Intervention de Denis le Paslier

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 14h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Denis le Paslier, chercheur en biologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

La deuxième diapositive montre le résultat des expériences menées en laboratoire et visant à vérifier si les sols martiniquais avaient bien la capacité de dégrader le chlordécone.

Nous avons mis en culture trois échantillons de sols représentatifs de la Martinique – andosol, ferralsol et nitisol – pour observer leur aptitude à dégrader le chlordécone. Pour ce faire, cinq grammes de chaque sol ont été mis en culture, en conditions de laboratoire, en présence d'une forte concentration de chlordécone – 40 microgrammes par millilitre – et nous avons laissé le tout incuber pendant deux mois.

Les graphes font apparaître les résultats des analyses effectuées par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (en anglais Gas chromatography-mass spectrometry ou GC-MS). Le premier jour, à l'issue d'un temps de rétention de vingt à vingt-deux minutes, on observe un pic de chlordécone pour chacun des trois sols.

Au bout de dix-huit jours, le pic de chlordécone a soit disparu, soit fortement diminué, tandis qu'un nouveau pic fait son apparition à l'issue d'un temps de rétention de seize minutes : il correspond au produit de dégradation B1, en général le plus abondant et celui que l'on détecte le mieux dans les échantillons environnementaux.

Enfin, au bout de soixante jours, on ne voit plus aucun pic de chlordécone – celui-ci est complètement dégradé –, mais on observe toujours le pic de produit de dégradation B1.

Cette expérience montre que les trois types de sols testés possèdent la capacité de dégrader le chlordécone, c'est-à-dire qu'ils contiennent les micro-organismes qui y sont nécessaires. Contrairement à toutes les études précédemment publiées et nonobstant le scepticisme de certains, les analyses chimiques montrent que la dégradation est bien opérante aujourd'hui dans les sols martiniquais – nous pensons pouvoir dire que c'est le cas pour l'ensemble des Antilles.

Ces résultats apportent des preuves irréfutables que le chlordécone se dégrade déjà bel et bien aux Antilles, dans des proportions importantes et de manière très répandue. Notre travail met en évidence pour la première fois l'existence d'une seconde pollution des sols antillais, qui n'est pas due au chlordécone lui-même, mais à ses produits de dégradation, qui sont également des produits chlorés mais présentent des structures tout à fait différentes. Cette pollution est également présente dans les eaux de rivière – en l'occurrence, nous avons analysé la rivière Galion et sa mangrove. C'est un changement de paradigme profond dans la gestion de cette crise sanitaire.

La troisième diapositive résume quelques-unes des questions soulevées par nos travaux et évoque des axes de recherche possibles.

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