Sur les deux, monsieur le président.
Aujourd'hui, ce que nous disent les experts des Antilles que j'ai sollicités avec l'ARS de Guadeloupe, c'est qu'au stade des connaissances actuelles, le dosage individuel de chlordéconémie ne se justifie pas au plan médical. En effet, il est difficile à interpréter, ce qui est quand même un problème pour un test, en raison de la variabilité de l'exposition et de l'impossibilité à la caractériser. J'avais donné un exemple un peu caricatural, lorsque nous nous étions rencontrés, il y a quelques semaines, sous la présidence de la ministre : un travailleur de la banane, qui a passé vingt ans à travailler dans les bananeraies, peut avoir aujourd'hui un dosage proche de zéro, parce qu'il a fait attention, parce qu'il a un jardin familial ou pour d'autres raisons encore, ce qui ne veut pas dire que cela efface toute son exposition pendant vingt ans ; inversement, un touriste qui passe quelques jours aux Antilles et qui utilise des circuits informels peut avoir un dosage positif, ce qui n'a pas du tout la même signification – cela n'a aucun intérêt de suivre cette personne.
Nous avons du mal à faire le lien, ce qui est problématique en médecine, entre un test et une décision. Le test doit-il déboucher sur une attitude thérapeutique ? Faut-il suivre les personnes ? Faut-il leur signifier qu'ils courent un risque particulier de pathologie, alors que la valeur sanitaire de référence, soit la valeur critique d'imprégnation, n'est toujours pas définie ? Cela étant, l'accessibilité locale au dosage est recommandée. Pour moi, elle est très importante, parce qu'il faut pouvoir suivre l'évolution d'imprégnation. Il faut surveiller l'impact des actions de prévention, dont beaucoup sont lancées par la population. Le dosage doit être le plus simple, officiel et local possible. L'institut Pasteur de la Guadeloupe, qui a l'expérience du dosage et qui est doté de l'équipement nécessaire, pourrait le faire très rapidement. Il a demandé une accréditation, qu'il pourrait obtenir d'ici à la fin de l'année.
Par ailleurs, parce que la question est fondamentale et que les Antillaises et les Antillais n'arrêtent pas de me la poser, je pense qu'il faut lancer une étude de recherche clinique le plus vite possible, comme je vais le suggérer aux directeurs généraux des ARS et aux universitaires que j'ai rencontrés. Le but serait de proposer sur place aux personnes qui le souhaitent d'être incluses dans un protocole permettant de doser le chlordécone et de voir si le test est pertinent, s'il a un impact thérapeutique, s'il rassure ou inquiète – il pourrait rassurer certaines femmes enceintes, par exemple, mais en inquiéter d'autres. Il faut pouvoir suivre l'impact du dosage sanguin et en vérifier la pertinence sur plusieurs mois dans un cadre universitaire antillais.