Nous avons évoqué deux situations différentes. Votre commission d'enquête travaille à la fois sur le chlordécone et le paraquat, dont nous n'avons pas encore parlé. Ce produit n'avait pas le même usage, puisque c'est un herbicide, et ses propriétés sont très différentes en termes de devenir et de toxicité. Cette substance, qui se fixe dans le sol, est très peu mobile et pose moins de problèmes de dispersion dans l'environnement que d'autres substances d'une toxicité aigüe et sans doute plus problématiques pour la santé.
De par ses propriétés chimiques, la molécule de chlordécone, est très peu soluble dans l'eau. Dès qu'elle entre en contact avec des organismes capables de l'ingérer, elle s'accumule dans les tissus. Il en résulte, au long des réseaux trophiques ou de la chaîne alimentaire, une amplification progressive. Par les végétaux mangés par des animaux herbivores ou même par des prédateurs, le produit s'accumule dans le réseau trophique. Plus on consomme des organismes situés hauts dans les réseaux trophiques, donc proches du sommet des réseaux trophiques – poissons prédateurs ou superprédateurs, comme le thon – et plus, en cas de contamination du milieu, la probabilité est élevée de retrouver une forte concentration de la molécule dans les tissus du poisson, de l'oiseau ou du crustacé qui mange des cadavres de poissons en décomposition. Plus on consomme des animaux situés hauts dans les réseaux trophiques et plus on est exposé à cette substance. C'est toute la problématique des composés organiques persistants dont le chlordécone est un des plus emblématiques, mais auparavant le dichlorodiphényltrichloroéthane (DTT) et d'autres substances analogues posaient les mêmes questions.
La partie réseau trophique aquatique, qui va jusqu'au milieu marin, pose la question de savoir où l'on peut pêcher des espèces en fonction de la contamination. On oublie parfois qu'une même espèce péchée à un endroit donné peut avoir vécu longtemps à un autre endroit, de sorte que la contamination se disperse dans l'environnement.
Sur l'aspect terrestre, on peut se demander si des espèces végétales en accumulent plus que d'autres. La réponse dépend de leur mode de culture, de l'endroit où elles poussent et du fait de savoir s'il s'agit de légumes-racines ou de plantes émergées. Pour évaluer le risque, il faut comparer ces expositions via l'alimentation et déterminer les niveaux considérés sans risque sur la santé. C'est la question de l'acceptabilité du risque et de la comparaison du niveau d'exposition et du danger connu pour la substance.