La réunion

Source

Jeudi 4 juillet 2019

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Présidence de M. Serge Letchimy, président de la commission d'enquête

————

La commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat, procède à l'audition de M. Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), de M. Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 « Pharmacologie, toxicologie et signalisation cellulaire » et de M. Laurent Fleury, directeur du pôle « Expertises collectives ».

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre commission d'enquête reçoit aujourd'hui M. Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), M. Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1 124 « Pharmacologie, toxicologie et signalisation cellulaire » et M. Laurent Fleury, directeur du pôle « Expertises collectives », accompagnés de Mme Anne-Sophie Etzol, chargée des relations institutionnelles. Madame, messieurs, soyez les bienvenus.

Les membres de cette commission d'enquête ont fait le choix de rendre leurs auditions publiques. Celle qui s'ouvre sera retransmise en direct sur l'une des chaînes de l'Assemblée nationale et consultable sur le site internet de celle-ci. Messieurs, vous serez donc entendus par beaucoup de monde.

Avant de vous donner la parole pour un court exposé, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent serment.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je m'exprime aujourd'hui en tant que président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). J'ai souhaité être accompagné de M. Robert Barouki, un expert en toxicologie environnementale, et de M. Laurent Fleury, qui est responsable, depuis des années, du pôle « Expertises collectives » de l'INSERM. À ce titre, il a notamment coordonné l'expertise de 2013 sur les pesticides et leur impact sanitaire. J'espère que la commission d'enquête dispose déjà de cette somme. Si tel n'est pas le cas, nous vous la ferons parvenir. Mme Anne-Sophie Etzol nous accompagne pour faire le point sur les éléments que nous pourrons ensuite vous transmettre par écrit.

L'INSERM est le premier organisme national de recherche dans le domaine médical. Sa taille est significative, puisqu'il compte près de 300 laboratoires et que son budget avoisine le milliard d'euros, dont un bon tiers est issu de ressources propres. Nos laboratoires se financent à 90 % sur des contrats qu'ils vont chercher à l'extérieur, l'INSERM apportant seulement la petite couche nécessaire au fonctionnement de base. L'INSERM produit 11 000 publications par an, ce qui est significatif au sein de la communauté médicale.

Il éclaire aussi les décisions publiques : c'est à ce titre qu'il produit des expertises collectives, qui sont généralement demandées par des ministères. Nous avons, enfin, un rôle de valorisation de nos découvertes et d'information, en direction de la société et des citoyens.

J'en viens au sujet qui nous occupe aujourd'hui, celui des pesticides et, plus particulièrement, du chlordécone. De par sa taille et sa situation nationale, l'INSERM est l'un des très rares acteurs de la recherche qui, sur le plan de la santé, possède une expertise vraiment reconnue sur ce sujet. Les experts sont peu nombreux et une unité y travaille tout particulièrement : elle est localisée à Rennes et je crois que vous avez déjà auditionné l'un de ses membres. Depuis 2005, nous travaillons sur cette question, à travers des études épidémiologiques sur la population de Guadeloupe et de Martinique, d'une part, et des études mécanistiques de toxicologie et de biologie in vitro, d'autre part. Lorsqu'on fait la revue de la littérature mondiale, ce qui a été fait à l'occasion de l'expertise collective de 2013, on s'aperçoit que l'INSERM est le pourvoyeur de connaissances le plus important sur cette question. Plus de la moitié des soixante-trois publications relatives à la chlordécone parues depuis 2005 sont dues à des équipes de l'INSERM. Nous avons vraiment une position centrale sur cette question.

Il s'agit, pour une grande part, d'études d'épidémiologie : huit études épidémiologiques ont été réalisées ou sont en cours de réalisation. Nous pourrons, si vous le souhaitez, revenir en détail sur certaines d'entre elles. Nous avons également produit des études expérimentales, sur des modèles animaux cellulaires, qui analysent la chaîne des effets toxiques, génétiques et épigénétiques, puisqu'on sait maintenant que les pesticides produisent aussi ce type d'effets. Nous sommes donc l'instance scientifique qui peut réaliser ce que l'on appelle des expertises collectives. Cet exercice consiste à consolider toute la littérature existant sur un sujet. L'expertise de 2013 a compilé 1 800 papiers : M. Laurent Fleury pourra vous en parler. Il faut généralement dix-huit mois à deux ans, parfois davantage, pour que les groupes d'experts parviennent à consolider toute la littérature existant sur un sujet donné.

L'expertise collective relative aux effets sur la santé des pesticides de 2013 est un énorme volume, que nous pourrons vous transmettre. Il est désormais considéré comme l'ouvrage de référence en la matière et il a contribué à la prise de certaines décisions, notamment sur les maladies professionnelles, comme la maladie de Parkinson et certaines hémopathies. Il a vraiment eu des conséquences en termes de décision publique. Depuis cette publication, l'INSERM a régulièrement été sollicité par différentes inspections, notamment par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et nous avons été amenés à exposer le contenu de cette expertise à plusieurs reprises.

Dans la mesure où la question de l'impact sanitaire des pesticides en général, et de la chlordécone en particulier, n'a pas été réglée, nous travaillons à une mise à jour de l'expertise de 2013. Depuis six ans, la littérature a été abondante. Parce que l'attente est forte, nous avons transmis dès le mois de mars aux commanditaires de cette enquête le chapitre spécifiquement consacré au lien entre cancer de la prostate et exposition aux pesticides. Nous pourrons dire un mot à ce sujet. Comme il s'agit d'un processus collectif de longue haleine, la somme relative à l'ensemble du champ des pesticides sera publiée à la fin de l'année. Voilà, en quelques mots, le contexte dans lequel l'INSERM se positionne. Nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, monsieur Bloch, d'être venu avec cette belle et grande délégation et j'espère que vous allez pouvoir nous apporter tous les éclairages nécessaires dans le cadre de cette commission d'enquête parlementaire. Vous avez dit vous-même que l'INSERM occupe une position centrale sur la question du chlordécone, qui a des conséquences non seulement environnementales, mais aussi sanitaires et économiques sur nos territoires de Guadeloupe et de Martinique. Vous avez évoqué, à la fin de votre exposé, le lien entre chlordécone et pathologie et j'aimerais vous interroger sur les cas répertoriés de cancer de la prostate. Sont-ils la conséquence d'une exposition directe à la substance lors de son application entre 1972 et 1993 ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je donnerai un premier élément de réponse et je laisserai ensuite mes collègues, qui sont des experts de cette question, apporter des compléments. Votre question comporte deux parties.

Vous m'interrogez, premièrement, sur le lien entre l'exposition au chlordécone et le cancer de la prostate. L'expertise de 2013 concluait déjà à la présomption forte d'un lien entre exposition et cancer. Il faut cependant avoir à l'esprit que l'établissement d'une relation de causalité est toujours délicat : une étude isolée ne peut pas établir, à elle seule, un tel lien de causalité. L'étude épidémiologique Karuprostate, dont vous avez sans doute déjà entendu parler, ne suffit pas. Il faut disposer d'autres études, en particulier d'études mécanistiques, qui permettent de penser que telle molécule, du fait de certains mécanismes biologiques, peut avoir un effet sur le développement de telle maladie. Je prends toujours un exemple simple pour illustrer cette question. Les fumeurs développent fréquemment des cancers du poumon. Les fumeurs ont aussi les doigts jaunis. Or, en termes biologiques, les doigts jaunis ne sont pas la cause mécanistique du cancer du poumon. Pour établir une cause mécanistique, il faut disposer d'un tas d'études sur des modèles, des cellules, montrant que le tabac et ses composants vont très vraisemblablement pouvoir induire une cascade d'événements amenant à la cancérisation.

S'agissant du chlordécone, l'expertise de 2013 reposait sur l'ensemble des études existantes, et des études mécanistiques ont permis d'établir une forte présomption de liens entre l'exposition au chlordécone et la survenue d'un cancer de la prostate.

Votre question comportait un deuxième volet. Vous m'avez demandé si ces cancers étaient liés à une exposition à cette substance durant une période précise. Nous ne disposons pas, à l'heure actuelle, de suffisamment d'éléments pour vous répondre. On sait qu'il y a une forte rémanence de la molécule dans l'environnement et que la chaîne alimentaire a été contaminée. Mais on est incapable de déterminer la fenêtre d'exposition qui aurait pu conduire à l'apparition des cancers.

Nous avons vraiment des éléments de réponse sur la première partie de votre question, mais nous sommes incapables de vous répondre sur la deuxième partie.

Permalien
Laurent Fleury, directeur du pôle Expertises collectives

L'expertise collective de 2013 a déjà conclu qu'il y avait une forte présomption : nous avions mis deux croix dans la case – à l'époque, nous faisions des tableaux. Nous avons fait une nouvelle expertise en 2019. Nous disposions toujours de l'étude Karuprostate, et de deux autres études reposant sur les mêmes échantillons. Nous avons examiné toute la littérature, en particulier des études mécanistiques de toxicologie : nous avons pu reconfirmer ce lien vraisemblable entre le cancer de la prostate et le chlordécone. Et notre groupe d'experts n'est pas tout à fait le même qu'en 2013.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais, avant de redonner la parole à la rapporteure, vous poser une question. Comment vous sentez-vous ? Êtes-vous sur la défensive ? Vous sentez-vous libres de parler ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

On est toujours un peu impressionné par le cadre et par le protocole, mais nous n'avons aucune raison de nous sentir mal.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis 1976, les Américains, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et des dizaines de rapports ont convergé vers la même conclusion : le caractère dangereux et probablement cancérogène du chlordécone. L'étude Karuprostate a donné des indicateurs extrêmement importants. Les chiffres que nous avons eus en 2012 montrent qu'il y a 500 cas de cancer supplémentaires par an en Guadeloupe et 500 en Martinique.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Ce ne sont pas des cas supplémentaires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En tout cas, alors qu'on a 98 cas pour 100 000 habitants dans l'hexagone, on en a 500 pour 100 000 en Guadeloupe et à la Martinique.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Non.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous donnerai mes sources ! Nous savons par ailleurs que 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais sont imprégnés de chlordécone. Si vous n'allez pas plus loin, est-ce parce que l'État ne vous suit pas ? Une prudence généralisée vous empêche-t-elle de conclure au caractère extrêmement dangereux du chlordécone ? Cette dangerosité a été constatée dès 1990, puisqu'on a alors interdit son usage, en accordant, toutefois, des prolongations incroyables. Dites-nous tout.

Gilles Bloch. Il faudrait peut-être réorienter vos questions, en tenant compte du fait que l'INSERM est un organisme de recherche, et non un organisme qui prend des décisions de politique sanitaire ou de réglementations sur les produits phytosanitaires. L'INSERM est un organisme qui produit des résultats de recherche et qui les valorise en les diffusant le plus largement possible, en particulier à travers les expertises collectives que j'ai décrites. On ne peut pas nous montrer du doigt sur tous les sujets, s'agissant de l'exposition de la population antillaise à la chlordécone. Nous avons travaillé sur ces sujets lorsqu'ils sont apparus dans le radar des questions scientifiques. Nous avons une équipe active sur le terrain en Guadeloupe depuis que l'on sait qu'il y a un risque. La manière dont vous nous montrez du doigt me paraît disproportionnée.

S'agissant des chiffres, en termes d'épidémiologie, pour ma part, il n'y a pas un surrisque majeur de cancer de la prostate aux Antilles aujourd'hui. Quand on regarde les données épidémiologiques globales, les chiffres de l'incidence du cancer de la prostate sont du même ordre de grandeur que dans des populations génétiquement comparables ailleurs dans le monde. Il est vrai que l'étude épidémiologique Karuprostate montre un surrisque, qui apparaît de façon dose-dépendante avec l'exposition à la chlordécone. Je pense que vous avez parlé de ce sujet avec le porteur de l'étude : ce surrisque, en termes de surincidence du cancer de la prostate dans la population, n'induit pas une surincidence majeure. Nous sommes à la limite du détectable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et qu'en est-il de la récidive du cancer de la prostate ? Les conclusions de M. Luc Multigner sont assez claires.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Son étude montre qu'il y a un effet probable du chlordécone sur le cancer de la prostate, mais il ne met pas au jour une surincidence ou une surmortalité de l'ordre de un à deux ou de un à cinq. C'est quelque chose d'assez faible.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment expliquer, dans ces conditions, que Santé publique France ait conclu, dans son rapport de 2018, que la Martinique et la Guadeloupe sont les championnes du monde du cancer de la prostate ? Ce sont les deux territoires où l'on trouve le plus de cancers : nous battons tous les records. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les spécialistes.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Nous avons des chiffres.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Moi aussi, j'ai des chiffres, que je tire d'une synthèse de Santé publique France. Mais peut-être n'avons-nous pas la même lecture ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Mes lectures me disent que, tous cancers confondus, il y a plutôt une sous-incidence du cancer en Martinique et en Guadeloupe – mais j'irai vérifier ce que dit le rapport de Santé publique France – et que l'incidence du cancer de la prostate est tout à fait comparable à ce que l'on observe dans des populations génétiquement équivalentes ailleurs dans le monde. Il y a peut-être des querelles d'experts, et je laisserai mes collègues s'exprimer, mais je ne crois pas qu'on ait observé une surincidence majeure des cancers de la prostate en Martinique et en Guadeloupe.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand on dit que 90 % de la population antillaise est imprégnée de chlordécone, quel est votre point de vue ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

C'est une observation objective : il y a effectivement une imprégnation de la population, parce que le chlordécone est entré dans la chaîne alimentaire. C'est un problème sanitaire potentiel, qui justifie une observation à long terme de la population. Il faut effectivement regarder si le signal lancé par l'étude de Luc Multigner sur le cancer de la prostate en 2010 peut prendre de l'ampleur. On sait que ces cancers apparaissent de façon différée et il faut être extrêmement vigilant. Une fois que l'on sait qu'un toxique est fortement imprégné dans une population, il faut regarder s'il existe d'autres pathologies. C'est dans ce but que nous avons constitué, à l'INSERM, d'autres cohortes, en particulier une cohorte mère-enfant pour étudier les troubles du développement au cours de la grossesse. On a déjà des signaux sur la prématurité et sur de petits retards de développement dans la toute petite enfance. Voilà des sujets dont l'INSERM se préoccupe, en tant qu'organisme de recherche, et sur lesquels il travaille, grâce aux cohortes qu'il a constituées.

L'INSERM appuie par ailleurs l'équipe de l'Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET), qui passe une partie de son temps en Guadeloupe et en Martinique, avec des personnels techniques et des chercheurs implantés à temps complet là-bas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avez-vous connaissance du dernier rapport de l'IRSET de mars 2019 ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je ne l'ai pas lu in extenso.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il confirme les tendances relatives au cancer de la prostate.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Pardonnez-moi : s'agit-il d'un rapport ou d'une publication ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est une publication, qui confirme ce que nous avons dit sur le cancer de la prostate, avec cette tendance aggravante dans les secteurs où le chlordécone est présent. Elle confirme que 90 % de la population en est imprégné, que l'on retrouve du chlordécone dans le lait maternel, que la fertilité masculine peut être interrogée, que le déroulement de la grossesse, dans le cas de la cohorte Timoun, peut poser des problèmes, notamment en termes de prématurité et d'éventuels troubles chez l'enfant. Ce sont beaucoup d'éléments qui convergent dans le même sens, et qui justifieraient le lancement d'un plan sanitaire exceptionnel pour l'Outre-mer. Estimez-vous qu'à l'heure actuelle l'État a lancé un plan sanitaire exceptionnel ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Tout ce que vous avez rappelé dans la première partie de votre question est juste : toutes les conclusions de l'IRSET s'appuient sur des publications parues au cours des dernières décennies, avec lesquelles nous sommes tout à fait d'accord. Mais ce n'est pas à l'INSERM, qui est un opérateur de recherche et qui produit de la connaissance, de se prononcer sur la pertinence d'un plan sanitaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes totalement d'accord. Je vous interpelle parce que vous êtes un organisme extrêmement important. Le rôle de notre commission d'enquête est de vérifier si l'outil d'État qu'est l'INSERM est écouté par l'État. Voilà ce qui nous intéresse. Ne prenez pas cela comme une attaque contre votre personne ou votre équipe. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'on ressent une espèce de dissociation entre les niveaux d'alerte de l'INSERM et les décisions de l'État.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelles sont les pathologies dont on a démontré que la survenance avait un lien direct et essentiel avec l'exposition à la chlordécone ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je dirai d'abord que l'expression « lien direct et essentiel » ne fait pas partie du vocabulaire utilisé dans la communauté scientifique. On parle plus volontiers d' « association probable ». Il existe une codification internationale sur la façon de quantifier ce lien probable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai utilisé le vocabulaire des maladies professionnelles.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

J'ai déjà dit que, sur le cancer de la prostate, nous nous rangeons à l'avis qui a été donné en 2013. Il existe des signaux s'agissant d'autres affections, que vous avez mentionnés, monsieur le président, comme la fertilité ou les troubles du développement. Ces signaux font l'objet d'études en cours qui n'ont pas encore donné lieu à des conclusions définitives. Nous y travaillons et je pense qu'à l'issue de l'expertise complémentaire de 2019, nous pourrons donner des recommandations sur l'importance de ces signaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous dites bien que l'on ne revient pas sur l'étude de 2013 : la forte présomption concernant le cancer de la prostate, la prématurité, les troubles du développement de l'enfant avant sept ans. Peut-on lier chaque cas de certaines pathologies à l'exposition au chlordécone ? Je pense avoir déjà la réponse. Comment passer d'une étude épidémiologique à la prise en charge de chaque cas avéré ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Concernant les cas individuels, en l'état actuel de la science, nous sommes totalement désarmés pour établir un lien. Prenons le cas du cancer de la prostate. Il faudrait qu'il y ait une signature moléculaire pour que l'on puisse affirmer que c'est le chlordécone qui a déclenché le cancer. Or une grande majorité des cancers sont probablement déclenchés par une combinaison de facteurs. Nous pensons de plus en plus que la cancérogénèse est multifactorielle : exposition, facteurs génétiques, stress personnel, etc. Actuellement, pour le cancer de la prostate, nous n'avons pas d'indice moléculaire qui nous permette de relier la tumeur d'un individu particulier à une cause particulière. Cela est possible dans certains domaines mais pas dans le cancer de la prostate. Nous ne pouvons pas répondre et établir des liens individuels.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En février dernier, nous avons entendu, au plus haut niveau de l'État, une remise en question de l'effet cancérogène de la chlordécone. Cette déclaration a été corrigée par la suite par les professeurs Luc Multigner et Pascal Blanchet dans un communiqué de presse.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a établi une classification des produits chimiques selon leur cancérogénicité. Comme cette classification date de plus de quinze ans, ne pensez-vous pas que la France devrait demander une nouvelle évaluation pour le chlordécone afin que cessent, une fois pour toutes, les querelles sur son caractère cancérogène probable, possible ou avéré, et que l'on sache vraiment quel est son degré de dangerosité ?

Ma deuxième question concerne vos études sur le cancer de la prostate : Karuprostate est allée à son terme en Guadeloupe mais Madiprostate a été interrompue en Martinique. Pensez-vous que Madiprostate aurait pu apporter d'autres résultats et enseignements sur le lien de cause à effet entre le chlordécone et le cancer de la prostate ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Pour répondre à votre première question, je dirais que des organismes de recherche comme le nôtre produisent des observations scientifiques étayées, et que d'autres instances se prononcent ensuite sur la catégorisation des substances chimiques. Nous pouvons avoir un rôle d'influence à travers nos experts qui, parfois, siègent dans ces commissions. À l'issue de la révision de l'expertise collective, nous serons fondés à dire s'il y a ou non plus d'arguments en faveur de son caractère cancérogène. Peut-être faudra-t-il se préoccuper de classifier différemment cette molécule mais ce ne sera pas à nous de le faire. Nous sommes un institut de recherche et non une instance sanitaire.

Pour ma part, je n'ai découvert l'étude Madiprostate que tardivement – j'ai pris mes fonctions il y a six mois. D'après ce que j'ai compris, cette étude était une réplication en Martinique de celle menée en Guadeloupe, et elle a été arrêtée parce qu'elle avait montré quelques faiblesses dans la phase pilote. Comme elle posait à peu près les mêmes questions que l'étude initiale conduite en Guadeloupe, je ne me serais pas attendu à ce que l'on découvre des choses radicalement différentes. La science progresse toujours et les outils utilisés peuvent être plus pointus quand on fait une nouvelle étude cinq ou dix ans après la première. Mais la méthodologie de cette étude posait à peu près les mêmes questions que l'étude initiale. L'un de vous veut-il compléter ma réponse ?

Permalien
Laurent Fleury, directeur du pôle Expertises collectives

Sur l'opportunité de demander une nouvelle évaluation du chlordécone au CIRC, j'indique que ce n'est pas à nous de faire une telle demande mais j'aimerais aussi apporter une précision : il faut bien comprendre que l'INSERM et le CIRC n'évaluent pas la même chose ; alors que le CIRC évalue un danger, nous évaluons un risque. C'est fondamentalement différent.

Nous prenons toujours un exemple un peu bateau mais qui aide assez bien à comprendre les choses, celui du couteau. C'est un objet dangereux. Il présente un vrai risque si on le laisse traîner sur une table à côté de laquelle jouent des enfants. Mais le risque est négligeable si le couteau est bien rangé dans un tiroir muni d'un loquet.

C'est ce qui explique souvent les différences de classement par diverses agences et les polémiques qui en découlent. Nous évaluons le risque en prenant en compte la dangerosité du produit mais aussi son exposition et tous les facteurs annexes.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

Il existe toute une liste de critères pour établir une causalité entre une exposition à une substance chimique et un effet sanitaire. Les gens du domaine connaissent bien cette liste ; il faut faire des études en population, donc chez l'homme, et des études expérimentales, et s'assurer de leur cohérence.

L'un des critères est de démontrer que l'exposition a précédé l'arrivée des effets sanitaires. Entre le début de l'exposition et l'apparition des signaux, il peut s'écouler des décennies. D'où la force d'études avec cohorte comme Timoun. Nous avons pris une population à un moment donné, nous avons dosé le chlordécone et nous avons suivi l'arrivée des symptômes quels qu'ils soient.

Je dois reconnaître que nous n'avons pas encore complètement expertisé l'étude de Luc Multigner dans laquelle il a suivi la cohorte Karuprostate pour voir s'il y avait une augmentation des récidives. Ces études sont intéressantes parce que la mesure de l'exposition a eu lieu il y a douze ans pour Timoun et nous pouvons voir l'apparition d'effets. Nous allons pouvoir amener des arguments supplémentaires renforçant le poids des causalités.

Le CIRC ou d'autres instances internationales établissent une hiérarchie : le caractère cancérogène est dit avéré quand tous les arguments sont réunis ; il est probable quand il manque certains éléments, notamment dans des études populationnelles ; il est possible quand il en manque encore un peu plus. Dans le milieu réglementaire, il faut toujours ajouter quelque chose au mot cancérogène, ou alors il faut déclarer la substance non cancérogène quand on a des arguments pour le faire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Faut-il instaurer un dépistage systématique du cancer de la prostate dans ces deux territoires ?

Faudrait-il imaginer un dispositif de suivi sanitaire spécifique pour nos deux territoires et selon quelles modalités ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Une fois de plus, je ne peux pas vous répondre. Notre mission est de produire des faits scientifiques étayés. L'INSERM n'est pas une agence sanitaire, une autorité sanitaire qui peut préconiser des conduites de politique publique, parce qu'elle n'a pas les données sur ce sujet.

Je fais simplement référence aux recommandations de dépistage actuelles de la Haute Autorité de santé (HAS). Celle-ci n'a pas recommandé de dépistage systématique sur la population générale. Il faudrait constituer un comité d'experts, reprendre la littérature que nous aurons totalement exploitée à la fin de l'année, et se reposer alors la question. Ce n'est pas le rôle de l'INSERM de dire, du tac au tac, s'il faut ou non faire tel dépistage ou tel suivi. C'est le travail des autorités sanitaires et, actuellement, il n'a pas été fait.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Gouvernement vous a-t-il sollicité pour établir un tableau de maladies professionnelles ? Si oui, quand disposera-t-on de vos conclusions ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Nous avons présenté nos conclusions à la Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP) mais nous n'avons pas à nous prononcer sur la reconnaissance d'une maladie professionnelle. La maladie de Parkinson a été reconnue comme une maladie professionnelle chez les agriculteurs, en particulier sur la base des résultats de l'expertise collective de 2013. Nous apportons les faisceaux d'arguments fondés sur l'analyse de la littérature scientifique mais l'État ne nous demande pas si la maladie doit être reconnue comme maladie professionnelle. C'est la tâche de comités.

Permalien
Laurent Fleury, directeur du pôle Expertises collectives

L'expertise de 2013 avait été présentée à la COSMAP, ce qui avait fortement contribué à faire reconnaître la maladie de Parkinson comme une maladie professionnelle chez les agriculteurs. C'était un faisceau d'arguments mais l'expertise avait apporté sa pierre à l'édifice.

Nous avons présenté le rapport sur le chlordécone à la COSMAP, avec l'une des expertes qui faisait partie du groupe. Ils en ont pris note. Nous l'avons aussi présenté l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) où une nouvelle commission est chargée de reprendre les données et de préparer le travail pour ces tableaux des maladies professionnelles.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Gouvernement a décidé de prévoir une indemnisation des maladies professionnelles liées au chlordécone dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. C'est une bonne chose, on ne peut pas refuser cela. En gros, cela me semble cohérent. Il n'en demeure pas moins que l'imprégnation peut se faire au contact du pesticide mais aussi par le biais de l'alimentation.

Quelle est votre position sur le fait que la prise en charge et l'indemnisation ne s'appliqueront que dans le cadre des maladies professionnelles et qu'il n'y aura pas de prise en charge collective pour tous ceux qui sont imprégnés, notamment ceux qui vivent dans les zones contaminées où l'on trouve la prévalence la plus importante en matière de cancer de la prostate ? J'ai bien compris la fonction de l'INSERM mais au-delà de l'aspect scientifique, vous avez certainement une position personnelle ou collective.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je vais peut-être vous décevoir. La mission de l'INSERM n'est pas de répondre à ce type de question. Pour ma part, je ne suis pas ici en tant que citoyen Gilles Bloch. Je m'exprime en tant que président de l'INSERM et je ne vais pas m'aventurer à faire des jugements personnels.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous savez, nous n'avons pas convoqué que le directeur de l'INSERM. Nous avons aussi convoqué Gilles Bloch. Vous avez les deux responsabilités à assumer. Vous pouvez me dire que vous préférez ne pas répondre à cette question-là, mais je vous interroge aussi en tant que Gilles Bloch. Vous n'avez pas d'avis sur ce sujet ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Voilà, je n'ai pas d'avis sur ce sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je l'entends mais les deux postures sont interrogées. Nous n'avons pas fait venir l'INSERM sinon nous aurions fait venir le conseil administration, la présidence, etc. Vous n'avez donc pas d'avis sur ce sujet. La piste retenue ne concerne que les maladies professionnelles et elle n'implique pas des populations dont 10 % auraient une imprégnation élevée. L'INSERM n'a pas d'avis scientifique là-dessus.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Se fondant sur la littérature scientifique, l'INSERM s'est prononcé sur le lien de causalité entre certaines maladies et l'exposition. Pour ce qui concerne les questions d'indemnisation…

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

On ne parle pas d'indemnisation dans nos rapports.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je parle du rapport que vous avez fait pour le classement de la maladie de Parkinson dans les maladies professionnelles. Grâce à ce rapport, les personnes atteintes de cette maladie seront indemnisées si elles présentent des séquelles. Votre rôle est quand même extrêmement important dans la chaîne de la décision. D'où ma question. Quelle serait votre position, en tant qu'INSERM et en tant que Gilles Bloch, à propos de ces 10 % de la population qui vivent dans des zones très touchées et qui développeraient des maladies graves ? Quel serait votre point de vue si on vous le demande ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

On ne peut pas donner de point de vue. Nous donnons des faits scientifiques sur la vraisemblance du lien causal entre une exposition et une maladie, nous les versons à la sagesse de comités qui sont mis en place par des instances et dont c'est le rôle de prendre une décision d'imputabilité. Ce n'est pas le rôle de l'INSERM. Cela étant dit, si l'on fait le métier de chercheur, c'est que l'on est à la recherche d'une certaine vérité. J'avoue que l'on apprécie de voir l'État utiliser les faits scientifiques qu'on lui apporte pour prendre des décisions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel est votre point de vue sur la cohérence et l'efficacité des plans chlordécone mis en place depuis 2008, notamment sur leur volet santé, par rapport à l'ampleur du drame ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

L'INSERM est sollicité dans les Plans sur la partie recherche. Nous avons apporté notre contribution à la hauteur des moyens dont nous disposons et les choses ont avancé. Les résultats obtenus concernant le cancer de la prostate et d'autres pathologies suspectées sont liés à cette mobilisation de l'INSERM. De notre point de vue, nous avons largement rempli la mission.

L'INSERM a la chance d'être dans un domaine où il occupe une position prédominante. Nous travaillons en bonne entente avec les universités et nos équipes sont mixtes. Aucun autre acteur national ne fait cette recherche de manière très intense. À mon avis, le plan chlordécone fonctionne en ce qui concerne la recherche en santé. Robert Barouki, qui est au coeur du réacteur, peut compléter mon propos.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

Depuis 2008, l'INSERM et Santé publique France – qui a succédé à l'Institut de veille sanitaire – ont un conseil scientifique commun qui a élaboré une des recommandations dans le domaine de la recherche. L'INSERM a produit trente-cinq publications scientifiques dans ce domaine grâce à un renforcement de l'équipe qui est sur place et qui a tissé beaucoup de liens avec les milieux hospitaliers.

L'INSERM a vraiment permis à des cliniciens de s'impliquer dans cette recherche ; ils sont aussi invités à s'exprimer devant le public pour essayer d'expliquer les acquis et les limites de nos découvertes. Nous sommes des scientifiques et nous pratiquons toujours de cette manière, comme vous pourrez le voir dans tous nos articles : nous faisons état de nos découvertes mais aussi de leurs limites. C'est tout à fait normal.

Timoun, Karuprostate et d'autres études plus toxicologiques vont dans le bon sens. Pour ce qui est de la recherche en santé, ce plan donne des fruits qui sont actuellement utilisés comme arguments scientifiques de base.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame, messieurs, vous comprenez aisément que nous sommes dans une recherche et un besoin de la vérité par rapport aux populations qui sont restées dans le non-dit depuis très longtemps. Vous faites bien de rester sur votre sujet : la recherche. Nous le comprenons aisément. Cependant, les populations attendent depuis tellement longtemps cette commission d'enquête parlementaire après la mission d'information qui avait eu lieu en 2005 avec Philippe Edmond-Mariette et Joël Beaugendre. C'est la raison pour laquelle nous sommes en train de vous poser toutes les questions possibles et imaginables, même si vous restez dans l'approche scientifique qui est la vôtre.

Alors ma question est la suivante : quel lien avez-vous avec les équipes de recherche aux Antilles et surtout avec l'université des Antilles ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Les liens sont vivants. Je pars lundi en Guadeloupe et je serai mercredi en Martinique. C'est une coïncidence avec mon audition car ce déplacement, qui était prévu avant même la création de cette commission d'enquête, fait partie des bonnes relations que l'INSERM entretient avec ses équipes sur place et l'université des Antilles. La Guadeloupe et la Martinique font partie de notre périmètre d'action scientifique. Nous y avons du personnel, nous y menons des projets de recherche scientifiquement visibles – car le rayonnement de la science nous importe – et qui dépassent les sujets évoqués ici. Comme vous pouvez l'imaginer, nous nous intéressons aussi aux maladies infectieuses.

Nous avons donc une relation de travail étroite qui se traduit par la présence de personnel sur place et une forte implication de l'IRSET – une très grosse unité mixte de recherche de l'INSERM et de l'Université Rennes 1 – dont certains chercheurs font le voyage régulièrement. Dès les tout premiers mois de mon mandat de PDG, j'ai aussi souhaité faire le tour des implantations.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

J'aimerais insister sur le fait que l'IRSET est l'une de nos plus grosses unités de recherche dans le domaine santé-environnement. L'équipe implantée aux Antilles fait partie de l'IRSET. C'est important parce qu'elle bénéficie de tout le support, de tout l'appui, de toutes les capacités de recherche de l'une des plus grosses unités de l'INSERM. Bernard Jégou, le directeur actuel de l'IRSET, va régulièrement dans les Antilles pour tisser et maintenir ces liens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Concernant le dépistage, j'ai bien compris que vous n'êtes pas une institution de santé mais vous pouvez avoir un avis. La Haute Autorité de santé ne recommande pas de systématiser le dépistage du cancer de la prostate. En ce qui concerne la teneur en chlordécone dans le corps humain, quelle est votre position sur un dépistage généralisé ou, tout au moins, une prise en charge des personnes qui souhaitent faire un dépistage ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Nous n'avons pas d'études montrant que la connaissance du taux individuel de chlordécone dans le plasma aurait un impact sanitaire individuel. Nous n'avons donc pas de bases scientifiques pour dire qu'il y ait une utilité certaine à établir une mesure pour l'ensemble de la population. Il faut le faire sur les échantillons que l'on étudie sur le plan épidémiologique parce qu'il y a cette relation dose-effet, cette mesure d'exposition qu'il faut conduire. Sur le plan individuel, nous n'avons pas d'éléments. C'est tout ce que je peux dire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Malgré toutes les études comme Timoun ou Kannari ? En plus, ce sont vos études. Les conclusions de l'IRSET en 2019 montrent bien qu'il a des présomptions extrêmement fortes. Comment peut-on confirmer ces cinq points que j'ai indiqués tout à l'heure ? N'est-il pas nécessaire de se préparer à une prise en charge globale ? Quand M. Macron a parlé de réparation, nous n'avons pas interprété cela comme une indemnisation à donner à chaque Martiniquais et à chaque Guadeloupéen. C'est une question de prise en charge sur le plan de la santé et aussi sur le plan économique pour les pêcheurs, les agriculteurs, et les petits propriétaires de terrain qui sont les premiers laminés dans la production endogène locale. C'est cela dont je parle. Votre fonction et votre rôle sont certainement essentiels dans la décision que l'ANSES pourrait prendre à l'avenir.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Il faut vraiment bien comprendre et c'est peut-être une vraie question de pédagogie. Mesurer un taux plasmatique de chlordécone sur un échantillon de 700 patients et d'environ le même nombre de cas témoins, c'est utile parce que cela va nous permettre de rendre vraisemblable le lien causal de l'apparition du cancer à l'échelle de cette population.

En l'état actuel de la science, la connaissance individuelle d'un taux de chlordécone n'a aucune valeur prédictive sur l'apparition d'une pathologie, que ce soit le cancer ou une autre pathologie, parce que nous ne disposons pas de bases scientifiques. Nous ne sommes donc pas fondés à répondre à votre question sur l'utilité de faire cette mesure à l'échelle de la population. Pour ce qui est de la réparation, Gilles Bloch peut avoir son opinion, une fois rentré chez lui le soir, et il peut mettre un bulletin dans une urne à un moment sur le sujet. Mais en tant que PDG de l'INSERM, ce n'est pas mon rôle.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

Cette question très importante ne concerne pas que le chlordécone et elle se pose pour toutes les substances chimiques. Nous sommes impliqués dans de grands programmes européens de biosurveillance, ce qui consiste à doser dans le sang des substances chimiques telles que les pesticides et les plastifiants – il y en a malheureusement un certain nombre. À chaque fois, la question se pose : à partir de quel moment doit-on s'inquiéter ?

Nous disposons de toute une série d'études, notamment sur les substances pour lesquelles nous avons beaucoup d'informations. On calcule alors ce que l'on appelle une valeur sanitaire de référence dans le sang – c'est une traduction de l'anglais – qui nous permet d'avoir une limite : en dessous de cette valeur, ce n'est pas grave ; au-dessus de cette valeur, c'est potentiellement grave. Qu'est-ce que j'appelle avoir beaucoup d'informations ? Pour les phtalates ou le bisphénol A, par exemple, nous avons des dizaines d'études épidémiologiques et je ne sais combien d'années d'études toxicologiques.

Quand nous ne disposons pas de beaucoup d'informations, on a du mal à faire ce type de calcul qui n'est vraiment pas simple. Dans ce cas, le risque n'est pas de dire à une personne qu'elle doit subir des examens parce que son dosage se situe au-dessus de telle valeur. Le risque est de dire à une personne que son dosage ne pose pas de problème parce qu'il se situe en dessous de la valeur, alors que l'on n'a pas tous les arguments scientifiques et que l'on peut se tromper. Peut-être qu'il y a un problème et qu'on laisse la personne un peu de côté.

Tant que nous n'avons pas le corpus scientifique de base qui nous permette de faire les calculs, nous ne pouvons pas vraiment donner ces valeurs sanitaires de référence dans le sang. Pour le moment, il ne paraît pas utile de dépister toute la population puisqu'on ne pourra pas ensuite donner un conseil ou faire une vraie prise en charge. On ne le fait d'ailleurs pas pour les autres produits chimiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans son rapport de 2019, l'IRSET a soulevé cinq points, mais, vous avez raison de le dire, sans jamais affirmer un lien causal de manière définitive, pour les enfants, notamment. Cependant, les suspicions sont très fortes.

Dans l'hypothèse où ces suspicions seraient avérées, quelle serait alors votre position ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

On ne peut pas faire de science-fiction. L'important est de poursuivre les études et de mobiliser les moyens pour atteindre cet objectif. Il s'agit d'étudier le développement des enfants sur des durées plus longues, lorsqu'ils entrent dans les apprentissages ou à la puberté. Dans ces cas d'imprégnation, beaucoup de choses peuvent apparaître à ce moment, en termes de fertilité. Pour d'autres molécules, comme le distilbène, des effets ont été constatés très tard, chez la femme adulte, notamment enceinte. Il faut donc suivre ces enfants très longtemps.

Quant à l'utilité d'une mesure individuelle, on ne dispose d'aucun élément pour l'affirmer à l'heure actuelle. On peut en revanche insister sur la nécessité de poursuivre nos études pour mettre éventuellement en place des mesures de surveillance sanitaire particulières, une fois que ces études auront été conduites.

Celles-ci ne porteront d'ailleurs pas nécessairement sur le taux plasmatique de chlordécone. Elles pourront consister en un suivi particulier, par exemple, des petites filles, comme dans le cas du distilbène, du développement de tel ou tel organe ou d'éventuels troubles de la fertilité du jeune garçon.

Il s'agira donc davantage de mesures de suivi individuel que d'une mesure dans toute la population.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Bloch, cela fait quarante ans que nous vivons cette science-fiction. Des autorisations ont été données depuis 1972 – en 1972, 1976, 1981. Elles ont été renouvelées à trois reprises, après une interdiction en 1990. Cela fait qu'aujourd'hui, 12 000 hectares de terres sont polluées en Martinique, et autant en Guadeloupe et qu'il y a de fortes suspicions sur les effets sur les enfants et les adultes. Nous l'avons appris de vos recherches.

Ce sont vous, les scientifiques, qui, dans les rapports Multigner, avez indiqué clairement, en détaillant plusieurs scénarios, qu'il y avait un danger. Ce sont les experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui ont dit depuis 1976 que l'utilisation du chlordécone présentait un danger.

La science-fiction, nous la vivons donc depuis quarante ans ; nous n'en faisons pas. Nous sommes en train d'essayer de clarifier un point, qui me semble extrêmement grave. Nous ressentons non seulement un souci fondamental chez les chercheurs mais aussi une prudence de la part de l'État, pour ne pas avancer à un rythme approprié à la dimension du problème.

Ma question est donc précise : quel est votre avis sur les prolongations d'autorisation et l'utilisation de la chlordécone à partir de 1990 ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

En tant qu'institution, nous n'avons pas d'avis. Ces décisions ont été prises par des instances qui n'ont rien à voir avec les organismes de recherche.

Je m'autorise là un tout petit écart par rapport à la réserve d'usage : bien que des décisions aient été prises, antérieurement ou à l'étranger, nous ne les avons pas appliquées dans notre pays. Je pense notamment au cas du distilbène. Cela doit nous inspirer énormément de modestie dans la conduite des politiques publiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je le répète, le chlordécone a été complètement interdit en 1976, aux États-Unis.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Oui, nous le savons. En tant que scientifiques, nous nous étonnons parfois devant certaines décisions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En deux ans, les Américains ont eu l'audace d'arrêter la production du chlordécone à la suite des problèmes survenus sur le site d'Hopewell, en Virginie, et de prendre en charge les familles. Nous, cela dure depuis quarante ans, et les personnes concernées sont bien plus nombreuses.

Même si j'ai une quantité infime de chlordécone dans mon sang, je suis aussi un être humain et j'ai besoin de savoir. À mon avis, les peuples guadeloupéens et martiniquais ne revendiquent pas tant une indemnisation que du respect et de la reconnaissance.

Je suis pour ma part très reconnaissant envers les scientifiques : l'INRA et l'INSERM, notamment, ont mené un combat dense et important. Si le Pr Belpomme n'avait pas crié à un moment donné, la mission chlordécone ne se serait pas mise en place en 2008, dix-huit ans après l'interdiction de 1990. Nous vous sommes donc reconnaissants.

Je n'irai pas plus loin pour vous demander des réponses car je respecte votre droit de réserve mais sachez que, dans cette commission d'enquête, nous avons la possibilité de poser des questions les plus larges possible, y compris personnelles et individuelles.

Est-ce qu'il y a d'autres questions ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aujourd'hui, quelles études pourraient être utiles mais manqueraient de financements ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

D'abord, il y a des études en cours, qu'il faut prolonger car l'argent public est rare.

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Celles sur la cohorte Timoun, qui soulèvent de nombreux points d'interrogation, évoqués par M. le président. Notre devoir de scientifique est de faire la lumière sur ces sujets, en poursuivant durablement cette étude.

On connaît la difficulté de trouver des financements dans le temps. J'interpelle l'État directement sur un grand nombre de sujets de santé publique, où des cohortes ont été construites. Cette activité m'a d'ailleurs occupé plusieurs centaines d'heures dans les six derniers mois. Il faut assurer la pérennité de ces outils de découverte que sont les cohortes, dans le système actuel, où il n'y a pas de financement pérenne garanti.

Il est très important, en Guadeloupe, en Martinique, ou ailleurs, de disposer de ces observatoires de la santé publique que sont les cohortes.

Si vous demandez à un scientifique, ce que je suis encore à temps partiel, quelles études il mènerait s'il avait davantage d'argent, il pourrait vous raconter de belles histoires : les scientifiques ont toujours énormément de projets dans leurs cartons ! Et si l'État nous donnait quelques millions de plus pour travailler sur ces sujets, nous pourrions citer un grand nombre de questions scientifiques intéressantes.

Au tout début de mon intervention, j'ai évoqué le fait que ces maladies, notamment cancéreuses, sont probablement multifactorielles c'est-à-dire qu'il existe, outre le chlordécone, d'autres facteurs pour les expliquer, comme l'exposition au stress ou le niveau socio-économique. On le sait, il existe de nombreux déterminants dans les maladies humaines.

Avec des moyens – on a le droit de rêver ! –, on pourrait lancer des études en population, de long terme, sur des expositions multiples. Les Antilles sont un sujet d'étude passionnant : la population, insulaire, y bouge relativement peu et se caractérise par une grande diversité génétique. On pourrait donc réaliser des études extrêmement intéressantes.

Nous savons toutefois que l'État est soumis à de nombreuses contraintes. Il ne peut pas donner autant d'argent aux scientifiques qu'ils en rêveraient. Je n'arrêterai cependant pas de lui demander des moyens supplémentaires pour faire de la belle science, car je pense qu'il y a de la très belle science, et de la science utile, à faire aux Antilles, en particulier en lien avec ces sujets.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Faites-vous partie du comité de pilotage du plan chlordécone ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je n'y siège pas personnellement, mais il est possible que l'institution y soit présente.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

Oui. Les alliances de recherche font partie du comité. L'INSERM anime l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN). À ce titre, nous nous exprimons généralement sur les problématiques de recherche en santé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Président de la République a parlé de cette affaire comme d'un « scandale environnemental […] fruit d'un aveuglement collectif ». Il y a donc urgence à y travailler. Il faut que les scientifiques soient réellement à pied d'oeuvre.

Est-ce qu'à l'échelle du comité de pilotage, qui a conduit à l'avenant du plan chlordécone III, vous avez pu vous exprimer sur la pérennisation des fonds de recherche, s'agissant notamment de la cohorte Timoun ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je ne sais pas. Je suis arrivé trop récemment à cette fonction pour avoir pu vérifier ce point. Si Robert Barouki a un élément de réponse à cette question, je l'invite à le donner.

Si nous n'avons pas demandé la pérennisation des fonds de recherche, nous le ferons. Je me bats assez pour défendre les infrastructures de recherche en santé, qui sont insuffisantes dans notre pays. Les cohortes en font partie. Lorsqu'il existe une situation sanitaire à risque, comme nous l'avons évoqué, il faut d'autant plus se mobiliser. C'est donc un message que nous porterons, si nous ne l'avons pas déjà fait.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

Nous portons ce message, c'est évident. À chaque fois qu'un nouveau plan commence, nous faisons un point sur ce qui a été fait, et nous continuons d'insister sur ce qui reste à faire. Il est évident que Timoun figure parmi les grandes priorités.

Je répète ce que Gilles Bloch a dit : si vous arrêtez les cohortes, vous perdez énormément d'informations. C'est une chance exceptionnelle d'avoir réussi à monter cette cohorte dans laquelle les enfants atteignent bientôt l'âge de 12 ans c'est-à-dire la puberté. Pour le chlordécone, qui est suspecté d'être un perturbateur endocrinien, c'est le moment où l'on peut voir potentiellement des choses. Il faut absolument soutenir le développement de cette cohorte.

Des études sur les aspects épigénétiques et générationnels sont menées parallèlement, à Rennes. Elles méritent un soutien fort. Nous le répétons régulièrement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Entendre qu'il existe un problème de pérennisation des fonds, notamment pour la cohorte Timoun, est un sujet d'inquiétude pour nous. Il n'est pas souhaitable qu'elle s'arrête du fait de difficultés de financement, comme cela a été le cas pour l'étude Madiprostate.

Étiez-vous présent au colloque scientifique ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Oui, j'étais présent personnellement, ainsi que Robert Barouki et d'autres représentants de l'INSERM.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

Je m'y suis exprimé, en Martinique et en Guadeloupe.

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

Il y a eu une vraie tentative d'explication des acquis et de ce qui a été fait. Les interrogations de la part du public ont été nombreuses car certaines choses n'avaient pas été comprises. De nombreuses directions d'administrations centrales étaient présentes, qui ont pris le temps d'expliquer la politique et les actions mises en oeuvre.

De notre côté, nous avons essayé d'expliquer, en des termes compréhensibles par le public qui était présent, c'est-à-dire à la fois le grand public et des scientifiques, les acquis de la science ainsi que les limites de nos travaux. Il s'agissait donc d'une explication, la plus claire possible, je l'espère, de ces travaux.

Je dois d'ailleurs rendre hommage à tous les chercheurs qui se sont impliqués dans ce domaine – chercheurs de l'INSERM, techniciens, ingénieurs –, qui ont fait un excellent travail.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais poser la question suivante à M. Barouki, en tant que toxicologue. On dit que nos terres sont « chlordéconées » pour quatre à sept siècles. En restant dans le cadre qui est le vôtre, celui de la recherche scientifique, pensez-vous vraiment que nous nous en sortirons ? Quelles préconisations pourriez-vous faire à ce stade, en matière de dépollution des sols ?

Permalien
Robert Barouki, directeur de l'unité INSERM 1124 Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire

L'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi), qui regroupe plusieurs instituts de recherche, extrêmement compétents, travaille sur ces sujets. Ce n'est en revanche pas du tout notre domaine car nous étudions la toxicologie humaine, en essayant d'étudier les effets sur l'homme.

Nos collègues travaillent sur ces questions, qui ne concernent pas uniquement les Antilles, mais aussi de nombreux sols pollués, partout dans le monde. C'est une question très difficile, en termes de recherche. Peut-être vous ont-ils déjà exposé leurs travaux concernant la meilleure manière de dépolluer actuellement ? La tâche est difficile, d'après ce que je sais.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On dit souvent que la chlordécone a aussi été utilisée en Afrique, notamment au Cameroun. Entretenez-vous des contacts à l'international, dans le cadre de vos travaux sur ce sujet ?

Permalien
Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Je n'en suis pas informé. Il faudrait peut-être reposer la question à Luc Multigner.

Scientifiquement, il serait intéressant de pouvoir élargir le champ de l'observation car nous étudions aujourd'hui une population unique. La réplication fait partie du mécanisme de renforcement de la preuve scientifique. Pour ma part, je l'encouragerai volontiers.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'il n'y a pas d'autre question, je vous remercie de cet échange intéressant bien qu'un peu musclé, par moments. Je vous remercie d'être venus, et vous souhaite bon courage.

La réunion s'achève à dix-huit heures vingt.

————

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 17 heures

Présents. – Mme Justine Benin, Mme Claire Guion-Firmin, M. Serge Letchimy, M. Didier Martin, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe