Intervention de Bruno Ferreira

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Bruno Ferreira, directeur général de la direction générale de l'alimentation :

En ce qui concerne les actions de dépollution, des expérimentations ont été menées, dont des résultats ont été présentés lors du colloque scientifique et d'information du mois d'octobre 2018. Cependant, il n'existe pas encore de technique de dépollution applicable à grande échelle et économiquement viable.

Nous connaissons relativement bien les phénomènes de dépollution, notamment par des plantes remédiatrices ou dépolluantes, en ce qui concerne la pollution des sols par des métaux lourds. Pour des molécules du type du chlordécone, c'est plus complexe ; aujourd'hui, nous ne disposons pas d'une technique économiquement viable. Une expérience in situ a notamment été conduite par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), que je crois que vous auditionnerez également. Il s'agissait d'évaluer les différentes voies de dépollution des sols. À ce stade, une technique semble prometteuse, même si nous ne sommes pas au bout de l'investigation : un procédé de remédiation par réduction chimique in situ. Il s'agit de détruire la molécule de chlordécone par incorporation dans le sol d'une substance qui va permettre cette réduction. À la suite d'une première phase d'évaluation favorable en laboratoire, d'abord avec du sable de Fontainebleau, puis avec du sol des Antilles, un pilote expérimental sur une parcelle a été réalisé pour vérifier la faisabilité de cette technique de dépollution. Les travaux se sont déroulés de 2013 à 2014, sur une parcelle d'environ 1 000 mètres carrés, où la pollution moyenne était de 0,7 partie par million (PPM) de chlordécone. En fonction des différents amendements chimiques, on constate une diminution de la concentration en chlordécone et la formation de différents produits dégradés. Dans l'étude en question, dix-sept produits dégradés avaient été identifiés, dont la toxicité doit également être évaluée pour déterminer s'il est possible de poursuivre avec cette technique. Évidemment, les végétaux issus des expériences conduites dans le cadre de protocoles de phyto-remédiation, qui visent à l'extraction de la chlordécone du sol par une plante, sont détruits – selon des modalités définies par chacun des protocoles qui font l'objet d'une évaluation par les instances scientifiques.

Quant aux eaux, la pollution se déplace essentiellement par lessivage – c'est-à-dire qu'il y a un transfert en profondeur – mais a priori pas par ruissellement.

Par ailleurs, il est admis que le transport de terre participe au déplacement de la pollution, notamment par des travaux de terrassement. D'autres facteurs éventuels, tel le transfert par des eaux d'irrigation contaminées ou par la décontamination des animaux, doivent être étudiés dans le cadre de la feuille de route 2019-2020. C'est l'un des axes de travail pour ces deux années.

Depuis la fin des années 2000, des études sur la pêche visant à mesurer la contamination des espèces côtières, dont beaucoup sont pêchées et consommées, ont montré qu'elles étaient effectivement contaminées dans les zones littorales, en bordure des bassins-versants, tout particulièrement dans les estuaires, les fonds et les baies. Ces zones, qui représentent environ 10 % des zones de pêche côtières, ont été fermées à la pêche en 2010, avec une extension en 2012 en ce qui concerne les langoustes. La pêche en rivière est totalement interdite, quelles que soient les espèces, sur l'ensemble du territoire martiniquais depuis 2009. Pour protéger le consommateur, des mesures sont prises, qui visent au respect de ces interdictions, et de nombreuses actions de sensibilisation des usagers de la mer ont été menées, renforcées par les contrôles en mer de la direction de la mer, les contrôles à l'étal et aux autres lieux de mise sur le marché par la direction de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt.

L'instauration de zones d'interdiction de la pêche a permis de réduire la proportion de poissons non conformes, qui est passée de 1 sur 4 pêchés localement à 1 sur 10. Cela concerne exclusivement les zones côtières, donc essentiellement des poissons rouges et des crustacés. Toutes les aquacultures sont contrôlées tous les ans, et aucune contamination n'a été constatée.

Les aquacultures d'eau douce contaminées ont été fermées en 2010. Celles qui fonctionnent aujourd'hui sont contrôlées tous les ans, sans qu'aucune contamination ait été constatée. Des interdictions de zones de pêche ont été prononcées en 2010 et 2012 et de nombreuses informations ont été délivrées aux pêcheurs professionnels. Par ailleurs, des actions de police sont régulièrement organisées en mer par les directions de la mer. Environ 100 jours de mer par an sont dédiés au contrôle des zones contaminées par la chlordécone et la cartographie est disponible sur les sites internet des directions de la mer. Ces contrôles sont inscrits dans le plan annuel régional de contrôle des pêches et de l'environnement marin. Ils sont principalement réalisés par les directions de la mer mais aussi par les services des douanes et de la gendarmerie nationale. Par exemple, en Martinique, environ vingt équivalents temps plein (ETP) participent à ces missions. Il s'agit de patrouiller pour s'assurer qu'il n'y a aucun navire en action de pêche dans les zones interdites. Par ailleurs, des missions sont organisées après repérage, parfois par des voies aériennes, environ deux fois par an pour relever et détruire des engins de pêche posés dans ces zones. La dernière s'est d'ailleurs déroulée les 27 et 28 juin derniers et s'est soldée par la destruction d'une vingtaine de nasses. Ces opérations se déroulent avec le concours d'un aviseur de la direction de la mer et d'un petit remorqueur de la marine nationale. Lorsque les engins de pêche détectés ne sont pas marqués et qu'il n'est donc pas possible de remonter à leurs propriétaires, ils sont détruits.

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