiter des problèmes de défense avec une approche comptable » ; nos armées ont besoin « de confiance et de continuité pour assurer des missions toujours plus difficiles ».

Madame la ministre, j'aime les devises. « Croire et oser » : je crois que vous êtes animée par cet état d'esprit. Toutefois, j'ai noté une autre devise, celle d'une compagnie d'un régiment de chasseurs parachutistes : « Pas moyen, moyen quand même ». C'est Bercy qui doit être motivé par elle !

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