Intervention de Hervé Deperrois

Réunion du lundi 1er juillet 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM) :

Je suis directeur de l'ODEADOM depuis juin 2015, soit quatre ans tout juste. Cet établissement public à caractère administratif est doté de 41 agents, qui sont tous basés à Montreuil. L'ODEADOM a vocation à être un organisme payeur, agréé par l'Europe pour mettre en oeuvre, à destination des départements d'outre-mer, le premier pilier de la politique agricole commune.

Il le fait au travers du programme d'options spécifiques liées à l'éloignement et l'insularité (POSEI), programme qui est une déclinaison du premier pilier de la politique agricole commune adaptée aux Outre-mer. L'ODEADOM traite également de la concertation des filières avec les pouvoirs publics. Nous disposons pour cela de quatre comités sectoriels, regroupant respectivement représentants des collectivités territoriales et des représentants professionnels de la filière de la banane, de la filière de la canne à sucre, de la filière de la diversification animale et de la filière de la diversification végétale. L'ODEADOM est ainsi un lieu d'échanges essentiels, puisqu'il regroupe vraiment tous les représentants et acteurs économiques et administratifs, qui peuvent échanger, en amont des décisions ou des orientations prises. Cela s'est même intensifié ces dernières années, grâce au développement des audioconférences, qui nous permettent de travailler à tout moment sur n'importe quel sujet.

On a développé aussi, depuis trois ans, un observatoire économique de l'agriculture ultramarine. Il nous permet d'en avoir une vision d'ensemble ainsi que de son évolution depuis une dizaine d'années, en croisant tous les paiements individuels – tant ceux que nous effectuons que ceux qui sont effectués par d'autres organismes, tels que l'agence des services de paiement (ASP) – avec les statistiques agricoles, c'est-à-dire les données économiques sur chaque filière. Cela nous permet de suivre ainsi l'évolution, par exemple des taux de couverture des revenus, et d'en déduire un certain nombre d'orientations.

On ne suit donc pas uniquement ce que l'on paye. Mais nous payons à peu près 360 millions d'euros par an. Comme on sait que l'ensemble des soutiens économiques aux filières agricoles ultramarines est de l'ordre de 600 millions d'euros par an, vous comprenez que le reste est versé par l'ASP, pour l'essentiel au travers des aides nationales des programmes du deuxième pilier de la politique agricole commune – le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) – et des aides à la défiscalisation du rhum.

Avec ces trois outils de paiement, comme grâce à la concertation et à l'observation économique, je crois qu'on dispose d'une bonne vue d'ensemble de l'agriculture ultramarine et de son évolution. Il y a aussi une assez bonne articulation entre notre établissement et le deuxième pilier de la polique agricole commune, c'est-à-dire le FEADER, au travers d'aides distribuées par nous et qui en constituent la contrepartie nationale. On les délègue aux préfets et aux directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF). Ce sont eux qui priorisent l'utilisation de ces crédits nationaux, enveloppe de six millions d'euros versée en contrepartie nationale du FEADER, notamment pour faire des études spécifiques d'intérêt local.

Je pense que l'on peut dire que, s'il n'y avait pas ce dispositif, il n'y aurait pas, ou très peu, d'agriculture ultramarine. Car il ne s'agit pas d'un secteur naturellement compétitif par rapport à des pays disposant d'atouts plus importants et capables d'économies d'échelle beaucoup plus grandes. Ainsi, on a pu maintenir une agriculture ultramarine, à la fois agriculture exportatrice – pour la filière de la banane ou pour la filière du rhum, qui a même augmenté ses parts de marché depuis quelques années – et agriculture de diversification, pourvoyeuse d'une offre alimentaire pour la population locale.

Car on sait aujourd'hui que cette offre locale est indispensable. On a constaté, au travers des débats menés pendant les états généraux de l'alimentation, combien est important le fait d'avoir des circuits de proximité pour les consommateurs et le fait qu'on ne soit pas obligé de tout importer et de consommer des produits surgelés, dont l'origine est parfois mal connue. Dans ce contexte, l'offre locale est un garant de qualité et d'équilibre alimentaire pour le consommateur. Au travers des études et du recul qu'on peut avoir acquis, on voit très bien aujourd'hui que la culture n'est pas simplement un enjeu économique, mais aussi un enjeu lié à d'autres secteurs de la vie économique ou de la vie de la société, à savoir la santé humaine. Et le débat qui nous intéresse aujourd'hui est au coeur de cette problématique. Avoir une alimentation saine et équilibrée en produits frais est un élément essentiel pour la population.

Il y a aussi des enjeux d'interaction avec d'autres secteurs économiques, comme le tourisme, par exemple, ou la culture. En traitant d'agriculture, on déborde donc largement le simple domaine de l'agriculture.

En ce qui concerne la manière dont nous sommes organisés, nous constituons une petite équipe de 41 agents. Si je devais faire un ratio, en divisant les 360 millions d'euros répartis par 41 agents, j'arriverais à un ratio de 9 millions d'euros par agent, taux assez exceptionnel pour un organisme payeur. On s'appuie cependant sur des services de proximité qu'on a structurés davantage depuis 2016, puisque les préfets sont les représentants territoriaux de l'établissement. La mesure est entrée en vigueur le 13 février 2017. Le préfet s'appuie lui-même sur les DAAF, sur les services d'économie agricole ou sur les services de la statistique, qui travaillent pour nous au travers de conventions territoriales que nous révisons chaque année.

Tout en étant une administration de proximité, nous gardons ainsi une pleine maîtrise de l'instruction et du paiement des aides du POSEI. Car ces aides, qui correspondent à un programme communautaire, sont extrêmement auditées et surveillées. Elles doivent donc être gérées avec beaucoup de rigueur, pour éviter tout refus d'apurement par la suite.

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