Pour mémoire, la loi du 30 octobre 2017, dite loi SILT, nous avait permis de sortir de l'état d'urgence institué en France en novembre 2015 après l'attentat du Bataclan.
L'état d'urgence est un régime exceptionnel qui permet de donner à l'autorité administrative, de manière temporaire – il me semble important de le souligner –, des moyens exceptionnels pour faire face à un péril imminent.
Cet état d'urgence a été prolongé à six reprises entre 2015 et 2017. Et la loi SILT nous a permis d'en sortir. Pour continuer à combattre le terrorisme, nous avons transféré dans le droit commun plusieurs instruments de police administrative présents sous l'état d'urgence, tout en mettant en place des garanties afin de les adapter à ce droit.
La loi SILT comporte quatre mesures : les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les MICAS et les visites domiciliaires.
À l'initiative de la commission des Lois et du Parlement, plusieurs garanties entourent son application. Ainsi, un contrôle parlementaire renforcé a été prévu. La totalité des actes entrepris au titre de la loi SILT sont transmis au Parlement. Mme la présidente, M. Éric Ciotti et moi-même avons par ailleurs effectué un certain nombre d'auditions et de contrôles, et avons présenté nos travaux et le bilan d'application de la loi à la commission des Lois tous les six mois environ.
La deuxième garantie est constituée par la clause dite « sunset » ou « coucher de soleil ». Au 31 décembre 2020, en l'absence d'intervention du Parlement, les mesures par lesquelles ont été transférées dans le droit commun les dispositions de l'état d'urgence disparaîtront.
Quel bilan pouvons-nous dresser de la loi SILT ?
Tout d'abord, l'administration s'approprie plutôt bien les instruments qui lui sont conférés au titre de cette loi. Il me semble important de le souligner, car cela n'a pas toujours été le cas.
J'aimerais notamment revenir sur les visites domiciliaires. Lorsque M. Éric Ciotti et moi-même sommes venus vous présenter le premier bilan de l'application de la loi SILT, en février-mars 2018, aucune mesure n'avait encore été mise en oeuvre au titre de ces visites. Il s'agit effectivement d'un instrument un peu particulier. La visite domiciliaire est une mesure proposée par le préfet et décidée par l'autorité judiciaire. Or les préfets, l'autorité judiciaire comme le JLD nous disaient à l'époque que l'habitude manquait et que les préfets étaient réticents à l'idée d'y recourir. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Des JLD nous ont ainsi dit récemment que les choses étaient bien plus fluides. Forts de leur expérience, les préfets se sont appropriés cet outil de police administrative.
Je souhaite à présent revenir sur les chiffres.
Mon collègue Ciotti a estimé que la loi SILT constituait un instrument dégradé par rapport à l'état d'urgence, car plus de 4 000 perquisitions administratives avaient été ordonnées sous l'état d'urgence contre à peine 200 dans le cadre de la loi SILT. En réalité, 80 % voire 90 % des perquisitions administratives ont eu lieu en 2015, juste après l'attentat du Bataclan. À la toute fin de l'état d'urgence, en juillet, août, et septembre 2017, le nombre des perquisitions administratives était comparable au nombre actuel des visites domiciliaires. La présentation consistant à dire, uniquement sur la base des 4 000 perquisitions administratives susmentionnées, que la loi SILT ne fonctionne pas et constitue une version dégradée de l'état d'urgence est donc inexacte et trompeuse. Nous retrouvons actuellement à peu près la même cadence et les mêmes chiffres qu'à la fin de l'état d'urgence, lorsqu'il était question d'un état d'urgence « maîtrisé ».
Le premier bilan que nous pouvons tirer de la loi SILT est donc celui d'une bonne utilisation des instruments de police administrative par l'administration.
Par ailleurs, la pertinence et l'utilité de ces mesures ressortent très clairement de l'ensemble des auditions que nous avons menées depuis un an – y compris des plus récentes.
Cela concerne évidemment les périmètres de protection. Tous les préfets que nous avons entendus nous l'ont dit. Il suffit d'ailleurs de regarder les chiffres. L'utilisation de ces périmètres s'avère toujours pertinente – pour les marchés de Noël, ou pour des rendez-vous sportifs. Les préfets ont besoin de cet instrument et s'en servent pour assurer un meilleur contrôle et une meilleure protection de ces événements.
Il est vrai, en revanche, que la fermeture des lieux de culte a été peu employée. Cela nous a été expliqué. En réalité, en dehors de cette mesure rendue possible par la loi SILT, l'administration dispose d'autres instruments de police administrative qui lui permettent d'agir. Nous avons entendu notamment le préfet de l'Isère la semaine dernière. Certains lieux peuvent ainsi être fermés au titre d'une atteinte aux règles de prescription sanitaire ou de sécurité. Les chiffres qui remontent dans le cadre de l'utilisation de l'instrument offert par la loi SILT ne sont donc pas en corrélation avec ce qui est fait en réalité par le ministère contre ces lieux de culte.
Concernant les visites domiciliaires, le procureur chargé de la lutte antiterroriste a reconnu lui-même qu'il existait plusieurs cas dans lesquels l'autorité judiciaire n'avait pas les moyens d'ouvrir une information judiciaire – les informations présentées et les éléments fournis étant insuffisants. Dans ce cadre, la possibilité pour l'administration d'organiser une visite domiciliaire trouve toute son utilité. Plusieurs exemples de cet ordre ont été médiatisés. Ainsi, une perquisition administrative a été rendue possible en 2019 dans le neuvième arrondissement de Paris et a permis de constater que plusieurs personnes préparaient un attentat de masse dans le quartier de l'Opéra. Cet instrument présente donc une réelle utilité et mérite d'être conservé.
Je souhaite enfin évoquer les MICAS.
L'une des grandes préoccupations actuelles concerne les sortants de prison. Or le rapport qui nous a été transmis montre que la grande majorité des MICAS leur est aujourd'hui destinée – qu'il s'agisse de personnes condamnées pour terrorisme ou de détenus radicalisés condamnés pour des faits de droit commun. Les MICAS constituent donc l'un des instruments privilégiés pour suivre ces personnes à leur sortie de prison.
Dans le cadre du projet de loi qui nous sera transmis, des propositions et des pistes d'amélioration nous seront probablement communiquées, afin de faciliter, par exemple, le recours aux MICAS. Nous pourrions également discuter du caractère potentiellement non cumulatif de certains critères. Cela a été évoqué lors de nos auditions. Et peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous en parler.
Ces débats auront sans doute lieu dans les semaines ou les mois à venir.
Au niveau du calendrier, monsieur le ministre, envisagez-vous de déposer un projet de loi visant à prolonger les dispositions des articles 1er à 4 de la loi SILT ? Et avez-vous déjà des pistes ou des propositions d'amélioration de ces dispositions, notamment concernant les MICAS ?