Il existe un panel de techniques, qui ont toutes leurs avantages et leurs inconvénients, et sont à des niveaux de maturité différents.
Le BRGM a essentiellement travaillé au développement de la technique dite ISCR – In Situ Chemical Reduction –, qui s'assimile à un processus physico-chimique. Il s'agit d'un procédé de décontamination dont le principe est le suivant : on apporte au sol un amendement composé de matière organique et de poudre de fer, à partir de quoi on compacte et on irrigue pour créer les conditions d'une anaérobie et qu'il n'y ait plus d'oxygène, ce qui, sans entrer dans les détails, permet de casser la molécule du chlordécone.
L'efficacité de cette technique a été démontrée, avec un taux de rendement de 70 % sur les nitisols et les ferralsols. Les résultats sont moins intéressants pour les andosols où l'on n'est qu'à 20 % de rendement mais, dans la mesure où ce sont potentiellement les sols les plus contaminés, ce peut être malgré tout une solution intéressante.
La fiabilité et la faisabilité de cette technique ont été testées en laboratoire et sur site réel, sur un nitisol en Martinique.
L'inconvénient de cette technique est qu'elle génère des dérivés de la chlordécone, des molécules ayant perdu leurs atomes de chlore. Si ces molécules sont a priori moins toxiques que la molécule-mère, leur mobilité en revanche est plus grande et elles rejoindront plus facilement les eaux souterraines.
Le traitement des sols s'effectue en une seule fois, ce qui est un avantage, mais il a un coût : 170 000 euros par hectare. Enfin, l'ISCR nécessite l'emploi d'équipements de protection individuel (EPI) – des lunettes –, et l'on doit poser la question de son accessibilité sociale.
Une seconde technique fonctionnant également selon un processus chimique est la technique dite « de séquestration ». Elle consiste en un amendement de compost, dont l'objectif est de séquestrer le chlordécone et de limiter son entraînement vers le milieu haut et vers la contamination des végétaux. Ici, on ne dégrade donc pas la molécule mais on la séquestre. En termes d'efficacité, l'IRD-CNRS a démontré que les transferts sol-plante pouvaient, grâce à cet amendement de compost, être réduits d'un facteur 2 à un facteur 15, ce qui signifie que l'accumulation de chlordécone dans les plantes cultivées sur ces sols serait moindre.
Cette technique a été éprouvée en laboratoire et sur site réel. À l'inverse de la précédente, elle ne génère pas de dérivés, et l'un de ses gros avantages est qu'en apportant un amendement organique on fertilise le sol.
Quant à son coût, il tourne autour de 80 000 euros par hectare pour une application, sachant néanmoins que les amendements doivent vraisemblablement être renouvelés tous les deux ou trois ans. C'est, quoi qu'il en soit, un procédé facile à mettre en oeuvre, puisqu'il s'agit simplement d'incorporer du compost dans les sols.
En ce qui concerne ensuite les processus biologiques, une première technique est celle de la dégradation microbienne. Elle consiste en l'utilisation de bactéries en anaérobie, car ce sont les conditions les plus prometteuses. L'efficacité de cette technique a été démontrée, puisque l'on a atteint jusqu'à 100 % de formation de dérivés, c'est-à-dire que la molécule-mère est entièrement dégradée en dérivés. Ces résultats cependant n'ont été obtenus qu'en laboratoire dans des conditions optimisées, et il reste à réaliser l'expérimentation sur site réel. Quant aux dérivés produits, ce ne sont pas les mêmes qu'avec l'ISCR, puisqu'en plus de la perte de chlore, ils se caractérisent par une ouverture du squelette carbone. À la différence des dérivés de l'ISCR, ils n'ont pas fait l'objet d'études permettant de déterminer s'ils étaient plus ou moins toxiques que la molécule, ni plus ou moins mobiles.
La dégradation microbienne a deux avantages indéniables, d'une part, son coût, qui devrait être faible et, d'autre part, le fait qu'elle pourrait aboutir à une minéralisation complète. Des questions cependant restent en suspens : son efficacité en conditions réelles, le temps nécessaire à la biodégradation et les moyens de stimuler celle-ci.
J'évoquerai en dernier lieu la phytoextraction, autre processus biologique sur lequel ont travaillé l'université de Toulouse, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et l'École nationale des travaux publics de l'État – Centre national de la recherche scientifique (ENTP-CNRS).
Le principe ici consiste à accumuler le chlordécone dans une plante spécifiquement cultivée à cet effet. Pour l'instant, l'efficacité évaluée est faible, puisque le taux de transfert sol-plante est inférieur à 0,1 % de rendement, sachant que l'expérience n'a été faite à ce jour que sur un seul type de plante et un seul cycle de croissance. Par ailleurs, la démonstration sur site réel reste à faire.
La phytoextraction ne génère aucun dérivé de chlordécone, mais se pose la question de ce qu'il advient ensuite de la plante contaminée où s'est accumulée la chlordécone : qu'en fait-on une fois qu'elle a été coupée ? On estime, cela étant, que c'est une technique dont le coût devrait être assez faible et l'accessibilité sociale plutôt bonne.