La réunion

Source

Lundi 1er juillet 2019

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

Présidence de M. Serge Letchimy, président de la commission d'enquête

————

La commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat, procède à l'audition de M. Hervé Deperrois, directeur, de Mme Valérie Gourvennec, cheffe de service production de diversification, et Mme Laurence Grassart, cheffe de service Grandes Cultures, à l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chers collègues, nous reprenons la séance, en recevant Monsieur Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer, appelée communément ODEADOM, de Madame Valérie Gourvennec, cheffe de service production de diversification, et Madame Laurence Grassart, cheffe de service de grandes cultures. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que nous avons décidé de rendre publiques nos auditions et que, par conséquent, celles-ci sont ouvertes à la presse et rediffusées en direct sur un canal de télévision interne, puis consultables en vidéo sur le site de l'Assemblée nationale. Je vais vous passer la parole pour dix minutes, afin que vous nous exposiez, dans les grandes lignes, ce que fait l'ODEADOM et son champ de responsabilité.

Mais, avant de vous donner la parole, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment et de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « Je le jure ».

Les personnes entendues prêtent serment.

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Je suis directeur de l'ODEADOM depuis juin 2015, soit quatre ans tout juste. Cet établissement public à caractère administratif est doté de 41 agents, qui sont tous basés à Montreuil. L'ODEADOM a vocation à être un organisme payeur, agréé par l'Europe pour mettre en oeuvre, à destination des départements d'outre-mer, le premier pilier de la politique agricole commune.

Il le fait au travers du programme d'options spécifiques liées à l'éloignement et l'insularité (POSEI), programme qui est une déclinaison du premier pilier de la politique agricole commune adaptée aux Outre-mer. L'ODEADOM traite également de la concertation des filières avec les pouvoirs publics. Nous disposons pour cela de quatre comités sectoriels, regroupant respectivement représentants des collectivités territoriales et des représentants professionnels de la filière de la banane, de la filière de la canne à sucre, de la filière de la diversification animale et de la filière de la diversification végétale. L'ODEADOM est ainsi un lieu d'échanges essentiels, puisqu'il regroupe vraiment tous les représentants et acteurs économiques et administratifs, qui peuvent échanger, en amont des décisions ou des orientations prises. Cela s'est même intensifié ces dernières années, grâce au développement des audioconférences, qui nous permettent de travailler à tout moment sur n'importe quel sujet.

On a développé aussi, depuis trois ans, un observatoire économique de l'agriculture ultramarine. Il nous permet d'en avoir une vision d'ensemble ainsi que de son évolution depuis une dizaine d'années, en croisant tous les paiements individuels – tant ceux que nous effectuons que ceux qui sont effectués par d'autres organismes, tels que l'agence des services de paiement (ASP) – avec les statistiques agricoles, c'est-à-dire les données économiques sur chaque filière. Cela nous permet de suivre ainsi l'évolution, par exemple des taux de couverture des revenus, et d'en déduire un certain nombre d'orientations.

On ne suit donc pas uniquement ce que l'on paye. Mais nous payons à peu près 360 millions d'euros par an. Comme on sait que l'ensemble des soutiens économiques aux filières agricoles ultramarines est de l'ordre de 600 millions d'euros par an, vous comprenez que le reste est versé par l'ASP, pour l'essentiel au travers des aides nationales des programmes du deuxième pilier de la politique agricole commune – le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) – et des aides à la défiscalisation du rhum.

Avec ces trois outils de paiement, comme grâce à la concertation et à l'observation économique, je crois qu'on dispose d'une bonne vue d'ensemble de l'agriculture ultramarine et de son évolution. Il y a aussi une assez bonne articulation entre notre établissement et le deuxième pilier de la polique agricole commune, c'est-à-dire le FEADER, au travers d'aides distribuées par nous et qui en constituent la contrepartie nationale. On les délègue aux préfets et aux directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF). Ce sont eux qui priorisent l'utilisation de ces crédits nationaux, enveloppe de six millions d'euros versée en contrepartie nationale du FEADER, notamment pour faire des études spécifiques d'intérêt local.

Je pense que l'on peut dire que, s'il n'y avait pas ce dispositif, il n'y aurait pas, ou très peu, d'agriculture ultramarine. Car il ne s'agit pas d'un secteur naturellement compétitif par rapport à des pays disposant d'atouts plus importants et capables d'économies d'échelle beaucoup plus grandes. Ainsi, on a pu maintenir une agriculture ultramarine, à la fois agriculture exportatrice – pour la filière de la banane ou pour la filière du rhum, qui a même augmenté ses parts de marché depuis quelques années – et agriculture de diversification, pourvoyeuse d'une offre alimentaire pour la population locale.

Car on sait aujourd'hui que cette offre locale est indispensable. On a constaté, au travers des débats menés pendant les états généraux de l'alimentation, combien est important le fait d'avoir des circuits de proximité pour les consommateurs et le fait qu'on ne soit pas obligé de tout importer et de consommer des produits surgelés, dont l'origine est parfois mal connue. Dans ce contexte, l'offre locale est un garant de qualité et d'équilibre alimentaire pour le consommateur. Au travers des études et du recul qu'on peut avoir acquis, on voit très bien aujourd'hui que la culture n'est pas simplement un enjeu économique, mais aussi un enjeu lié à d'autres secteurs de la vie économique ou de la vie de la société, à savoir la santé humaine. Et le débat qui nous intéresse aujourd'hui est au coeur de cette problématique. Avoir une alimentation saine et équilibrée en produits frais est un élément essentiel pour la population.

Il y a aussi des enjeux d'interaction avec d'autres secteurs économiques, comme le tourisme, par exemple, ou la culture. En traitant d'agriculture, on déborde donc largement le simple domaine de l'agriculture.

En ce qui concerne la manière dont nous sommes organisés, nous constituons une petite équipe de 41 agents. Si je devais faire un ratio, en divisant les 360 millions d'euros répartis par 41 agents, j'arriverais à un ratio de 9 millions d'euros par agent, taux assez exceptionnel pour un organisme payeur. On s'appuie cependant sur des services de proximité qu'on a structurés davantage depuis 2016, puisque les préfets sont les représentants territoriaux de l'établissement. La mesure est entrée en vigueur le 13 février 2017. Le préfet s'appuie lui-même sur les DAAF, sur les services d'économie agricole ou sur les services de la statistique, qui travaillent pour nous au travers de conventions territoriales que nous révisons chaque année.

Tout en étant une administration de proximité, nous gardons ainsi une pleine maîtrise de l'instruction et du paiement des aides du POSEI. Car ces aides, qui correspondent à un programme communautaire, sont extrêmement auditées et surveillées. Elles doivent donc être gérées avec beaucoup de rigueur, pour éviter tout refus d'apurement par la suite.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous venez de dresser un portrait des missions de l'ODEADOM, qui assume la quasi-totalité du dispositif du POSEI France et du FEADER. Mais, plus spécifiquement, en ce qui concerne la pollution au chlordécone, les crédits que vous gérez sont-ils dirigés en tenant compte de cette priorité ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Nous n'avons pas, dans les programmes du POSEI, d'action spécifique tournée vers le chlordécone. Mais nous conduisons des actions en faveur d'une offre alimentaire saine et de qualité pour la population, offre qui doit respecter les normes en vigueur.

Clairement, notre vocation n'est donc pas de traiter un sujet qui est traité par ailleurs, mais plutôt de créer une dynamique et de compenser les handicaps liés à une production locale par rapport à l'environnement compétitif international. Je rappelle qu'il y a à la fois une production locale et une production à l'exportation. Pour la production locale, elle est consommée localement. Nous travaillons uniquement à destination de ces filières organisées. Ce choix opéré à l'origine du programme vise justement à mieux maîtriser l'offre de production sur le plan économique et sur le plan sanitaire. Aujourd'hui, l'offre organisée ne représente globalement, sur l'ensemble des DOM, qu'à peu près la moitié des producteurs : moins à Mayotte, par exemple, où l'offre en circuit non organisé est plutôt de l'ordre de 90 %, mais davantage aux Antilles ou à la Réunion, où une majorité des producteurs sont intégrés dans des circuits organisés.

Pourquoi ce choix a-t-il été fait historiquement et pourquoi voit-on aujourd'hui qu'il a tout de même certaines vertus, par rapport à la maîtrise, notamment la maîtrise sanitaire, de la production ? Eh bien, dès qu'on invite des producteurs à s'organiser en organisations de producteurs qui, elles-mêmes, peuvent être organisées en interprofessions, cela facilite les contrôles sanitaires des produits avant leur mise sur le marché. Aujourd'hui, les DAAF sont chargées d'opérer des contrôles au niveau des producteurs. Les contrôles ont lieu au niveau des points de vente et, jusqu'à maintenant, on a toujours été dans les clous, par rapport aux normes en vigueur, sur cette production organisée.

Cela ne veut pas dire qu'il y ait d'action directe en faveur de la lutte contre les effets du chlordécone. Mais, en revanche, notre action permet clairement une offre contrôlée présentant beaucoup plus de garanties pour le consommateur que les ventes en bord de route, dont on ne connaît pas vraiment l'origine, ni les conditions de production, de sorte qu'elles peuvent présenter de graves carences en matière sanitaire. Cela étant dit, nous connaissons mal cette production non organisée puisqu'elle n'est pas encore, aujourd'hui, englobée dans le cadre du POSEI.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand vous parlez des ventes au bord des routes, cela veut dire que vous avez quand même une vision globale de la commercialisation des produits agricoles. Pouvez-vous nous présenter les circuits de la distribution de ces produits ?

Permalien
Valérie Gourvennec, cheffe de service production de diversification

Ceux que l'on connaît parfaitement bien, ce sont ceux de la production organisée. J'opère sur la partie fruits et légumes. En ce domaine, nous versons des aides aux producteurs organisés, qui contractualisent avec des opérateurs économiques. Il s'agit d'un système de distribution entre les organisations de producteurs qui sont, pour la plupart, reconnus au sens de l'organisation commune de marché (OCM) des fruits et légumes. Ils vont passer un contrat avec un opérateur économique. Sur cette base, ils alimenteront les grandes et moyennes surfaces (GMS), les détaillants, enfin toutes les boutiques en tous genres. Sur la partie informelle, nous n'avons pas évidemment pas d'éléments concernant les circuits de distribution.

Pour ce qui concerne les produits de l'élevage, il y a un goulet d'étranglement, à savoir l'abattoir. Cela nous permet une meilleure maîtrise du circuit de commercialisation, puisque la majorité des bêtes d'élevage sont abattues en abattoir et commercialisées via les boucheries, GMS et autres filières connues et maîtrisées.

Permalien
Laurence Grassart, cheffe de service Grandes Cultures

Pour les grandes cultures, à savoir la banane, la canne à sucre et le rhum, elles travaillent essentiellement pour l'export. Certes, la banane est aussi en partie vendue localement, mais pour une faible part.

Ce sont des filières qui sont très structurées et très suivies. Par ailleurs, ces cultures sont considérées comme peu sensibles au chlordécone. On ne retrouve pas de chlordécone dans les productions de rhum, par exemple, ni dans le sucre : même si la canne à sucre peut être un peu sensible au chlordécone, dans le produit final qui est consommé, il n'y a pas de résidus de chlordécone– à ma connaissance. Il en est de même pour la banane.

En tout état de cause, pour ces deux grandes filières, on n'observe pas de commercialisation informelle en bord de route. Ce sont des filières qui sont très structurées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À vous entendre, je me rends compte de ce que vous ne financez que des filières organisées, où le chlordécone n'a pas d'impact particulier sur la production.

Une indemnisation particulière est-elle prévue pour les exploitants qui doivent mettre en quarantaine leur bétail. En cas de diversification vers la culture hors sol, y a-t-il une sorte de bonus pour les zones polluées ? Est-ce que le POSEI en tient compte, sur le plan du développement durable ?

La ministre a parlé, il y a peu de temps, de « territoires à zéro chlordécone ». Est-ce qu'on ne veut pas aller aussi vers des territoires zéro pesticide ? Des fonds ne sont-ils pas disponibles pour cela ?

Permalien
Valérie Gourvennec, cheffe de service production de diversification

Ce sont les ministères de tutelle, de l'agriculture et de l'Outre-mer, qui sont pilotes et autorités de gestion de ce programme. On travaille en concertation. Mais le programme est écrit et présenté à la Commission européenne par les ministères de l'agriculture et de l'Outre-mer.

Aujourd'hui il n'y a pas de modulation d'aide, dans le cadre du POSEI, en fonction de la pollution, notamment de la pollution au chlordécone. Une réflexion est en cours sur l'élevage, au sujet, justement, de la décontamination des cheptels, dans le cadre des procédures de modification du programme qui interviennent chaque année. Mais, aujourd'hui, il n'y a aucune modulation en fonction de la pollution dans le programme, tel qu'il est construit et validé par la commission.

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

L'élevage n'est pas notre coeur de métier, mais on a quand même discuté avec nos collègues directeurs des DAAF. Une baisse de la limite maximale de résidus très sensible est entrée en vigueur récemment. Elle a conduit à revoir le protocole de mise sur le marché et à instituer un protocole de décontamination des cheptels pour atteindre ces nouveaux seuils, qui n'étaient pas en vigueur auparavant.

Discuté pendant six mois, le protocole prévoit de faire passer les cheptels qui auraient été sur des zones contaminées en zone décontaminée. Typiquement, dès qu'on nous propose ce genre de mesure, on peut la faire entrer dans le cadre du POSEI, parce que la décision prise a un impact clair sur la filière organisée et demande donc une adaptation assez rapide.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En gros, vous gérez des filières organisées, mais sans formuler de recommandation positive ni disposer de marge de manoeuvre financière dynamique sur la question des pollutions. Vous ne trouvez pas que c'est bizarre ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Je pense que c'est un problème qu'il faut absolument prendre en compte. On vérifie quand même que les DAAF sont présentes sur le terrain pour apporter des recommandations culturales, par rapport à une cartographie des sols qu'il faut connaître. C'est pourquoi des analyses de sol ont lieu. Les DAAF nous ont dit qu'ils avaient un budget pour mettre en oeuvre ces actions. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas sollicité les budgets du POSEI, car ils utilisent les compléments nationaux pour travailler sur ces questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le caractère très bizarre de cette situation vient de ce que la pollution du chlordécone émane de la banane. Nous sommes d'accord, n'est-ce pas ?

S'il n'y avait pas eu de production de bananes – non que je sois contre la production de bananes ! – on n'aurait pas cette situation catastrophique. Le secteur a fait des efforts considérables, pour évoluer vers la banane durable. Il faut donc rassurer tout le monde pour dire que les bananes qu'on consomme dans les supermarchés en Europe et en France ne sont pas des bananes polluées par le chlordécone. Il n'en demeure pas moins que, pour produire la banane, pendant des décennies, on a utilisé la chlordécone.

Or, paradoxalement, les deux piliers de la PAC n'auraient pas de dispositif de soutien ni d'aide, sur la base de projets à inventer, en faveur de la dépollution ? Il me semble qu'ils pourraient au contraire accompagner par exemple ceux qui doivent faire des tests sur leur propriété foncière. L'ODEADOM serait-il prêt à contribuer à ce que le POSEI évolue, avec les professionnels, ne serait-ce que pour trouver les moyens d'accompagner le processus de dépollution ou des recherches scientifiques en faveur de la dépollution ? Seriez-vous favorable ou non à un tel dispositif ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Nous sommes très favorables à tout ce qui peut, par le biais de la concertation, apporter des solutions aux producteurs et aux consommateurs locaux. Jusqu'à présent, ce n'est pas une problématique dont se sont emparées les organisations professionnelles, car la question était abordée dans d'autres cadres – notamment les plans chlordécone –, mais si cela s'avérait utile et efficace, nous le mettrions évidemment en oeuvre. Nous sommes là pour ça.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La pollution au chlordécone a des conséquences économiques importantes qui a créé une sorte de psychose autour des petits producteurs, car la seule mention du chlordécone suffit à faire naître la suspicion sur la qualité des produits et compromet leur commercialisation. Si l'on ne fait rien, on ouvre la voie à des importations massives, tandis que les capacités de production locales vont diminuer.

C'est la raison pour laquelle je demande si l'ODEADOM est disposé à mettre en oeuvre des moyens conséquents pour accompagner les mesures que prendraient le cas échéant les collectivités de Guadeloupe et de Martinique concernées.

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

J'irai jusqu'à dire que nous devons saisir cette occasion pour parvenir à mieux maîtriser l'offre alimentaire sur ces territoires. En effet, l'observatoire de l'économie agricole a constaté, sur les dix dernières années, une baisse de la production destinée à la consommation locale aux Antilles – baisse plus prononcée à la Martinique qu'en Guadeloupe –, alors que cette production est en augmentation en Guyane ou à Mayotte et qu'elle est plutôt stable à La Réunion.

Sans que je puisse affirmer que cette baisse est liée à la question du chlordécone, il est avéré en tout cas qu'elle concerne surtout les petits producteurs qui n'ont pas intégré les filières. Cela rejoint donc ce que vous disiez au sujet de la méfiance des consommateurs et des difficultés qu'ont ces petits producteurs à commercialiser leur marchandise.

Ainsi que je l'ai dit à mes autorités de tutelles, l'enjeu est donc d'intégrer les petits producteurs dans les circuits qui bénéficient des aides de la politique agricole commune, sachant qu'il existe une très forte distorsion entre le taux d'agriculteurs bénéficiant de ces aides dans les DOM et en Hexagone, où, au travers des aides surfaciques ou des primes animales, environ 90 % des exploitants sont accompagnés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle perception les professionnels agricoles que vous rencontrez ont-ils de la pollution au chlordécone ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Les agriculteurs avec qui nous travaillons sont ceux qui sont organisés en coopératives. Ils sont accompagnés et leur production est contrôlée. Comme je le disais, les choses sont beaucoup plus compliquées pour ceux qui sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient d'aucun accompagnement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle est la proportion de ces agriculteurs qui ne bénéficient pas des aides ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

La proportion d'exploitations ultramarines subventionnées reste faible comparée à l'Hexagone, la nature des subventions variant selon les territoires. On compte 13 500 exploitants bénéficiaires de l'ensemble de ces subventions, soit seulement 35 % des exploitations recensées sur l'ensemble des DOM, pourcentage qui tombe à 30 % si l'on prend uniquement en compte les bénéficiaires du POSEI. Ce pourcentage recouvre une forte hétérogénéité du taux d'exploitations bénéficiaires selon les DOM, puisqu'il n'est que de 10 % en Guyane et à Mayotte, contre une exploitation sur deux pour les trois autres DOM, voire trois exploitations sur quatre en Martinique et en Guadeloupe.

Compte tenu de l'urgence sanitaire et de la nécessité de mieux contrôler la production, se fixer comme objectif d'intégrer les 25 % de producteurs isolés aux Antilles dans les dispositifs d'accompagnement de la PAC ne me semble pas hors d'atteinte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Que préconiseriez-vous pour atteindre ces 25 % d'agriculteurs isolés ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Le POSEI, tel qu'il est conçu, s'adresse aux organisations de producteurs, elles-mêmes organisées en interprofessions – c'est d'ailleurs par elles que nous passons pour distribuer les aides. Nous ne disposons pas en revanche d'aides comme les aides surfaciques qui existent dans l'Hexagone et permettent de toucher 95 % des producteurs, sauf à Mayotte où, en l'absence de filières organisées, elles ont été mises en place en 2011 lorsque Mayotte est devenue un département. Il me paraîtrait donc utile de mettre en place, à côté du POSEI qui a montré son efficacité, un système d'aides susceptibles de toucher la quasi-totalité des producteurs. Si je pense aux aides surfaciques, c'est que la déclaration de surface est aujourd'hui un outil efficient, l'ASP disposant du registre parcellaire graphique y compris pour les DOM.

Ce qui nous fait défaut en revanche, c'est le budget pour étendre ces aides surfaciques à l'ensemble des Antilles, sachant que cela ne représente pas nécessairement des sommes considérables.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette suggestion est d'autant plus pertinente que les exploitations qui ne sont pas aidées sont à la fois celles qui ne font pas partie des circuits intégrés et les plus petites. Il faut savoir qu'en Martinique, il y avait en 2002 656 plantations de bananes et qu'elles ne sont plus que 356 aujourd'hui, dont 75 % font moins de trois hectares et sont vouées à disparaître dans les dix ans qui viennent. Il est donc vital de soutenir les petits planteurs et la diversification.

J'aurais voulu savoir, par ailleurs, si l'ODEADOM disposait de données chiffrées sur la superficie des terrains pollués en Martinique et en Guadeloupe, car je suppose que cela a une incidence considérable sur le montant des aides liées au premier et au deuxième piliers. Je rappelle qu'en Martinique on parle de 24 000 hectares de surface agricole utile (SAU).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au-delà des données chiffrées, disposez-vous également d'une cartographie de ces zones polluées ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Ce sont des questions qui ne sont pas réellement de notre ressort, mais les directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF) disposent de ces cartes et, si vous les interrogez, elles seront à même de vous apporter des précisions.

Cela étant, on dispose, de mémoire, en Martinique, des résultats d'analyse des sols pour pollution à la chlordécone pour 35 % de la SAU, et pour seulement 9 % en Guadeloupe. On voit donc tout le chemin qui reste à parcourir pour parvenir à dresser une cartographie complète de la pollution des sols, laquelle est pourtant indispensable à la mise en oeuvre des recommandations culturales et notamment au choix de cultures et d'élevages hors sol lorsqu'on est en zone contaminée.

Il me paraît donc primordial de poursuivre, voire d'accélérer le recensement, sachant qu'une analyse de sol coûte environ 250 euros et qu'il faut en effectuer deux à l'hectare, soit un coût de 5 millions d'euros pour parvenir en cinq ans à une recension complète de la SAU martiniquaise. C'est en tout cas l'objectif qu'il faut nous fixer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourriez-vous nous détailler le plan Écophyto pour les Antilles ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

C'est un sujet sur lequel nous n'avons pas de compétence générale, puisqu'il est piloté par le ministère des Outre-mer en lien avec le ministère de la santé.

Permalien
Valérie Gourvennec, cheffe de service production de diversification

Les actions relevant de l'axe 5 du plan Écophyto sont en effet pilotées par le ministère des Outre-mer et gérées par l'ODEADOM. Elles consistent notamment à développer les connaissances et les expérimentations sur des itinéraires techniques alternatifs peu consommateurs en produits phytosanitaires et à construire avec les Outre-mer une agro-écologie, axée sur la réduction de l'utilisation et de l'impact des produits phytosanitaires.

Tous les deux ans, un séminaire est organisé par le ministère des Outre-mer, afin de dresser le bilan des actions entreprises et de réviser éventuellement les orientations envisagées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous n'avez pas répondu tout à fait précisément à ma question : l'État et l'ODEADOM connaissent-ils la quantité de terres polluées par la chlordécone et le degré de pollution de ces terres ? En d'autres termes, ont-elles été identifiées ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Les directions locales du ministère de l'agriculture disposent de cartes, qui sont accessibles au public. Mais, encore une fois, elles sont incomplètes et je ne dispose pour ma part d'aucune autre information.

Ce sur quoi je veux insister ici, c'est sur le fait que le deuxième pilier de la politique agricole commune a précisément pour vocation d'accompagner les évolutions structurelles et tout ce qui exige des investissements. Or, à en croire mes collègues qui sont en contact direct avec les autorités de gestion que sont les collectivités territoriales, les progrès en matière de cartographie ont été assez limités dans le cadre du dernier programme de développement rural (PDR). J'ai dit qu'il fallait 5 millions d'euros pour compléter la carte de la Martinique ; il en faudrait 30 pour la Guadeloupe – car l'on part de plus loin –, mais ce sont des sommes parfaitement compatibles avec leFEADER. Cela doit donc être la priorité, sans que les uns et les autres ne cessent de se renvoyer la balle arguant que ce n'est pas de leur compétence.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je pose la question différemment : à combien d'hectares peut-on évaluer la SAU perdue ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Il y a eu aux Antilles une baisse notable de la SAU, mais il n'est pas évident de savoir ce qui est lié au chlordécone et ce qui s'explique par d'autres raisons, par exemple la politique d'urbanisme.

Nous avons pour notre part constaté une baisse du nombre d'agriculteurs mais, là encore, il n'est pas évident de savoir si cela est lié au fait qu'ils n'arrivaient plus à écouler leur production parce que leurs terres étaient polluées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai le sentiment que cette crise du chlordécone est gérée de manière très compartimentée et que l'ODEADOM, qui pèse pourtant 300 à 400 millions d'euros, si l'on considère les sommes qu'il redistribue, n'est pas suffisamment impliqué.

Pour ce qui me concerne, je peux vous citer des chiffres : il y a une cinquantaine d'années, la SAU s'étendait en Martinique sur 55 000 hectares ; elle était tombée il y a une vingtaine d'années à 36 000 hectares, et l'on est aujourd'hui entre 24 000 et 22 000 hectares, sur lesquels on compte 12 000 hectares pollués – cela a été porté à notre connaissance par la préfecture, il y a à peine un an, alors que la question du chlordécone remonte à quarante-huit ans !

Sur ces 12 000 hectares, 30 % sont hyper pollués, c'est-à-dire impropres à l'exploitation agricole directe, 37 % sont moyennement polluée et 30 % très faiblement pollués. Cela signifie qu'au-delà des causes structurelles qui freinent la diversification, la pollution au chlordécone aggrave la situation, notamment des petits exploitants. Cela nécessite donc une gestion exceptionnelle, et vous avez avancé quelques pistes, mais cela révèle surtout que les différents acteurs – ministère de l'agriculture, ministère des outre-mer, ODEADOM – n'agissent pas nécessairement de manière concertée et qu'il manque une vision globale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Que pensez-vous des différents plans chlordécone qui ont été mis en place ?

Comment jugez-vous la manière dont les différentes organisations de producteurs font aujourd'hui face à la menace des ravageurs ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Je précise que nous ne sommes pas au comité de pilotage des Plans Chlordécone.

Nous avons constaté une véritable amélioration dans la prise en compte de pratiques agro-écologiques dans tous les territoires d'Outre-mer, aux Antilles en particulier. En la matière, la filière banane a été motrice depuis 2008. Elle a mis en place le Plan banane durable (PBD) dans lequel elle s'est engagée à diminuer de façon drastique les produits phytosanitaires, en particulier dans la lutte contre les ravageurs. Ce plan est un succès : sur le terrain, on constate une évolution des pratiques avec l'implantation d'un couvert végétal pour lutter contre les ravageurs ou les adventices et de pièges à phéromones qui permettent d'obtenir des résultats remarquables dans la lutte contre les nuisibles, notamment les charançons. Aujourd'hui, le problème majeur dans les bananeraies n'est plus celui du charançon qui a été réglé, mais de la cercosporiose noire, une maladie causée par un champignon qui se développe avec l'humidité. Tout le monde a développé des solutions : le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l'Institut technique tropical (IT2). À La Réunion par exemple, des organismes ont permis de réelles avancées. Bref, la situation n'est plus du tout la même que dans les années quatre-vingt-dix et il y a une vraie prise de conscience de toutes les filières pour offrir au consommateur des produits de plus en plus sains et au maximum sans produits phytosanitaires. Mais ce n'est pas pour cela que rien ne reste à faire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ceux qui ne bénéficient pas d'aides sont surtout les petits producteurs qui vendent leur production locale sur le bord de la route. Les politiques européennes accompagnent beaucoup les agriculteurs à passer de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture raisonnée via des aides à la conversion, avec l'objectif de parvenir à une agriculture biologique ou en tout cas un peu plus responsable et plus saine. Je m'interroge donc sur cette absence de parallèle entre les politiques publiques telles qu'elles sont orientées dans l'Hexagone et ce qui se passe dans les territoires ultramarins. Pourquoi ne retrouve-t-on pas cette même dynamique dans les territoires ultramarins ?

Cuba a fait beaucoup d'expérimentations en matière d'agriculture hors sol – la culture hydroponique par exemple – parce qu'elle a été confrontée pour le coup à l'absence de produits phytosanitaires. Comme on a des difficultés à identifier les sols contaminés, les aides ne pourraient-elles pas être fléchées vers des solutions alternatives ? Tout à l'heure, on nous a répondu qu'il faudrait aller vers des filières plus organisées et se tourner vers l'importation, autrement dit consommer des légumes produits à l'étranger plutôt que cultivés dans les territoires ultramarins, ce qui peut avoir des conséquences assez lourdes pour les petits producteurs. Ne faudrait-il pas plutôt inventer un modèle pour accompagner une filière, trouver d'autres modes de production hors sol qui seraient écoresponsables et qui pourraient apporter une réponse au problème des sols contaminés ?

Permalien
Valérie Gourvennec, cheffe de service production de diversification

Certes, le POSEI accompagne les productions organisées, mais il n'exclut pas les petits producteurs qui souhaiteraient entrer dans des coopératives. Au contraire, il existe des systèmes d'aides progressives qui permettent la pré-adhésion. Il faut savoir que pour ce qui concerne le maraîchage, on est sur un modèle de petites exploitations, même celles qui sont dans les circuits organisés, avec l'objectif de les faire entrer dans les circuits organisés pour des raisons sanitaires et pour avoir une meilleure maîtrise de planification, d'organisation de l'offre.

Le POSEI a intégré dans son fonctionnement le passage ou l'incitation à aller vers des politiques de qualité. Il existe des dispositifs dans les filières animales qui nous permettent d'aller sur des certifications de niveau 2, ou de niveau 3, en haute valeur environnementale, et des aides majorées pour aller sur de l'agriculture biologique. À La Réunion par exemple, il y a de plus en plus de production en agriculture biologique.

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Le POSEI encourage vraiment ces pratiques, à la fois sur les grandes filières et sur les filières de diversification, avec des taux d'aides différenciés.

Vous avez raison, le sol n'est pas une condition nécessaire pour produire. Le dispositif de serre sur substrat hors sol fonctionne très bien. Il permet de maîtriser tous les intrants, l'eau notamment. On peut donc avoir une offre alimentaire, y compris sur un sol contaminé, en implantant des serres hors sol. Certes, les tomates, concombres, salades, etc. n'auront peut-être pas exactement le même goût que lorsqu'elles sont produites dans la terre, mais au moins on obtiendra des produits sains. Quant aux investissements, ils peuvent être financés via le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). J'ajoute que les serres sont suffisamment solides aujourd'hui pour résister aux cyclones.

Il faut donc encourager les cultures hors sol sur les zones contaminées. Mais encore faut-il savoir où sont ces zones.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelles sont les conséquences économiques lorsque l'on procède au classement des terrains imprégnés, à la suite de la pollution au chlordécone ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Un terrain dont on sait qu'il est contaminé au chlordécone perd très probablement de sa valeur foncière. C'est pour cela qu'il est important de montrer que l'on peut produire sur un terrain contaminé, mais produire autrement, c'est-à-dire hors sol, qu'il s'agisse de production animale ou végétale.

La culture de plein champ a tendance à diminuer aujourd'hui, car elle est beaucoup plus dépendante du climat – sécheresse, cyclones – et de la pollution des sols. Seules les cultures biologiques ne peuvent pas être faites hors sol, parce que la réglementation l'interdit. Mais on peut produire hors sol sans traitement, soit avant soit pendant la récolte. On peut donc valoriser la culture hors sol auprès des consommateurs, sans que ce soit de l'agriculture biologique. D'ailleurs, nos filières interprofessionnelles encouragent à aller dans cette direction. Il existe donc des solutions pour que les agriculteurs produisent localement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En Guadeloupe, la culture bananière est située dans une zone montagneuse, c'est-à-dire une zone difficile qui le plus souvent n'est pas irriguée. Il y a quelque temps, la culture de la banane ne nécessitait pas une irrigation particulière, contrairement au maraîchage. Vous avez raison, il existe des solutions, mais à quel coût ? C'est pourquoi il est indispensable de revoir les aides européennes dans les zones polluées, car il est impossible que les agriculteurs supportent de tels coûts.

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Vous avez tout à fait raison. Le deuxième pilier de la politique agricole commune est là pour cela, même si on ne le gère pas en direct puisque, je le répète, les autorités de gestion sont les collectivités territoriales et les régions. Il faut que les choix puissent être faits localement car c'est au plus près du terrain que se prennent les meilleures décisions.

Ce qui est important, c'est la mobilisation de tous les acteurs et de ne pas se renvoyer la balle. Le deuxième pilier de la PAC est un moyen considérable pour aider à régler les problèmes, tant sur la connaissance par les analyses de sol, que sur les investissements – serres, substrat, etc. Je ne vois pas d'autre source de financement que le deuxième pilier de la PAC.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a 12 000 hectares de terres polluées en Martinique, et c'est certainement la même chose en Guadeloupe. Les petits propriétaires ont vu la valeur du foncier chuter car le terrain est inexploitable, sauf si l'on trouve des solutions hors sol. À cela s'ajoute que les deux-tiers de la Martinique sont inutilisables pour la pêche – c'est la même chose en Guadeloupe –, ce qui pénalise l'économie. Comment voyez-vous un plan d'indemnisation des personnes qui ont été victimes de cette pollution massive ? Cela se fera-t-il en diminuant d'autres aides, ou bien s'agira-t-il d'une aide supplémentaire de l'État ? Ce financement s'impose moralement.

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Je n'ai pas du tout de compétences en matière de pêche.

Vous avez raison, arrêter l'hémorragie de la perte des petits producteurs aux Antilles est un véritable enjeu et un objectif qu'il faut vraiment se donner. Nous disposons de toutes les statistiques agricoles dans notre base de données. Ce sont les deux seuls départements des DOM où l'on constate cette hémorragie qui est certainement liée au chlordécone. Au-delà d'une indemnisation, il faut proposer une solution. Tout à l'heure, on a évoqué l'intérêt d'une aide liée à la surface qui inviterait à entrer dans un circuit organisé, en tout cas contrôlable, qui soutiendrait beaucoup plus qu'aujourd'hui l'ensemble des producteurs.

Le deuxième pilier de la PAC pourrait permettre effectivement d'investir dans des productions hors sol sur les zones les plus contaminées. Au-delà de l'indemnisation du passé, c'est une valorisation de l'avenir qu'on propose aux agriculteurs, qui me semble encore meilleure puisque cela leur donnera un revenu et pas simplement une indemnisation ponctuelle pour la perte de valeur. Cela montrera aussi qu'on peut produire dans ces zones-là et qu'on peut dépasser une fatalité. On sait que la culture de plein champ peut très bien être dépassée aujourd'hui par la technologie, d'autant plus qu'on maîtrise encore mieux la lutte biologique sous serre qu'en plein champ. Cela représente donc un réel avenir, notamment pour les DOM où la surface est rare. Ainsi, on ne perdrait pas les surfaces disponibles, même si elles ont été contaminées.

Vous avez raison, il faut insister sur ces terres-là, apporter des solutions aux agriculteurs, ce qui leur permettra ensuite d'avoir à nouveau un revenu et évitera qu'ils cessent leur activité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Deperrois, vous allez certainement me dire que ce n'est pas vous qui fixez les limites maximales de résidus (LMR) de chlordécone. Mais comment sont-elles contrôlées, et comment sont-elles perçues par les agriculteurs et les consommateurs ?

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Je pense que, là encore, vous interrogerez nos collègues des services territoriaux qui sont beaucoup mieux à même de vous répondre précisément.

Ce que nous avons compris en discutant avec eux lors de la préparation de cette audition, c'est que des contrôles sont organisés par les directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF) en ce qui concerne l'agriculture, et par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) en ce qui concerne les points de commercialisation. Aujourd'hui, telle qu'elle est contrôlée, la production ne donne pas, semble-t-il, lieu à des arrêts brutaux de commercialisation. Bien sûr, si l'on baisse les LMR, il faudra réadapter les solutions, comme je le disais tout à l'heure pour la filière bovine.

Voilà ce que je peux vous dire, sachant que je n'ai pas une connaissance de terrain sur ce sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aujourd'hui, les sols sont analysés à l'initiative de l'exploitant qui veut cultiver une parcelle. Seriez-vous favorable à une campagne généralisée en Martinique et en Guadeloupe, soutenue publiquement, permettant de faire des enquêtes et des analyses de sols sur l'ensemble des terres polluées ? Cela permettrait d'avoir une connaissance parfaite des terres polluées et de mettre en place immédiatement des processus de soutien et d'aides en fonction du niveau de pollution et de l'initiative de l'agriculteur.

Permalien
Hervé Deperrois, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (ODEADOM)

Vous avez raison, se baser sur le volontariat présente l'avantage de devoir être convaincant pour arriver à la connaissance du sol. Mais encore faut-il que l'agriculteur se libère et ait envie de mesurer la qualité de son sol. Si les analyses montrent des contaminations, on pourra lui dire qu'il existe telle solution incitative pour qu'il puisse se reconvertir, trouver une solution adaptée. C'est là que la déclinaison du POSEI dans le détail pourrait être paramétrée dans le futur pour inviter les producteurs à lever les inhibitions par rapport à cette connaissance.

La réunion s'achève à dix-huit heures quarante.

————

Membres présents ou excusés

Réunion du lundi 1er juillet 2019 à 17 h 30

Présents. – Mme Justine Benin, M. Raphaël Gérard, Mme Claire Guion-Firmin, M. Serge Letchimy, M. Didier Martin, Mme Maud Petit, Mme Hélène Vainqueur-Christophe