Il existe toute une liste de critères pour établir une causalité entre une exposition à une substance chimique et un effet sanitaire. Les gens du domaine connaissent bien cette liste ; il faut faire des études en population, donc chez l'homme, et des études expérimentales, et s'assurer de leur cohérence.
L'un des critères est de démontrer que l'exposition a précédé l'arrivée des effets sanitaires. Entre le début de l'exposition et l'apparition des signaux, il peut s'écouler des décennies. D'où la force d'études avec cohorte comme Timoun. Nous avons pris une population à un moment donné, nous avons dosé le chlordécone et nous avons suivi l'arrivée des symptômes quels qu'ils soient.
Je dois reconnaître que nous n'avons pas encore complètement expertisé l'étude de Luc Multigner dans laquelle il a suivi la cohorte Karuprostate pour voir s'il y avait une augmentation des récidives. Ces études sont intéressantes parce que la mesure de l'exposition a eu lieu il y a douze ans pour Timoun et nous pouvons voir l'apparition d'effets. Nous allons pouvoir amener des arguments supplémentaires renforçant le poids des causalités.
Le CIRC ou d'autres instances internationales établissent une hiérarchie : le caractère cancérogène est dit avéré quand tous les arguments sont réunis ; il est probable quand il manque certains éléments, notamment dans des études populationnelles ; il est possible quand il en manque encore un peu plus. Dans le milieu réglementaire, il faut toujours ajouter quelque chose au mot cancérogène, ou alors il faut déclarer la substance non cancérogène quand on a des arguments pour le faire.