Intervention de Jean-Pierre Cravedi

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 11h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Jean-Pierre Cravedi, chef du département adjoint Alimentation humaine à l'institut national de la recherche agronomique (INRA) :

La méthodologie employée pour caractériser le risque consiste à comparer le niveau d'exposition à un seuil toxicologique. Pour ce qui est du chlordécone, il est calculé en fonction des données de l'expérimentation animale dont nous disposons. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'études suffisamment solides pour établir le lien de cause à effet entre un niveau d'exposition et son effet sur la santé et proposer une courbe doseréponse. Nous ne sommes pas en mesure de dire : si vous avez telle concentration de chlordécone dans le sang, vous pouvez vous attendre à tel problème de santé. Nous établissons des comparaisons en observant certains effets sur des animaux de laboratoire, en particulier des rats, soumis à des doses croissantes de chlordécone.

Ce travail a permis de définir « une dose journalière tolérable ». On parle de dose journalière admissible pour un produit phytosanitaire mis sur le marché. Le chlordécone est malheureusement présent mais heureusement plus sur le marché. Cette dose journalière tolérable est aujourd'hui fixée à 0,0005 milligramme par kilo de poids corporel et par jour. Cela signifie qu'on considère, toujours avec une part d'incertitude, que si votre exposition au chlordécone dépasse cette valeur seuil, le risque est considéré comme non acceptable. En deçà de cette valeur seuil, le risque est considéré comme acceptable.

On peut critiquer la méthode et se demander si les études menées chez l'animal sont représentatives des effets chez l'homme, mais c'est ainsi qu'on procède. On évalue classiquement le risque en comparant une dose d'exposition à la valeur de seuil toxicologique. La population en Martinique et en Guadeloupe présente une grande hétérogénéité de niveaux de contamination parce que les circuits d'approvisionnement ne sont pas les mêmes pour tous et parce que les travailleurs agricoles ont été beaucoup plus exposés au chlordécone que d'autres citoyens ultramarins. Au regard des chiffres issus de l'étude Kannari menée par l'ANSES, qui permet d'estimer les niveaux d'exposition, on se retrouve en moyenne au-dessous de 10 % de la valeur seuil de 0,0005 milligramme par kilo de poids corporel et par jour.

Est-ce acceptable ou non ? Ma réponse logique, c'est que, globalement, pour la population, on peut considérer le risque comme acceptable. Mais je n'ai pas suffisamment d'informations pour dire où se situent les extrêmes. Pour un individu, l'important est savoir comment il se situe par rapport cette valeur seuil.

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