S'agissant des fruits, si j'en crois les travaux du CIRAD, il est atteint : il n'y a pas, à ma connaissance, de chlordécone dans la banane, pas plus que dans les arbres fruitiers – je vous invite à interroger le CIRAD. En revanche, les cultures très sensibles – tubercules et racines – sont fortement affectées. Les cultures dites « intermédiaires » – telles les concombres, salades et tomates –, pour leur part, peuvent toucher le sol. Autrement dit, ce qui est vraiment dans le sol est contaminé, ce qui est très au-dessus ne l'est pas, et ce qui peut être au contact du sol est susceptible d'être partiellement touché. S'agissant des racines et des tubercules, l'objectif zéro chlordécone ne peut être poursuivi, à mon sens, que si on travaille sur des sols – c'est une lapalissade – qui ne sont pas du tout chlordéconés. Envisager un tel résultat sur des sols même faiblement contaminés relève de la gageure. Même avec les techniques ISCR, on ne peut retirer, au mieux, que 70 % de la molécule, et ce, dans les sols du sud – dans les sols du nord, cette part ne saurait excéder 20 %. Les techniques de séquestration, quant à elles, ne peuvent pas tout résoudre, puisque les taux de transfert ne sont divisés que par deux ou trois. S'agissant de l'utilisation des bactéries, pour le moment, nous ne disposons pas véritablement de technique applicable, même si des pistes pourraient se dégager à l'avenir.
La difficulté tient au fait qu'on ne trouve pas de sols préservés dans le nord. Il y a quelque temps, je me trouvais au Morne-Rouge. J'y ai vu des agriculteurs travailler très proprement et sachant ce qu'ils peuvent cultiver, compte tenu de la contamination de leurs parcelles. Il me paraîtrait regrettable qu'ils ne puissent pas obtenir le label « zéro chlordécone ». Mais pourra-t-on le leur attribuer, puisque leur sol est contaminé ? Ils risquent d'être ostracisés par rapport à d'autres, qui en bénéficieront. Cette question n'est évidemment pas de mon ressort, mais j'exprime mon sentiment de citoyen vivant en Martinique.