La réunion

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Jeudi 11 juillet 2019

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

Présidence de M. Serge Letchimy, président de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat, procède à l'audition de Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Mme Annick Biolley-Coornaert, sous-directrice « Produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires », M. Loïc Tanguy, directeur de cabinet de la DGCCRF, M. Benoît Ginestet, rédacteur au bureau « Marchés des produits d'origine végétale et des boissons », et M. Emmanuel Large, chef du bureau « Marchés des produits d'origine végétales et des boissons ».

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Je remercie les parlementaires pour leur présence : Madame Ramlati Ali ainsi que Madame Justine Benin, toujours présente en raison de l'obligation qui est la sienne en tant que rapporteure, mais bienvenue également à Madame Annie Chapelier, à Madame Hélène Vainqueur-Christophe qui est toujours présente, et à Madame Josette Manin.

Nous recevons aujourd'hui Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Elle est accompagnée de Mme Annick Biolley-Coornaert, sous-directrice « Produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires », de M. Loïc Tanguy, directeur de cabinet de la DGCCRF, de M. Benoît Ginestet, rédacteur au bureau « Marchés des produits d'origine végétale et des boissons » et de M. Emmanuel Large, chef du bureau « Marchés des produits d'origine végétales et des boissons ».

Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Pour votre information, mais cela a son importance, ces auditions sont publiques, retransmises sur le canal de l'Assemblée nationale, et consultables sur son site vidéo. C'est d'ailleurs très bien : premièrement, c'est en direct si la commission décide que ses auditions seront retransmises – ce qui est généralement le cas ; deuxièmement, cela permet également à la population de suivre les débats.

Je vais vous donner la parole. Je suppose que Mme Virginie Beaumeunier dira quelques mots au nom de la DGCCRF durant cinq à dix minutes. Mais permettez-moi auparavant de vous rappeler que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à prêter serment.

Mme Virginie Beaumeunier, M. Loïc Tanguy, M. Benoît Ginestet, M. Emmanuel Large et Mme Annick Biolley-Coo prêtent successivement serment.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

En introduction, je rappellerai simplement que DGCCRF est une direction du ministère de l'Économie et des finances, chargée notamment de la régulation et du bon fonctionnement des marchés. À ce titre, elle veille au respect de la loyauté de la concurrence, à la protection économique des consommateurs ainsi qu'à la sécurité des consommateurs et à la conformité des produits de consommation.

Pour vous donner quelques exemples de notre activité apparus dans l'actualité récente, nous sommes intervenus sur la malheureuse affaire des steaks hachés destinés aux associations caritatives, sur un dossier d'assurance en matière d'appareil de communication, sur un dossier de « francisation » de kiwis italien ou encore en matière de démarchage à domicile dans le secteur de l'énergie. Cela vous donne un aperçu du panel de nos activités.

Notre direction générale est représentée dans les territoires, au niveau des régions, dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et, dans les départements et régions ultramarines dans les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE) et, au niveau départemental en Hexagone, dans les directions départementales de protection de la population ou dans les directions départementales de cohésion sociale et de protection des populations.

Notre direction générale comprend, en outre, plusieurs services à compétence nationale, dont le service commun des laboratoires qui est un réseau de onze laboratoires d'État – dont un situé en Guadeloupe ; service commun à la DGCCRF et à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Nous avons un certain nombre de missions dans le contrôle des résidus de pesticides. Je vais toutefois vous préciser d'emblée le périmètre de notre mission : en effet, même si la DGCCRF se préoccupe depuis très longtemps du sujet du chlordécone, nous n'intervenons pas dans l'évaluation, l'autorisation ou le retrait d'autorisation des produits phytopharmaceutiques. Ces procédures relèvent d'autres services administratifs, qui ont eu ou auront, je pense, l'occasion de vous les présenter plus en détail. En revanche, la DGCCRF intervient en matière de contrôle des résidus de pesticides sur les denrées alimentaires d'origine végétale qui sont mises sur le marché. Le contrôle des résidus de pesticides dans les denrées d'origine animale et dans les productions agricoles avant la récolte relève de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture.

Nos contrôles ont, dans ce cadre, vocation à s'assurer que les produits d'origine végétale qu'achètent les consommateurs, quelle que soit leur origine, ne contiennent pas plus de résidus de pesticides que la limite maximale réglementaire, ou LMR. Ces LMR sont généralement définies au niveau européen.

Nos contrôles en matière de résidus de pesticides s'effectuent, chaque année, conformément à un plan de surveillance. Un plan de surveillance est un ensemble de contrôles non ciblés, un peu à vocation statistique, de couverture, afin de donner une photographie du marché des produits alimentaires en circulation. Nous mettons aussi en place des plans de contrôle. C'est légèrement différent dans la mesure où ces plans de contrôle sont plus ciblés, c'est-à-dire que nous définissons ce que nous allons contrôler à partir d'une analyse de risque. C'est le cas, par exemple, en fonction des constats effectués sur telle ou telle denrée végétale, l'année précédente.

Sur l'ensemble du territoire français, quelque 5000 prélèvements sont effectués chaque année, et plus de 470 substances sont recherchées par nos laboratoires du service commun des laboratoires.

Pour ce qui concerne les résidus des deux matières actives qui intéresse plus particulièrement votre commission d'enquête, s'agissant du paraquat, dans la mesure où l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), aujourd'hui l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), avait conclu, dans un avis du 2 juillet 2008, qu'il n'y avait pas de risque de migration vers les végétaux cultivés sur des sols éventuellement contaminés par ce produit, il n'a pas été estimé nécessaire de mettre en place un plan de contrôle dédié au paraquat.

En revanche, s'agissant du chlordécone, l'action de la DGCCRF s'inscrit de longue date dans le plan interministériel de contrôle du chlordécone, compte tenu de la rémanence de ce produit dans le sol et de la contamination des denrées que cette rémanence peut occasionner. Depuis plus de quinze ans, nous réalisons des contrôles de résidus de chlordécone dans les denrées végétales, en ciblant les produits les plus sensibles, à savoir principalement les légumes racines, les tubercules et certains légumes en contact direct avec le sol. Ces contrôles sur les résidus de chlordécone ont pu représenter jusqu'à 10 % de l'ensemble des contrôles de résidus de pesticides sur toute la France. Depuis 2017, nous renforçons nos contrôles sur les circuits informels, dans la mesure où c'est sur des circuits de ce type de commercialisation que les risques de non-conformité sont les plus élevés. Ces contrôles sont plus complexes à réaliser. Ils sont un peu moins nombreux. Mais nous avons prévu une montée en puissance dans l'actuel plan de contrôle du chlordécone.

À la suite de la publication de l'avis de l'ANSES de décembre 2017, qui identifie un risque de surexposition des consommateurs qui s'approvisionnent en circuit informel et, dans le cadre de la feuille de route 2019-2020 du troisième plan interministériel chlordécone, nous nous sommes engagés à renforcer la surveillance des circuits informels, avec un objectif de réalisation de cent contrôles dans ce type de circuit pour l'année 2019. Cela représente un tiers des contrôles totaux sur le chlordécone.

Ces contrôles sur le circuit informel couvriront non seulement les ventes en bord de route, mais également les marchés ou les supérettes, où l'absence de traçabilité – en particulier, l'absence de factures – peut laisser soupçonner la non-conformité des denrées. Les contrôles effectués auprès du circuit formel ou informel s'accompagnent, le plus souvent, de prélèvements qui donnent lieu à une analyse qui est effectué par notre laboratoire de Jarry, situé en Guadeloupe. À ce jour, 243 prélèvements ont déjà été réalisés en 2019, sur lesquels neufs se sont révélés non conformes.

Nous conduisons donc ces contrôles de nature répressive, du moins contraignante. Mais nous sommes également engagés à mener des actions de sensibilisation auprès des collectivités territoriales afin de les informer sur la réglementation applicable, par exemple en matière de ventes au déballage, puisque c'est le maire qui détient une compétence pour autoriser ces ventes.

Voilà donc, monsieur le Président, dans une première présentation, ce que je souhaitais déjà vous apporter comme informations. Naturellement, nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

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Mesdames et messieurs, s'agissant de la fin de l'utilisation du chlordécone, disposez-vous de données d'utilisation du chlordécone avant et après son interdiction ? Comment se sont opérés les contrôles ? Quels services étaient alors compétents ? Comment ont été gérés les stocks de produits ?

Par ailleurs, à votre connaissance, certains agriculteurs ont-ils encore des stocks de chlordécone ? Et quels sont les pays utilisateurs de chlordécone dans le monde ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Avant l'interdiction, par définition, il n'y avait pas de contrôles puisque c'était autorisé. Nous n'étions donc pas compétents sur ce sujet.

En revanche, disons – même c'est déjà un peu ancien, j'ai essayé d'interroger la mémoire de la DGCCRF – que, dès la fin des années quatre-vingt, la DGCCRF plaidait pour une interdiction du chlordécone. Mais, comme je vous l'ai dit dans mon propos introductif, cela n'était pas de notre compétence.

En revanche, au moment de l'interdiction, la DGCCRF a effectué des contrôles pour vérifier que cette interdiction était bien respectée. Ces contrôles ont eu lieu dans les années 1994 et 1995. Au début, il y a eu quelques constats de poursuite de présence sur le marché de chlordécone. Nous avons, à l'époque, transmis un certain nombre de procès-verbaux contre un vendeur importateur et les principaux acheteurs du produit – qui avaient donc importé et acheté du chlordécone après le 30 septembre 1993, date de son interdiction définitive. Initialement, le parquet n'a poursuivi que l'importateur mais, en 2002, le juge a rendu une ordonnance de non-lieu puisque nombre de faits étaient prescrits.

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Pouvons-nous avoir accès à ces documents ? Nous souhaitons les avoir.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Vous souhaitez avoir les procès-verbaux.

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Pas maintenant, mais il conviendrait de nous les communiquer.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Nous vous les ferons parvenir, dans une version propre, car j'ai ici ces informations sur un document.

Donc, à partir de 2002, nous avons engagé des contrôles sur les résidus de pesticide. Depuis maintenant quinze ans, nous procédons donc à des contrôles. Comme je vous l'indiquais, sur les circuits formels, les taux de conformité sont très élevés. Ils atteignent 99 % à 98 %. Nous avons plus d'inquiétudes sur les circuits informels, mais nous pourrons vous donner des chiffres détaillés sur les contrôles depuis toutes ces années.

À notre connaissance, puisque nous ne faisons pas de contrôles dans les exploitations, il n'y a plus de chlordécone stocké dans les Antilles.

Quant aux pays qui en utiliseraient encore, je pense que l'usine située aux États-Unis qui en fabriquait est fermée depuis très longtemps. Je ne sais pas si nous avons connaissance de pays qui l'utiliseraient encore. Nous allons rechercher.

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Pourriez–vous notamment nous donner le nom de l'entreprise, contrôlée en 1994 et 1995, qui aurait fait des importations après 1993 ? Vous avez parlé d'un constat et d'une procédure lancée concernant une entreprise. De quelle entreprise s'agit-il ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

L'entreprise Cottrell SA de Lagarrigue. En fait, il y a deux noms, mais je pense qu'il s'agit d'une seule entreprise, installée en Martinique.

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Merci de ces éclaircissements. Peut-être l'avez-vous dit, mais je n'ai pas bien saisi si, lors de vos contrôles dans les circuits formels, si vous avez détecté des traces de chordécone sur les légumes que vous avez contrôlés ?

S'agissant des circuits informels, vous avez parlé de neuf prélèvements non conformes sur 243 prélèvements. Lorsque vous parlez de prélèvements « non conformes », cela signifie-t-il que vous avez retrouvé du chordécone dedans ? Ou les prélèvements n'étaient-ils pas bons ? Je n'ai pas très bien compris.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Les 243 prélèvements analysés cette année concernent l'ensemble des circuits.

« Non conformes » signifie effectivement que le taux de résidus du produit est supérieur à la LMR. En conséquence, ces produits ne devraient pas se trouver sur le marché.

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D'après le site internet de la DGCCRF, en cas d'infraction, cette dernière a le pouvoir de dresser des procès-verbaux et de les transmettre à la justice pour d'éventuelles sanctions. Elle est aussi dotée de pouvoirs de police administrative et délivre des injonctions pour prévenir du risque et mettre fin à des situations à risque.

Tout d'abord, afin de préciser tout cela, pouvez-vous m'indiquer la qualité des instances habilitées à relever ces infractions commises ? La DGCCRF est, bien évidemment, concernée au premier chef, mais d'autres instances sont-elles également habilitées à procéder à des contrôles en la matière ?

Ensuite, combien d'infractions ont été relevées depuis l'interdiction du chlordécone ? Il me semble que vous y avez répondu, mais je n'en suis pas certaine.

Enfin, présumant que des infractions ont été relevées – ce que vous indiquiez en disant que certains relevés n'étaient pas conformes –, quelles sanctions ont été retenues par les tribunaux ?

Dans votre propos liminaire, vous disiez que les contrôles de résidus sur les produits les plus sensibles, tels que les légumes racines, représentaient 10 % des contrôles réalisés sur toute la France. Disposez-vous du pourcentage du nombre de contrôles spécifiques à la Guadeloupe et à la Martinique ? Je suppose qu'il est identique, mais je souhaiterais que vous précisiez ces chiffres.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

S'agissant des services habilités autres que le nôtre, il y a la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture, mais elle effectue des contrôles à la production, c'est-à-dire chez les exploitants agricoles. Pour notre part, nous intervenons lorsque les produits sont mis sur le marché. Le ministère de l'Agriculture intervenant avant la mise sur le marché. Puis, comme je disais, le ministère de l'Agriculture intervient aussi sur les denrées animales : viande, poissons, produits laitiers, etc. Il y a donc un partage de compétences de manière à ce que les moyens de l'État soient employés au mieux.

Quant aux suites qui peuvent être données, il peut y avoir des procès-verbaux, de nature pénale, ou des injonctions de remise en conformité. Dans ce domaine, il n'est pas possible de remettre en conformité ; dans la mesure où l'on ne peut pas faire changer le comportement de l'entreprise, nous dressons plutôt des propos verbaux, car les produits ne devraient pas être mis sur le marché. En général, on utilise des mesures de police administrative lorsque le professionnel peut changer son comportement et remédier aux dysfonctionnements constatés. Mais en l'occurrence, le sol est contaminé, les produits sont au-dessus des LMR ; le produit ne peut donc pas être présenté sur le marché.

Les 10 % de contrôle signifie en fait que 10 % des contrôles de pesticides sont consacrés au chlordécone, à la fois à la Guadeloupe et en Martinique. La répartition entre les deux territoires, en nombre d'échantillons, est quasi identique. Pour vous donner quelques exemples, en 2018, 156 échantillons étaient analysés en Guadeloupe et 267 en Martinique. Cette année-là, l'écart est important. Mais en 2017, les chiffres étaient de 161 à la Guadeloupe et 150 à la Martinique.

Sur les cinq dernières années, les taux de conformité étaient de 99,2 % en 2014, 99 % en 2015, 98,1 % en 2016, 97,8 % en 2017 et 93,2 % en 2018. Il ne faut pas en conclure que la situation se dégrade. La baisse du taux tient aussi au fait que nous ciblons mieux nos contrôles. Dans la mesure notamment où nous augmentons leur nombre sur le circuit informel, il est probable que ce taux de non-conformité augmente.

C'est aussi la raison pour laquelle le nombre d'échantillons diminue sur la période puisque, comme je le disais, nous réduisons légèrement nos contrôles sur le circuit formel puisque, globalement, nous savons bien le maîtriser. Il n'y a plus trop de problèmes. En revanche, nous renforçons nos contrôles sur le circuit informel, mais nous réalisons moins de contrôles en volume, car ce sont des contrôles plus compliqués, qui requièrent plus de temps.

Il faut savoir que nous devons faire des prélèvements et des analyses pour vérifier si ces résidus sont présents. L'analyse demande trente-huit jours. Même si elle se fait en Guadeloupe et si nous n'avons plus le problème du transfert vers l'Hexagone, ce sont des analyses qui prennent un peu de temps. La difficulté avec le circuit informel, c'est que, normalement, nous consignons les produits chez le professionnel le temps de faire les analyses. Les produits doivent donc rester chez lui et il n'a pas le droit de les mettre en vente le temps de l'analyse. Mais lorsqu'il s'agit d'un vendeur en bord de route, la consignation n'était pas possible.

Donc, lors de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, promulguée le 30 octobre 2018, a été votée une disposition qui nous permet de consigner les produits dans un local que nous définissons. Cela peut être le local de l'administration. Ainsi, nous prenons les produits du vendeur informel et nous les entreposons dans un local de l'administration en attendant de savoir s'ils sont conformes. Si tel est le cas, ils seront rendus. La difficulté est que, sur certains produits, comme les fruits et légumes, un délai de trente-huit jours peut être trop long qu'ils restent commercialisables et consommables.

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Députée de la Guadeloupe, j'aimerais revenir sur la période post-interdiction parce que je pense que vous n'avez répondu que très partiellement aux questions de la rapporteure. À propos des mesures prises pour la cessation de la commercialisation, vous avez parlé d'un PV concernant un certain importateur, mais qu'en est-il la cessation d'utilisation ? Des contrôles ont-ils été faits dans ce sens puisque, à la date du 30 septembre 1993, nous savons que des planteurs avaient des reliquats de stocks chez eux. L'État, vos services, ont-ils pris des mesures pour que ces stocks soient véritablement détruits ? Quelles étaient les procédures ? Y a-t-il eu des contrôles de la destruction de stocks ? Si vous avez connaissance de l'existence de tels contrôles, pouvez-vous transmettre à la commission les documents administratifs qui s'y réfèrent ?

Il a également été question de stocks enfouis après l'interdiction. Avez-vous eu connaissance de l'enfouissement de stocks ? Des mesures ont-elles été prises dans ce cadre ?

Nous cherchons à établir véritablement et exactement ce qui s'est passé sur les stocks et reliquats de stock chez les agriculteurs, chez ces utilisateurs après l'interdiction. Quels contrôles véritables sur la destruction de ces stocks l'État a-t-il effectués ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je ne peux pas répondre à votre question, parce qu'il s'agit là du contrôle à la production, donc chez les exploitants agricoles. Il faudra poser la question au ministère de l'Agriculture. Pour notre part, nous n'intervenons que sur les produits mis sur le marché. Le contrôle des stocks chez l'agriculteur ne relève pas de la DGCCRF.

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Madame la directrice générale, je pense que Mme la rapporteure va revenir sur votre réponse et sur cette période de la gestion des stocks post-1993.

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J'y reviens effectivement parce que, quand vous nous avez dit que vous alliez rechercher la réponse, j'ai cru que vous alliez nous l'apporter, et il est vrai que votre réponse a été très partielle.

Par ailleurs, vous avez affirmé que la DGCCRF plaidait depuis un certain temps pour arrêter la production. J'aurais aimé savoir comment elle plaidait. Avez-vous des documents à ce sujet, des courriers ? Pouvez-vous nous expliquer comment vous aviez plaidé – je reprends vos termes – pour arrêter l'utilisation du chlordécone ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Si vous permettez, puisque vous m'avez posé la question, je voulais dire que c'est très ancien maintenant. Je n'étais pas là à l'époque et beaucoup de personnes en poste aujourd'hui à la DGCCRF n'ont pas connu cette période. J'ai donc essayé de retrouver des personnes, et c'est tout ce qui m'a été dit. À l'époque, mais c'est traditionnel à la DGCCRF puisque la protection du consommateur est notre coeur de métier. Donc, je suppose que cela a été la position à l'époque, car on sait que les pesticides peuvent avoir des effets. Mais je ne peux vous en dire plus. J'imagine que cela a fait l'objet de discussions interministérielles.

C'est tout ce que je peux vous dire, parce que c'est trop ancien. Nous n'avons pas d'archives sur ce sujet et, je le redis, ce n'était pas de notre compétence. L'évaluation des pesticides et leur autorisation n'étaient pas de la compétence de la DGCCRF.

Ce sur quoi nous recherchions une réponse était de savoir si d'autres pays l'utilisaient, puisque vous nous aviez interrogés à ce sujet. Mais nous n'avons pas la réponse ici, nous pourrons vous l'apporter par écrit.

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Madame la directrice, en 2002, 1,5 tonne de patates douces ont été trouvées. À mon avis, la DGCCRF a dû intervenir. Ce ne sont pas les services en Martinique, mais ceux de Dunkerque, dans votre même institution, constatant que ces patates douces étaient imbibées de chlordécone. Ce chlordécone dans les patates douces ne datait pas de 1990, mais de l'année, car les patates ont une durée de vie courte. Quel est votre sentiment ? Une expertise a-t-elle été réalisée par la DGCCRF ? Une procédure a-t-elle été lancée ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

En 2002, notre service de Martinique a signalé qu'une cargaison de patates douces susceptible d'être contaminée arrivait à Dunkerque. La direction de Martinique a prévenu les collègues du Nord, et les services du Nord sont intervenus au moment de l'importation. Nous avons refait des analyses qui confirmaient qu'effectivement, les seuils étaient dépassés. Il n'y a pas eu de procédure puisque le responsable de l'entreprise concernée a pris l'initiative de détruire le lot. Les patates douces dont le niveau de contamination était supérieur à la LMR ont été détruites.

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Lorsque les produits dont la LMR en chlordécone arrivent, qui intervient pour les contrôler ? Vous dites que cela n'est pas de votre compétence.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Si.

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De qui est-ce la compétence : les douanes ? Lorsque les produits arrivent par avion ou par bateau, ils sont dédouanés. Des documents de dédouanement sont présentés. Vous dites clairement qu'en 1994 et en 1995, soit un à deux ans après l'interdiction, un importateur a été poursuivi. Vous jouez un rôle dans cette affaire, car vous déterminez si ces produits peuvent ou pas entrer.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

La DGCCRF n'intervient pas à l'entrée, mais sur le marché. Nous pouvons nous rendre dans les entreprises leur demander des justifications. Nous avons donc constaté qu'il y avait du chlordécone – à l'époque, le nom commercial était le Curlone – chez cet importateur. C'est pour ça que nous avons poursuivi.

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Vous n'avez pas constaté d'utilisation de chlordécone chez d'autres importateurs ou d'autres utilisateurs ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Comme je disais, c'est ancien. Nous avons seulement retrouvé dans nos archives des documents dont l'information avait, de plus, été donnée lors d'une commission parlementaire de 2005.

C'est donc cette information que nous avons retrouvée. À l'époque, cela avait donné lieu à neuf procédures contentieuses contre le vendeur importateur – l'entreprise que je vous ai citée – et les principaux acheteurs de ce produit.

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Excusez-moi, j'ai un problème.

Vous dites que l'affaire est ancienne. Je comprends que vous et les personnes autour de vous n'étiez pas là. Mais ôtez-moi d'un doute : vous avez tout de même des archives ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

C'est ce que nous avons retrouvé.

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C'est ce que vous avez trouvé dans le rapport Beaugendre et Edmond-Mariette, mais vous avez des archives. La DGCCRF possède bien des archives. Même si vous n'étiez pas là, vous avez des archives. Donc, est-ce que vous pouvez consulter vos archives – ne pas me citer le rapport Beaugendre, auquel nous avons accès – et répondre à la question de Madame la rapporteure ? Je ne vous demande pas le faire maintenant, mais nous faire une note d'une ou deux pages pour nous dire exactement ce qui s'est passé et ce que vous avez constaté à partir d'une analyse de vos archives.

Dans cette affaire, nous sommes confrontés à des archives qui disparaissent. Avez-vous des archives, ou ont-elles disparu comme celles du ministère de l'agriculture entre 1972 et 1989 ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

C'est ce que nous avons retrouvé. Nous allons vous transmettre les documents que vous nous avez demandés.

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Mais pas seulement ces documents. Pourriez-vous regarder dans vos archives et nous dire exactement ce qu'il en est durant cette période ? Car notre souci porte sur cette période post-1993. Notre souci est que cela devait s'arrêter en 1993 et que du chlordécone dans les patates douces a été retrouvé en 2002. Entre 1993 et 2002, quelques années se sont écoulées. Nous soupçonnons donc l'usage de stocks – mais il est tout de même assez bizarre que l'État accorde des autorisations d'écoulement de stock d'un produit jugé dangereux. Mais le soupçon que nous partageons est qu'outre l'écoulement de stocks, il y aurait aussi eu production de chlordécone. C'est ce qui nous importe.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

En réalité, si les sols sont contaminés, le chlordécone que nous avons retrouvé dans les patates douces est probablement dû à une contamination par les sols. Ce n'est pas forcément parce que du chlordécone aurait été utilisé. Le problème est qu'aujourd'hui, une partie des sols en Martinique et en Guadeloupe est contaminée au chlordécone, et ce pour des dizaines, voire des centaines d'années. Les résidus de chlordécone retrouvés aujourd'hui dans les fruits ou les légumes peuvent être liés à cette contamination des sols. A priori, ce n'est pas forcément en raison de l'utilisation du chlordécone.

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Revenons aux archives. Pourriez-vous nous faire une synthèse des archives nous permettant d'avoir des réponses précises sur les constats établis par la DGCCRF à partir de 1993 ? Car, malheureusement, les autorisations de prolongation en 1991 et 1992 seraient deux autorisations dites « légales ». Cela est constable moralement, mais elles sont dites légales. Donc, pourriez-vous nous transmettre une analyse de la période post-1993 et de tout ce que vous pouvez retrouver dans vos archives ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Oui, il n'y a pas de souci. Comme je vous l'ai indiqué, nous vous transmettrons les documents que nous avons sur cette période.

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Vous avez affiché des taux de conformité des contrôles de 97 %, 98 % et 99 % sur le circuit formel. Chez nous, en Martinique, mais je pense que Mme la rapporteure pourrait en dire autant de la Guadeloupe, la répartition entre réseau formel et informel est de l'ordre de 50 %. La consommation se fait, bien sûr, dans ce que vous appelez le circuit formel, c'est-à-dire dans les centres commerciaux dans la mesure où nous importons massivement. Nous consommons donc massivement par ce biais – ce qui est un drame pour nous aussi. Mais, en matière alimentaire – donc, pour le contrôle qui vous concerne –, 80 % de ce que nous consommons provient pour beaucoup du circuit informel : à la fois celui des marchés et des supérettes, mais aussi un peu en dehors des marchés. Je n'en sais rien combien cela représente précisément, mais beaucoup des denrées alimentaires proviennent du circuit informel. Il faut donc vraiment relativiser ces 90 % dont vous faisiez état. Si l'on intègre le circuit informel, ce n'est pas 90 %, mais bien moins puisque vous dites vous-même que vous ne contrôlez pas suffisamment le circuit informel.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Monsieur le président, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai effectivement dit que nous avions globalement de bons taux de conformité sur le circuit formel. C'est ainsi que je vous ai donné ces chiffres qui montraient que le taux de conformité baissait au fil des années parce que, justement, nous réorientions nos contrôles en tenant compte du mode de consommation que vous évoquez en Martinique et en Guadeloupe, qui accorde une certaine importance aux circuits informels.

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Notamment dans le nord de la Martinique, comme dans certaines régions en Guadeloupe, la consommation de légumes à partir de circuits informels est très importante.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

C'est pour cela que nous réorientons nos contrôles vers le circuit informel, donc sur les bords des routes ou dans de petites supérettes pour lesquelles nous n'avons pas la traçabilité des produits. En revanche, nous ne pouvons pas effectuer de contrôles, par exemple, au domicile des personnes. Si certains utilisent un potager personnel situé dans une zone contaminée, nous ne pouvons pas le contrôler, car nous n'avons pas le droit d'aller au domicile des personnes.

C'est la raison pour laquelle tout un travail est engagé parallèlement, par le biais d'une campagne de sensibilisation, afin de prévenir localement les personnes qu'elles doivent faire attention à leur consommation si leur terrain est contaminé. Cette action relève plutôt du ministère de la santé.

Parallèlement aussi, un travail de cartographie, qui ne dépend pas non plus de nous, est engagé afin de déterminer quelles terres sont contaminées.

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Pour bien contrôler le circuit informel – car il existe un circuit informel, communautaire, d'individu à individu, fondé sur les relations de voisinage – vous manque-t-il des moyens ? J'ai cru comprendre que vous n'avez pas suffisamment de moyens pour travailler sur le circuit informel.

Lorsque vous traversez les routes en Martinique, les gens qui vendent le long des routes sont visibles et connus. Les interroger, vérifier leurs produits et asseoir un contrôle de ce circuit informel est essentiel. Disposez-vous des moyens nécessaires et suffisants ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Comme je vous l'ai expliqué, il nous manquait un moyen juridique pour répondre au problème de la consignation des produits. Il vient d'être réglé par la loi EGALIM qui va nous permettre de consigner des produits dans des locaux de l'administration. Mais le contrôle demeure difficile parce qu'une partie des personnes, qui sont dans ce circuit informel, sont en situation irrégulière. Or nous ne pouvons donc pas engager de procédure pénale sur des personnes en situation irrégulière.

Nous effectuons des contrôles avec les comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF), qui permettent de disposer de l'aide de services de police ou de gendarmerie, car ces contrôles sont bien plus difficiles à mener. Souvent, quand ils vous voient arriver, les vendeurs sur le bord des routes se sauvent. Ils rangent leurs affaires. C'est donc plus compliqué. Pour autant, nous avons fortement augmenté la part des contrôles sur ce circuit informel.

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Permettez-moi de revenir à nouveau sur cette histoire de reliquat de stocks. Nous avons auditionné les services du ministère de l'agriculture, la DGAL. Nous avons également auditionné l'ANSES. Je leur ai posé la même question concernant le reliquat des stocks existants chez les utilisateurs en 1993, au moment de l'interdiction. J'ai l'impression qu'aucun service de l'État n'était responsable du contrôle et du devenir de ces stocks puisqu'ils nous ont renvoyés vers votre direction, affirmant que c'est la DGCCRF qui s'occupait des contrôles. Or je vous entends nous dire aujourd'hui – et je ne doute pas de ce que vous dites – que vous n'êtes pas en charge du contrôle des stocks et que vous ne faites pas de contrôles sur place, sur les sites de stockage.

Je voudrais donc savoir qui était chargé de ces contrôles et si, véritablement, l'État n'a pas été défaillant. Car lorsque vous interdisez un produit aussi dangereux que celui-là, que vous connaissez le nombre de tonnes de chlordécone qui ont été importées en Guadeloupe et en Martinique, il importe de savoir ce qu'il advient des stocks afin de parer à toute utilisation. Lorsque, en 2003, des tonnes de patates douces chlordéconées sont trouvées lors d'un contrôle, c'est peut-être encore lié à une utilisation de chlordécone et pas seulement à une production qui se poursuivrait sur des terres chlordéconées.

J'aimerais vraiment comprendre quel service de l'État était responsable du contrôle du reliquat des stocks existants chez les importateurs. Pour aller plus loin, si le glyphosate est frappé d'interdiction, quel service de l'État sera chargé de contrôler la destruction des stocks de glyphosate restants chez les agriculteurs ? Un service de l'État est-il en capacité de contrôler ces stocks ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Que les choses soient bien claires : la DGCCRF est compétente lorsque les produits sont mis sur le marché. Nous l'avons fait chez les importateurs ; c'est la raison pour laquelle nous avons engagé la procédure contre l'entreprise dont je vous parlais. En revanche, et cela vaut en Martinique, en Guadeloupe comme en métropole, nous n'effectuons jamais de contrôles chez les exploitants agricoles. Tant que le produit n'est pas sur le marché, ce n'est pas de la compétence de la DGCCRF. Ainsi, nous pouvons intervenir chez un négociant en vin ou sur la production de vin, mais nous n'intervenons pas dans les vignes.

En l'occurrence, le chlordécone était utilisé par les producteurs de bananes. Donc, si des stocks subsistaient chez les producteurs de bananes, il revenait au ministère de l'agriculture de contrôler. Je ne dénie pas notre responsabilité et notre pouvoir d'enquête sur les importateurs, et nous avons d'ailleurs contrôlé les importateurs. Visiblement, il n'y avait pas cinquante importateurs. Donc, celui qui en détenaitt, à savoir l'entreprise que j'ai citée précédemment, a été verbalisé par nos services. Mais, a priori, des stocks n'ont pas été retrouvés chez des importateurs. Si du chlordécone a été stocké dans les exploitations, il faut vraiment se tourner vers le ministère de l'agriculture.

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En préambule, vous avez spécifié que vous aviez un réseau commun de onze laboratoires. Comment se répartissent ces laboratoires entre la Guadeloupe et la Martinique ?

Vous disiez que les analyses ne s'effectuaient plus en Hexagone. Depuis quand ? À quelle date avez-vous commencé à les faire sur nos territoires ?

Vous avez également souligné que la loi EGALIM vous permettait de stocker des produits durant trente-huit jours. Je m'interroge sur ces trente-huit jours à propos de denrées périssables car cela ne me semble pas évident pour effectuer les différents contrôles.

Par ailleurs, vous parliez d'un taux de conformité de 99,98 % s'agissant du circuit formel. Nous aurions besoin de connaître le taux de conformité pour le circuit informel. Même si vous avez donné une ébauche de réponse en parlant de 243 contrôles, dont neuf non conformes, j'aurais aimé entrer dans le détail parce que, comme l'ont dit le président et d'autres collègues, le circuit informel représente la majorité des cas en Guadeloupe, tout comme en Martinique.

Dernière question de cette série, quel est le nombre de contrôleurs en Guadeloupe et à la Martinique ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

S'agissant des laboratoires, il en existe un en Guadeloupe qui intervient pour les deux départements et régions. Il y en a également un à la Réunion, les autres sont en Hexagone.

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Vous me dites bien que, sur le réseau des onze laboratoires, il n'en existe qu'un seul pour la Guadeloupe et la Martinique et que les dix autres sont situés en Hexagone ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Il y en a un à La Réunion. Il y en a donc neuf en Hexagone, un à la Guadeloupe et un à La Réunion.

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Ma question est la suivante, excusez-moi mais cela fait écho : cela signifie-t-il que le laboratoire de la Guadeloupe traite tous les contrôles à effectuer sur les produits et denrées de la Guadeloupe et de la Martinique ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Pas forcément, puisque le laboratoire de la Guadeloupe est maintenant spécialisé sur les contrôles concernant le chlordécone. C'est logique puisque ce n'est que dans les Antilles que le chlordécone a été utilisé. Auparavant, avant 2008, les prélèvements étaient envoyés au laboratoire de Massy, en région parisienne. Depuis 2008, le laboratoire de la Guadeloupe a compétence à la fois technique et juridique pour analyser les prélèvements sur le chlordécone.

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Ce laboratoire effectue-t-il tous les contrôles pour toutes les denrées de la Guadeloupe et de la Martinique ? Envoyez-vous des produits prélevés en Guadeloupe et en Martinique vers le réseau des dix autres laboratoires de l'hexagone et ou celui de La Réunion ?

Puis, sans faire de publicité, j'aurais aimé connaître le nom du laboratoire.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Tous les contrôles chlordécone se font au laboratoire de Jarry. En fait, ces onze laboratoires ont tendance se spécialiser de plus en plus, pour des raisons d'efficacité. Je n'ai pas la réponse immédiate, mais il est possible objectivement que, sur d'autres sujets que le chlordécone, des échantillons soient envoyés en Hexagone. Car cela dépend des spécialités de chacun. Y compris en Hexagone, certains laboratoires sont, par exemple, spécialisés sur les jouets, d'autres sur le vin et, même si l'échantillon est prélevé en Bretagne, par exemple, en fonction de la spécialisation des laboratoires, il peut être envoyé à Marseille ou à Lille.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Ils font partie d'un service commun, de compétence nationale, partagé entre la douane et la DGCCRF. Une unité de direction gère les onze laboratoires.

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Il s'agit donc d'une structure créée par l'État entre les deux grandes institutions que vous avez indiquées. Cela fonctionne bien ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Nous en sommes très satisfaits et, je crois, nos collègues des douanes également. Cela permet d'avoir une compétence propre à l'administration, notamment dans les cas de crise. L'avantage d'avoir des laboratoires intégrés aux deux administrations est qu'ils travaillent en permanence avec les enquêteurs pour améliorer les techniques d'enquête et d'analyse. Cela n'est possible que parce qu'il existe une proximité avec nos enquêteurs.

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Ces laboratoires ne pourraient pas obtenir une compétence pour l'analyse des sols ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je pense que c'est un métier particulier. C'est autre chose. Nous ne faisons pas de géologie.

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On pourrait imaginer des laboratoires similaires pour l'analyse des sols, compte tenu de la gravité de la situation, non ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je pense que des analyses sont faites par ailleurs, mais cela doit dépendre probablement du ministère de l'écologie.

Pour répondre aux questions de Madame la rapporteure sur les trente-huit jours. Cette durée est la durée d'analyse dans le laboratoire. Ce sont des techniques d'analyses particulières, qui supposent un certain temps parce que, souvent, il faut faire macérer les prélèvements. Je n'y connais pas grand-chose personnellement, mais il s'agit d'une durée incontournable.

S'agissant de nos effectifs, en Martinique comme en Guadeloupe, nous avons vingt-huit agents. Globalement, par rapport à la taille de la population, c'est un taux plutôt favorable puisque ces territoires rencontrent effectivement des difficultés spécifiques. Nous essayons donc de préserver les emplois localement.

Pour ce qui concerne spécialement le secteur des fruits et légumes, il y a trois agences spécialisées en Guadeloupe et deux en Martinique, auxquelles il convient d'ajouter un inspecteur technique inter-régional, qui couvre les Antilles et la Guyane.

Ces agents exécutent les contrôles en lien avec le laboratoire sur le chlordécone, mais aussi sur d'autres sujets concernant les fruits et légumes, que ce soient des sujets de sécurité ou de loyauté – le fait, par exemple, que les produits soient bien étiquetés et correspondent aux normes de commercialisation.

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Ils sont donc vingt-huit en Martinique, et vingt-huit en Guadeloupe, soit deux fois vingt-huit ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

C'est cela : deux fois vingt-huit pour les Antilles, Guadeloupe et Martinique.

Je n'ai pas répondu à votre question sur les chiffres détaillés entre circuit formel et informel. À ce stade, je n'ai pas encore les chiffres pour 2019, nous les aurons en fin d'année.

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Il nous importe d'avoir ces chiffres sur le circuit formel par rapport à l'informel, car vous connaissez la caractéristique de nos territoires quant aux vendeurs sur les routes.

Par ailleurs, si j'ai bien compris, ce réseau commun de onze laboratoires travaille sur le contrôle des résidus de pesticides. Nous l'avons bien noté les 470 substances recherchées. Donc, dans ce réseau, vous avez pu spécialiser un laboratoire à la Guadeloupe sur le chlordécone, un à la Réunion sur je ne sais quel autre pesticide et, un dans l'hexagone, les différents laboratoires travaillent sur différents pesticides. Est-ce bien cela ?

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Loïc Tanguy, directeur de cabinet de la DGCCRF

Nos laboratoires assurent tous nos contrôles. Les laboratoires de Marseille et Lille, par exemple, sont spécialisés sur les jouets. Quant aux pesticides, tous sont traités par les laboratoires soit de Massy soit de Jarry ; les deux s'occupent de tous les pesticides, dont le chlordécone. Il n'existe pas de spécification par pesticide, c'est du multi-résidus. Tous les pesticides sont traités comme une même spécialité. Puis, il y a des laboratoires qui ne contrôlent pas du tout de pesticide.

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C'est un aspect très important pour notre commission d'enquête dans la mesure où nous nous sommes heurtés à la difficulté de devoir envoyer les analyses hors des territoires de la Guadeloupe et de la Martinique. Nous nous sommes également parfois heurtés au coût des analyses. Il est donc important aujourd'hui pour nos populations de savoir que les analyses et la recherche de chlordécone sur les différents produits mis sur le marché, aussi bien sur les légumes que sur les fruits, peuvent se faire sur le territoire.

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L'orientation semble bonne, puisque ces analyses peuvent désormais se faire directement sur le territoire, dans un laboratoire spécialisé. Donc, si vous avez des analyses de pesticides à faire, il faut s'adresser soit à Massy soit Jarry. Pour les analyses sur le sang et sur les sols, ce n'est pas le cas. Nous n'en sommes pas à ce niveau d'organisation. Il est important de le préciser.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Ce sont des denrées animales. Il revient au ministère de l'agriculture d'assurer les contrôles.

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Ces contrôles ne sont certainement pas effectués chez nous.

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Tout d'abord, que pensez-vous de la demande de « zéro résidu » ?

Puis, comment est contrôlée la présence chlordécone dans les denrées alimentaires ? Vous avez commencé à donner les réponses, en nous indiquant où se situaient les laboratoires agréés.

Enfin, qui en supporte les frais ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

La demande de « zéro résidu de chlordécone » peut être considérée comme tout à fait légitime et la politique actuelle est d'ailleurs de tendre vers ce « zéro résidu de chlordécone ». Mais cela se fait progressivement. Dans un premier temps, l'objectif est de réduire le risque d'exposition de la population au chlordécone via l'alimentation. Pour ce faire, des contrôles sont effectués sur différentes denrées alimentaires produits. En outre, comme nous l'avons dit, une politique de sensibilisation a été engagée afin d'éviter que soient consommés des produits qui auraient poussé sur des terres contaminées. Il reste naturellement tout un ensemble de démarches et d'actions de l'État à développer.

Nous resterons également attentifs, puisque le contrôle de loyauté fait partie de notre métier, à ce que la mention « zéro chlordécone » ne soit pas affichée sur des produits si tel n'est pas le cas, car cela peut parfois arriver pour favoriser la vente de certains produits.

Quant au coût, il est de 290 euros par analyse. Mais il s'agit du budget du service commun des laboratoires, de la DGCCRF et du service commun des laboratoires (SCL). C'est donc l'État qui finance les contrôles.

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Et vous avez 243 prélèvements pour l'année ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Pour l'instant, pour cette année.

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Ma question va sans doute vous paraître candide, mais avez-vous une impression de déficience dans le fonctionnement de ce contrôle ? D'année en année, constatez-vous une diminution des limites de résidus dans vos prélèvements ? Ce mode de fonctionnement est-il efficace, correspond-il aux besoins ?

Votre mission est concentrée sur les produits végétaux. Il n'est pas de votre ressort de contrôler les produits d'origine animale. Parfois, sur les marchés le long des routes, du poisson est vendu en même temps que les produits agricoles. Vous ne contrôlez donc qu'une partie ? Cette pratique de contrôle en silo ne diminue-t-elle pas votre efficacité ?

Par ailleurs, vous avez indiqué que vous disposiez de vingt-huit agents en Guadeloupe et en Martinique. Ce nombre me semble élevé par rapport aux départements hexagonaux. Cela signifie que vous mettez en place un contrôle plutôt fort. C'est aussi la raison pour laquelle je vous demande si vous pensez que la méthode est réellement efficace, car il me semble que, malgré des moyens humains importants, les résultats demeurent, finalement, relativement opaques – et surtout, nous ne constatons pas de réelle amélioration dans les prélèvements réalisés d'année en année.

Ma question est sans doute candide, peut-être incisive. J'aimerais malgré tout avoir votre opinion à ce sujet.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Il faut appréhender les contrôles liés au chlordécone dans leur globalité. Le plan d'État visant à lutter contre ce fléau implique plusieurs services : ceux du ministère de l'agriculture, la DGCCRF, mais aussi ceux des ministères de l'écologie et de la santé. Vous dites que ce contrôle en silo peut être inefficace. Je pense, au contraire, qu'il ne s'agit pas d'un contrôle en silo, mais d'un contrôle en bonne coopération, puisque c'est le service le plus pertinent qui intervient dans tel ou tel domaine en fonction de ses compétences. À mon sens, c'est là un bon usage des deniers publics : les services vétérinaires, dont c'est le coeur de métier, traitent de ce qui relève de l'animal ; nous, qui sommes plus spécialisés dans le végétal et la loyauté, sommes chargés des contrôles en ces matières, sur lesquelles nous sommes les plus efficaces.

Il faut bien constater que des progrès ont tout de même été réalisés puisque les taux non-conformité sur le circuit formel sont aujourd'hui extrêmement bas. Cela témoigne d'une nette amélioration. Nous devons désormais, comme je l'expliquais, nous orienter vers le circuit informel. Mais outre les contrôles, il convient d'intégrer la dimension de sensibilisation de la population. Le programme JAFA, jardins familiaux, doit être associé à la cartographie des sols qui est en cours, pour que chacun sache si son terrain ou son potager est contaminé. S'il ne l'est pas, il n'y a aucune raison pour que ces personnes ne puissent pas continuer à produire leurs fruits ou leurs légumes.

De plus, la sensibilisation doit aussi porter sur des produits précis, car la migration du chlordécone n'affecte pas tous les types de produits. Certains sont plus sensibles. C'est la raison pour laquelle nos contrôles sont ciblés sur les légumes parce que c'est essentiellement ce qui pousse dans le sol ou ce qui touche le sol qui est contaminé.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Comme je vous l'ai dit, sur le circuit formel, oui. Il faut maintenant axer notre action sur le circuit informel, mais cela signifie d'engager un ensemble d'actions de contrôle, de sensibilisation et d'information sur la contamination des sols.

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Pour atteindre cet objectif d'aller vers l'informel, qui me semble extrêmement important, de quels moyens la DGCCRF a-t-elle besoin et quelles coordinations sont nécessaires ? Puisqu'il s'agit aussi de faire de la sensibilisation, de l'organisation, JAFA n'est qu'une étape. Que vous faudrait-il pour avancer sur ce terrain de l'informel, qui est le plus fragile ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Comme je vous l'ai expliqué, ces contrôles sont plus compliqués parce qu'ils peuvent parfois susciter une certaine violence. La coopération entre les services est donc nécessaire, notamment au sein des CODAF qui permettent d'intervenir à plusieurs services : nous, les services du ministère de l'agriculture, et les gendarmes ou la police selon les endroits.

Cela nous permet une coordination : si nous arrivons sur un bord de route où se vendent à la fois des légumes et du poisson, nous sommes à plusieurs et nous ferons les prélèvements et les contrôles en même temps, chacun dans son domaine de compétence. Les CODAF sont donc importants : soyons clairs, nous avons besoin d'être accompagnés de forces de police pour que le contrôle se déroule dans de bonnes conditions.

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Les zones interdites de culture sont-elles, à votre avis, respectées ? Comment les contrôles sont-ils effectués ?

Quelle est la problématique qui entoure l'usage du paraquat ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Pour ce qui est des sols, il m'est impossible de vous répondre puisque ce sujet concerne l'exploitation agricole. Cette question concerne le ministère de l'agriculture.

Pour l'usage du paraquat, en fait l'AFSSA à l'époque, qui est l'ANSES aujourd'hui, avait considéré que ce produit ne migrait pas dans les légumes. La problématique liée à ce produit concernait les travailleurs, mais pas le consommateur puisqu'il ne migre pas vers les produits. Dès lors que son usage est interdit, le risque n'existe plus. Ce risque a pu exister dans le passé pour les travailleurs. Mais cela relève de la compétence du ministère de l'agriculture ou du ministère du travail.

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Bien que je pense avoir la réponse, je pose malgré tout la question : comment sont effectués les contrôles pour le poisson que les Antillais, Guadeloupéens et Martiniquais, consomment ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je suis désolée, ce n'est pas nous qui nous en occupons. Comme je vous le disais, il arrive parfois que nous opérions ensemble, avec les services vétérinaires. Je suppose qu'ils font aussi des prélèvements, mais c'est à eux qu'il faut poser la question.

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C'est bien ce que nous disons depuis le début, et je reprends l'expression de silo utilisée par Madame Annie Chapelier. Comme elle le disait, même si je simplifie, ce sont des entonnoirs : l'un contrôle le poisson, même si le poisson est contaminé parce que la nappe phréatique qui s'écoule dans la mer l'est ; l'autre contrôle les denrées végétales. Une autre structure s'occupe du foncier et une autre encore conduit le programme JAFA et porte la sensibilisation de la population. Le patchwork est assez impressionnant.

C'est la raison pour laquelle je vous incitais à répondre à la question de savoir ce qu'il vous manquait. Vous avez répondu que les CODAF permettaient une coordination avec la partie policière, incitative. Mais cela vous satisfait-il ? Dans la mesure où 97 % des contrôles réalisés sur le secteur formel sont très satisfaisants et que 50 % de la consommation provient de ce secteur formel, vous avez le même effort à fournir sur le secteur informel, car nous partons de très bas sur le secteur informel. C'est capital et nous constatons, de fait, un manque d'efficacité dans cette superposition d'initiatives ou de réglementations.

Mais mon propos ne s'adresse pas particulièrement à vous, qui n'êtes qu'un maillon de la chaîne. Comment le programme JAFA serait-il efficace sans généralisation des prélèvements permettant de savoir quels sols sont pollués et quelle est la teneur de cette pollution ? C'est en le sachant qu'il sera possible de définir des politiques d'exploitation en lien avec l'imprégnation, ou pas, des terres. Aujourd'hui, seuls 7 % des terres ont été évalués en termes de pollution au chlordécone. Cette question ne concerne toujours pas la DGCCRF, mais cela montre bien qu'il existe un très grave problème de coordination globale et d'efficacité.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cela dure depuis quarante-sept ans. On peut s'en étonner, et cela engendre un malaise des populations qui considèrent qu'elles sont abandonnées et que rien n'est fait. Cela peut sembler vrai si l'on est dans cette non-coordination, et peut être considéré comme faux au regard des efforts fournis intrinsèquement par chaque structure. Car nous ne pouvons pas vous accuser de laxisme, pas plus que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) d'ailleurs. Mais quand nous additionnons le BRGM et vous, en effet, nous n'y comprenons pas grand-chose.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Si je peux me permettre, Monsieur le président, les plans chlordécone visent justement à coordonner l'action de l'État. Les préfets sont là, localement, pour coordonner les services de l'État, et ils le font. Mais vous comprenez bien que nous ne pouvons pas être compétents sur tout.

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Vous êtes à 8 000 km, à Paris, et le préfet est là-bas, complètement paumé.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Nous avons des services localement, qui sont placés sous l'autorité du préfet.

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Chaque service demande l'autorisation à Paris, à 8 000 km.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Non, Monsieur le président. Nos services sont sous l'autorité du préfet.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Localement, il est patron de la DIECCTE.

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Vous parlez de la DIECCTE, qui fait partie de DGCCRF. Mais ajoutée au BRGM et aux autres instances, permettez-moi de vous dire que cela crée une cacophonie. La coordination nationale par rapport à la commission locale. Vous ne pouvez pas contredire le fait que les premières sensibilisations datent de 2008, pour le premier plan chlordécone, alors que, si nous considérons la date de l'arrêt d'usage du chlordécone, le phénomène est connu depuis 1993. Le délai a été très long.

Donc, pensez-vous qu'il faille prévoir une nouvelle organisation ou l'organisation actuelle vous paraît-elle suffisante pour vous attaquer au secteur informel ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Comme je vous l'ai dit, il faut que nous soyons accompagnés par les services de police pour procéder à ces contrôles du circuit informel. Mais cela est suffisant ; le nombre de nos contrôles dans ce secteur augmente assez significativement, et nous nous organisons.

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Pourquoi n'envisagez-vous pas, par exemple, d'ajouter un plan de médiation pour vous accompagner ? Venir avec un policier ou un gendarme pour contraindre à des contrôles, vous avez raison, cela peut mal finir. JAFA, qui est une structure de médiation, ne pourrait-elle pas amplifier son action à vos côtés ? Ainsi, nous pourrions dans le même temps avoir une police de la nature et de l'alimentation et une incitation. Cela pourrait fonctionner, y compris en Hexagone. Les Martiniquais et les Guadeloupéens ne sont pas aussi fermés qu'on l'imagine ! Il est possible d'amplifier le programme JAFA sous l'angle de la médiation et de la discussion, parce qu'il est effectivement dangereux de produire sur des terres chlordéconées et parce que, parallèlement, nous accompagnons la population, y compris financièrement, pour la mutation agricole. Une telle proposition vous semble-t-elle intéressante ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Lors des contrôles sur le circuit informel, l'une des difficultés auxquelles nous nous heurtons est que nous sommes parfois face à des personnes en situation irrégulière. Or il n'est pas possible de poursuivre au pénal quelqu'un en situation irrégulière, qui n'est pas censé être sur le territoire.

Mais pour ce qui est de votre suggestion, si la médiation se révèle meilleure que l'intervention des services de police, pourquoi pas ? Tout ce qui peut nous faciliter les contrôles dans le circuit informel est intéressant. Personnellement, n'étant pas sur place, je ne saurais pas en juger ; il revient au préfet d'en décider. Mais pourquoi pas ? L'essentiel est que nous puissions exercer concrètement les contrôles, pour que cela se déroule du mieux possible et, comme vous le dites très justement, que la population soit sensibilisée au fait qu'il faut acheter ou consommer des produits cultivés sur des zones sûres, des sols sûrs. Une cartographie des sols est vraiment nécessaire pour que les personnes sachent si elles peuvent ou non cultiver tel ou tel produit sur leurs terres. L'action doit vraiment être globale.

Vous avez peut-être le sentiment que l'organisation de l'État est compliquée. Cette complexité tient au fait que nous ne pouvons pas être compétents dans tous les domaines. Chacun a son métier et ses spécialités. Contrôler est un métier. Les services vétérinaires sont compétents pour les animaux – c'est leur métier. Nous, nous sommes plus compétents pour les végétaux, et nous avons également des compétences en matière de lutte contre les fraudes. Il faut donc que les services de l'État travaillent ensemble, en une approche complète, multidimensionnelle, de contrôle et de répression mais aussi de sensibilisation et de pédagogie. C'est grâce à tout cela que nous parviendrons à un résultat.

Mais il est certain que cela demande un peu de temps. J'ai cependant le sentiment qu'il y a une réelle mobilisation. Le Président de la République a mis l'accent sur cette feuille de route, et les services de l'État sont bien mobilisés sur ce sujet. Mais cela prend du temps.

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En fait, nous essayons de vous dire, mais je ne veux pas parler au nom de mes collègues… disons que, pour ma part, je suis étonnée, lors des auditions, de constater que tout le monde paraît satisfait du fonctionnement actuel. Pourtant, face à un scandale comme celui du chlordécone, nous nous rendons compte que, s'il y a eu déficience des services de l'État, ce n'est pas dû à la mauvaise volonté de ces services, mais à un fonctionnement des services de l'État inadapté, qui n'a pas évolué face aux nouveaux scandales. Cela devrait alerter et aboutir à une remise en question de ces fonctionnements.

Ma question était donc la suivante : ne vous interrogez-vous pas sur votre propre fonctionnement ? Face à des problèmes comme celui du chlordécone, qui contamine une terre toute entière, et donc l'ensemble de la population, ne réalisez-vous pas que vos services de contrôle sont inadaptés face à l'ampleur du phénomène et qu'il faudrait sans doute évoluer vers un dispositif différent et ne pas se borner aux antiennes que nous entendons en permanence : il faut que nous nous cordonnions, que nous travaillions tous ensemble, tous dans la même direction. Peut-être faut-il remodeler certains éléments et travailler différemment ? S'agissant du secteur informel, il semble que la façon dont vous êtes actuellement structurés ne vous fournit pas les outils nécessaires pour pouvoir agir.

C'est donc une simple interrogation. Nous n'instruisons pas à charge contre vous, ni contre quiconque d'ailleurs. Nous sommes face à un scandale et cherchons des solutions qui, à mon avis, impliquent une profonde réforme, un profond changement d'appréhension des problèmes. Il ne s'agit pas de continuer à se reposer sur des services de l'État, dont nous entendons répéter à l'envi qu'ils sont formidables et que tout fonctionne bien. Certes, ils sont composés de personnes qui travaillent très bien, nous le savons, mais peut-être aussi sont-ils parfois inadaptés et faudrait-il les faire évoluer, changer.

Ma question est la suivante : que faudrait-il faire au sein de votre service proprement dit, sans attendre la sensibilisation de la population et tout le reste, mais que faudrait-il de manière interne, si je puis dire ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Tout d'abord, les services de l'État agissent dans le cadre des objectifs politiques qui sont fixés et des décisions politiques qui sont prises. En l'occurrence, il nous a été demandé d'axer nos contrôles sur le circuit informel. Nous le faisons.

Nous nous sommes toutefois rendu compte, comme je vous l'ai expliqué, que nous rencontrions des difficultés à propos des consignations. Nous avons donc demandé une modification des textes afin de pouvoir consigner les produits ailleurs que chez le professionnel, ce qui n'avait pas de sens pour un vendeur de bord de route. Nous commençons aujourd'hui à utiliser ce nouvel outil.

En termes d'organisation, quelle est la question : augmenter les effectifs de l'État sur place ?

S'agissant de personnes en situation irrégulière, il existe aussi une politique conduite par l'État de contrôle des étrangers en situation irrégulière, qui n'est de la compétence de la DGCCRF. Personnellement, je ne sais pas ce qu'il faut faire. Je dis seulement que, si l'objectif qui nous est fixé est de procéder à des contrôles sur les circuits informels, nous devons avoir les moyens de consigner les produits, afin de les sortir du circuit tant que nous ne sommes pas sûrs qu'ils ne dépassent pas les LMR et qu'en la matière, nous disposons désormais des moyens juridiques nous permettant de le faire. Il faut également que nos agents soient en mesure de pratiquer les contrôles en toute sécurité. Pour cela, ils doivent être accompagnés des services de police et, pourquoi pas, Monsieur le président, par des services de médiation, si cela peut aider.

Quoi qu'il en soit, les règles s'imposent : nous ne pouvons pas faire de contrôles au domicile des personnes. Ce serait une atteinte à la vie privée et nos services d'enquête n'ont pas cette prérogative en raison de la protection des droits individuels des personnes.

En termes d'organisation, je ne sais pas si des changements sont à apporter. Ce n'est pas parce que nous ferons du mécano administratif que nous contrôlerons mieux le circuit informel. Pour travailler sur le circuit informel, nous avons besoin de moyens d'action, de protéger nos agents, donc de moyens de police, etc. Franchement, je ne pense pas qu'il faille inventer une nouvelle organisation des services de l'État pour contrôler les circuits informels. Que les services méritent d'être améliorés, pourquoi pas, mais cette crise du chlordécone n'est pas qu'un simple sujet de contrôle. Le sujet est bien plus global incluant, outre les contrôles, la cartographie des terres et la sensibilisation de la population. Malheureusement – et nous ne pouvons que le regretter –, les sols sont contaminés pour des années, voire des centaines d'années.

Il faut traiter le problème. À mon avis, ce n'est pas en inventant une nouvelle organisation administrative que nous le traiterons. Il faut agir : dresser cette cartographie, procéder aux contrôles nécessaires et s'assurer que la population ne consomme pas de produits contaminés. Voilà ce qui importe. Je n'ai pas d'idée particulière en matière d'organisation. Lorsqu'un problème nous empêche d'effectuer nos contrôles, croyez bien que nous sollicitons le ministre en demandant un instrument juridique supplémentaire. C'est ce qui a été fait sans trop de difficulté dans la loi EGALIM. À ce stade, je ne sais pas quoi inventer d'autre. L'État doit certes engager les moyens nécessaires, mais il me semble que le Président de la République a été très clair à ce sujet.

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Si je peux me permettre, Madame la directrice, vous avez, à plusieurs reprises, parlé de personnes en situation irrégulière. D'où tenez-vous cela ? Qui vous a donné cette information ? Comment pouvez-vous le quantifier ?

Il y a certainement des personnes en situation irrégulière en Martinique ou en Guadeloupe, mais pas dans des proportions telles que vous puissiez réduire à cela la vie locale de tous les agriculteurs locaux. Je sais que vous n'avez pas dit cela, mais cela pourrait être interprété de la sorte. Ce n'est pas exact, il faut donc lever cette inexactitude.

Nous accueillons en Martinique des étrangers d'origine haïtienne, sainte-lucienne ou dominicaine. Nombre d'entre eux sont, il est vrai, des exploitants agricoles, mais en situation régulière. Puis, certains aussi sont en situation irrégulière. Nous avons aussi l'arrivée de produits non contrôlés des îles voisines qui, parfois, sont vendus sur les routes. Donc, il ne faut pas donner le sentiment que, comme il existe des situations irrégulières, vous ne pouvez pas contrôler et que c'est ce qui motive l'organisation.

Mais j'ai bien compris votre propos et, personnellement, je trouve votre message très positif. Vous dites clairement, premièrement, que vous orientez vos contrôles vers le secteur informel. Puis, à la question de nos collègues concernant les moyens que vous vous donnez pour le faire – même si, de notre point de vue, vous conservez les principes de fonctionnement classiques de contrôle, cela n'ira pas très loin – vous avez répondu, deuxième bonne nouvelle, qu'il fallait relier l'action de contrôle aux actions de sensibilisation et de médiation. C'est très bien.

Le Président de la République a donné une très bonne orientation, celle d'aller sur le circuit informel. Mais le problème est qu'il l'a fait dans le vide, puisque vous ne cohabitez pas, tous les éléments ne s'imbriquent pas dans une stratégie territoriale. Vous faites votre travail, la police fait le sien, les médiations n'existent pas. La teneur en pollution des sols n'est pas détectée dans sa totalité, les pratiques culturales ne sont pas connues, les parcelles à morne, plates ou de fond de ravine ne sont pas identifiées. La nature du sol n'a pas fait l'objet de mesures, nous ne savons toujours pas quels types de sol connaissent la pollution la plus rémanente.

Nous découvrons que cette question suscite de très bonnes intentions, y compris présidentielles, inapplicables et inefficaces tout simplement parce que le travail se fait en silo, pour reprendre la figure employée par Madame Annie Chapelier. Ne le prenez pas mal, cette remarque ne s'adresse pas particulièrement à vous.

Voilà ce que nous ressentons, et cela peut encore durer quarante ans, et nous aurons perdu 87 ans. Donc, franchement, que représentent 7 % des sols ? En Martinique, nous comptons 24 000 hectares de surface agricole utile (SAU) : 12 000 hectares sont pollués, soit la moitié de la surface agricole du pays. Nous sommes condamnés à l'importation. Si nous n'entrons pas dans un véritable processus, c'est la fin !

Mes paroles s'adressent aussi aux acteurs locaux, notamment aux institutions locales qui auraient pu vous accompagner dans un processus d'appropriation du mal pour en faire un bien. Nous pourrions peu à peu aller vers une mutation agricole puissante qui nous permette de traiter enfin la question de la production endogène. Nous sommes extrêmement légers sur cette question, car c'est bien la production endogène qui est condamnée par le chlordécone. Ce n'est pas la banane, qui continue à prospérer ; ce n'est pas la canne à sucre, ce n'est pas le rhum, qui continue aussi. Le chlordécone ne monte pas au cocotier… dans les bananiers ! (sourires.) C'est un drame parce que ceux qui l'ont utilisé ne sont pas ceux qui en subissent les dommages. C'est une injustice impressionnante. Cette question du chlordécone est, pour moi, une injustice. Ce qui s'est passé s'est passé, mais c'est une injustice pour ceux qui en subissent le préjudice sans en être à l'origine.

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Monsieur le président, j'ai bien entendu Madame la directrice dire qu'elle savait et qu'elle avait conscience que cette contamination atteignait les terres pour des siècles, quatre à sept siècles, aussi bien en Guadeloupe qu'en Martinique. Elle a bien dit également que le problème est global, Monsieur le président. Elle insiste sur l'intérêt d'assurer une meilleure cartographie et d'agir – et d'agir vite – où que nous soyons, pour mutualiser et pouvoir converger vers des produits – et je vous cite, Madame – « sûrs ».

La difficulté, et c'est bien toute la difficulté, est comment savoir qu'un produit est sûr. Cela m'amène à deux interrogations. Tout d'abord, comment nos commerçants peuvent-ils vérifier la teneur en chlordécone ? Le petit commerçant peut-il appeler les contrôleurs de la DGCCRF pour vérifier les fruits et légumes qu'il a achetés en quantité ?

Ensuite, s'agissant des différents plans chlordécone que vous avez mentionnés en indiquant qu'il fallait agir ensemble, dans l'intérêt de tous et mutualiser, quelle est votre contribution ? Je pense notamment à l'avenant du plan chlordécone III, mais aussi à la contribution que vous pensez apporter pour améliorer le plan chlordécone IV à venir.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

S'agissant de la commercialisation des produits, pour s'assurer qu'ils soient sûrs, il faut une bonne traçabilité des produits. Il faut donc savoir à qui le produit a été acheté et sur quelle terre il a été cultivé. C'est cette traçabilité qui permet d'évaluer s'il y a un risque de contamination. Cela fonctionne plutôt bien dans le circuit formel.

Les contrôles et les analyses nous incombent mais, lorsque nous ciblons, nous étudions la traçabilité du produit, c'est-à-dire son parcours depuis l'origine. Nous ciblons nos contrôles sur le circuit informel mais, au-delà des ventes en bord de route, parfois, dans des petits magasins, des produits sont aussi achetés sans facture. Cela pose problème ,car il n'est pas possible dans ces conditions de retrouver qui les a vendus et de connaître leur provenance. Ce sont pourtant des éléments essentiels.

Nous sommes impliqués à plusieurs titres dans les plans chlordécone. J'ai essayé de vous le présenter aujourd'hui, mais, pour résumer, nous renforçons les contrôles, en particulier sur le circuit informel et, donc, sur la production locale. Nous intervenons également sur certaines productions industrielles, notamment sur l'utilisation des eaux de captage par les industries agroalimentaires. Nous vérifions, par exemple, que l'eau utilisée pour la fabrication du rhum n'est pas contaminée. Nous aidons au développement de la traçabilité des produits agricoles dans tous les circuits de distribution, c'est-à-dire que nous vérifions.

Nous évaluons également si les LMR doivent être modifiées. À l'heure actuelle, les différents ministères de tutelle de l'ANSES l'ont saisie afin qu'elle réexamine les valeurs toxicologiques de référence. Ce sont les analyses de risque liées à un produit dans une matière qui permettent de définir les LMR puisque ces limites réglementaires sont fixées en fonction des risques pouvant apparaître selon les produits alimentaires consommés. Si, à la fin de son étude, l'ANSES considère qu'il faut revoir les valeurs toxicologiques de référence, nous porterons la révision des LMR auprès de l'Union européenne puisque, comme je vous l'indiquais dans mon propos liminaire, ces LMR sont définies au niveau européen.

Enfin, notre laboratoire à Jarry est, bien évidemment, impliqué dans le développement des analyses de chlordécone dans les produits végétaux.

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Pourriez-vous nous faire parvenir les différentes zones de contrôle de vos agents, tant pour la Martinique que pour la Guadeloupe ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Ils ont une compétence départementale. Leurs contrôles concernent la totalité du territoire, sans zones particulières. Ils interviennent partout, notamment là où il y a des circuits informels.

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J'aurais toutefois souhaité disposer d'une cartographie des lieux des 243 prélèvements.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Vous voulez savoir où ont été faits les prélèvements, nous pouvons tout à fait vous le communiquer. Je pensais que vous vouliez savoir où ils se rendaient physiquement. S'agissant des prélèvements, nous vous adresserons un relevé.

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Je me permettrai de vous adresser un courrier pour vous demander des éléments statistiques sur le formel et l'informel.

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Nous pourrions donner le sentiment au travers de ce débat que toutes les productions locales sont de très mauvaise qualité et polluées. Je tiens à préciser qu'aujourd'hui, un effort conséquent est fourni par des producteurs, mais aussi, d'une manière générale, par les agriculteurs. Je pense bien sûr à la banane durable, puisque le chlordécone n'est plus utilisé. Mais je tiens surtout à ne pas faire peser de suspicion sur les petits agriculteurs, ceux qui sont en train de résister pour nous fournir en aliments de production locale.

Des efforts sont réalisés en ce sens. Même si le programme JAFA est critiqué par certains, ce processus est intéressant puisque les prélèvements des sols y sont financés par l'État. Il faut inciter à un meilleur accompagnement. Pour prendre l'exemple de Sainte-Marie, une organisation professionnelle de petits producteurs de cette commune du nord a fait en sorte que la production et que les produits vendus sur le front de mer soient traçables et de bonne qualité. Nous sommes en train de fournir un effort collectif. C'est le lot commun d'une stratégie à mettre en oeuvre. Mais, derrière la volonté du Président, je ne sens pas de stratégie commune. Je sens des raideurs institutionnelles, voire des institutions sur la défensive. Je sens de très bonnes volontés, mais des insuffisances de moyens.

Je tenais à le préciser, car je ne voudrais pas donner le sentiment que nous fustigeons la production qui continue à être produite sur des terres chlordéconées. Sur les terrains qui ne sont pas en JAFA, la prise en charge du prélèvement foncier est directement supportée par les producteurs. Cela fait encore l'objet de débats pour ce qui est des plus gros producteurs, car on peut imaginer qu'ils peuvent payer les prélèvements et les tests. En revanche, les petits producteurs installés sur des sols très pentus, disposant de faibles moyens, doivent pouvoir bénéficier de l'effort commun.

S'il n'y a pas d'autre question, je vous remercie, Madame la directrice générale, pour votre venue et vos réponses. Ce fut un débat franc et clair.

La réunion s'achève à onze heures dix.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 9 h 40

Présents. – Mme Ramlati Ali, Mme Justine Benin, Mme Annie Chapelier, M. Serge Letchimy, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon

Assistaient également à la réunion. – Mme Josette Manin, Mme George Pau-Langevin