Il est très compliqué de déterminer cette valeur, car nous ne disposons d'aucune donnée.
En pratique, pour élaborer une valeur critique d'imprégnation, il faut des données humaines. Nous savons que sur 10 000 femmes qui ont une dose de neuf ou dix grammes d'hémoglobine, les risques de malaises vagaux sont augmentés.
Pour établir cette valeur critique, il faut corréler les taux de chlordéconémie avec des événements cliniques. C'est ce que nous avons demandé à l'ANSES.
Pour déterminer la stratégie de dépistage, nous avons saisi la Haute Autorité de santé. Elle doit trouver des éléments afin de décider si le dépistage doit concerner tout le monde, ou se concentrer sur certaines populations telles que les femmes enceintes ou les enfants.
Vous m'avez demandé quelles recherches cliniques pouvaient être réalisées. Je trouve choquant que des associations fassent des tests, localement, sans prise en charge et sans accompagnement. Les populations ont droit à une prise en charge de qualité, dans le cadre d'une recherche clinique, avec un protocole, un suivi psychologique et médical, et les prélèvements devront être pris en charge.
Il ne faut pas continuer à réaliser des prélèvements sans aucune recommandation, payés par les Antillais, alors que dans deux ans, nous pourrions être amenés à conclure que ce test n'est pas utile. Nous pouvons rapidement acquérir des connaissances, et si elles venaient à démontrer l'utilité de ce test, sur tout ou partie de la population, il faudra évidemment le prendre en charge. Nous devons rapidement obtenir des données fiables, et je ne comprends pas que l'on persiste avec des circuits parallèles dans lesquels les gens paient pour un test qui n'est pas fiable, et qui n'est pas pris en charge par la sécurité sociale.
Il est donc urgent d'avoir ces éléments, et c'est uniquement sur place que nous pouvons les recueillir. Il faut que les Antillais participent à un suivi hospitalier, avec les centres hospitaliers universitaires (CHU) des Antilles, et que l'on choisisse les populations les plus vulnérables et les plus exposées. Nous pourrions expliquer à une femme en début de grossesse que nous nous interrogeons sur l'intérêt de mesurer la chlordéconémie, et lui proposer de suivre l'évolution de son taux. Et après la naissance, selon le déroulement de la grossesse et la santé du nouveau-né, nous pourrons corréler les événements survenus aux taux de chlordécone relevés. Cette étude peut être mise en place assez vite, j'ai proposé aux hôpitaux universitaires et à l'ARS de travailler très rapidement à un protocole. Nous pouvons vraiment les aider, nous pouvons financer des protocoles hospitaliers de recherche clinique, car le chlordécone est une priorité. Nous pourrions ainsi obtenir des données très fiables et structurées, dans l'intérêt des populations antillaises.