Vous êtes les garants de ce qui finit par être possible !
Madame Ménard, en réalité il n'y a pas eu deux fermetures de lieux de culte pour 63 lieux contrôlés. Au total, deux lieux de culte ont été fermés dans le cadre de la loi SILT – un à Hautmont, l'autre à Grenoble. Et j'évoquais 63 lieux de culte suivis au titre du renseignement par le SCRT ou la DRPP dont 30 ont fait l'objet de mesures de fermeture. Les procédures sont par ailleurs en cours pour sept de ces 63 lieux.
Nous travaillons sur ces 63 lieux de culte, pour faire en sorte que toutes les mesures permises par le droit puissent être mises en oeuvre.
Cela rejoint la question de M. Stéphane Peu. Ces mesures ne sont pas en effet celles de la loi SILT.
Certains prêches assez facilement identifiés comme faisant l'apologie du terrorisme ne se produisent plus. Ceux qui avaient cette tentation savent en effet désormais que le renseignement n'est pas très loin. Une vigilance s'opère sur ces sujets. Il faut donc avoir en tête que le cadre de la loi SILT – notamment son article 2 permettant la fermeture des lieux de culte – est extrêmement contraint pour le ministre de l'Intérieur. Il faut trouver un équilibre entre l'idéal et le réel.
Je n'ai pas parlé des écoles hors contrat, non parce que je ne les considère pas comme un sujet important dans le cadre de la lutte contre la radicalisation – car c'en est un – mais parce qu'elles ne relèvent pas du bilan de la loi SILT.
Je signale à ce propos la proposition de loi dite « Gatel » qui a permis de mieux contrôler les autorisations d'ouverture des établissements privés hors contrat. Et nous pouvons nous demander s'il ne serait pas judicieux de mettre en place une procédure d'agrément ou de contrôle pour l'ouverture de lieux éducatifs ou religieux. De tels dispositifs n'existent pas aujourd'hui. Mais je rappelle que ce qui est autorisé par la loi est soumis à un contrôle.
Si je n'aborde pas le sujet des écoles hors contrat, ce n'est donc pas parce que cela ne représente pas un vrai problème. À mon sens, il existe un indicateur majeur sur la radicalisation de certains quartiers, celui de la déscolarisation. Ainsi, dans certains quartiers, qui ont bénéficié d'une rénovation urbaine extraordinaire et disposent d'un habitat de qualité, et d'initiatives municipales remarquables ayant fait revenir les services publics, le nombre d'enfants déscolarisés en très bas âge augmente fortement d'année en année. C'est une véritable anomalie.
Par ailleurs, les visites domiciliaires se font dans un cadre précis. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de suivi dans votre département ou dans l'Aude, ou que nos services n'y sont pas engagés. Mais le cadre légal impose l'utilisation des MICAS sur des individus particuliers dans des conditions particulières.
Et je peux vous dire que votre département – non en raison de sa réputation, mais parce que nous savons qu'il connaît des difficultés – fait l'objet d'une attention spécifique.
Les quinze quartiers que j'évoquais plus haut, et qui présentaient une dérive de radicalisation, ont d'ailleurs été choisis selon des critères empiriques. Il s'agissait des quartiers de France dont était parti le plus grand nombre de personnes sur les théâtres de guerre irako-syrien. Il s'agit d'un indicateur précis, portant sur une réalité donnée. La commune de Lunel ne présente plus en revanche la même réalité qu'il y a quelque temps.
M. Stéphane Peu a dit beaucoup de bien de la qualité des données du ministère de l'Intérieur et je tiens à l'en remercier.
S'agissant des modalités selon lesquelles vous allez désormais travailler je laisserai la présidente de la commission en parler avec vous.
Monsieur Peu, concernant la stratégie d'entrave mon sentiment est le même que le vôtre. Il ne s'agit pas de détourner la loi, mais d'utiliser tous les moyens légaux à notre disposition. Je voudrais vraiment insister sur ce point. Nous utilisons dans cette stratégie d'entrave les moyens de droit et rien que le droit. Mais ces moyens ne relèvent pas forcément de la lutte contre le terrorisme. Je peux prendre l'exemple du contrôle fiscal qui a abouti à l'arrestation d'Al Capone pour illustrer ce point. C'était une façon de lutter.
Lorsque j'ai inauguré l'Office anti-stupéfiants (OFAST) le 11 février, j'ai porté le même esprit. Je pense qu'il nous faut être plus performants sur les saisies immobilières, par exemple, dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue. En effet, ce marché représente en volume 80 % de la délinquance de notre pays, et seuls 10 % des saisies immobilières lui sont relatives. De manière générale, je préfère donc mobiliser tous les moyens disponibles.
J'insiste néanmoins sur le fait que tout s'effectue dans le cadre du droit commun. Et tous les outils du droit sont ouverts, y compris le droit au recours. Aucune difficulté ne s'est présentée jusqu'à présent de ce côté.
Monsieur Molac, vous avez abordé plusieurs sujets.
S'agissant des périmètres de protection, l'attentat du marché de Noël de Strasbourg n'est, hélas, pas le bon exemple. En effet, le terroriste habitait au sein même du périmètre. Et il a commis son acte en dehors des horaires dans lesquels le périmètre était en place.
Mais cela n'enlève rien à votre questionnement. Les périmètres de protection ne garantissent évidemment pas un risque zéro, mais ils améliorent la situation. Il suffit de voir comment le périmètre de protection du marché de Noël de Strasbourg a gagné en sécurité en 2019. De même, les habitants de Lille ont déploré un niveau de contrôle trop élevé durant la Braderie. Il y a donc un équilibre à trouver, auquel nous devons travailler.
Vous m'interrogez également sur les suites données à certaines de nos opérations, notamment les visites domiciliaires. Sur les 74 visites domiciliaires réalisées, 40 ont donné lieu à des saisies de données ou de documents spécifiques, 9 projets de visites ont été abandonnés au profit de perquisitions judiciaires, et 7 personnes ont fait l'objet de poursuites judiciaires pour des faits de terrorisme à la suite des visites.
Tous ces outils sont donc utiles. Certes, tous ne frappent pas juste. Mais si 10 % d'entre eux permettent d'engager des procédures pour des faits de terrorisme, nous pouvons dire déjà qu'un niveau d'objectif est atteint.
Les documents saisis sont en cours d'exploitation. Je ne vous parle pas de condamnations, car nous n'avons pas la distance judiciaire suffisante pour répondre à cette question.
S'agissant du rôle de contrôle du Parlement, la loi SILT constitue un sujet sensible en matière de libertés publiques. C'est pourquoi vous avez contraint le Gouvernement à l'exercice auquel je me plie ce jour devant vous. C'est pourquoi également les dispositions de cette loi ont été limitées dans le temps, et soumises à un niveau de contrôle élevé. Je pense qu'il s'agit d'un bon équilibre.
La difficulté est que nos services ont des niveaux d'information que vous ne pouvez pas avoir. Une confiance doit donc s'exercer sur ce point. Mais comme l'on dit souvent, la confiance n'exclut pas le contrôle. Dès lors qu'il est question de mesures potentiellement considérées comme attentatoires à la liberté, ce contrôle paraît essentiel.
Monsieur le député Larrivé, j'ai bien eu votre courrier dont le questionnement est légitime. Je vous répondrai par écrit en détail. Les contrôles réalisés au moment où un visa étudiant a été accordé à la personne dont vous avez parlé ne faisaient état d'aucune inscription dans nos fichiers. Ce n'est qu'après coup que nous avons reçu l'information, et qu'elle est entrée dans le fichier des personnes recherchées (FPR). L'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH) nous a ensuite saisis. Puis une interpellation a eu lieu. Cet individu est placé en détention provisoire depuis le 31 janvier 2020.
Toute la difficulté tient à une information internationale dont nous n'avons pas disposé. Nous n'avons pas pu refuser le visa à cette personne au moment du contrôle réalisé en amont, faute de cette information. Si nous bénéficions d'un bon niveau d'échange en la matière au niveau européen, il n'en va pas de même avec certains pays étrangers.
Sur la base des informations fournies à nos services, les contrôles mis en oeuvre n'ont donc pas permis d'aboutir au refus du visa étudiant de cet individu. En revanche, dès que nous avons été informés du risque qu'il présentait, il a fait l'objet d'une interpellation rapide.
Je vous donnerai davantage de détails par écrit en réponse à votre question. Mais cela montre toute la difficulté que nous rencontrons dès lors que des ressortissants étrangers viennent dans notre pays au moyen de visas ou de simplifications administratives ou pratiques. Nous pouvons nous interroger ainsi sur le développement du système de passage automatisé rapide aux frontières extérieures (PARAFE) dans les aéroports. Ce système vise à fluidifier le trafic des voyageurs. Je rappelle néanmoins que l'on compte un policier de la Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) pour quatre PARAFE, et que cet agent peut procéder à une évaluation de situation. Mais cette évaluation se limite à un examen documentaire. Sa qualité n'est donc pas comparable à celle d'un contrôle individuel réalisé par un policier plus aguerri.
Le système PARAFE est en train d'être élargi à plusieurs pays. La question se pose notamment pour les États-Unis et le Royaume-Uni. Or l'on sait que le risque de présence d'individus potentiellement terroristes est plus élevé dans certains pays que dans d'autres.
Ce questionnement est difficile, mais doit nous interroger de façon systématique.
Enfin, j'en viens aux questions de M. Didier Paris.
S'agissant des sortants de prison, j'ai évoqué plus haut l'amélioration du système de coordination avec les services pénitentiaires. Nous assistons à une vraie montée en puissance de ce système. Cependant, il n'est pas parfait. Il ne neutralise pas tout risque. Et il faudra encore le faire monter en puissance.
Des questions se posent par ailleurs sur la rétention de sûreté, et sur la différence entre l'assignation à résidence et les outils dont nous disposons aujourd'hui. Je suis ouvert au débat parlementaire sur ces sujets, ainsi qu'aux initiatives parlementaires que vous pourriez prendre ou que le Gouvernement pourrait vous présenter.
La rétention de sûreté existe pour certains types de crimes et doit accompagner la décision judiciaire au moment de la sanction. Mais elle n'existe pas pour des faits de terrorisme. En conséquence, faut-il élargir ce dispositif pour qu'un magistrat – et seulement un magistrat, je suis hostile à l'idée d'une rétention de sûreté administrative décidée par le seul préfet – puisse y avoir recours pour des faits de terrorisme ?
Se pose aussi la question des modalités d'application des évolutions législatives potentielles que vous pourriez décider pour des personnes actuellement en prison. Il s'agit d'un vrai débat juridique, auquel je nous invite à réfléchir, pour commencer, d'un point de vue théorique.
Monsieur Paris, vous m'avez interrogé enfin sur l'assouplissement des MICAS. Nous allons de la rétention de sûreté aux assignations à résidence en passant par des MICAS assouplies, et par les MICAS actuelles : le débat est ouvert. Dès lors que l'on considère qu'un risque sécuritaire se présente, il semble préférable que les personnes concernées soient assignées et contrôlées. Mais cette approche est un peu manichéenne. Se pose en effet la question de savoir ce qui déclenche l'assignation ou le contrôle, qui l'autorise, qui l'annule, etc. Il est indispensable de veiller en la matière au bon équilibre entre les libertés et l'exigence de sécurité.
Madame la présidente, je crois avoir répondu ou tenté de répondre à toutes les questions que vous m'avez posées. Si quelqu'un a le sentiment que je n'ai pas répondu à certaines questions, je l'invite à me faire passer un message auquel je répondrais par écrit.