Si je peux me permettre, Madame la directrice, vous avez, à plusieurs reprises, parlé de personnes en situation irrégulière. D'où tenez-vous cela ? Qui vous a donné cette information ? Comment pouvez-vous le quantifier ?
Il y a certainement des personnes en situation irrégulière en Martinique ou en Guadeloupe, mais pas dans des proportions telles que vous puissiez réduire à cela la vie locale de tous les agriculteurs locaux. Je sais que vous n'avez pas dit cela, mais cela pourrait être interprété de la sorte. Ce n'est pas exact, il faut donc lever cette inexactitude.
Nous accueillons en Martinique des étrangers d'origine haïtienne, sainte-lucienne ou dominicaine. Nombre d'entre eux sont, il est vrai, des exploitants agricoles, mais en situation régulière. Puis, certains aussi sont en situation irrégulière. Nous avons aussi l'arrivée de produits non contrôlés des îles voisines qui, parfois, sont vendus sur les routes. Donc, il ne faut pas donner le sentiment que, comme il existe des situations irrégulières, vous ne pouvez pas contrôler et que c'est ce qui motive l'organisation.
Mais j'ai bien compris votre propos et, personnellement, je trouve votre message très positif. Vous dites clairement, premièrement, que vous orientez vos contrôles vers le secteur informel. Puis, à la question de nos collègues concernant les moyens que vous vous donnez pour le faire – même si, de notre point de vue, vous conservez les principes de fonctionnement classiques de contrôle, cela n'ira pas très loin – vous avez répondu, deuxième bonne nouvelle, qu'il fallait relier l'action de contrôle aux actions de sensibilisation et de médiation. C'est très bien.
Le Président de la République a donné une très bonne orientation, celle d'aller sur le circuit informel. Mais le problème est qu'il l'a fait dans le vide, puisque vous ne cohabitez pas, tous les éléments ne s'imbriquent pas dans une stratégie territoriale. Vous faites votre travail, la police fait le sien, les médiations n'existent pas. La teneur en pollution des sols n'est pas détectée dans sa totalité, les pratiques culturales ne sont pas connues, les parcelles à morne, plates ou de fond de ravine ne sont pas identifiées. La nature du sol n'a pas fait l'objet de mesures, nous ne savons toujours pas quels types de sol connaissent la pollution la plus rémanente.
Nous découvrons que cette question suscite de très bonnes intentions, y compris présidentielles, inapplicables et inefficaces tout simplement parce que le travail se fait en silo, pour reprendre la figure employée par Madame Annie Chapelier. Ne le prenez pas mal, cette remarque ne s'adresse pas particulièrement à vous.
Voilà ce que nous ressentons, et cela peut encore durer quarante ans, et nous aurons perdu 87 ans. Donc, franchement, que représentent 7 % des sols ? En Martinique, nous comptons 24 000 hectares de surface agricole utile (SAU) : 12 000 hectares sont pollués, soit la moitié de la surface agricole du pays. Nous sommes condamnés à l'importation. Si nous n'entrons pas dans un véritable processus, c'est la fin !
Mes paroles s'adressent aussi aux acteurs locaux, notamment aux institutions locales qui auraient pu vous accompagner dans un processus d'appropriation du mal pour en faire un bien. Nous pourrions peu à peu aller vers une mutation agricole puissante qui nous permette de traiter enfin la question de la production endogène. Nous sommes extrêmement légers sur cette question, car c'est bien la production endogène qui est condamnée par le chlordécone. Ce n'est pas la banane, qui continue à prospérer ; ce n'est pas la canne à sucre, ce n'est pas le rhum, qui continue aussi. Le chlordécone ne monte pas au cocotier… dans les bananiers ! (sourires.) C'est un drame parce que ceux qui l'ont utilisé ne sont pas ceux qui en subissent les dommages. C'est une injustice impressionnante. Cette question du chlordécone est, pour moi, une injustice. Ce qui s'est passé s'est passé, mais c'est une injustice pour ceux qui en subissent le préjudice sans en être à l'origine.